Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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29 novembre 2013

« Redonner un visage à l’homme. Repenser la centralité anthropomorphe. »

Classé dans : Histoire, Judaïsme, Langue, Littérature, Livre, Progrès, Shoah, Société, Éducation — Miklos @ 23:24

Lors du colloque « Permanence du yiddish » qui s’était tenu à l’Unesco il y a un an, l’allocution d’ouverture de Rachel Ertel, grande dame de la langue et de la culture yiddish s’il en est, a placé le propos spécifique de la confé­rence dans celui, bien plus général, de la place de l’homme – et donc de la langue, de l’histoire, de la culture, de l’iden­tité, de la transmission – dans, ou face à, la moder­nité. On trouvera ci-dessous le début de son inter­vention qui donnera, on l’espère, l’envie d’écouter (ici, où l’on peut aller directement à son intervention par le menu de droite) ou de lire () l’intégralité de sa communication.

Rachel Ertel est pessimiste : le yiddish est une « langue assassinée », elle ne redeviendra plus une langue populaire. Mais, dit-elle, « elle peut conserver et transmettre son infinie richesse en son propre idiome ou, comme dans la métaphore de Peretz par “la métamorphose de sa mélodie”, en d’autres langues », ce que sa propre activité de traductrice (vers le français) n’a eu de cesse de démontrer. Mais la tâche du traducteur est aussi celle de « témoin du témoin absent ».

Rachel Ertel a aussi œuvré à enseigner et faire enseigner le yiddish – j’en sais quelque chose personnellement – et pas uniquement à l’intention de ceux dont les parents maintenant disparus et leurs propres parents souvent assassinés parlaient cette langue, mais de jeunes générations parfois étrangères à cette filiation mais qui n’en montrent pas moins d’intérêt à l’étudier, à se l’approprier.

Et donc, en dépit de son pessimisme affiché, elle conclut ainsi : « En faisant jouer ensemble toutes ces strates on peut espérer qu’une sédimentation fertile verra le jour, dont il est impossible de prévoir les avatars et les configurations, mais qui peut, peut-être, redonner une fluidité, une capacité de métamorphose, bref une vitalité au yiddish qui lui donnera une forme de permanence. »

Nota bene : le terme yiddish de « Khurbn » qui revient à plusieurs reprises dans la seconde partie de son allocution provient de l’hébreu où il signifie « destruction », voire « destruction totale, catastrophique ». En hébreu, il est surtout appliqué aux deux destructions du Temple de Jérusalem. En yiddish, il dénote l’extermination des Juifs durant la Seconde guerre mondiale (en français, on tend à utiliser de nos jours dans ce contexte le mot hébreu de « Shoah », qui signifie « catastrophe »).

«La notion de permanence et sa définition, celle du dictionnaire, est la suivante : « Caractère de ce qui est durable, de ce qui dure, demeure, sans discontinuer, ni changer ». J’insiste sur le terme de « changer ».

La question qui se pose alors est d’ordre tout à fait général : est-ce le cas des langues, est-ce le cas des cultures ? Les langues et les cultures qui durent, qui demeurent sans discontinuer ni changer deviennent vite des langues et des cultures mortes. Il faut donc, pour être permanent, ne cesser de changer, de se transformer, et de se muer constamment. La réalité de la permanence est un flux constant, la seule permanence est la fluidité, la transformation, la métamorphose, l’ubiquitaire, le polysémique, la mutation, le polymorphe.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, et pour certains même pendant une partie du XXe, nous vivions dans l’illusion du progrès illimité de l’humanité. La technique avance plus vite que jamais, mais le progrès n’est plus crédible. L’humanité toute entière a perdu la face, et l’histoire continue à nous montrer que, loin de la retrouver, elle ne fait que la bafouer et l’abolir de jour en jour.

Nous vivions dans des dimensions à échelle humaine – des familles, des régions, à la rigueur des États-nations –, nous vivons maintenant à l’échelle planétaire, autant dire nulle part.

Nous vivions dans l’illusion d’un axe du temps unilatéral qui nous menait vers des lendemains qui chantent. Pour certains, la rédemption était accomplie ; mais les faits l’ont démenti. D’autres attendent encore une rédemption qui semble de plus en plus hypothétique si nous nous en tenons aux faits historiques aux guerres, aux massacres, de plus en plu industriels, de plus en plus scientifiques. La science que l’on croyait la panacée universelle a dévoilé sa face d’ombre.

Nous avons perdu notre innocence. Pour ma génération l’univers entier est à repenser. Les mots ont perdu ou changé de sens. Nous vivons dans « le désenchantement du monde. » Et tout est à repenser. À commencer : redonner un visage à l’homme. À repenser la centralité anthropomorphe. À retrouver le sens des mots, les dimensions dans lesquelles l’être humain évolue, les espaces de vie.

