Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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30 septembre 2007

Scène de la vie parisienne

Classé dans : Arts et beaux-arts, Lieux — Miklos @ 13:56

Fontaine Stravinski © Michel Fingerhut 1985Le petit groupe de touristes, visages tournés vers le Centre Pompidou, écoute la guide, qui leur explique en hébreu avec une péda­gogie appliquée la signi­fication des couleurs des tuyaux, visibles et invi­sibles. Puis, se tour­nant vers la fontaine aux auto­mates, elle attire doctement l’attention de son trou­peau sur ses person­nages, qu’elle affirme être « l’œuvre du sculpteur Miró qui est exposé au Centre Pompidou » et fort repré­sen­tatives « de son style si typique ». Elle ajoute que la fontaine, réalisée en l’honneur du célèbre compo­siteur Igor Stravinski, joue plusieurs fois par jour des extraits de sa musique. Lorsque je lui glisse à l’oreille qu’il ne s’agit pas de Miró mais de Niki de Saint Phalle, et que la fontaine est musi­calement silen­cieuse, elle me répond d’un air étonné : « Ah ! ce n’était pas ce qu’on m’avait dit ». Ces légendes sont tenaces, comme me le confirmera quelques instants plus tard l’aimable patronne de Dame Tartine (dont je vous recom­mande vivement en passant le tartare de saumon et le pavé au chocolat).

29 septembre 2007

Après Vienne

Classé dans : Architecture, Lieux, Musique — Miklos @ 14:13

Vienne la baroque est une orgie de tartes à la crème montées d’un Éverest de Chantilly : l’architecture exubérante de ses monuments et le décor intérieur de ses églises en donnent le sentiment et ses cafés le goût. Les palais majestueux à la splendeur délirante de cette petite ville de province qui fut le cœur d’un empire se retrouvent dans des rues régulières bordées des façades sobres de maisons bourgeoises aux fenêtres surmontées d’un fronton surbaissé ou encadrées de bas reliefs de colonnes, grandeur néoclassique oblige. Sur bruit de fond omniprésent d’une musique de valse hypnotisante, tout y est propre et fonctionne comme sur du papier réglé, les gens sont aimables, souriants, et bien de leur personne. Les autres – mendiants ou drogués – savent se tenir dans l’ombre, à leur place. Il ne s’est rien passé ici, il y a 60 ans.

La ville est organisée efficacement, pour un touriste (sans pour autant atteindre la folle utopie des quartiers de Brasilia) : tous les musées sont regroupés dans le gigantesque palais Hofburg ou ses alentours. Parmi ceux-ci, l’Albertina, qui abrite une richissime collection d’arts graphiques. J’espérais y voir le merveilleux Jeune lièvre, les extraordinaires Mains en prière et d’autres chefs-d’œuvre de Dürer, de Léonard de Vinci ou de Michel-Ange : las, les murs des splendides salons d’apparat des Habsbourg qui viennent d’être restaurés et ouverts au public n’en affichent que des reproductions de qualité inégale. L’exposition en cours, dans une autre partie du palais, « de Monet à Picasso », permet d’admirer les traces des principaux courants artistiques de l’époque charnière entre le classicisme et l’art contemporain : impressionnisme et post-impressionnisme (un très expressif et curieux portrait d’animal, Le Cheval blanc « Gazelle », de Toulouse-Lautrec), expressionnisme allemand (le mouvement Cavalier bleu), les Fauves et les Nabis, l’avant-garde russe (peut-on ne pas aimer Chagall ?), les surréalistes (un très beau Paysage aux lanternes de Paul Delvaux), jusqu’à Yves Klein, Mark Rothko, Roy Lichtenstein ou Francis Bacon (auquel on a préféré de loin Le Portrait d’Annette d’Alberto Giacometti, moins mortifère et tout aussi fort)… Fruit d’une collection privée (celle de Rita et de Herbert Batliner), cette exposition ne se veut pas exhaustive, mais dessine d’une façon très pédagogique un panorama d’un siècle d’art à cheval sur les 19e et 20e s. (où, comme on le sait, les seules guerres furent les batailles rangées qui se sont tenues entre mouvements artistiques).

