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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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23 octobre 2014

Animaux de Paris. Les deux girafes.

Classé dans : Histoire, Nature, Peinture, dessin, Photographie, Sciences, techniques — Miklos @ 17:29


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À propos de l’artiste.

«Girafes vivantes en Europe. Outre les deux girafes que le pacha d’Égypte a envoyées aux rois de France et d’Angleterre, une troisième, destinée à l’empereur d’Autriche, est arrivée dans la maison de quarantaine de Venise. Elle est également accom­pagnée de quelques Arabes pour la soigner, et de vaches pour la nourrir.» Elle a dû passer l’hiver à Padoue pour être transportée à Vienne, au retour de la belle saison. (Notizen aus dem Gebiete der Natur und Heilkunde, tome XVIII, n° 18, oct. 1827.)

Bulletin des sciences naturelles et de géologie, Paris, 1828.

«M. Mongez a présenté à l’Académie des Sciences, dans sa séance du 3 juillet 1827, des recherches curieuses et assez étendues sur la Girafe : nous nous empressons d’en donner un extrait, qui servira de complément au Mémoire récemment publié par M. Geoffroy S.-Hilaire et qui a seulement trait à l’histoire naturelle.

« Je ne veux point peindre ici, dit l’auteur, les mœurs ni les caractères qui distinguent cet animal, le plus grand des Quadrupèdes modernes ; je veux retracer son histoire, mais seulement d’après les auteurs qui ont vu des Girafes ou qui ont vécu avec ceux qui en avaient vu : quant à ceux qui ont copié leurs devanciers, je n’ai pas cru devoir en faire mention. »

Moyse est le plus ancien écrivain qui ait parlé de la Girafe, qu’il appelle (d’après le texte de la Septante) Chameau-Panthère, Zemer en hébreu. C’est dans le chapitre xive du Deutéronomc.

Les deux Girafes que feu Lancret et M. Jomard ont dessinées dans les bas-reliefs des temples de l’Égypte (Sculptures. Chap. viii des Descriptions, et dans la planche 95 du vol. i des Planches d’antiquités) prouvent que cet animal a été connu des anciens Égyptiens.

Aristote, le père immortel de l’histoire des animaux, n’a fait aucune mention de la Girafe dans ceux de ses ouvrages qui sont parvenus jusqu’à nous : on ne sait point s’il avait voyagé en Égypte, mais son silence prouve du moins que les Grecs ses contemporains ignoraient l’existence de cet animal ; car il en a décrit plusieurs qu’il ne connaissait que par le récit des voyageurs.

Un siècle après la mort d’Aristote, Ptolémée Philadelphe fit voir aux Alexandrins une Girafe et un Rhinocéros d’Éthiopie, dans cette pompe triomphale, devenue célèbre par sa richesse et par les récits d’Athénée (lib. v, cap. 32). Ce fut lui qui fit traduire en grec la Bible par les Septante.

Cent quatre-vingts ans avant l’ère vulgaire, Agatharchide, dont Photius nous a conservé des extraits si précieux, a décrit la Girafe brièvement, mais avec exactitude : il dit qu’elle habitait dans le pays des Troglodites (les côtes occidentales de la mer Rouge).

Artemidore, auteur d’une Description de la terre, que Strabon et Pline ont souvent citée, et qui écrivait un siècle avant l’ère vulgaire, avait parlé de la Girafe comme on le voit dans Strabon (livre 16, 1. v, p. 281 de la traduction in-4°). Les Arabes l’appellent Siraf, Zurapha, et les Grecs modernes l’ont désignée par le nom de ???af??.

