Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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31 décembre 2008

Le 22 à Asnières

Classé dans : Sciences, techniques — Miklos @ 0:22

« Ce rézeau me retient : ma vie est entre tes mains ;
Vien dissoudre ces nœuds. »

— La Fontaine, Le Chat & le Rat

« Le meilleur moyen de ne pas être dérangé au téléphone, c’est d’être en dérangement. » — Fernand Raynaud

« … je te donnerai, (…) un joli carnet de chèques, avec un crédit de trois mille francs. C’est ça qui est chic, mon petit. Au lieu d’avoir les poches chargées de billon, tu entres dans un magasin, tu achètes ce que tu veux et, au moment de payer, tu détaches un chèque. » — Francis de Miomandre, Écrit sur de l’eau, 1908, p. 189.

Selon les versions anglaise et française de la Wikipedia, le téléphone aurait été inventé par Alexandre Graham Bell dans les années 1860. Lisons pourtant le texte qui suit, paru en 1858 dans L’Année scientifique et industrielle de Louis Figuier, qui mentionne une invention datant de 1842 :

Il faut donc chercher, pour ce cas [les besoins de la communication en mer], un autre genre de signaux, un moyen de transmission du son dont la portée soit très-considérable. Remettons au jour, s’il-le faut, le téléologue des anciens, qui transportait le son à de prodigieuses distances, et que les Phéniciens et les Carthaginois; ces peuples essentiellement navigateurs, avaient emprunté aux Égyptiens. Demandons à notre puissante industrie de composer, avec l’air comprimé ou la vapeur, un instrument sonore que l’on pourrait appeler le téléphone. (…)1. L’agent de transmission une fois trouvé, tous les cas sont prévus, toutes les difficultés sont levées (…).

C’est la note de bas de page qui est particulièrement intéressante :

1 Un instrument de ce genre a été imaginé par M. Sudre, et essayé au mois de mai 1842 (…)

Dans un article du National, du 13 mai 1842, M. Gustave Hecquet donnait au sujet de cet instrument de M. Sudre, qui fut essayé dans la salle Herz, les renseignements que nous allons rapporter :

« (…) Cet instrument, que M. Sudre a appelé téléphone, est, sans aucun doute, le plus puissant qu’on ait jamais inventé. (…) Ce formidable appareil est, au surplus, d’un assez petit volume; il n’occupe que peu d’espace, et ne serait d’aucun embarras sur un vaisseau. »

Il ne s’agit évidemment pas du téléphone électrique que nous connaissons, mais le mot a été inventé en 1842, et le commentaire de Louis Figuier, « l’agent de transmission une fois trouvé », était prémonitoire, mais pas dans le sens où il l’imaginait. Voici ce qu’en disait Le Larousse pour tous au début du siècle dernier :

Comme bien d’autres inventions, le téléphone s’est subrepticement introduit dans notre vie quotidienne. Il y prend dorénavant une place prépondérante ; il nous accompagne partout, bien plus qu’un chat domestique ou qu’un chien de compagnie. Il nous sonne, il nous réveille, il nous indique le chemin dans la ville et nous permet de surfer sur le web, il nous propose de jouer tous seuls quand personne ne veut jouer avec nous, il fait office de lecteur Mp3 et de téléviseur ; quand on ne veut y parler, son clavier exerce nos pouces comme ceux des autres primates supérieurs et simplifie enfin notre langue. Il soulage les mamans qui peuvent à tout instant appeler leurs bambins de 7 à 77 ans, il relie à distance et facilite les ruptures. Il est l’appareil photo discret qu’autrefois seuls des James Bond pouvaient s’offrir, il enregistre discrètement une remarque déplacée, il conserve les adresses des amis, des amours et des amants. Bientôt, webcam/visiophone, il téléportera notre regard comme il le fait déjà pour nos voix. Bref, il est le fluide vital de l’homme moderne.

Mais comme dans un autre fluide tout aussi vital – l’eau –, la pollution n’a pas tardé à s’y mettre. Voici un SMS qu’on vient de recevoir du numéro 0630895320 :

Vous avez ete tire au sort a 9h09 et gagnez le CHEQUE n 4748438 ! App le 08997825** pr en connaitre le montant et le retirer !Merci

Pour ceux qui ne le sauraient encore : c’est un genre d’arnaque qui a cours depuis bien plus d’un an : le montant du chèque – pour autant qu’il y en ait un… – sera bien inférieur à celui que vous payerez en appelant le numéro indiqué qui est surtaxé (on le reconnaît à son préfixe 0899 – c’est le plus notoire et cher, mais il y en a d’autres). La seule réaction raisonnable et civique est de le signaler.