Pour pouvoir vivre, le repenser non pas en termes de mondialisation, de globalisation, mais d’une proximité qu’aucun internet, le plus sophistiqué ne peut supplanter. Repenser le temps. Le temps, non plus comme un axe unilatéral, ni comme un cycle toujours recommencé. Le temps avance et recule par bonds, il oscille, il va et vient, il tangue, il bafouille, il bégaie.

Il faut peut-être repenser notre monde non plus par sa centralité, mais comme disait Richard Marienstras, par les marges.

Repenser de fond en comble la notion, nous dire que la permanence est mortifère, que la véritable dimension de la permanence c’est le mouvement, c’est le changement, c’est la transformation.

»Alors nous pourrons repenser la permanence dans ses multiples dimensions : linguistique, historique, culturelle, iden­titaire, transmissible, c’est-à-dire dans la vie avec tous ses aléas.

7 septembre 2013

Deux semaines de lecture

Classé dans : Langue, Littérature, Livre — Miklos @ 9:13

««««« Jonas Jonasson : Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. Trad. du suédois. [Très bien tricoté et enlevé ; seule réserve, la traduction, parfois maladroite]

««««« Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard. Trad. de l’italien. [En cours]

««««« François Mauriac : Le Sagouin. [Concis, essentiel, tragique].

««««« Shmuel T. Meyer, Un nouvel an de pierres. [Un peu trop tarabiscoté et sans doute moins compréhensible pour les non-initiés ; de circonstance, vu la période du calendrier juif !]

««««« Michaël Sebban, La Terre promise, pas encore. [Très bien écrit et enlevé, soulève des questions importantes qui me parlent particulièrement.]

««««« Anne Sinclair, 21 rue La Boétie. [Intéressant, mais écriture moyenne]

««««« Leonard Q. Ross [Leo Rosten], The Education of H*Y*M*A*N K*A*P*L*A*N. [Feu d’artifice linguistique, vision humoristiquement chaleureuse de nouveaux immigrants tâchant vainement d’apprendre la langue]

««««« Jacqueline et David Kurc, Humour Yiddish – Yidisher Humor – יידישער הומאר . [Génial pour apprendre la langue tout en riant, même aux vitsn les plus connus. Lecture en cours]

««««« Alexandre et Lev Shargorodsky, Café Rome. Trad. du russe. [Lecture en cours, humour assez lourd]

««««« David Grossman, Duel à Jérusalem. Trad. de l’hébreu. [Merveilleuse description d’une amitié entre un enfant de 12 ans et un retraité de 75 ans par l’auteur de L’enfant zigzag, autre perle si sensible au monde de l’adolescence. Excellente traduction – comme toujours – de Sylvie Cohen]

3 septembre 2013

À cause d’un mot…

Classé dans : Architecture, Cinéma, vidéo, Langue, Littérature, Livre — Miklos @ 23:51

Ode à soi-même

D’une île perdue dans l’océan vaste,
Et peuplée d’une étrange caste,
Le sérieux dynasteSouverain dirigeant un petit pays ou gouvernant sous la protection d’une grande puissance.
– c’est après tout un agelastePersonne qui ne sait pas rire. –,
Vigoureux tel un pancratiasteAthlète lourd à la musculature particulièrement développée.,
A pêché un immense sébastePoisson comestible et savoureux, voisin de la rascasse..

La proie pesait au moins un lastePoids (deux tonneaux). !
Elle pourra, se dit-il alors, servir de ballast
Pour mon prochain vol en ballon vers Belfast.
Il l’assomme avec son basteMasse, gros marteau.
Et la fourre dans sa banastePanier, corbeille..

Enthousiaste,
Il hésite : faire un podcast
Ou appeler un ami cinéaste
(qui se trouve être aussi bédéaste)
Afin de lui faire relater cet exploit avec faste
Et d’en faire une diffusion mondiale en multicast.

L’ami, bien que parrèsiasteCelui qui pratique le dire-vrai.,
Par peur de trop faire sonner les oreilles pourtant si peu chastes
De ce robuste gymnaste,
Et susciter ainsi de sa part une réaction néfaste,
Le traite poliment d’orchidoclasteTestifrange..

