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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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24 septembre 2005

Souvenirs d’Italie : Vicenza

Classé dans : Lieux, Littérature — Miklos @ 10:22

Le 19 septembre au soir, Goethe écrit de Vicence : « arrivé ici depuis quelques heures, j’ai déjà parcouru la ville, vu le théâtre olympique et les édifices de Palladio. Quand on a de telles œuvres sous les yeux, on en reconnaît le rare mérite et je dis de Palladio qu’il est essentiellement un grand homme. » et le 27, en passant à Padoue, il achète les ouvrages de Palladio, ou plutôt un fac-simile sur cuivre de l’édition originale qui était gravée sur bois. On doit cette réédition aux soins du consul anglais Smith. Aussi, peu de jours après, dans le cimetière du lido, Goethe lui rendra grâce sur une tombe à moitié ensevelie.

Bien souvent à Venise, à Vicence et sur la Brenta, j’ai examiné les constructions de Palladio, avec la plus respectueuse curiosité, pour saisir ce que Goethe leur doit, pour m’instruire à mon tour et surtout pour savoir comment l’Iphigénie est une œuvre palladienne.

Goethe et Palladio témoignent, chacun à leur manière, d’une même nature intérieure ; ils s’accordent sur la réforme à accomplir. Ils sont préoccupés de se poser des limites et de ne pas permettre que leur imagination les dépasse. Ensuite, ils se proposent de résoudre la grande, l’éternelle difficulté qui est de rester naturel et vrai en stylisant : « Palladio, dit Goethe, est un génie créateur, car il sut vaincre la contradiction qu’il y aura toujours à associer des colonnes et des murs. Il parvint à employer convenablement des colonnades dans l’architecture bourgeoise. » — je prie que l’on remarque que c’est en quoi excelle notre Racine si noble, aisé, naturel, tandis que c’est l’échec du Chateaubriand magnifique, mais composite et tendu des martyrs — et Goethe continue : « Palladio sut combiner ; il nous força d’oublier qu’une colonnade dans un palais privé, dans une maison pour loger des vicentins, c’est un artifice, un mensonge. Il y a dans les plans d’un Palladio quelque chose de divin, comme chez un grand poète qui, de la vérité et du mensonge, crée une troisième chose dont l’existence empruntée nous enchante. »

Maurice Barrès, Le Voyage de Sparte

21 septembre 2005

Wagner fait bander les petits Suisses

Classé dans : Musique — Miklos @ 21:22

Un célèbre acteur de films pornographiques, répondant au nom de HPG, va venir nu et le sexe en érection sur la scène Grand Théâtre de Genève. Il sera un minotaure dans le « Tannhäuser » de Wagner (bien) monté par l’excellent metteur en scène français Olivier Py, « homosexuel et catholique », comme il se proclame. Le spectacle est-il sponsorisé par l’industrie du citrate de sildénafil ?

Si vous voulez savoir l’effet que cela a eu sur le public, courrez vite ici.

18 septembre 2005

Le poids d’un livre

Classé dans : Littérature — Miklos @ 21:29


Chaque livre possède deux poids différents : d’une part, un poids physique et, d’autre part, un poids subjectif qui se rapporte au contenu du livre, voire à son importance. Combien de fois nous retrouvons-nous, en quittant un lieu, devant ces décisions difficiles : quels livres aimerions-nous ou pourrions-nous emporter ?

