La réponse de la bergère au berger
Voici la réponse de Catherine aux reproches de Pierrot (elle se chante sur le même air), incapable qu’il est d’arriver à ses fins. La coquine explique au nigaud qu’il aurait mieux fait d’avoir les yeux en face des trous, la main plus leste et le comportement plus hardi. Mais quand on en arrive aux explications de texte, c’est que l’occasion n’a pas fait le larron et est perdue. Ah, si Pierrot avait agi comme le beau Colas, qui, au fond d’un bois solitaire, avait vu la fille au gros Lucas qui dormait sur la fougère… ! On vous chantera une autre fois ce qu’il en advint.
P
ierrot, finis ta légende ;
Pourquoi tant me quereller ?
Si tu veux que je me rende,
Il faut autrement parler.
Je t’ai souvent mis à même ;
Mais tu n’es qu’un pauvre sot,
Qui n’as jamais de toi-même
Su comprendre à demi-mot.Tes reproches sont frivoles
Et ne sont que d’un nigaud ;
Tes doucereuses paroles
Ne valent pas un zéro.
Pour ignorer mon envie,
Quand je te l’ai donné beau,
Il faut n’avoir de sa vie
Mené la vache au taureau.Étant près d’un bois, seulette,
Je te vis de loin venir,
Je me couchai sur l’herbette.
Et fis semblant de dormir.
Tu m’appelas paresseuse
Sitôt que tu m’aperçus :
J’eus beau faire la dormeuse,
Tu m’éveillas, et rien plus.Un jour que sur une chaise
Tu me brandouillais1 si bien,
Mes yeux, ardents comme braise,
Ne te demandaient-ils rien ?
Tu me voyais en désordre,
Et je te disais tout bas :
Le bon chien ! s’il voulait mordre ;
Mais tu ne m’entendis pas.L’autre jour, dans ma pochette
Tu fouillais tout doucement,
Et ta main toujours discrète
Ne sut passer plus avant.
Puis la retirant bien vite,
Tu ne pris que mon couteau :
Si tu prends un lièvre au gîte,
Ce sera du fruit nouveau.Que veux-tu que je te dise ?
Ce ne serait jamais fait.
Ne t’en prends qu’à ta bêtise,
Si tu n’es pas satisfait.
Telle chose que je fasse,
Tu ne t’en ébranles pas ;
Vingt fois un autre, à ta place,
M’aurait fàit sauter le pas.Lorsque tu me fais la mine2
De ce que j’aime Lucas,
Et que ton humeur chagrine
S’oppose à tous mes ébats ;
Tu me parais plus étrange
Que le chien du jardinier,
Qui ne veut pas que l’on mange
L’herbe qu’il ne peut brouter.
1 Balancer.
2 Faire la tête.