Notre tyran, fameux scoliasteÉrudit qui annote ou commente un auteur et son œuvre, de quelque époque que ce soit.
(Notamment de l’Ecclésiaste),
Comprend l’insulte et rétorque d’un mot d’un seul : « Baste ! ».
Et, à ses heures bucoliasteAuteur de poèmes bucoliques.,
(Avouez-le, drôle de contraste),
Décide d’être son propre encomiasteCelui qui compose, qui écrit, ou qui prononce l’éloge de quelqu’un. :

« D’une île perdue dans l’océan vaste… »

À la réception d’une invitation à la projection exceptionnelle du film L’Orchidoclaste de Laetitia Masson consacré à l’architecte Rudy Ricciotti, je n’ai pas manqué d’être interloqué par son titre. Une brève recherche m’en a fourni le sens amusant (on en a donné ici un synonyme dérivé, lui, du latin*), et, voulant en déterminer l’auteur, j’en ai recherché les occurrences dans Google Books.

On en trouve quatre, au 20e siècle, dont trois dans les années 1990 avec l’extrait à l’appui, qui ne montre qu’un usage sans en indiquer l’origine, et une quatrième, fort curieuse : Le Sagouin de François Mauriac (1975), sans extrait : non seulement ce mot ne me semblait pas correspondre au vocabulaire de Mauriac, mais cet usage solitaire, une quinzaine d’années avant les trois autres, me semblait aussi suspect.

Après m’être dit que j’irai consulter l’ouvrage dans une bibliothèque de quartier, je vérifie tout de même mon catalogue personnel, et oh, surprise !, je détiens l’ouvrage, dans une édition antérieure, de 1970. Il a en fait été écrit en 1951…

Je feuillette d’abord ce court roman, de la première à la dernière page, et n’y trouve pas le mot en question. Mais mes yeux s’arrêtant sur quelques phrases ici et là, je le reprends du début pour le lire, et oh, surprise !, c’est un chef-d’œuvre. À défaut du roman lui-même, court, incisif, perceptif, tragique, que je ne peux que recommander très vivement,– âmes sensibles s’abstenir –, on trouvera ici une analyse et la synopsis du texte.

Ah, j’oubliais ! Si vous y voyez le mot en question, soyez gentil, dites-moi où il s’y trouve.

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* Et, selon Google Books, présent dans un ouvrage dans lequel on ne s’attendrait pas à le trouver, De l’Hospital des incurables à l’Hôpital Laennec, 1634-2000 : une histoire de la médecine à la veille du troisième millénaire, textes réunis par Alain Dauphin et Marc Voisin (on se demande ce que vient faire le nom de Chantal de Singly dans les informations plus que succinctes qu’en donne Google Books), et surtout au vu de l’extrait qu’ils affichent : « Comme Céline, il avait horreur du langage recherché fait de néologismes grecs. Comme Mathey, il était adversaire d’Amyot, admirateur de Rabelais : Pour être compris, à orchidoclaste, je préfère testifrange, mais casse-couille en français […] ». Difficile de deviner le rapport entre ce passage et le titre de l’ouvrage…

29 août 2013

Un fort curieux Jésuite

Classé dans : Livre — Miklos @ 2:26


Source : bibliothèque municipale de Lyon.

Les Jésuites n’ont de cesse de nous surprendre (on ne pense pas forcément à la récente élection d’un certain François), mais tout de même…

En explorant quels concours intéressants avaient eu lieu au 19e siècle, on est tombé sur un texte assez remarquable, Coup d’œil sur quatre concours qui ont eu lieu en l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon pour le prix offert par M. l’Abbé Raynal sur la Découverte de l’Amérique, publié en 1791. Il s’agissait d’un rapport lu à la séance publique de l’académie en question le 20 avril 1790, dans lequel on discute de la question si la découverte de l’Amérique, avec toutes les horreurs dont elle s’est accompagnée, a été bénéfique non seulement aux Européens mais à l’humanité toute entière.

Une fois qu’on a eu la réponse, on s’est intéressé à l’auteur de ce Coup d’œil. La page de garde de l’ouvrage qu’on avait consulté ne l’indiquait pas, mais portait la mention manuscrite « Par M. l’abbé Jacquet avocat à Lyon » comme on peut le voir ci-dessus. La notice bibliographique indiquait quant à elle « Louis Jacquet, Bruyset », dont on a rapidement éliminé le « Bruyset » qui s’est trouvé être son imprimeur. On est donc parti à la chasse d’informations concernant un Louis Jacquet, abbé et avocat à Lyon à la fin du 18e siècle.

Et voici que l’on trouve une notice à son propos, éditée par l’abes (ce n’est pas la femme dudit abbé mais l’agence bibliographique de l’enseignement supérieur), qui indique qu’il s’agit de Jacquet, Louis (1732-1794), Jésuite, avocat, membre de l’Académie de Lyon. Ce qui frappe dans cette page, c’est la liste de ses ouvrages qui lui sont attribués†.