Quant à la collection des instruments de musique anciens, hébergée à l’étage du corps principal du palais impérial, on y arrive par de majestueux escaliers qui devaient voir défiler des dames en grandes robes froufroutantes. Des instruments à vent anciens de toutes formes (sans oublier le serpent) et matériau, de nombreux claviers – orgues positifs, épinettes, pianos – dont certains célèbres pour leur facteur ou leur propriétaire, d’autres étranges (combinant orgue et cordes, ou permettant de jouer toutes les tonalités en tempérament égal), des cordes frottées (depuis le rebec de la Renaissance aux grands violons italiens) et pincées (on peut y admirer barytons et doubles guitares) : collection hors du temps dans un lieu mythique, qui évoque d’autres musées d’instruments de musique, avec leur part de merveilleux : celui de la Vleeshuis (maison des bouchers) d’Anvers, qui possède des clavecins flamands au son tout aussi splendide que leur décoration ou celui de Ringve en Norvège, où l’on peut voir, aux côtés d’instruments historiques (depuis un virginal italien des années 1600 jusqu’à un synthétiseur Subharcord II) des instruments de musique traditionnels norvégiens. La musique est sans aucun doute l’une des activités créatrices les plus anciennes de l’homme, et c’est celle qui reste parfois quand il a tout perdu.

9 avril 2007

« Ah, si j’étais Rothschild ! »

Classé dans : Lieux, Publicité — Miklos @ 14:52

Non, il ne s’agit pas de la nonpareille baronne Nadine, qu’on a pu voir récemment en compagnie d’une de ses collègues de la haute, la tout aussi baronne Charlotte (de Turckheim), chez le sans-culotte mais nonobstant culotté Laurent (Ruquier). Les parcours contraires des deux aristos ne manquent pas de piquant : la première née Lhopitalier (à ne pas confondre avec Nadine née de Rothschild et décédée Mme Adrien Thierry) et devenue après un parcours parfois ébouriffant (voire ébouriffé) chantre des bonnes manières, l’autre née avec son nom et ayant rejeté un milieu quelque peu étouffant pour mener une carrière parfois déjantée.

Il s’agit en fait du titre hébreu (לו הייתי רוטשילד) de la chanson If I were a rich man dans la comédie musicale A Fiddler on the roof (Un violon sur le toit) de Joseph Stein, d’après la nouvelle Tevie le laitier de Sholem Aleichem*. On la fredonnerait parfois lorsqu’on rêve de faire un voyage extraordinaire qui dépasse ses moyens ou, faute de pouvoir se déplacer dans le réel, de surfer à une vitesse sidérale dans l’immensité infinie du virtuel.

À voir – de loin – les publicités, foin de tout regret : dans le métro, une affiche nous propose de « PARTIR À PRAGUE POUR 9 €, prix à partir de, hors frais de dossier, et pour une inscription 73 jours à l’avance » (et toutes sortes d’autres conditions plus menaçantes les unes que les autres, que je n’ai pu noter n’étant pas muni de loupe). Une autre nous propose une « LIAISON ADSL D’UN DÉBIT DE jusqu’à 28 MÉGABIT POUR 29,90 € ». Curieux, je suis allé consulter le site du transporteur : là, le prix indiqué est « à partir de 38 €. Les tarifs figurant sur le site sont pour des billets A/R à partir du 01/04/06, conditionnés par la date de réservation. non modifiables, non remboursables sur un nombre de places limité. Prix départ Paris hors suppléments et frais de réservation. (cf rubrique “billets promotionnels”). » Quant à la fameuse liaison internet, je peux prouver qu’elle n’atteint pas la moitié du maximum (ils auraient pu indiquer 99,90 Mégabit, ça aurait rimé avec le prix d’abonnement), et souvent descend à un dixième, voire plus bas, que ce taux destiné à appâter.

