Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

This blog is © Miklos. Do not copy, download or mirror the site or portions thereof, or else your ISP will be blocked. 

27 avril 2011

Mange-moi !

Classé dans : Cuisine, Littérature, Photographie, Théâtre — Miklos @ 22:48

Georgette : Je veux qu’il me mange, moi ; je veux qu’il me mange.

Harny de Guerville, Georget et Georgette, opéra-comique en un acte, 1768.

Boude-moi, gronde-moi, mange-moi, bats-moi, tu en passeras par là, ou tu abjureras ton titre d’épouse (…)

Mirabeau, [lettre écrite du donjon de Vincennes le 1er avril 1779 à Sophie Ruffei], 1er avril 1779.

« Hou côné, Mchié, qui li dire môa cha dinde là ? Schongor, mandjé môa, mandjé môa, mandjé môa ! »

« Hou côné, Mchié, dipis mo djenfant mo todjou gagné bon léquière : mo napas content tendjé doumoundou dimandjé chouvent quiquichojo. Pou fai li plaidji mo coupé cho licou, mo metté li dans mamitté, mo mandjé li. »

(« Vous savez, Monsieur : ce qu’il me disait, ce dindon-là ? — Schongor, mange-moi, mange-moi, mange-moi ! »

« Vous savez, Monsieur : depuis que j’étais enfant, j’ai toujours eu bon cœur : je n’aime pas entendre du monde demander souvent quelque chose. Pour lui faire plaisir je coupe son cou, je le mets dans la marmite, je le mange.)

Jules Faine, Le créole dans l’univers. Tome I : Le Mauricien. Imprimerie de l’État, 1939.

Vous saurez que Monsieur avait mis sur sa table
Un beau citron confit, d’apparence admirable ;
Et comme par devant fort souvent je passais :
Mange-moi, mange-moi, disait-il chaque fois.

Père du Cerceau, « Ésope au collège » (1714), in Œuvres de du Cerceau contenant son théâtre et ses poésies. Paris, 1828.

Seigneur hôte, reprit l’hôtelier, ce que j’ai véritablement ce sont deux pieds de bœuf qui ressemblent à des pieds de veau, ou deux pieds de veau qui ressemblent à des pieds de bœuf. Ils sont cuits avec leur assaisonnement de pois, d’oignons et de lard, et disent, à l’heure qu’il est, en bouillant sur le feu : Mange-moi, mange-moi.

Miguel de Cervantes, L’ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, trad. Louis Viardot. Paris, 1827.

Elle aperçut alors une petite boîte en verre qui était sous la table, l’ouvrit et y trouva un tout petit gâteau sur lequel les mots « Mangez-moi » étaient admirablement tracés avec des raisins de Corinthe. « Tiens, je vais le manger, » dit Alice.

Lewis Carroll, Aventures d’Alice au pays des merveilles. Trad. de l’anglais par Henri Bué. Macmillan and Co., 1869.

26 avril 2011

La méthode Coué

Classé dans : Photographie, Santé — Miklos @ 23:12

La notion d’autosuggestion est associée au nom d’Émile Coué, et c’est souvent avec une dédaigneuse dérision qu’est considérée sa méthode. Émile Coué était pharmacien ; l’exercice de cette profession développa chez lui le sens du contact et la pratique de la suggestion. Sa bienveillance le portait à donner les conseils appropriés à la prescription pour en améliorer l’efficacité. Ces conseils, qui avaient vertu d’encouragement à la guérison, s’avéraient de véritables suggestions de soulagement, compte tenu de la qualité thérapeutique des remèdes de l’époque. Un langage simple et direct associé à des pilules, qui souvent en étaient le simple support, ne tarda pas à attirer une bonne renommée à sa pharmacie.

