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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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25 juin 2011

De politique et de logique

Classé dans : Actualité, Politique, Société — Miklos @ 14:19

La nouvelle fait la une du New York Times : le Sénat de l’État de New York, à majorité républicaine, a voté la loi légalisant le mariage homosexuel dans cet État. Une proposition de loi similaire avait été rejetée il y a deux ans lorsque ce Sénat était aux mains des démocrates.

En France, nous dit à cette occasion La Croix, une large majorité (63%) des Français y est favorable. On ne peut dire la même chose de la majorité – de droite – du parlement, ni d’ailleurs du gouvernement, français.

Par une simple règle de logique, on en déduit que cet « organe qui assure la représentation du peuple » ne le représente pas si bien que ça.

Conclusion : il faut changer cette représentation en 2012, puisqu’elle ne change pas d’elle-même (on lira avec intérêt ce qui a convaincu certains Républicains américains d’évoluer sur cette question et de voter pour cette loi en leur âme et conscience).

À ceux qui objecteront que le parlement ne se doit pas de coller à n’importe quelle « opinion » populaire voire populiste, on répondra calmement mais fermement qu’il ne s’agit nullement d’une tendance superficielle : la variété des répondants (sexe, statut matrimonial, classe sociale, religion, âge…) démontre bien qu’il s’agit d’une évolution des mentalités aussi fondamentale que la banalisation des mariages entre personnes de couleur ou de religion différentes, mariages autrefois considérés comme anti-« naturels ». C’était l’époque où « l’autre » n’était pas considéré comme si humain que ça. Or chacun est un autre, il faut s’y faire, que ce soit pour des principes éthiques ou pragmatiques (la survie de l’espèce dépend de la solidarité et non pas de la compétition), et donc, en quelque sorte, inverser le « Je est un autre » de Rimbaud pour en faire enfin un vrai alter ego, l’autre qui est moi, non pas en voulant le mouler à mon image, mais en me mettant dans sa peau et reconnaître ainsi finalement son altérité.

Ce n’est pas le seul problème de logique que cette question soulève, on l’avait déjà évoqué déjà il y a quelques années.

24 juin 2011

De quelques portables novateurs

Classé dans : Histoire, Sciences, techniques — Miklos @ 23:21


Imprimante personnelle portable (1850)


Chaîne hydro-électrique guérisseuse portable (1851)


Colon portable (1910)


Clavier électrique portable (1959)

Les seins de la sirène

Classé dans : Littérature, Photographie — Miklos @ 13:22

Ainsi le Mercure de France de 1762 rapporte que deux jeunes filles de Noirmoutier surprirent une sirène dans une grotte. Les jeunes filles et la grotte sont déjà des circonstances bien poétiques et qui enlèvent quelque valeur à une assertion qui en trouverait à peine dans un procès-verbal tout classique. Enfin les jeunes filles du Mercure de France rapportent que la sirène avait les seins très développés, le nez plat, des couleurs vives, de longs cheveux et une queue de poisson, avec une espèce de pied au bout. Il paraît que la fille des eaux avait aussi tant soit peu de barbe. Les savants du temps ont laissé passer sans examen retentissant le récit du Mercure.

Jules Lecomte, « De quelques animaux apocryphes et fabuleux de la mer », in Musée des familles. Lectures du soir, 1836-1837.

L’homme-araignée et la professeur de piano

Classé dans : Littérature, Musique, Photographie — Miklos @ 0:18

Il est d’usage qu’on paye, dans un pensionnat,

un professeur d’histoire, par mois
un professeur de géographie
un professeur de littérature

50 fr.
25 »
40 »

Le professeur de piano a vingt francs par cachet, ou six cents francs par mois par élève ; ainsi, s’il a dix élèves, il gagne six mille francs par mois. Ses appointements sont donc cent vingt fois plus forts que celui du professeur d’histoire, deux cent quarante fois plus élevés que ceux du professeur de géographie et cent cinquante fois seulement plus forts que ceux du professeur de littérature. Ordinairement, le professeur de piano est un gros monsieur, qui a de gros favoris noirs, très épais, dont le commerce ne se borne pas seulement à vendre ses notes, car il vend aussi ses sonates et ses difficultés. Vendre des difficultés me semble prodigieux. De là à vendre des impossibilités, il n’y a qu’un pas. Ils finiront par vendre du vin. Il vendent aussi leurs pianos pour la bagatelle de dix mille francs.

Il est vrai qu’un élève d’un de ces célèbres professeurs peut au bout de trois ans déchiffrer ce qui suit et l’exécuter sur le piano.

Lieder

ZXQ – TTZ – VRR – BDF – HHFI.

C’est à mourir d’admiration.

Léon Gozlan, Aristide Froissart, « Ce que je pense du professeur de piano ». Paris, 1886.

Ma mère se rappelait la triste fin de vie de Monsieur Vinteuil, tout absorbée d’abord par les soins de mère et de bonne d’enfant qu’il donnait à sa fille, puis par les souffrances que celle-ci lui avait causées ; elle revoyait le visage torturé qu’avait eu le vieillard tous les derniers temps ; elle savait qu’il avait renoncé à jamais à achever de transcrire au net toute son œuvre des dernières années, pauvres morceaux d’un vieux professeur de piano, d’un ancien organiste de village dont nous imaginions bien qu’ils n’avaient guère de valeur en eux-mêmes, mais que nous ne méprisions pas parce qu’ils en avaient tant pour lui dont ils avaient été la raison de vivre avant qu’il les sacrifiât à sa fille, et qui pour la plupart pas même notés, conservés seulement dans sa mémoire, quelques-uns inscrits sur des feuillets épars, illisibles, resteraient inconnus.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann.

23 juin 2011

Un ange passe

Classé dans : Littérature, Photographie — Miklos @ 21:38

Dieu aime moins un ange possible qu’une mouche actuellement existante. Un ange passe d’une extrémité à une autre sans passer par le milieu.

Élie Fréron, L’année littéraire. Année 1755, « Lettre XIII. Histoire de Martinus Scriblerus ». Tome 1. Amsterdam.

Les Sarrasins (…) disent : (…) si tu crains de monter à l’échelle, tu n’arriveras point sur le toit ; celui qui a le poing serré, a le cœur étroit ; ne brise point la salière de ton hôte ; ne crache point dans le puits d’où tu bois ; ne t’habille pas de blanc dans les ténèbres ; ne bois point dans une coupe de chair ; si un ange passe, ferme ta fenêtre ; lave-toi avant le coucher ; allume ta lampe avant la nuit ; toute brebis sera suspendue par le pied.

Denis Diderot, Dictionnaire ency­clo­pé­dique, article « Sagesse (morale) ». Paris, 1818.

S’il avait le courage, comme moi, d’observer le silence en face, l’ange, il le verrait ! Parce que, mesdames et messieurs, lorsqu’un ange passe, je le vois ! Évidemment, je ne dis pas que je vois passer un ange, parce qu’aussitôt, dans la salle, il y a un doute qui plane.

Raymond Devos, Un ange passe.

J’ai relevé les yeux.

Derrière la fenêtre,
au fond du jour,
des images quand même passent.

Navettes ou anges de l’être,
elles réparent l’espace.

Philippe Jaccottet, Leçons.

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