Les Romains n’avaient point encore vu de Girafe lorsque César, qui pouvait en avoir entendu parler ou même l’avoir vue en Égypte, leur donna ce nouveau spectacle. Il fit paraître une Girafe dans les jeux du cirque l’an 708 de Rome, quarante-cinq ans avant l’ère vulgaire. Pline, qui nous l’apprend (lib. 8, cap. 18, sect. 27), avait vécu avec ceux qui avaient vu cet animal ; il dit qu’elle étonna les spectateurs, moins par la contrée sauvage où elle était née et où on l’appelait Nabis et Nabum, que par ses formes extraordinaires. Varron (Ling. lat., iv, p. 18), qui mourut après César, ajoute « qu’on l’avait amenée d’Alexandrie d’Égypte, et qu’on l’avait nommée Camelopardalis, parce qu’elle ressemblait au chameau par ses formes, et à la panthère par les taches de son pelage. » Ab Alexandria Camelopardalis adducta, quia erat figura ut camelus, maculis ut panthera.

Diodore de Sicile, qui écrivait dans le siècle qui précéda l’ère vulgaire, et qui avait pu voir une Girafe à Rome dans les jeux de César, ou en Asie dans ses voyages, n’ajoute rien qu’une erreur aux traits sous lesquels on peignait la Girafe ; il lui donne (lib. 2, p. 163) « une bosse comme celle du chameau. »

Horace, né l’an 63 avant l’ère vulgaire, et mort l’an 7 avant cette ère, pouvait avoir vu dans l’an 45 la Girafe que César montra aux Romains dans les jeux du cirque ; il en fait mention dans l’endroit où il reproche à ses concitoyens de se passionner pour les combats d’animaux (Epist., lib. 2 ; Epist. i, vers 194). Il la désigne ainsi : Diversum confusa genus panthera camelo.

Le savant géographe romain, Strabon, a très bien décrit la Girafe (lib. 16, tom. v, p. 280 de la traduction in-4°) ; seulement il s’est trompé en lui refusant, d’après une simple conjecture fondée sur la disproportion de ses jambes, la vitesse dans la course, qu’Artemidore avait dit être excessive. Cette légère erreur a été réfutée par du Theil dans une Note sur ce texte de Strabon.

Si Strabon avait vu quelque Girafe, il aurait appuyé sa réfutation sur le témoignage de ses propres yeux ; car il avait voyagé en Égypte avec le gouverneur Ælius Gallus, son ami, depuis Alexandrie jusqu’aux cataractes du Nil, confins de l’Éthiopie. Son silence sur cet objet semble prouver qu’à cette époque on ne voyait point de Girafe dans l’ancien empire des Pharaons.

L’auteur grec des poèmes sur la Chasse et sur la Pêche, a décrit la Girafe (de Venat, lib. iii, p. 461) ; sa description ne présente rien qui soit digne de remarque, si ce n’est le vers où il dit que les jambes de derrière sont « beaucoup plus courtes que les autres, et que l’animal semble être agenouillé sur le train de derrière. »

Je ne parle point de la mosaïque de Palestrine, à cause de la volumineuse crinière que porte sur ce monument l’animal dans lequel on a cru reconnaître la Girafe. Ce caractère entre autres, m’empêche de la voir dans cette mosaïque.

La fin du premier millénaire de la fondation de Rome, et le commencement du second, furent célébrés dans cette ville par des jeux d’une pompe et d’une durée extraordinaires ; ces jeux durèrent trois jours et trois nuits, sans que, dit saint Jérôme (in chronico Eusebii), le peuple se livrât au sommeil. Philippe Ier, successeur de Gordien III, y donna en spectacle aux Romains, l’an 248, entre autres animaux extraordinaires, dix Girafes.

Vingt-six ans après (l’an 274), Aurélien traîna à la suite de son char triomphal la courageuse et infortunée Zénobie, et il célébra ce triomphe par des jeux où parurent plusieurs Girafes.