Les numéros surtaxés ont fait la fortune des fournisseurs d’accès internet, qui les ont choisis pour leurs lignes de support téléphonique. Cela continue pour certains, malgré la récente loi Chatel : celle-ci requiert que le temps d’attente aux services après vente des opérateurs internet soit gratuit (si l’appel est passé à partir d’une ligne fournie par l’opérateur), mais rien ne les empêche – et ils ne s’en privent pas – de facturer le temps de service, qui peut être fort long. Certains fournissent des alternatives : forums, chats avec un technicien… mais on peut se demander s’ils sont plus efficaces que les appels téléphoniques, sinon comme moyen d’évacuer sa rancœur à l’égard d’un service de qualité parfois douteuse, malgré leur obligation de résultat.

On vient d’en avoir encore un exemple. Une gigantesque panne a affecté une bonne partie du réseau tentaculaire de Free dans la nuit de lundi à mardi : pas de communication avec le reste du monde pendant plus de deux heures, à partir de 0h30. Plus de 120 messages se sont alors échangés entre les usagers frustrés dans le forum de Free consacré au dégroupage jusqu’au retour graduel du service – de lui-même ou non, impossible de le savoir, cette Grande Muette-ci n’ayant pas réagi aux nombreuses questions qui lui étaient posées. N’y avait-il personne à l’écoute, ou était-ce un refus systématique de reconnaître un disfonctionnement de leur service ? La page web de Free destinée à afficher l’état de son réseau a imperturbablement indiqué « aucun problème réseau détecté » durant toute la panne…

Quant au chat avec leurs techniciens, un des malheureux clients a raconté son dialogue laborieux, au petit matin, avec l’« assistance », humains programmés tels des robots à poser des questions-type même après qu’on leur en ait fourni la réponse et à répondre avec une amabilité de rigueur et par formules convenues (« Suivant les informations que vous m’avez communiqué et les constatations que j’ai effectué sur nos outils il s’avère que ce souci et d’ordre général. Nous vous invite de bien vouloir patienter le temps que nos vérifications aboutissent merci de votre compréhension ») pour finalement renvoyer le désespéré vers le site affichant l’état (prétendument excellent) du réseau…

On est curieux de savoir si la stratégie de cavalier seul de Free aura une quelconque influence sur la qualité de l’interopérabilité avec les autres opérateurs. En tout cas, on espère que la qualité de la relation client d’Alice, récemment rachetée par la maison mère de Free, aura une influence positive sur celle de sa grande sœur. Mais de sombres suppressions d’emplois sont prévues. Elles s’accompagnent de doutes voilés émis par certains syndicats sur la capacité de dialogue social de l’acquéreur. C’est dans l’air du temps, et le fond de l’air effraie (titre d’une affiche du Caveau de la République en 1990).

30 décembre 2008

Life in Hell: Terminal indigestions

Classé dans : Cuisine — Miklos @ 11:20

“There’s no good-bye, you just start walkin’
Out into the chill of the night
Wonderin’ if you timin’ was right
But you still can’t deny
It was good while it lasted”

— Sawyer Brown

- Der Baeckeoffe
- ¡Hola!
- Lord Sandwich
- The Pitbull

Who’s next?

(No relationship whatsoever with any current events anywhere on the globe)

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

28 décembre 2008

On ne se refait pas

Classé dans : Actualité, Histoire, Shoah — Miklos @ 13:09

« Dis-moi qui tu fréquentes, & je te dirai qui tu es. »Dictionnaire des proverbes françois…, Paris, 1747.