(…) Sa théorie prend pour fondement la prévalence de l’imagination sur la volonté en une loi dite de l’« effort converti » : « Chaque fois qu’il y a conflit entre l’imagination et la volonté, c’est toujours l’imagination qui l’emporte et, dans ce cas, non seulement nous ne faisons pas ce que nous voulons, mais nous faisons précisément le contraire de ce que nous voulons et plus nous faisons d’efforts volontaires, plus nous faisons le contraire de ce que nous voulons. » Il estime que l’imagination agit sur le subconscient et que la suggestion est le moyen le plus adéquat pour le diriger. Coué est le continuateur de Bernheim qui affirmait : « L’hypnose c’est la suggestion ! » La différence, c’est que Coué enseigne à ses patients à se suggestionner par eux-mêmes. Cette méthode n’est pas à ses yeux concurrente de la médecine, mais complémentaire. Sa simplicité s’exprime en ces termes : « Tous les jours à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. » Formule qui prendrait toute son efficacité, selon Coué, lorsqu’on s’installe confortablement dans un fauteuil pour la réciter à mi-voix, les yeux fermés, une vingtaine de fois matin et soir.

Coué avait voué son existence au soulagement de ses semblables et parcourait le monde pour dispenser ce simple message : la foi en la capacité de l’inconscient à agir, guidée par l’autosuggestion et l’attention soutenue. Sa brochure la plus célèbre qui s’intitulait La Maîtrise de soi-même, traduite en de multiples langues, popularisera son auteur dans le monde entier. Cependant, Coué ne perçut pas que sa méthode pouvait être détournée vers d’autres buts en utilisant son principe fondamental, la répétition. La sobriété de la méthode d’Émile Coué peut faire sourire, mais c’est celle qu’utilisent certaines sectes pour conditionner leurs adeptes ou plus ordinairement des parents en mal d’identité qui assènent des jugements négatifs et répétés à leurs propres enfants. C’est une perversion de la méthode de Coué qui insistait sur l’autosuggestion par la répétition et non une suggestion imposée par une personne extérieure. (…)

L’attention et le respect accordés à la parole sont des forces essentielles de notre vie et Coué a incarné tout au long de son existence ces principes fondamentaux. Actuellement, la force de la parole est évaluée partiellement dans les études d’efficacité d’un médicament en double aveugle, qui mesurent l’effet pharmacologique par rapport à l’effet placebo. Le médecin prescripteur ignore la nature chimique véritable du comprimé qu’il ordonne. Ces travaux pharmacologiques permettent d’affirmer que dans une certaine mesure la présence de la parole soignante est curative. Ces études sont aussi les héritières des travaux de monsieur Coué. Émile Coué n’a pas fondé d’école de psychothérapie, mais le soutien et la collaboration de Charles Baudouin et la filiation intellectuelle de Robert Desoille, créateur du « rêve éveillé dirigé » ont autorisé certains à nommer cette association « deuxième école de Nancy ».

Patrick Bellet, L’hypnose. Odile Jacob, 2002.

23 avril 2011

Place des Victoires

Classé dans : Architecture, Arts et beaux-arts, Histoire, Photographie, Sculpture — Miklos @ 18:06

Place des Victoires aujourd’hui (autres vues ici)

La place des Victoires telle que nous la connaissons aujourd’hui n’avait pas le même aspect lors de son inauguration : un imposant monument doré à la gloire de Louis XIV et de la Paix de Nimègue s’élevait en son centre (mis à bas à la révolution française et remplacé en 1822 par la statue équestre que l’on connaît, œuvre de Bosio ; certains éléments en sont conservés au musée du Louvre) ; d’autre part, sa forme a été gravement altérée au XIXe siècle par la percée de la rue Étienne-Marcel et le changement apporté à la partie droite de la rue Vide-Gousset.

Voici comment se présentait la place un siècle auparavant :

Les noms de rues neuves, et de Petits-Champs que portent plusieurs rues de ce quartier, dénotent qu’il en a été un des derniers habités ; en effet, j’ai ouï dire en 1715 au Commissaire la Mare, auteur du Traité de la Police, qu’il n’y avait pas encore cent ans qu’au milieu du terrain qu’occupe aujourd’hui la Place des Victoires, il y avait un moulin à Vent.