Cosmas indicopleustes, Cosme le voyageur qui écrivait vers l’an 535 de l’ère vulgaire dit (apud Montfaucon, t. ii, p. 335, liv. xi) : « On ne trouve la Girafe que dans l’Éthiopie ; c’est un animal intraitable et sauvage : on en élève cependant une ou deux sitôt qu’elles sont nées dans le palais du roi et pour son amusement. Lorsqu’on leur présente pour boisson du lait ou de l’eau, elles ne peuvent s’abaisser jusqu’à terre pour boire qu’en écartant les jambes de devant, car leur poitrail et leur col sont plus élevés que le reste de leur corps. » Enfin il ajoute : « Je raconte ce fait comme je le connais, très exactement. » Il est fâcheux qu’il n’ait pas dit de quel pays était roi celui dont il a parlé.

Philostorge (Hist. eccles., lib. iii, tit. xi) écrivait dans le quatrième siècle de notre ère une histoire ecclésiastique, dans laquelle il parle des animaux venus d’Éthiopie, et il dit qu’il en avait vu des dessins à Constantinople ; mais dans la description très courte qu’il donne de la Girafe, il ne parle ni comme témoin oculaire, ni comme en ayant vu des dessins. Du reste, il compare cet animal à un grand cerf ; ce qui fait penser qu’il donnait des cornes à la Girafe. Ainsi, Antoine Costanzio ne serait pas le premier, comme il le dit, qui aurait reconnu que la Girafe en était pourvue.

Dans son roman des Éthiopiques, ou de Théagène et Chariclée, écrit dans le quatrième siècle (lib. 5, p. 509, éd. 1611) de notre ère, Héliodore raconte qu’un roi des Éthiopiens reçut avec un grand appareil les félicitations sur ses triomphes, avec les présents de son peuple, de ses tributaires et de ses alliés ; entre ces derniers, les Axiomites (les Abyssins modernes) lui présentèrent une Girafe dont Héliodore fait une longue description assez exacte, et remarquable par l’article suivant relatif à son allure ; II dit : « Elle est différente de celle de tous les animaux terrestres et aquatiques ; la Girafe ne remue pas comme eux les jambes diagonalement et alternativement, mais elle porte les deux pieds gauches ou les deux pieds droits ensemble (c’est-à-dire qu’elle marche l’amble naturellement). » Au reste, ajoute-t-il, cet animal est si doux qu’on peut le conduire avec une petite corde passée autour de la tête.

Antonio Costanzi (en latin Antonius Constantius), du petit nombre des auteurs qui ont vu des Girafes, et dont je rapporterai plus bas le témoignage, parle de cette allure extraordinaire de l’amble, qui n’est d’ailleurs l’allure naturelle que des poulains, et qui a pour cause la faiblesse de leurs reins.

L’Égypte appartenant encore aux empereurs Grecs dans le siècle d’Héliodore (celui de Théodose), l’auteur des Éthiopiques pouvait avoir conversé avec des personnes qui avaient visité cette contrée.

Le dernier des écrivains grecs parvenus jusqu’à nous, qui aient vu la Girafe, est Cassianus Bassus, auteur de la compilation intitulée Géoponiques, qui fut composée dans le dixième siècle. Voici ses propres expressions : « Florentinus dit dans ses Géorgiques, qu’il avait vu à Rome une Girafe. J’en ai vu moi-même à Antioche une qui avait été amenée de l’Inde. » Seul de tous les auteurs que j’ai cité, Cassianus Bassus fait venir la Girafe de l’Inde, contrée Asiatique ; mais on ne peut prendre ici ce terme à la rigueur, parce qu’il désigne souvent l’Éthiopie et la haute Égypte, surtout dans les écrivains ecclésiastiques ; d’ailleurs, plusieurs des textes relatifs à la Girafe, que j’ai rapportés, la font venir expressément de l’Éthiopie.

Ici finissent les témoignages des auteurs anciens, relatifs à la Girafe.

Albert le grand est le premier des auteurs modernes qui aient parlé de la Girafe sous les noms d’Anabula et de Seraph. C’est dans le Traité de Animalibus (p. 578 de ses œuvres), qu’il décrit celle qu’un sultan d’Égypte avait envoyé en présent avec d’autres animaux peu connus, à Frédéric II, empereur d’Allemagne, mort en 1250, et qu’il avait vue.

