Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

This blog is © Miklos. Do not copy, download or mirror the site or portions thereof, or else your ISP will be blocked. 

3 octobre 2005

Numérisation du patrimoine culturel : la commission européenne s’en mêle

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 10:49

La Commission européenne a annoncé le vendredi 30 septembre 2005, « ses plans pour créer des bibliothèques numériques européennes » afin de « rendre le patrimoine écrit et audiovisuel de l’Europe accessible sur l’internet ». Trois domaines d’action sont identifiés : « la numérisation, l’accessibilité en ligne et la conservation numérique ». Une consultation en ligne est lancée jusqu’au 20 janvier 2006 pour « recueillir des commentaires sur une série de questions » dans le but de parvenir à « une proposition de recommandation relative à la numérisation et la conservation numérique » d’ici juin 2006. Les résultats de cette consultation seront notamment « exploités » dans le cadre de « l’examen des règles relatives aux droits d’auteur dans l’Union européenne », prévu en 2006, et de la « mise en œuvre des programmes communautaires de recherche et de développement », prévue pour 2007.

« Rendre les fonds des bibliothèques et des archives de l’Europe disponibles sur l’internet n’est pas une mince affaire », souligne la Commission. Il s’agit de numériser des documents « de natures très diverses » (supports écrit, photo, audio, vidéo – enfin ! on ne pense plus qu’au texte, il était temps) choisis parmi les quelque « 2,5 milliards de livres et de périodiques reliés dans les bibliothèques européennes » et les millions d’heures de films et de matériel vidéo « qui se trouvent dans les archives audiovisuelles des organismes de radiodiffusion » (et ailleurs, alors ?). La Commission note que « plusieurs initiatives ont déjà vu le jour dans les États membres (tiens, où ça ?), mais cela se fait en ordre dispersé ». Une politique commune, qui associerait le secteur privé, doit donc permettre d’« éviter de créer des systèmes incompatibles entre eux, et de faire deux fois le même travail ».

La saison musicale et l’autre

Classé dans : Musique — Miklos @ 8:01

C’est l’automne. Les gens commencent à renifler, à toussoter. À suçoter un bonbon après avoir déplié le papier qui l’enveloppe, dont le bruit est aussi terrible, dans un concert, que celui de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain1. Surtout quand cela se passe entre deux mouvements d’une sonate de Mozart (en si bémol majeur, K. 454), celle que jouaient samedi dernier au Théâtre de la Ville le violoniste Gil Shaham et son compère le pianiste Itamar Golan, le premier un homme pressé, qui montait sur scène presque en courant, devançant de plusieurs mètres son partenaire élégant tout en noir qui l’accompagnait posément, comme il le fit d’ailleurs tout au long du concert.

La première partie du concert avait débuté avec la Romance en fa mineur op. 11 de Dvořák, dans laquelle on a pu admirer le son magnifique du violon (un Stradivarius de 1699) — même si le vibrato semblait trop présent, et donc quelque peu maniéré — et la force tranquille du piano. Quand ils sont passé à Mozart, je me suis senti curieusement étranger à ce qui se passait sur scène, malgré l’humour du premier mouvement (dans la conversation en forme de badinage des deux instruments) : le son du piano m’a semblé trop étouffé, arrondi ; il lui manquait la clarté cristalline et incisive que j’associe à la musique de Mozart, surtout dans les passages les plus rapides ; était-ce dû à la mécanique du Steinway (auquel cas j’aurais préféré un Pleyel) ou à l’articulation du pianiste ? Quant au violon, dans le troisième mouvement surtout, je l’ai trouvé soudain trop criard.

Est-ce pour cela que le public, qui pourtant avait applaudi à tout rompre, toussotait dès que l’occasion s’en présentait ? En tout cas, il s’en est bien retenu durant la deuxième partie du concert, consacrée à Prokofiev. Serait-ce parce que sa musique est plus intimidante que celle de Mozart ? En tout cas, ce fut une performance splendide, à commencer par les Cinq mélodies op. 35, suivies par l’incroyablement belle Première sonate op. 80, dédiée à David Oïstrakh2. Dans son premier mouvement, les basses du piano, jouées avec une force pondérée, lui donnaient une intensité tragique voire funèbre, qui s’est résolue plus tard par des arabesques du violon, que l’on a retrouvé dans le dernier mouvement, après un andante poétique et doux. Sans conteste, c’était le plus beau moment du concert, une interprétation à faire taire le sens critique, une œuvre saisissante. Ce constat m’a surpris, mes goûts me portant en général plus vers Mozart — peut-être parce que je le connais bien mieux — que vers Prokofiev, que j’avais toutefois découvert dans mon enfance avec Pierre et le Loup, puis par sa Symphonie classique (qui mérite bien son nom) et par la si belle cantate Alexandre Nevski composée pour le film épique d’Eisenstein. Cette dernière, d’une grande ampleur orchestrale et vocale (ah, les chœurs… !), d’ailleurs, parle à mon atavisme russe.

Le public voulait un rappel, il l’a eu — une petite pièce de Dvořák (une danse slave ?) légère et sympathique — puis s’est précipité vers la sortie.

Moi, je me suis précipité vers mes disques pour y retrouver ce que j’avais de Prokofiev, et j’y déniche sa Toccata op. 11 pour piano, une œuvre d’une virtuosité étincelante qui prend toute sa mesure sous les doigts de Vladimir Horowitz, dans un enregistrement vertigineux datant de 1947. Quel plaisir !


1  Jacques Prévert, La Grasse matinée.
2 Dont j’ai un enregistrement de la Deuxième sonate avec Vladimir Yampolsky au piano. Cette sonate fut écrite à l’origine pour flûte et piano, et c’est Oïstrakh qui persuada Prokofiev d’en écrire une version pour violon et piano.

The Blog of Miklos • Le blog de Miklos