Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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7 novembre 2009

La grande dame et l’hyène

Classé dans : Récits — Miklos @ 17:53

« La Thénardier hideuse avec sa bouche d’hyène et la colère flamboyante dans ses yeux. » — Victor Hugo, Les Misérables, III, 5.

La grande dame est malade. L’hyène à la longue queue tressée tourne autour, se fait douce et courbe son échine déjà courbée.

La grande dame est maintenant sous morphine. L’hyène se rapproche. Elle s’affaire à son chevet. La grande dame est morte.

Au cimetière arrive la nièce aux cent animaux, accompagnée de son tonton, le mari de la grande dame. Il est dans une urne qu’elle transporte dans une petite charrette.

Les amis de la grande dame sont là. Ce sont ses élèves d’il y a cinquante ans et ceux de maintenant. Ils partageant tous l’amour de la musique et leur affection respectueuse pour celle qui sut, avec rigueur, exigence et patience, leur transmettre son grand savoir.

Ils ne sont pas tous là : l’hyène a prévenu certains que la cérémonie était repoussée de quelques heures, ce qui n’est pas le cas, et demandé à d’autres de ne pas venir pour respecter les dernières volontés de la grande dame.

L’hyène tourne autour avec méfiance. Elle se précipite vers tout nouvel arrivant. Tout sourire, elle masque mal ses crocs et essaye de l’écarter du groupe des amis. Dès que l’un d’eux se rapproche de la nièce, elle tente de s’immiscer. Les amis font corps.

Le maître de cérémonie s’approche. Il dit aux amis que l’hyène ne veut que personne d’autre qu’elle – et la nièce, qu’elle ne peut écarter – n’entre dans la salle où a lieu la cérémonie.

Les amis protestent. L’hyène hurle. La nièce pleure. Elle demande que les amis soient présents, sa tati lui avait dit que cent personnes entoureraient son catafalque. Les amis ne sont pas cent, l’hyène y a pourvu. Le maître de cérémonie acquiesce.

La cérémonie commence. L’hyène veut s’asseoir à côté de la nièce. La nièce résiste. Quelques amis entonnent un cantique. Répands sur nous le feu de ta grâce puissante, que tout l’enfer fuie au son de ta voix.

Une amie dit quelques mots en hommage au maître dévoué que fut la grande dame. Une autre amie lit un poème. Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites que ce soit par un jour où la campagne en fête poudroiera. C’est une belle journée ensoleillée.

4 novembre 2009

Du progrès, ou, quand le mieux est l’ennemi du bien

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 1:12

Il y a trois ans, j’avais découvert avec émerveillement un logiciel à usage domestique (voire professionnel, pour petites bibliothèques), Book Collector, qui m’avait permis de cataloguer en très peu de temps quelque 4.500 des livres de ma bibliothèque personnelle. Facile d’utilisation, rapide, il suffisait de lui fournir un minimum d’informations – le code ISBN, ou, à défaut, le titre et l’auteur de l’ouvrage – et il rapatriait tout aussi rapidement nombre d’informations en provenance de sources que je pouvais sélectionner dans une liste : bibliothèques nationales (BnF, Bibliothèque du Congrès…), librairies en ligne (Amazon, Barnes and Noble…)… Ces informations (nombre de pages, édition, langue, traducteur, éditeur, date de publication…, image de couverture, résumé) – parfois complémentaires, parfois contradictoires – pouvaient être retenues ou non, fusionnées, complétées à partir de mon exemplaire, pour être finalement enregistrées sur mon disque dur.

Las, ce logiciel s’est perfectionné, et en ce faisant, a perdu de sa souplesse, de sa rapidité, de sa précision et de son originalité – et donc, pour moi du moins, de son utilité.

