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6 janvier 2020

L’amour de loin revisité

Classé dans : Littérature — Miklos @ 0:02

La représentation à Paris de l’opéra éponyme de Kaija Saariaho avait fourni l’occasion de parler de ce phénomène qui n’est pas qu’actuel et préexistait aux réseaux dits sociaux, l’exemple le plus notable étant celui du troubadour Jaufré Rudel, parti au XIIe siècle de Blaye (dans l’actuelle Nouvelle-Aquitaine) pour tenter de rejoindre la princesse de Tripoli qu’il n’avait jamais vue mais dont il était tombé amoureux. Il mourra à l’arrivée dans ses bras. De tristesse, elle entrera dans un monastère.

Le texte ci-dessous, en ancien pro­vençal, en est une bio­graphie ancienne. Ceux qui auraient vraiment du mal peuvent consulter avec profit et intérêt le Lexique roman de Raynouard : tomes I, II (A-C), III (D-K), IV (L-P), V (Q-Z), VI (Appendice – vocabulaire).

«Jaufres Rudel de Blaia si fo molt gentils hom, princes de Blaia; et enamoret se de la comtessa de Tripol1, ses vezer, per lo gran ben e per la gran cortezia qu’el auzi dir de lieis als pelegrins que vengron d’Antiochia, et fetz de lieis mains bon vers et ab bons sons, ab paubres motz. E per voluntat de lieis vezer el se crozet, e mes se en mar2 per anar lieis vezer. Et adoncs en la nau lo pres mout grans malautia, si que cill que eron ab lui cuideron que el fos mortz en la nau; mas tan feron qu’ill lo conduisseron a Tripol en un alberc com per mort. E fo faitz a saber a la comtessa, e venc ad el al sieu lieich e pres lo entre sos bratz. Et el saup qu’ella era la comtessa, si recobret Io vezer, l’auzir e ’l flairar; e lauzet dieu e ’l grazi que ill avia la vida sostenguda tro qu’el l’ages vista. Et en aissi el moric entr’els braz de la comtessa; et ella lo fetz honradamen» sepellir en la maison del Temple de Tripol. E pois en aquel meteis dia ella se rendet monga, per la dolor que ella ac de lui e de la soa mort.3

Sources :

- François-Just-Marie Raynouard, Choix des poésies originales des troubadours. Tome cinquième contenant les biographies des troubadours, et un appendice à leurs poésies imprimées dans les volumes précédents. Firmin Didot, Paris, 1820.

- Camille Chabaneau, Les biographies des troubadours en langue provençale publiées intégralement pour la première fois avec une introduction et des notes accompagnées de textes latins, provençaux, italiens et espagnols concernant ces poètes et suivies d’un appendice contenant la liste alphabétique des auteurs provençaux avec l’indication de leurs œuvres publiées ou inédites et le répertoire méthodique des ouvrages anonymes de la littérature provençale depuis les origines jusqu’à la fin du quinzième siècle. Édouard Privat, Toulouse, 1885.

__________________

1. Odierne, femme de Raimon Ier, compte de Tripoli, selon l’option de M. Suchier & de M. Paul Meyer, la seule plausible. Voyez Romania, t. 6, p. 120.

2. Vers 1147 (deuxième croisade). Nous avons sur ce voyage un autre témoignage, celui du troubadour contemporain Marcabru, qui adresse

A Jaufre Rudel oltra mar

sa belle romance A la fontana del vergier, où se trouve une allusion des plus précises à la croisade de Louis VII.

3. Édition critique de cette biographie dans A. Stimming, Der Troubadour Jaufre Rudel, sein Leben und seine Werke, p. 40. M. Paul Meyer l’a publiée, d’après I K, dans son Recueil d’anciens textes, p. 99.

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