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17 septembre 2005

La mystérieuse affaire du style

Classé dans : Littérature — Miklos @ 21:04

Si l’auteur fait parfois le style, le style fait souvent l’admirateur. « Imitation is the sincerest form of flattery », disait Charles Caleb Colton, et même si l’admiré n’est pas toujours conscient d’être devenu un modèle, l’imitation a nourri de tout temps les aspirations de ceux qui souhaitaient améliorer quelque aspect de leur vie, du plus élevé au plus trivial : « il [Jésus-Christ] nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du cœur » (Imitation de Jésus-Christ, attribué à Jean Gersèn ou à Thomas a Kempis, traduction de Lammenais) — il ne s’agit pas, chez cet auteur, d’une imitation purement mécanique, mais d’un long apprentissage accompagné de « méditation » sur ce qu’on s’évertue d’émuler. Jean-Sébastien Bach n’a pas manqué de réutiliser — en citant, en transcrivant — des matériaux thématiques issus d’œuvres de ses contemporains ou d’airs connus à son époque — et il n’y a qu’un quelconque « musicographe » populiste adepte de théories de complot pour prétendre que le Cantor de Leipzig n’est pas l’auteur de la majorité des œuvres qui lui sont attribuées… Personne n’accuse La Fontaine d’avoir plagié Ésope, ni Kriloff ou Franc-Nohain d’avoir imité La Fontaine. D’ailleurs,

Ésope n’a rien écrit ; il contait ses apologues selon les circonstances qui les faisaient naître. Les fables que nous avons sous son nom paraissent pour la plupart avoir été rédigées pendant le Bas-Empire, sans doute à différentes époques. Parmi celles dont la rédaction est antérieure, deux ou trois se trouvent dans Aristote ; une vingtaine sont racontées ou indiquées dans plusieurs des Œuvres morales de Plutarque ; vers la fin de l’Hermotime, Lucien cite l’apologue du paysan s’amusant à compter les flots de la mer, se désespérant de s’être trompé, et recevant du renard une leçon de sagesse et de bon sens. Dans deux autres ouvrages, il fait allusion à deux autres fables. Aulu-Gelle et Macrobe nous en ont aussi conservé quelques-unes, mais en les présentant telles qu’on les racontait de leur temps, et non telles qu’Ésope les avait débitées. Tous ces apologues sont cités en prose. Platon raconte que Socrate dans sa prison s’amusait à tourner en vers quelques-uns de ces petits récits. Le seul recueil poétique de ce genre que l’antiquité grecque nous ait transmis est celui de Babrius, ingénieux versificateur dont l’époque est incertaine, car on flotte entre le IIe siècle av. J.- C. et le IIIe siècle de l’ère chrétienne. (Source : Imago Mundi)

L’art évolue par citations et variations successives, explicites ou implicites, sérieuses ou ironiques. Le collage, inventé en peinture par Marx Ernst en 1919, devient chez Burroughs un procédé littéraire novateur inspiré des cadavres exquis des surréalistes puis développé dans la volonté d’expliciter ce que nous faisons tous inconsciemment, et que certains DJ font avec une réelle maîtrise.

L’imitation n’est qu’un des nombreux procédés participant à l’adhérence à des conventions, présentes dans tout discours et intégrées dans le système d’attentes établi a priori entre le spectateur (ou le lecteur) et l’auteur. L’un s’attend à trouver un genre, à reconnaître ce qu’il verra, l’autre y répond ou non en se conformant, plus ou moins, à cette expectative. La tension entre les deux est ce qui fait parfois la richesse d’une découverte inattendue.

Le style est un habit, et il ne suffit pas de s’affubler d’un costume de grand couturier pour avoir l’allure d’un modèle de chez Vogue. L’élégance rare est celle qui, discrète, ne se remarque que lorsqu’elle est absente. Souvent, l’imitation n’est qu’un plagiat de ce qui n’est que le plus apparent, la forme de surface : mise en page, ponctuation, syntaxe ou expressions pour le texte, « effets » en photo ou en musique, coupe de cheveux pour la mode… Si elle permet de reconnaître le modèle, elle peut aussi faire ressortir le manque d’identité de l’imitateur. Le copillage ne suffit pas à l’appropriation.

À lire :
Antoine Compagnon : La notion de genre.

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  1. Ah hercule Poirot :) un bon livre

    Commentaire par gayberry — 17 septembre 2005 @ 21:08

  2. Comme bien des livres d’Agatha Christie : même si je savais déjà ce que j’y trouverai (et pouvais, à force, deviner l’issue), j’avais eu beaucoup de plaisir à les lire. Tous. Même ses romans psychologiques (publiés sous un autre pseudonyme) ou son autobiographie, qui éclaire singulièrement ses romans.

    Commentaire par miklos — 17 septembre 2005 @ 23:24

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