M. Reinaud (Hist. de la Croisade de l’empereur Frédéric II, d’après les auteurs arabes) nous apprend que le chroniqueur arabe, Jafeï, parle d’une autre Girafe envoyée par le sultan Biba, à Mainfroi, fils naturel du même empereur Frédéric II, dont je viens de parler.

Après Albert le grand, Antoine Constanzio a parlé d’une Girafe qu’il avait vue dans la ménagerie de Laurent de Médicis, à Fano, dans le duché d’Urbin, en 1486 (Antonii Constantii, Epigrammatum libellus etc., Fani, 1502). Costanzio l’a décrite d’une manière très détaillée dans une lettre qu’il adressa en 1486, à Galeas Manfredi, prince de Faenza, insérée dans le recueil désigné plus haut. J’en rapporterai quelques traits relatifs à mes recherches. « C’est, dit-il, dans la partie méridionale de l’Éthiopie que se trouve le Caméléopard appelé Siraf par les Arabes, et Girafe par les Européens. Il a le train de derrière plus bas que celui de devant, en sorte qu’il paraît assis. Les habitants de Fano, ajoute-t-il, ont vu la Girafe courir sans effort, avec tant de vitesse, que des cavaliers ne pouvaient la suivre même à bride abattue et en piquant leurs chevaux. » « Voici, dit-il encore, une chose qui me surprend davantage : Pline, Solin, Strabon, Albert le grand, Diodore, Varron et d’autres écrivains, n’ont pas su que notre animal avait des cornes, ce qui me fait conjecturer que celui que l’on vit pour la première fois à Rome sous la dictature de Jules César, avait perdu les cornes aussi bien que l’autre qui appartenait à l’empereur Frédéric, du temps d’Albert le grand. » « Enfin, Constanzio dit : quand le caméléopard marche, le pied gauche ne suit pas le mouvement du pied droit de devant, au contraire, les deux pieds droits se meuvent ensemble, puis les deux gauches, de façon qu’en marchant il paraît se montrer en même temps de différents côtés. »

C’est évidemment l’amble que décrit ici Constanzio, et dont avant lui Heliodore seul avait parlé.

Avant qu’un sultan d’Égypte envoyât une Girafe en présent à l’empereur d’Allemagne Frédéric II, l’empereur de Constantinople, Michel Paléologue, en recevait une qui lui était donnée par le roi d’Éthiopie, celle-ci a été soigneusement décrite par Pachymère (Mich. Paléolog., lib iii, cap iv etc.) qui l’avait vue. Il dit formellement qu’elle n’avait pas de cornes, contradiction apparente dans les descriptions diverses de la Girafe, qui disparaît, si l’on trouve que ces cornes tombent en certains temps, comme le bois du cerf, de l’élan, du renne etc.

En 1483, Bernard de Breydenbach, chanoine de Mayence, fit un voyage en Orient. Il visita Jérusalem, le mont Sinaï, et il alla jusqu’au Caire, capitale du sultan d’Égypte. Ce fut dans le palais de ce prince des mamelucks, qu’il vit une Girafe : on en a donné un dessin exact, mais grossier, dans la première édition des Voyages de Breydenbach (Mayence, 1486, in-folio).

Vers le milieu du seizième siècle, Pierre Gille (en latin Gyllius), le premier naturaliste français qui ait écrit arec exactitude, dit (cap. ix, lib xvi, ex Æliani historia de vi et natura animalium) avoir vu trois Girafes au Caire.

