Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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13 septembre 2013

Un ubuesque lauréat

Classé dans : Actualité, Littérature, Nature — Miklos @ 14:11

On vient d’apprendre que le lauréat de l’édition 2014 d’un concours mondial de beauté est l’australien Psychrolutes Marcidus. Comme la presse ne s’est empressée de nous montrer que son charmant minois, nous vous présentons ici en exclusivité mondiale son portrait de pied en cap (ci-dessus) et de profil (ci-dessous).

8 septembre 2013

Life in Hell : Paradoxes mathématiques alsaciens, ou, Quand 4=2 et 2+4=7.

Classé dans : Actualité, Cuisine, Musique — Miklos @ 2:47


Cliquer pour agrandir.

Afin d’aider Spirou à découvrir les mystères de Paris où il vient de débarquer, Akbar décide de jouer le tout pour le tout : il se risque à l’emmener manger des tartes flambées alsaciennes à volonté. Spirou ne sait où ils se rendent. Tout ce qu’Akbar est disposé à lui révéler malgré son insistance, c’est qu’il s’agit d’une spécialité régionale, à quoi Spirou demande, « De Paris ? ». Tel la Joconde, Akbar sourit silencieusement en guise de réponse.

Les terrasses sont pleines, mais le restaurant est vide. Tant mieux, l’efficace SeffoderdeseladegaServeuse faisant fonction de responsable de salle
en l’absence de Gaël (acronyme).
qui les accueille avec un beau sourire leur donne la table favorite de Jeff et d’Akbar.

Spirou se glisse contre le mur tandis qu’Akbar s’écroule sous la table : le fauteuil était subrepticement bancal. Il se ramasse et l’échange contre un siège voisin sous lequel il trouve un vieux couteau sale, ce qui le rassure : ce fauteuil-là n’a pas dû être autant utilisé que le sien, et doit donc être plus solide. Ça commence bien, se dit-il in peto.

Sitôt installés, tous les serveurs et serveuses présents ce soir-là se succèdent à une vitesse déconcertante, non pas pour se présenter comme le faisait le personnel à Versailles devant le roy, mais pour prendre la commande. On sent bien qu’ils sont pressés de le faire avant le coup de feu, sussure Akbar.

Puis il explique à Spirou le principe de la carte et le laisse faire tranquillement son choix. La commande est finalement passée au grand soulagement de la cuisine. Les entrées arrivent à toute berzingue, et avant même qu’elles soient entièrement englouties, le premier round de tartes flambées alsaciennes à volonté est déposé sur la table. Tandis que le Tatoué parcourt d’un air important et à petits pas rapides la salle et que le Stagiaire y erre perdu avec un air éperdu, Spirou savoure sa fameuse chèvre au miel (qui était aussi la favorite d’Enak) et Akbar sa saumon (qu’il n’avait pu obtenir la fois précédente faute de saumon).

La suite ne se fait pas attendre non plus. En fait, elle n’a même pas attendu la commande de nos deux compères, la cuisine ayant décidé d’office (si l’on peut dire) de leur envoyer la même chose. Or Spirou voudrait maintenant goûter à la saumon (qu’on vient de rapporter pour Akbar, vous suivez ?), tandis que ce dernier ne peut prendre celle de Spirou parsemée de lardons, et de toute façon il s’indigne qu’on ne leur ait pas demandé leur avis. On donne donc à Spirou la portion qui était destinée à Akbar – c’est sa seconde de la soirée –, et on prend la commande de la moitié manquante d’Akbar.

Long intermède qui permet aux deux convives de finir leurs parts, de les digérer et de discuter d’un grand nombre de sujets fondamentaux. Finalement on vient leur demander s’ils ont passé commande, à quoi Akbar répond quelque peu acidement par l’affirmative et qu’il n’a toujours pas reçu ce qu’il avait commandé. On reprend sa commande, et on en profite pour demander à Spirou ce qu’il voudrait maintenant manger.

Second long intermède, qui leur permet de prendre connaissance du drame qui se joue à la table voisine : un couple et leurs enfants attendent depuis 45 minutes le digestif de la mère. Celle-ci, exaspérée, interpelle la Seffoderdeseladega qui essaie de lui faire comprendre italiquement et par tous les arguments possibles et i(ni)maginables que c’est normal, vu qu’ils sont obligés de former du personnel plutôt que de servir la clientèle ou quelque chose dans le genre (vu le brouhaha Akbar n’est pas sûr d’avoir entendu toutes les subtilités de son discours).