Heureusement qu’il nous reste les livres, ils nous font rarement défaut, eux, même quand ils sont imprimés en tout petit.


* De son vrai nom Sholem Rabinovitch, né en 1859 à Pereieslav (Ukraine), l’un des plus grands écrivains de la littérature yiddish classique, auteur de nombreuses nouvelles, contes pour enfants, romans et pièces de théâtre. Quittant la Russie en 1905, il séjourne en Suisse puis émigre aux Etats-Unis, où il s’éteint en 1916.

7 mars 2007

Le riz-homme, ou l’ultime confusion des genres

Classé dans : Nature, Progrès, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 14:24

« …et ces grands arums à rhizomes comestibles. » — Gide, Voy. Congo, 1927.

Après la vache qui rit, l’homme qui riz : une société de biotechnologie californienne vient de recevoir l’autorisation du ministère américain de l’agriculture de planter un champ de riz, dans lequel on aurait introduit des gènes humains. Ceux-ci sont destinés à produire des protéines du type de celles que l’on trouve dans le lait maternel et dans la salive, et qui seraient utilisés dans des médicaments destinés à combattre la diarrhée.

Les végétariens deviendront-ils cannibales malgré eux ? On avait entendu parler de la Véritable et pathétique histoire du mariage de la Carpe et du Lapin, mais les noces du riz et de l’homme augurent-elle un avenir autrement plus radieux que celui du Meilleur des Mondes qu’Aldous Huxley avait imaginé dès 1932 ?

6 mars 2007

Douze étagères de livres…

Classé dans : Environnement, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 19:19
10 deca
102 hecto
103 kilo
106 mega (million)
109 giga (milliard)
1012 téra (billion)
1015 petta
1018 exa (trillion)
1021 zetta
1024 yotta (quatrillion)

NB : en anglais, billion, trillion,
quadrillion…
dénotent
109, 1012, 1015

…s’étendant de la Terre au Soleil : tel est l’équivalent du volume des contenus numériques produits en 2006, selon une étude effectuée par l’institut de recherche IDC à la demande d’EMC Corporation, une société se spécialisant dans le stockage et la gestion d’information. Ou, plus prosaïquement, 161 exaoctets ou trillions d’octets. Environ 2,5 gigaoctets par être humain – y compris bébés et sdf – ce qui ne semble pas énorme, vu la taille des clés USB actuelles. Mais ces données se rajoutent à celles créées précédemment et menacent de saturer nos moyens de stockage, estimés à 185 exaoctets en 2006 : en 2010, on en produira près d’un zettaoctet, tandis qu’on n’aura à notre disposition que 601 exaoctets d’espace en ligne. À cette époque, la dépense mondiale en technologie de l’information s’élèvera, toujours selon IDC, à 1,16 billions de dollars.

Si l’on commence à réfléchir – réchauffement climatique oblige – au recyclage de nos déchets, il serait grand temps de penser aussi au nettoyage des poubelles que deviennent nos disques durs, dont la capacité toujours croissante n’incite pas à une gestion économique personnelle, tout en encourageant les industries du stockage et de l’organisation de l’information.

Mais à qui servira toute cette information ? Il faudra des moyens d’une telle puissance (volume, rapidité, complexité) pour stocker, organiser, rechercher, analyser et utiliser ces données qu’il est probable qu’elles soient exploitées surtout par des puissances – étatiques ou privées – ayant une infrastructure informatique adéquate, comme celles qui se mettent déjà en place et collectent « toute l’information du monde ». Quelle sera la part des informations personnelles qui s’y retrouveront – familiale, santé, commerciale, bancaire, pénale… – et qui comprendra sans doute aussi les enregistrements des communications (électroniques, téléphoniques…), des caméras de vidéosurveillance…? Une toile (web, en anglais) d’araignée dans laquelle on se trouvera bien ligoté.

La question qu’on devrait se poser n’est pas tellement comment stocker, mais que stocker et pourquoi le faire.

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