Walter Benjamin,
Je déballe ma bibliothèque

17 septembre 2005

La mystérieuse affaire du style

Classé dans : Littérature — Miklos @ 21:04

Si l’auteur fait parfois le style, le style fait souvent l’admirateur. « Imitation is the sincerest form of flattery », disait Charles Caleb Colton, et même si l’admiré n’est pas toujours conscient d’être devenu un modèle, l’imitation a nourri de tout temps les aspirations de ceux qui souhaitaient améliorer quelque aspect de leur vie, du plus élevé au plus trivial : « il [Jésus-Christ] nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du cœur » (Imitation de Jésus-Christ, attribué à Jean Gersèn ou à Thomas a Kempis, traduction de Lammenais) — il ne s’agit pas, chez cet auteur, d’une imitation purement mécanique, mais d’un long apprentissage accompagné de « méditation » sur ce qu’on s’évertue d’émuler. Jean-Sébastien Bach n’a pas manqué de réutiliser — en citant, en transcrivant — des matériaux thématiques issus d’œuvres de ses contemporains ou d’airs connus à son époque — et il n’y a qu’un quelconque « musicographe » populiste adepte de théories de complot pour prétendre que le Cantor de Leipzig n’est pas l’auteur de la majorité des œuvres qui lui sont attribuées… Personne n’accuse La Fontaine d’avoir plagié Ésope, ni Kriloff ou Franc-Nohain d’avoir imité La Fontaine. D’ailleurs,

Ésope n’a rien écrit ; il contait ses apologues selon les circonstances qui les faisaient naître. Les fables que nous avons sous son nom paraissent pour la plupart avoir été rédigées pendant le Bas-Empire, sans doute à différentes époques. Parmi celles dont la rédaction est antérieure, deux ou trois se trouvent dans Aristote ; une vingtaine sont racontées ou indiquées dans plusieurs des Œuvres morales de Plutarque ; vers la fin de l’Hermotime, Lucien cite l’apologue du paysan s’amusant à compter les flots de la mer, se désespérant de s’être trompé, et recevant du renard une leçon de sagesse et de bon sens. Dans deux autres ouvrages, il fait allusion à deux autres fables. Aulu-Gelle et Macrobe nous en ont aussi conservé quelques-unes, mais en les présentant telles qu’on les racontait de leur temps, et non telles qu’Ésope les avait débitées. Tous ces apologues sont cités en prose. Platon raconte que Socrate dans sa prison s’amusait à tourner en vers quelques-uns de ces petits récits. Le seul recueil poétique de ce genre que l’antiquité grecque nous ait transmis est celui de Babrius, ingénieux versificateur dont l’époque est incertaine, car on flotte entre le IIe siècle av. J.- C. et le IIIe siècle de l’ère chrétienne. (Source : Imago Mundi)

L’art évolue par citations et variations successives, explicites ou implicites, sérieuses ou ironiques. Le collage, inventé en peinture par Marx Ernst en 1919, devient chez Burroughs un procédé littéraire novateur inspiré des cadavres exquis des surréalistes puis développé dans la volonté d’expliciter ce que nous faisons tous inconsciemment, et que certains DJ font avec une réelle maîtrise.

L’imitation n’est qu’un des nombreux procédés participant à l’adhérence à des conventions, présentes dans tout discours et intégrées dans le système d’attentes établi a priori entre le spectateur (ou le lecteur) et l’auteur. L’un s’attend à trouver un genre, à reconnaître ce qu’il verra, l’autre y répond ou non en se conformant, plus ou moins, à cette expectative. La tension entre les deux est ce qui fait parfois la richesse d’une découverte inattendue.

Le style est un habit, et il ne suffit pas de s’affubler d’un costume de grand couturier pour avoir l’allure d’un modèle de chez Vogue. L’élégance rare est celle qui, discrète, ne se remarque que lorsqu’elle est absente. Souvent, l’imitation n’est qu’un plagiat de ce qui n’est que le plus apparent, la forme de surface : mise en page, ponctuation, syntaxe ou expressions pour le texte, « effets » en photo ou en musique, coupe de cheveux pour la mode… Si elle permet de reconnaître le modèle, elle peut aussi faire ressortir le manque d’identité de l’imitateur. Le copillage ne suffit pas à l’appropriation.

À lire :
Antoine Compagnon : La notion de genre.

Colombie

Classé dans : Lieux — Miklos @ 14:53

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