Thevet, qui se trouva en Égypte avec Gilles, vit encore deux de ces Girafes qui étaient conservées dans le château du Caire, et donna, dans sa Cosmographie (liv. xi,chap. xiii, 1575), une description et une figure qui ont été copiées par Ambroise Paré. Thevet dit avoir appris que ces Girafes avaient été amenées des contrées situées au-delà du Gange ; seul de tous ceux qui ont parlé de cet animal, il lui donne l’Asie pour patrie. Fameux par sa crédulité, Thevet a rapporté tous les contes dont on se plaisait à le bercer, et celui-ci était probablement du nombre ; mais il peut avoir exprimé une vérité relative lorsqu’il a dit que la Girafe ne courait pas avec vitesse ; il aurait raison s’il comparait son allure (l’amble) avec le galop.

C’est aussi dans le château du Caire que Belon (lib. ii, chap. 49) en vit une vers le milieu du même siècle, le 16e. On l’appelait vulgairement Zurnepa.

Dans son histoire d’Éthiopie (écrite dans le 17e siècle), contrée d’où on avait amené les Girafes dont j’ai parlé jusqu’ici, Ludolf (lib. i, cap. 10, num. 33) décrit ce grand animal, mais il ne le fait que d’après les auteurs qui l’avaient précédé. Seulement, il ne lui donne qu’une petite queue, ce qui est conforme à la vérité.

En 1822, le dey d’Alger envoya au grand seigneur une Girafe ; et par un hasard singulier, l’esclave du dey qui la conduisit est le même esclave qui conduisit en France celle d’Alexandrie (en 1837).

M. Edouard Ruppel écrivait du Caire, en 1825 à M. le baron de Zach (nouvelles Annales des Voyages de MM. Eyries et Maltebrun, décembre 1825, p. 422) : « Me voilà enfin de retour du Kordufau… Quoique les gélabi ou marchands passent leur vie en voyages, on ne peut cependant rien apprendre d’eux. J’ai demandé à plusieurs gélabi si, dans leurs voyages, ils n’avaient jamais rencontré de Girafes, tous m’ont répondu qu’ils n’en avaient jamais vu : cependant cet animal n’est rien moins que rare, la preuve de cela c’est que nous en avons tué cinq en fort peu de temps. »

M. Cailliaud (Voyage à Meroé, 1826) voyageant sur le Nil Blanc (le Nil proprement dit au-dessus de Meroé), vit, dit-il, « des hippopotames agiles et inquiets, qui nageaient autour de sa barque et qui faisaient entendre leurs mugissement… Les Singes, ajoute-t-il, les Hyènes, les Onagres, les Girafes, les Éléphants se montraient à droite et à gauche du fleuve. »

M. Gau, antre voyageur célèbre, a vu des Girafes au-dessus des Cataractes du Nil.

Enfin, les Girafes errent encore dans le pays des Caffres, sur les côtes orientales de l’Afrique et dans le centre de l’Afrique, sur les bords du lac Tsad (Voyage du major Denham.-)

M. Mongez termine ce Mémoire sur la Girafe et sur les causes qui la rendent si rare dans les contrées désignées jadis par le nom général d’Éthiopie, en rapportant un texte d’Ammien Marcelliu (lib. xxii, cap. 19), écrivain du quatrième siècle, texte relatif à l’Hippopotame d’Égypte, mais qui peut s’appliquer aussi à la Girafe. « Ces animaux, dit-il, ont été souvent amenés dans nos contrées, et aujourd’hui on ne peut les trouver. Les habitants du pays (de l’Égypte) pensent que, fatigués des poursuites de la multitude, ils ont été forcés de se retirer sur les terres des Blemmyes (Éthiopiens des bords occidentaux de la mer Érythrée).