« Si tu fréquentes un homme vil, c’est que tu es de son rang. »Abu Tamman (cité par Évène)

Selon le Nouvel Obs qui le tient du Parisien, Dieudonné a fait ovationner au cours de son spectacle au Zénith vendredi dernier Robert Faurisson. Ce dernier est notoirement connu pour ses propos et ses activités négationnistes depuis de nombreuses décennies qui lui ont valu diverses condamnations et sa radiation de l’université française. Qualifié de « faussaire de l’Histoire » par Robert Badinter, il avait été débouté des poursuites qu’il avait intentées à son égard pour diffamation. On se souviendra aussi de sa participation à une conférence internationale qui s’était tenue à Téhéran en 2006, consacrée au « prétendu “Holocauste” des juifs [qui] est un mythe », propos qu’avait tenus à cette occasion le président iranien et rapportés par Faurisson.

D’autres amis de Dieudonné étaient présents dans la salle : « Jean-Marie Le Pen, son épouse et de nombreux adhérents du FN », selon Jacques Vassieux (cité par le Parisien).

27 décembre 2008

Loz mikh nisht alayn (ne me quitte pas)

Classé dans : Musique — Miklos @ 1:04

Betty Reicher à la Vieille Grille, le 10 janvier 2009

26 décembre 2008

Molière ? Cherche et tu trouveras.

Classé dans : Histoire, Littérature, Sciences, techniques — Miklos @ 20:26

« L’Illusion habite dans ces lieux (l’Elysée). » — Noël et Carpentier, Dictionnaire…, 1831.

« L’impunité commence par rendre les lois inutiles, et finit par les rendre ridicules. » — Ibid.

« L’évêque de Bellay définit [la politique], ars non tam regendi, quam fallendi homines (l’art de tromper les hommes, plutôt que l’art de les gouverner). » — Ibid.

« L’inconsistance des idées, du caractère d’un ministre, d’un gouvernement, sont des expressions très-claires. » — La Harpe, cité par Noël et Carpentier, ibid.

C’est en cherchant des utilisations du mot « encyclopédie » au XVIIe siècle que Google Books a renvoyé l’ouvrage suivant, qui ne manquera pas d’étonner les bibliophiles :

Selon la notice, il s’agit du Théâtre complet illustré d’un certain Théodore Comte Molière, publié par la Bibliothèque Larousse en 1669… Si la vignette indique bien M.DC.LXIX comme date – mais cela peut être trompeur, comme on le verra tout à l’heure – on y distingue les noms de l’auteur, « I.B.P. de Moliere », et de l’éditeur, « Iean Ribov ».

Le terme « encyclopédie » existait déjà au moins depuis un siècle : le Trésor de la langue française en fournit une citation tirée de chez Rabelais en 1532, et une autre assez curieuse datant de 1680, « mot qui a vieilli, & qui ne se dit guere que dans le burlesque » (Richelet, Dictionnaire françois). Voltaire, qui n’avait pourtant pas lu la Wikipedia, dit de l’Encyclopédie que c’est un habit d’harlequin, où il y a quelques morceaux de bonne étoffe, et trop de haillons. Cette information nous provient d’un ouvrage de Noël et Carpentier dont le titre ne peut que susciter l’irrépressible envie de le lire ou de le feuilleter : Philologie française ou dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique, littéraire, contenant un choix d’archaïsmes, de néologismes, d’euphémismes, d’expressions figurées ou poétiques, de tours hardis, d’heureuses alliances de mots, de solutions grammaticales, etc. pour servir à l’histoire de la langue française, publié à Paris en 1831. On y trouve aussi des définitions et des citations qui sont toujours d’actualité (cf. en exergue), même si certaines sont assez surprenantes (celle qui suit est reprise par les auteurs quasi textuellement de l’Encyclopédie de Diderot) :

Larron, s. m. On appelait originairement de ce nom des gens plein de bravoure qu’on engageait par argent, et qui se tenaient aux côtés de ceux qui les avaient engagés ; ce qui les fit appeler laterones, et par ellipse latrones. (…) Mais l’indiscipline s’étant glissée parmi eux, ils se mirent à piller, à voler, et latro se dit pour voleur de grand chemin.

Mais revenons à l’ouvrage en question. Pierre Larousse, fondateur de la maison qui porte encore son nom, étant né en 1817, on voit mal comment il aurait publié ce livre quelque deux cents ans avant son Grand dictionnaire universel…. En fait, il s’agit du cinquième tome du Théâtre complet de notre Molière national (comme l’affiche sa page de titre), publié en 1909 (comme l’indique une mention marginale microscopique en toute dernière page), avec des notices et annotations d’un Théodore Comte. La vignette est la page titre de l’édition originale de 1669. Les informations fournies au lecteur en ligne – par un catalogueur fatigué ou un moteur inculte – confondent ces deux éditions que 240 ans séparent.