On y voit bien entendu celui dont on vient de parler, mais aussi La fabri­cation des eaux-de-vie. Quelle surprise de la part d’un Jésuite ! Il est vrai qu’on avait lu et apprécié L’Elixir du père Gaucher, mais tout de même… Et voici qu’il aurait aussi renchéri avec L’alcool : étude économique générale, ses rapports avec l’agriculture, l’in­dus­trie, le commerce, la législation, l’impôt, l’hygiène individuelle et sociale, préfacé par, je vous en donne mille, George Clemenceau lui-même en personne, dans une édition datée plus de cent ans après la mort de son auteur. Curieux, aussi, cet ouvrage en plusieurs volumes de sa main, publiés dans les années 1970, Les Psaumes et le cœur de l’homme : étude textuelle, littéraire et doctrinale.

On a donc poursuivi notre enquête, et voici que l’on trouve, sur un site de généalogie, une page consacrée à un certain Siméon Marie Louis Jacquet (1864-1924), auteur de ces ouvrages sur l’eau-de-vie et l’alcool, et pour cause, voici ce qu’elle en dit (on s’est permis d’y corriger un certain nombre de coquilles) :

«Admis au concours d’entrée à l’école centrale des arts et manu­factures en 1887, ingénieur, en 1889, directeur associé de la distil­lerie de Solençon prés de Cognac, rédige un ouvrage La fabri­cation des eaux de vie publié par Masson, crée avec son frère Jules une société à Cognac, Jacquet, Klug et Cie, couronné par l’Académie française pour son ouvrage sur L’Alcool préfacé par Georges Clemenceau, en 1917 ingénieur à la société générale des Téléphones. »

Ces ouvrages ne portant que le dernier prénom dudit Jacquet – l’histoire ne dit pas s’il était abbé et la photo ci-contre ne le laisse pas deviner –, le voici transformé en un homonyme du nôtre qui, lui, n’était pas ingénieur, d’après le Dictionnaire historique, ou Histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, écrit par un autre abbé, F.-X. de Feller et publié au 19e s., après la mort du premier qui avait le goût de la littérature, et avant la naissance du second qui semblait porté vers les alcools :

«JACQUET (Louis), né à Lyon le 6 mars 1732, entra chez les jésuites, et y prit le goût de la bonne littérature. Pourvu, quand il en fut sorti, d’une prébende de chevalier de l’église de Saint-Jean de Lyon, il devint membre de l’académie de cette ville, où même, sans doute après que le chapitre de Lyon, comme tous les autres établissements ecclésiastiques, eut été supprimé, on dit qu’il exerça la profession d’avocat. On lui doit : 1° un Parallèle des tragiques grecs et français, 1760, in 12, ouvrage ingénieux. 2° Deux Discours sur cette question : La candeur et la franchise ne sont-elles pas communément plus utiles dans le maniement des affaires, que la ruse et la dissimulation ? L’autre sur celle-ci : Le désir de perpétuer son nom et ses actions dans la mémoire des hommes est il conforme à la nature et à la raison ? Ces deux questions avaient été proposées par l’académie de Besançon, et les deux discours de l’abbé Jacquet furent couronnés. 3° Coup d’œil sur les quatre concours, brochure relative au prix proposé par l’abbé Raynal sur la découverte de l’Amérique. Cet écrit de Jacquet passe pour un modèle de rapport littéraire. Il travaillait à un ouvrage sur l’origine du langage, des arts et de la société, et était sorti de Lyon pendant l’investissement de cette ville en 1793, pour n’être pas témoin des horreurs qui en suivirent la prise. Il s’était retiré à la campagne ; il y mourut la même année. Il était, dit-on, grand admirateur de J.-J. Rousseau, avec lequel il avait dans ses habitudes et ses idées quelque ressemblance. Il eut le temps de voir les suites funestes de ces théories prétendues sociales, et qui ne tendent à rien moins qu’à bouleverser les sociétés. »

L’erreur, dans le site de l’abes, semble provenir de la source de la notice erronée (OCLC). Le catalogue de la bibliothèque municipale de Lyon ne s’y est pas trompé, lui : il indique que l’auteur de La fabrication des eaux-de-vies est « Jacquet, Louis, 18..-19.. ?, ingénieur des arts et manufactures » (il pourra maintenant compléter les dates et les autres prénoms de l’auteur avec les informations qu’on a trouvées plus haut).