Le savant académicien auquel nous empruntons ces recherches, conclut ainsi :

« Des textes nombreux que j’ai rapportés dans ce Mémoire, et d’après lesquels seuls j’ai formé mon opinion, il résulte 1°. qu’il n’a point paru avant cette année 1827 de Girafe en France ; 2°. qu’il paraît que cet animal n’a point été amené en Europe (Constantinople excepté) depuis 1486 ; 3°. que Jules César le premier en montra une aux Romains ; 4°. que les anciens Égyptiens l’ont sculptée sur leurs monuments, et que les sultans d’Égypte en conservaient dans leur palais au Caire ; 5°. que l’Éthiopie (nom sous lequel les anciens comprenaient souvent les pays situés au midi des Cataractes du Nil) a toujours fourni à l’Égypte, à Alexandrie surtout, les Girafes décrites par les auteurs ; 6°. Enfin, que, malgré quelques erreurs faciles à corriger par le rapprochement des textes contraires, on avait pu obtenir jusqu’à ce jour des descriptions assez exactes de cet animal,» sauf le mutisme si extraordinaire dans un aussi grand quadrupède, mais dont aucun écrivain n’a cependant parlé. »

« Mémoire sur la Girafe » par M. Mongez, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), in Annales des sciences naturelles, t. 11, Paris, 1827.

19 octobre 2014

Animaux de Paris. Le singe.

Classé dans : Littérature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 15:12


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À propos de l’artiste.

Messieurs les beaux esprits dont la prose et les vers
Sont d’un style pompeux et toujours admirable,
Mais que l’on n’entend point, écoutez cette fable,
            Et tâchez de devenir clairs.
Un homme qui montrait la lanterne magique
            Avait un singe dont les tours
            Attiraient chez lui grand concours.
Jacqueau, c’était son nom, sur la corde élastique
            Dansait et voltigeait au mieux,
            Puis faisait le saut périlleux ;
Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne,
            Le corps droit, fixe, d’aplomb,
            Notre Jacqueau fait tout du long
            L’exercice à la prussienne.
Un jour qu’au cabaret son maître était resté
             (C’était, je pense, un jour de fête),
            Notre singe en liberté
            Veut faire un coup de sa tête.
Il s’en va rassembler les divers animaux
            Qu’il petit rencontrer dans la ville ;
            Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux,
            Arrivent bientôt à la file.
« Entrez, entrez, messieurs, criait notre Jacqueau,
C’est ici, c’est ici qu’un spectacle nouveau
Vous charmera gratis.  Oui, messieurs, à la porte
On ne prend point d’argent : je fais tout pour l’honneur. »
            À ces mots, chaque spectateur
            Va se placer, et l’on apporte
La lanterne magique ; on ferme les volets,
            Et par un discours fait exprès,
            Jacqueau prépare l’auditoire.
            Ce morceau vraiment oratoire
            Fit bâiller, mais on applaudit.
Content de son succès, notre singe saisit
            Un verre peint qu’il met dans sa lanterne ;
            Il sait comment on le gouverne,
Et crie, en le poussant : « Est-il rien de pareil !
            Messieurs, vous voyez le soleil,
            Ses rayons et toute sa gloire.
Voici présentement la lune, et puis l’histoire
            D’Adam, d’Ève et des animaux…
            Voyez, messieurs, comme ils sont beaux !
            Voyez la naissance du monde ;
Voyez… » Les spectateurs, dans une nuit profonde,
Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir,
            L’appartement, le mur, tout était noir.
« Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles
            Dont il étourdit nos oreilles,
            Le fait est que je ne vois rien. —
            Ni moi non plus, disait un chien. —
Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose ;
            Mais je ne sais pour quelle cause
            Je ne distingue pas très bien. »
Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne
Parlait éloquemment, et ne se lassait point.
Il n’avait oublié qu’un point :
C’était d’éclairer sa lanterne.

Florian, Le Singe qui montre la lanterne magique.

14 octobre 2014

Animaux de Paris. L’antilope.

Classé dans : Littérature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 0:19


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À propos de l’artiste.

L’antilope a la tête si fine
Dans le jour lumineux qui s’attarde
Qu’elle emporte du ciel à ses cornes
Et de loin les fauves la regardent.
Le lion, le premier, s’en effraie,
Il s’efface aux toisons des forêts,
L’antilope est trop bien protégée
Par ce peu de merveille à sa tête,
Elle avance et plus d’un veut la voir,
Les oiseaux de nuit, honteux le jour,
Fuient soudain vers leurs grosses ténèbres,
Le serpent qui mordait les enfants
Se morfond de n’être qu’un serpent,
L’antilope avance vers le tigre,
Le rassure et lui rend l’équilibre
Puis, fuyant de faciles victoires,
Choisit l’air pour y porter ses pas.