(…)

Ici finit la rue neuve des petits-Champs par une espèce de patte-d’oie, formée par les rues neuves des petits Pères, de la Feuillade et de la Vrillère. La rue neuve des petits Pères s’est longtemps nommée la rue Vide-gousset : nom qu’on lui avait donné de sa situation dans un quartier peu habité, et où l’on courait grand risque d’être volé, lorsqu’on y passait de nuit. Comme cette rue est le long de la grand-cour des Augustins déchaussés, dits petits-Pères, on lui a donné le nom de ces Religieux, et on a restreint celui de la rue Vide-gousset au petit bout de rue qui va du coin de celle du Mail à la Place des Victoires. (…)

C’est ici l’ouvrage de la reconnaissance de François vicomte d’Aubusson de la Feuillade, pair et maréchal de France, colonel des Gardes françaises, et gouverneur de Dauphiné, pour toutes les faveurs et toutes les grâces qu’il avait reçues de Louis le Grand. Jamais particulier n’avait encore entrepris de consacrer à la gloire de son prince un monument aussi magnifique, ni une si grande dépense. Dans cette vue, le maréchal duc de la Feuillade acheta en 1684 l’Hôtel de Senneterre, et le fit abattre pour y ouvrir cette place ; mais comme cet emplacement ne suffisait pas, il engagea le Corps de Ville à acheter l’Hôtel d’Emery, et plusieurs autres maisons qui furent toutes renversées pour ce dessein.

Malgré le renversement de tant de maisons, cette place n’est pas d’une grande étendue ; mais six rues qui y viennent aboutir la dégagent beaucoup et semblent la rendre plus grande qu’elle n’est en effet. Sa figure est un ovale irrégulier, qui a quarante toises de diamètre. Les bâtiments qui règnent au pourtour sont d’une même symétrie, et ornés de pilastres d’ordre ionique, soutenus sur des arcades chargées de refends.

Du milieu de cette place s’élève un monument qui a trente-cinq pieds de hauteur, vingt-deux pour le piédestal qui est de marbre blanc-veiné, et treize pour la figure de Louis le Grand. La statue de ce prince, et celle de la Victoire, font ici un groupe d’autant plus brillant qu’il est de bronze doré. La première est vêtue du grand habit dont on se sert à la cérémonie du sacre, habillement qui est particulier à nos rois, et qui les distingue des autres rois. Elle foule aux pieds le chien cerbère, qui par ses trois têtes désigne ici la triple alliance formée pour lors par les ennemis de la France. Derrière cette statue est celle de la Victoire, ayant un pied posé sur un globe, et le reste du corps en l’air. Elle met d’une main une couronne de laurier sur la tête du roi, et de l’autre tient un faisceau de palmes et de branches d’olivier. Sur le plinthe, et sous les pieds du roi, est cette inscription en lettres d’or : viro immortali. Derrière ces deux figures on voit un bouclier, un faisceau d’armes, une masse d’Hercule et une peau de lion. Toutes ces choses forment un groupe de treize pieds de hauteur d’un seul jet, dans lequel il est entré environ trente milliers de métal.

Sur les quatre corps avancés du soubassement qui sert d’empâtement au piédestal, on a placé autant d’esclaves qui sont aussi de bronze, et ont douze pieds de proportion. Ils sont enchaînés au piédestal par de grosses chaînes ; leurs vêtements, et les diverses espèces d’armes qui sont auprès d’eux, font connaître les différentes nations dont la France a triomphé sous le règne de Louis le Grand. Tous ces ouvrages, de même que les quatre bas reliefs qui remplissent les faces du piédestal, et les deux qui sont sur les faces du grand soubassement, sont de bronze, et dessinés très correctement. La corniche du piédestal est soutenue et ornée par huit consoles aussi de bronze, et a aux quatre faces des armes de France, entourées de palmes et de lauriers. L’espace qui est au pourtour de ce monument jusqu’à neuf pieds de distance, est pavé de marbre, et entouré d’une grille de fer haute de six pieds.

Quatre grands fanaux ornées de sculpture éclairaient autrefois cette place pendant la nuit. Ils étaient élevés chacun sur trois colonnes doriques de marbre veiné, disposées en triangle : et dont les bas-reliefs étaient chargés de plusieurs inscriptions sur les actions les plus mémorables de Louis XIV. On les a démolis en 1718.

C’est Martin Vanden-Bogaer, connu sous le nom de des Jardins, sculpteur de l’Académie royale, qui a donné les desseins, et qui a conduit la fonte de ce superbe monument.