Cette édition-ci ne manque d’ailleurs pas d’intérêt pour l’extrait du catalogue de la Bibliothèque Larousse disponible alors (1909, pas 1669) :

On ne saurait trop vivement leur recommander de rééditer sans attendre :

et, pour ceux qui auraient résisté aux miroirs aux alouettes, cet opuscule :

Enfin, dans la collection Livres d’intérêt pratique, on leur suggère une version actualisée et moins sexiste de :

l’homme devant être informé, tout autant que la femme, des principes de l’hygiène.

Google Books ne fournissant en accès intégral que ce cinquième volume (tout en mentionnant les autres), il est intéressant de se tourner vers Gallica2. Après tout, cette édition n’est plus sous droits. Mais lorsque l’on y recherche le théâtre complet illustré de Molière, on en trouve les tomes 4, 5, 7, 8 et 11 (un prix sera décerné à la personne qui trouvera la formule mathématique ayant généré ces nombres entiers) d’une édition de la fin du XIXe siècle. Impossible de savoir ce qu’ils contiennent sans les consulter – en mode image uniquement, d’ailleurs. Quant à la recherche avancée où l’on indique « Molière » comme auteur et « théâtre complet » (même pas illustré) comme titre, elle répond : « Aucun document ne correspond aux termes de recherche spécifiés. » Quant à Europeana – qui est en version de test – elle ne propose encore aucun de ces volumes.

D’autres recherches fournissent des résultats parfois surprenants. Ainsi, si l’on souhaite trouver les versions intégrales des ouvrages en français dont l’auteur est Molière (avec l’accent), Google en fournit dix-neuf, mais si on limite la requête en y rajoutant que le titre doit comporter le mot « œuvres », il en trouve vingt-cinq… Ce n’est qu’en les consultant un à un qu’on constate qu’il s’agit en général de volumes choisis d’éditions complètes, non pas de l’ensemble. Quant à Gallica2, lorsqu’on lui demande tous les ouvrages dont Molière est l’auteur, elle répond avec une liste de 119 titres ; en affinant pour ne garder que les 77 de « Molière (1622-1673) (77) », on récolte 112 résultats, dont le premier est J2EE / Molière (Jérôme), publié en 2005, et dont l’auteur « connaît les arcanes de Java et J22 qu’il pratique depuis leur apparition… » Europeana fournit une liste de 107 résultats, dont la première page ne comprend que des « Oeuvres de Molière. Tome… », littéralement. Impossible de savoir de quel tome il s’agit sans cliquer une fois (et on n’en découvrira alors que le numéro), et de ce qu’il contient sans consulter la version (image) du document en question…

On ne boudera pas ces services : après tout, ils fournissent, chacun en son genre, un volume conséquent de contenus utiles, intéressants, informatifs ou curieux, autant pour l’amateur que le professionnel. Mais c’est ce volume lui-même qui y rend la recherche ardue, faute d’interfaces plus efficaces pour l’utilisateur : équivalences sémantiques, informations plus détaillées sur la nature des contenus dès le premier niveau des réponses, possibilités de regrouper, de trier et de filtrer, de rechercher dans les contenus, de les feuilleter facilement, de les annoter et de les télécharger, etc. Bien de documents risquent d’être tout aussi peu consultés que leurs originaux sur les étagères des bibliothèques partenaires si cet aspect n’évolue pas.

Pour en revenir à Google Books, on avait déjà signalé la fantaisie dans le signalement des dates d’édition de certains titres. Mais il ne s’agit pas toujours d’erreur de catalogueur ou de « La Machine » : la page de garde de l’ouvrage ci-dessous, consacré à la Marquise de Pompadour, affirme qu’il a été imprimé rue de la paix en 1658, près de 63 ans avant la naissance de son sujet et 143 avant celle de son auteur. Quant à la rue de la paix, adresse de l’éditeur, elle n’a été percée qu’après la révolution française. Ce n’est qu’une curieuse coïncidence, mais le corps de ladite Marquise avait été enseveli dans le caveau des Trémoille au cimetière du couvent des Capucines, au-dessus duquel a été tracée cette rue. Le livre a été réellement imprimé en MDCCCLVIII.

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