Jules Supervielle.

13 octobre 2014

Animaux de Paris. La mouette rieuse.

Classé dans : Littérature, Nature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 16:27


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À propos de l’artiste.

«[…] Mais il était sans doute écrit que je devais me réveiller. Hélas ! hélas ! je me réveillai donc !

Que devins-je, moi qui m’étais cru la bête la plus considérable, et même la seule bête de la création (je m’étais bien trompé !) que devins-je en apercevant une demi-douzaine, au moins, de charmantes créatures vivant, parlant, volant, riant, chantant, caquetant, ayant des plumes, ayant des ailes, ayant des pieds, tout ce que j’avais enfin, mais tout cela dans un degré de perfection tel, que je ne doutai pas un instant que ce fussent des habitants d’un monde plus parfait, de la lune par exemple, ou même du soleil, qu’un caprice inconcevable avait poussés pour un instant sur mon rocher.

Comme elles avaient l’air fort occupé, et elles l’étaient en effet, car elles jouaient et mettaient à leur jeu beaucoup d’ardeur, faisant de leur corps tout ce qu’elles voulaient, rasant tour à tour la terre et l’eau de leurs ailes légères, avec une souplesse et une vivacité dont je ne songeai même pas à être jaloux, tant elles dépassaient tout ce que j’aurais osé imaginer, elles ne me virent pas d’abord, et je restai coi dans le creux de mon rocher, jusqu’à ce qu’enfin, entraîné tout à la fois et par l’ardeur de mon âge, et surtout par cet élan irrésistible qui pousse tout ce qui vit vers le beau, lequel, j’ai pu le voir plus tard, est le vrai roi de la terre, je m’élançai éperdu au milieu d’elles.

— Oiseaux célestes ! m’écriai-je, fées de l’air ! déesses ! ! Et comme j’avais beaucoup couru pour arriver jusqu’à elles, et fait de violents efforts pour courir sans tomber, il me fut impossible de dire un mot de plus, et force me fut de rester court.

— Un Pingouin ! s’écria une des joueuses.

— Un Pingouin ! répéta toute la bande.

Et comme elles se mirent toutes à rire en me regardant, j’en conclus qu’elles n’étaient pas fâchées de me voir.

“Les aimables personnes !” pensais-je. Et le courage m’étant revenu, je les saluai avec respect, et prononçai alors le plus long discours que j’eusse encore prononcé de ma vie :

— Mesdemoiselles, leur dis-je, je viens de naître, j’ai laissé là-haut ma coquille, et comme j’ai vécu seul jusqu’à présent, je me vois avec plaisir en aussi belle compagnie ; vous jouez : voulez-vous que je joue avec vous ?

— Pingouin mon ami, me dit celle qui me parut être la reine de la bande, et que je sus plus tard être une Mouette Rieuse, tu ne sais pas ce que tu demandes, mais tu vas le savoir ; il ne sera pas dit qu’un aussi éloquent petit Pingouin aura essuyé de nous un refus. Tu veux jouer, joue donc, me dit-elle.

Et, cela dit, elle me poussa de l’aile au milieu de ses amies, une autre en fit autant, et puis une autre, et, chacune me poussant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, je jouai alors !

—Je ne veux plus jouer, dis-je, dès qu’il me fut possible de prononcer un mot.

— Fi ! le mauvais joueur ! s’écrièrent-elles toutes à la fois.

Et le jeu recommença, jusqu’à ce qu’enfin, épuisé, humilié, désespéré, je roulai par terre.