Le piédestal est enrichi de bas-reliefs dont les sujets sont expliqués par des inscriptions latines et françaises de la composition de François Séraphin Regnier des Marais, secrétaire perpétuel de l’Académie française. (…)

La dédicace de ce riche monument se fit le 28 de mars de ladite année 1686. Ce jour-là le maréchal duc de la Feuillade, à cheval et à la tête du régiment des Gardes françaises dont il était colonel, fit trois fois le tour de cette statue en présence du gouverneur de Paris et du corps de ville. M. de Bullion, prévôt de Paris, prétendit devoir assister à cette cérémonie à la tête du Châtelet, et marcher à la gauche du gouverneur ; mais le roi ayant appris qu’en 1639, lorsque la statue de Louis XIII fut élevée dans la place Royale, le prévôt de Paris ni le Châtelet n’y avaient point assisté, il décida contre eux, et ils ne s’y trouvèrent point.

Jean-Aimar Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, 1765.

20 avril 2011

Contestez !, ou, Il est interdit d’interdire

Classé dans : Arts et beaux-arts, Politique, Société — Miklos @ 9:19

Il est des moments dans l’histoire des hommes où la faculté critique de l’esprit, par un surcroît d’activité et de virulence, apparaît comme prédominante. Plus que cela encore, elle semble absorber ou résumer les autres facultés, devenir l’esprit même. Nous assistons à l’un de ces moments. Non point parce que l’esprit aurait, arbitrairement et par fantaisie, décidé de se montrer sous ce jour essentiellement et intégralement critique. Mais parce que l’objet de son exercice, c’est-à-dire le monde, a pris la forme d’une société de production et de consommation.

Cette mutation, telle que l’ont étudiée et décrite divers sociologues, parmi lesquels on s’accorde assez généralement à citer Herbert Marcuse comme le plus pénétrant, a fait du monde un monde clos, en dehors duquel rien n’existe, et, au sens le plus exact du terme, totalitaire. Sa finalité se trouve en lui-même. Il produit pour consommer ce qu’il produit. Toutes les activités de l’esprit, à l’intérieur de ce monde, seront purement techniques ; elles ne tendront qu’à assurer, développer et perfectionner la production et à administrer la consommation des objets produits. Mais l’esprit, qui est de nature volatile, ne saurait se borner à ces besognes strictement pratiques ; il aspire à se dégager d’une si plate et monotone astreinte, pour se situer en dehors du monde et juger celui-ci. C’est donc par un acte de violence qu’il exercera celle-là de ses fonctions propres, qui, soudain, se déclare comme sa fonction essentielle : sa fonction critique. Il ne s’agit pas pour lui d’examiner la façon dont, à l’intérieur de la machine totalitaire, tourne tel ou tel de ses rouages et d’y apporter des améliorations, également d’ordre technique et pratique. C’est tout l’ensemble de la machine qu’il considère. Et la violence avec laquelle il s’est arraché à la machine afin de la juger se communiquera à son jugement. Celui-ci sera, lui aussi, total et absolu. Il sera une contestation de toute la machine, une condamnation de son existence.

Jean Cassou, Art et contestation. Weber, Paris, 1968.

La dernière mode à Paris

Classé dans : Musique, Photographie — Miklos @ 8:33

Pont-au-change par un jour sans vent (en arrière-plan, la bâche qui recouvre la façade du palais de justice)

La tenue traditionnelle écossaise se compose d’une pièce de tweed pouvant atteindre les sept mètres que l’on entoure autour de la taille et qui recouvre les jambes (au-dessus des genous) et l’abdomen. Cette jupe qui fut popularisée en Grande-Bretagne par le régiment écossais de l’armée britannique a la particularité de n’être portée traditionnellement que par les hommes, et sans sous-vêtements.

Le petit futé Grande-Bretagne 2009-2010. Nouvelles éditions de l’université, Paris, 2009.

On aurait tort de penser que cette fameuse jupe n’est portée par les hommes que pour les grandes occasions ou lors de fêtes traditionnelles. Les jeunes hommes apprécient aussi de porter le kilt en boîte de nuit pour en bousculer les plis sur des rythmes électroniques. Folklorique, le kilt l’est sans conteste mais pas uniquement. Hors des contextes cérémonieux, il est aussi un signe joyeux de sensualité et de virilité…

Le petit futé Écosse 2009-2010. Nouvelles éditions de l’université, Paris, 2009.

The Blog of Miklos • Le blog de Miklos