On n’est pas arrivé à déterminer qui est ce Louis Jacquet qui a écrit les trois volumes du Les Psaumes et le cœur de l’homme. Comme cet ouvrage semble avoir été publié pour la première (et dernière) fois en 1975, et qu’il est classé par la bibliothèque du Couvent des Dominicains de Toulouse dans la catégorie « Livre des Psaumes : études, commentaire modernes », on en déduira qu’il s’agit bien d’un homonyme moderne, qualifié ailleurs de « docteur en théologie » et non pas d’« abbé ».

Enfin, pour rajouter quelques possibilités de confusion, on signalera l’existence d’un contemporain de notre Jésuite : Pierre-Louis Jacquet (1691-1763), évêque auxiliaire de Liège, et enfin celle d’un autre abbé, Louis-Joseph Jacquet, auteur d’un Souvenir à la plus tendre mère, son inconsolable fils l’abbé Jacquet, publié en 1852. Ce dernier est aussi l’auteur d’autres ouvrages aux titres plus édifiants les uns que les autres, à l’instar de Réponse à cette question : Qu’entend-on par république ? Hommage aux représentants de la grande famille française par leur tout dévoué frère et concitoyen l’abbé Jacquet (1848) ou L’Étoile de la France en Italie (1859), en vers, avec une récidive dans Jeanne d’Arc, poème national en dix-huit chants (1843), suivi du Triomphe national de Jeanne d’Arc en XVI chants… Et après cela, on ne peut qu’être stupéfait en constatant qu’il aurait aussi commis un De l’Hydrogéologie, ou Action et mouvement des eaux dans l’intérieur des terres, c’est la BnF qui l’affirme. On n’a trouvé nulle part ailleurs de mention de cet ouvrage. Encore un mystère à résoudre ! Et pour ceux qui souhaiteraient identifier d’autres Louis Jacquet, on leur conseillera la liste qu’en donne le VIAF (répertoire international de noms en provenance de plusieurs bibliothèques nationales) qui, soit dit en passant, répercute l’erreur d’attribution que l’on a vue chez l’abes.

On conclura en affirmant notre préférence pour les textes authen­tiques de notre abbé Jésuite.


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† Cette liste a, depuis la rédaction de ce texte, évolué dans le bon sens, l’abbesse l’abes ayant réagi plus vite que son ombre au signalement que nous lui avons fait et dont on pourra suivre les étapes ici.

9 juillet 2013

La numérisation requiert du doigté, ou, la main non cachée de notre AMI à tous

Classé dans : Langue, Livre, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 10:44

Il y avait de quoi être interloqué par les réponses d’Europeana à une recherche du terme « drummer » (tambour), et pour plus d’une raison…

D’abord, à la lecture de l’intitulé du premier document : « Nuptiis Dn. Georgii Drummeri Viri Integerrimi Spectatissimique Nec non Elisae Kelnerae, Virginis Dotib. Omnibus commendatissimae. L.M.Q. gratulatur Justus Grisius Philiater ».

Que vient faire ce mot dans un texte apparemment en latin ? Un bref retour sur des souvenirs remontant à l’étude laborieuse du Gaffiot a permis de comprendre qu’il s’agissait ici d’un texte concernant un certain Georg Drummer et une non moins certaine Elisa Kelner. À cette heure, impossible de trouver une autre trace du couple que celle-ci.

Mais cette main, à qui appartient-elle ? Ce document provient de la Bibliothèque d’État de Bavière, et on peut consulter sur son site dix pages, y incluses trois vues de cette main et de son pendant. On y remarquera l’alliance sur l’annulaire droit, ce qui confirmerait qu’il ne s’agit effectivement pas de la main d’une Virgina (Dotib. ou non), et on en conclut que les trois pages en question ne font pas partie du document primaire. Pour celles et ceux qui souhaiteraient aussi voir la bague sertissant l’annulaire gauche et admirer le motif qui en décore l’ongle, voici donc ces deux détails :

Mais, me demanderez-vous, pourquoi en déduire tout de suite qu’il s’agit de Google, d’autant plus qu’ici ce n’est pas sa main cachée ? Il est vrai que la particularité de cette numérisation nous en rappelle d’autres (ce qui, soit dit en passant, peut nous rassurer : on utilise encore des humains pour numériser), mais il n’est nullement indiqué dans le document en ligne qu’il provient de notre AMI à tous, ni même dans sa notice en ligne (qui, soit dit toujours en passant, contient un « Permalink », ou « permalien » en français – adresse supposée être durable, et qui ne mène nulle part quand on y clique).

Eh bien, il suffit de chercher le document dans Google Books : on l’y retrouve avec les mêmes mains et les mêmes taches, et, en sus, avec la mention « Numérisé par Google ». Feuilletez donc :

CQFD. Ou, pour les latinisants, QED.

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