— Vous que je respectais ! leur dis-je, vous que j’aimais ! vous que j’adorais ! vous que je trouvais superbes !…

Et ce que je souffrais, comment le dire ?

Celle-là même qui m’avait appelé “Pingouin mon ami,” et qui néanmoins m’avait le plus maltraité, me voyant tout penaud, se reprocha sa conduite.,

— Pardonne-nous, mon pauvre Pingouin, me dit-elle ; nous sommes des Mouettes, des Mouettes Rieuses, et ce n’est pas notre faute si nous ne valons rien, car nous ne sommes peut-être pas faites pour être bonnes.

Et en me parlant ainsi, elle vint à moi d’un air si bon que, quoi qu’elle m’en eût dit, je crus voir en elle la beauté et la bonté parfaites, et j’oubliai ses torts.

Mais la pitié n’est souvent qu’un remords de la dureté, et ce que j’avais pris pour un commencement d’affection n’était que le regret d’avoir mal fait. Aussi, dès qu’elle me vit consolé, s’envola-t-elle avec ses compagnes.

Ce brusque départ me surprit à un tel point qu’il me fut impossible de trouver un geste ou une parole pour l’empêcher, et je recommençai à être seul.»

C’est-à-dire que chaque jour triste avait son plus triste lendemain, car dès lors la solitude me devint insupportable.

P. J. Stahl (Pierre-Jules Hetzel), Vie et opinions d’un Pingouin. 1814.

Animaux de Paris. Le gentil petit canard et les deux poussins.

Classé dans : Nature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 9:25


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À propos de l’artiste.

«Des canetons. Ils sont trente-un jours à éclore, soit qu’on laisse à la cane le soin de couver ses œufs, soit qu’on les ait confiés à la poule ou à la poule-d’Inde. On doit avoir pour les canetons les mêmes soins que pour les poussins et les dindonneaux ; mais ils peuvent, comme on l’a dit, se passer de mère aussitôt qu’ils sont nés. Leur meilleure nourriture, dans les premiers jours, est du pain émietté, imbibé de lait, d’eau, d’un peu de vin ou de cidre. Quelques jours après, on leur prépare une pâte faite avec une pincée de feuilles d’orties tendres, cuites, hachées bien menu, et d’un tiers de farine de blé de Turquie, de sarrazin ou d’orge ; on y ajoute les œufs de rebut préa­lablement cuits. Dès qu’ils ont acquis un peu de force, on leur jette beaucoup d’herbes potagères, crues et hachées, mêlées avec un peu de son détrempé dans l’eau ; l’orge, le gland, les pommes de terre cuites, de petits poissons, quand on en trouve, conviennent également à ces oiseaux, qui se jettent sur les différentes substances qu’ils rencontrent, et montrent, dès leur plus tendre enfance, une voracité qu’ils conservent toute leur vie.

Les canetons ont besoin d’être fortifiés avant que d’aller à l’eau. Pour cela il faut les tenir enfermés sous une cage à poussins pendant huit ou dix jours; ce qui est facile, surtout quand ils ont été couvés par une poule ou une poule-d’Inde. On a soin d’y tenir un peu d’eau. Après ce temps-là on peut les mettre en liberté. Leur penchant naturel les entraîne bientôt vers l’eau: ils s’y plongent, et les poules, ne pouvant les suivre, témoignent par des cris et des gémissements leur inquiétude et leur alarme sur leur famille adoptive. On doit prendre encore quelques précautions avant de laisser aller les canetons avec les vieux-canards, dans la crainte que ceux-ci ne les maltraitent. Il faut leur donner à manger comme aux autres volailles, toujours dans le même endroit et aux mêmes heures, afin qu’ils s’y trouvent régulièrement et ne s’écartent point ; il est nécessaire aussi de les accoutumer à revenir le soir, de les tenir enfermés» sous les toits qui leur sont destinés, et de placer ces toits, autant que le local le permet, à portée de la mare ou de toute autre pièce d’eau de la basse-cour.

Cuvier, Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 1817.

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