Puis arrive le Stagiaire Éperdu avec la part de Spirou, annonçant qu’il avait fait tomber celle d’Akbar mais, ajoute-t-il en faisant semblant de croire très fort à ce qu’il dit, qu’on allait lui en refaire une très rapidement. Mon œil, se dit Akbar in peto. C’était le bon : bien longtemps après que Spirou ait fini sa troisième moitié, voici qu’on vient leur rereprendre commande.

[…]

Akbar reçoit finalement sa végé­ta­rienne moitié, tandis que Spirou savoure sa quatrième, une indienne. Une fois celles-ci respectivement finies, les deux compagnons de table décident de lever le camp afin de ne pas attendre jusqu’au petit déjeuner une éventuelle suite.

Ceux de nos lecteurs qui auront suivi jusqu’ici les péripéties de nos héros auront sans doute conclu que 2+4 = 6, mais l’addition, elle, indiquait 7 moitiés. Un vrai mystère (de Paris) ! Après plusieurs corrections approximatives – Akbar se lasse d’indiquer qu’elles ne sont pas entièrement correctes – la Seffoderdeseladega lui dit, un peu lasse elle aussi, « Ce n’est pas facile de gérer toute une salle ». Akbar lui répond télépathiquement qu’à chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Spirou, ravi de la soirée, déclare en recevant sa carte de fidélité qu’elle lui sera bien utile et qu’il reviendra avec ses amis pour de nouvelles aventures.

La soirée déconcertante se termine par le concert suivant :

– Paul Robeson, Let My People Go.

– Mama Cass, Dream A Little Dream Of Me (1968).

– Joe Cocker, With A Little Help From My Friends (1969).

– Joan Baez, The Night They Drove Old Dixie Down.

– Tom Waits, Waltzing Matilda (1977).

– Arlo Guthrie, Alice’s Restaurant (2005).

– Mozart, Adagio for Glass Armonica in C major, K. 617a (2008).

– Debussy, Clair de Lune (Lydia Kavina, theremin) (2009).

– Sound of Noise, Music for One Apartment and Six Drummers.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

7 septembre 2013

Deux semaines de lecture

Classé dans : Langue, Littérature, Livre — Miklos @ 9:13

««««« Jonas Jonasson : Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. Trad. du suédois. [Très bien tricoté et enlevé ; seule réserve, la traduction, parfois maladroite]

««««« Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard. Trad. de l’italien. [En cours]

««««« François Mauriac : Le Sagouin. [Concis, essentiel, tragique].

««««« Shmuel T. Meyer, Un nouvel an de pierres. [Un peu trop tarabiscoté et sans doute moins compréhensible pour les non-initiés ; de circonstance, vu la période du calendrier juif !]

««««« Michaël Sebban, La Terre promise, pas encore. [Très bien écrit et enlevé, soulève des questions importantes qui me parlent particulièrement.]

««««« Anne Sinclair, 21 rue La Boétie. [Intéressant, mais écriture moyenne]

««««« Leonard Q. Ross [Leo Rosten], The Education of H*Y*M*A*N K*A*P*L*A*N. [Feu d’artifice linguistique, vision humoristiquement chaleureuse de nouveaux immigrants tâchant vainement d’apprendre la langue]

««««« Jacqueline et David Kurc, Humour Yiddish – Yidisher Humor – יידישער הומאר . [Génial pour apprendre la langue tout en riant, même aux vitsn les plus connus. Lecture en cours]

««««« Alexandre et Lev Shargorodsky, Café Rome. Trad. du russe. [Lecture en cours, humour assez lourd]

««««« David Grossman, Duel à Jérusalem. Trad. de l’hébreu. [Merveilleuse description d’une amitié entre un enfant de 12 ans et un retraité de 75 ans par l’auteur de L’enfant zigzag, autre perle si sensible au monde de l’adolescence. Excellente traduction – comme toujours – de Sylvie Cohen]

3 septembre 2013

À cause d’un mot…

Classé dans : Architecture, Cinéma, vidéo, Langue, Littérature, Livre — Miklos @ 23:51

Ode à soi-même

D’une île perdue dans l’océan vaste,
Et peuplée d’une étrange caste,
Le sérieux dynasteSouverain dirigeant un petit pays ou gouvernant sous la protection d’une grande puissance.
– c’est après tout un agelastePersonne qui ne sait pas rire. –,
Vigoureux tel un pancratiasteAthlète lourd à la musculature particulièrement développée.,
A pêché un immense sébastePoisson comestible et savoureux, voisin de la rascasse..