Tout d’abord, la version actuelle ne permet plus de choisir les sources d’information : tout provient d’une seule et même base de données, celle de l’éditeur du logiciel. Hier, il s’est passé ce que j’avais prévu en apprenant cette « évolution » : un dysfonctionnement de cette base m’a empêché d’effectuer correctement le catalogage, certaines données n’étant plus rapatriées après un temps de latence insupportable. Ce phénomène ne pouvait se passer précédemment, lorsque de multiples sources distinctes étaient consultées indépendamment.

À long terme, cette nouvelle orientation consacre la dépendance absolue de la fonctionnalité de catalogage du logiciel sur l’existence de ce service centralisé fourni par l’éditeur : s’il décide de l’arrêter, ou si la société est rachetée ou disparaît, le logiciel ne permettra plus de cataloguer de nouveaux ouvrages. C’est contraire à un certain esprit du temps – celui des logiciels libres ou ouverts – mais bien dans la lignée de certains services qui forcent l’exclusivité (à l’instar de Google Books, qui ne permet pas l’indexation de ses contenus par d’autres moteurs de recherche que le sien).

Je ne sais d’où proviennent les contenus de la base de l’éditeur, mais elle est lacunaire (des six premiers ouvrages catalogués hier, deux n’ont pas été identifiés, et pourtant ce sont des ouvrages relativement récents). Pire, la qualité des informations y est médiocre : noms incomplets (par exemple, S. Zweig au lieu de Stephan Zweig), sous-titres non identifiés en tant que tels (mais accolés aux titres), graphie approximative (majuscules là où il n’en faut pas), nombre de pages de l’ouvrage et date de publication souvent incorrects ou correspondant à une autre édition, manque d’information à propos de la collection, des parties de l’ouvrage (titres des nouvelles le constituant, par exemple), des contributeurs (traducteur, éditeur scientifique, etc.). La correction de ces informations avant l’enregistrement dans mon catalogue s’en trouve donc singulièrement rallongée.

Un malheur n’arrivant jamais seul, j’ai constaté un ralentissement très significatif dans le fonctionnement du logiciel : lorsque l’on clique sur l’intitulé d’un livre dans le catalogue, il faut attendre plusieurs secondes jusqu’à ce que la notice correspondante s’affiche, tandis qu’auparavant cette ouverture était immédiate. Encore un facteur de ralentissement de la procédure de catalogage et de frustration.

Le support semble aussi quelque peu dépassé par les événements : auparavant, les réponses étaient quasi immédiates et pertinentes. Lorsque j’ai envoyé quelques remarques à propos de mes récents constats, les retours ont omis de répondre à certains points qui devaient les fâcher (par exemple : la baisse de qualité dans les informations rapatriées à partir de leur base). Pire, la réponse concernant le dysfonctionnement du nouveau lecteur de codes à barre que je venais d’acheter chez eux était erronée et aberrante : selon eux, il fallait changer les options régionales et linguistiques de l’ordinateur pour les fixer à « Anglais (US) » pour que ce lecteur fonctionne… M’étant adressé alors directement au constructeur du lecteur, j’ai reçu quelques heures plus tard la démarche à effectuer pour paramétrer le lecteur afin qu’il fonctionne correctement.

Si, alors, je conseillais bien volontiers l’utilisation de ce logiciel, ce n’est plus le cas  les récentes évolutions sont apparemment destinées à faciliter l’usage du logiciel pour le grand public – le moins de choix, de clicks et d’interventions manuelles possible – au dépens d’une certaine qualité (ou d’une qualité certaine) de l’information. Pour l’éditeur, ce qui compte surtout pour la majorité de sa clientèle, ce sont les rajouts d’image de couverture, de résumé, et tout autre choix n’est qu’une posture idéologique rétrograde. Pour ma part, je ne sais encore si je suis condamné à continuer à m’en servir au vu du volume de données que j’y ai déjà saisi, ou aurai-je la chance de trouver une alternative plus fonctionnelle vers laquelle je pourrai migrer. J’ai commencé à chercher.

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