La proie pesait au moins un lastePoids (deux tonneaux). !
Elle pourra, se dit-il alors, servir de ballast
Pour mon prochain vol en ballon vers Belfast.
Il l’assomme avec son basteMasse, gros marteau.
Et la fourre dans sa banastePanier, corbeille..

Enthousiaste,
Il hésite : faire un podcast
Ou appeler un ami cinéaste
(qui se trouve être aussi bédéaste)
Afin de lui faire relater cet exploit avec faste
Et d’en faire une diffusion mondiale en multicast.

L’ami, bien que parrèsiasteCelui qui pratique le dire-vrai.,
Par peur de trop faire sonner les oreilles pourtant si peu chastes
De ce robuste gymnaste,
Et susciter ainsi de sa part une réaction néfaste,
Le traite poliment d’orchidoclasteTestifrange..

Notre tyran, fameux scoliasteÉrudit qui annote ou commente un auteur et son œuvre, de quelque époque que ce soit.
(Notamment de l’Ecclésiaste),
Comprend l’insulte et rétorque d’un mot d’un seul : « Baste ! ».
Et, à ses heures bucoliasteAuteur de poèmes bucoliques.,
(Avouez-le, drôle de contraste),
Décide d’être son propre encomiasteCelui qui compose, qui écrit, ou qui prononce l’éloge de quelqu’un. :

« D’une île perdue dans l’océan vaste… »

À la réception d’une invitation à la projection exceptionnelle du film L’Orchidoclaste de Laetitia Masson consacré à l’architecte Rudy Ricciotti, je n’ai pas manqué d’être interloqué par son titre. Une brève recherche m’en a fourni le sens amusant (on en a donné ici un synonyme dérivé, lui, du latin*), et, voulant en déterminer l’auteur, j’en ai recherché les occurrences dans Google Books.

On en trouve quatre, au 20e siècle, dont trois dans les années 1990 avec l’extrait à l’appui, qui ne montre qu’un usage sans en indiquer l’origine, et une quatrième, fort curieuse : Le Sagouin de François Mauriac (1975), sans extrait : non seulement ce mot ne me semblait pas correspondre au vocabulaire de Mauriac, mais cet usage solitaire, une quinzaine d’années avant les trois autres, me semblait aussi suspect.

Après m’être dit que j’irai consulter l’ouvrage dans une bibliothèque de quartier, je vérifie tout de même mon catalogue personnel, et oh, surprise !, je détiens l’ouvrage, dans une édition antérieure, de 1970. Il a en fait été écrit en 1951…

Je feuillette d’abord ce court roman, de la première à la dernière page, et n’y trouve pas le mot en question. Mais mes yeux s’arrêtant sur quelques phrases ici et là, je le reprends du début pour le lire, et oh, surprise !, c’est un chef-d’œuvre. À défaut du roman lui-même, court, incisif, perceptif, tragique, que je ne peux que recommander très vivement,– âmes sensibles s’abstenir –, on trouvera ici une analyse et la synopsis du texte.

Ah, j’oubliais ! Si vous y voyez le mot en question, soyez gentil, dites-moi où il s’y trouve.

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* Et, selon Google Books, présent dans un ouvrage dans lequel on ne s’attendrait pas à le trouver, De l’Hospital des incurables à l’Hôpital Laennec, 1634-2000 : une histoire de la médecine à la veille du troisième millénaire, textes réunis par Alain Dauphin et Marc Voisin (on se demande ce que vient faire le nom de Chantal de Singly dans les informations plus que succinctes qu’en donne Google Books), et surtout au vu de l’extrait qu’ils affichent : « Comme Céline, il avait horreur du langage recherché fait de néologismes grecs. Comme Mathey, il était adversaire d’Amyot, admirateur de Rabelais : Pour être compris, à orchidoclaste, je préfère testifrange, mais casse-couille en français […] ». Difficile de deviner le rapport entre ce passage et le titre de l’ouvrage…

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