Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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20 février 2008

Comment occuper son enfant le dimanche

Classé dans : Humour, Peinture, dessin — Miklos @ 20:26


Visite de l’ami australien

19 février 2008

Bonbon ou cacahuète ?

Classé dans : Langue, Musique — Miklos @ 21:19

הנה הבאתי לך בוטניםEn 1964, le jeune homme épris et naïf de Jacques Brel apporte des bonbons à son amou­reuse, « parce que les fleurs c’est péris­sable, puis les bonbons c’est tellement bon ! » Il devine, à ses formes avantageuses, qu’elle en raffole. Timide, un peu guindé dans ses habits du dimanche, le nœud de cravate labo­rieux, il lui propose d’aller regarder passer les trains. En chemin, il se confie à elle : « Ger­maine, elle est moins belle », et en plus, elle est rousse et cruelle. Mais lorsqu’ils arri­vent sur la Grand’Place près d’un kiosque où l’on joue du Mozart, voici qu’ils croisent un certain Léon, l’ami de la belle (difficile de croire au hasard, la finaude devait le savoir). Et notre dadais de lui céder la place !

Heureusement, il aperçoit Mademoiselle Germaine (qui devait se douter, elle aussi, de quelque chose et se tenait prête), à laquelle il pourra finalement offrir ses bonbons, « bien que les fleurs soient plus présentables ». L’une ou l’autre, après tout qu’importe ? il a tellement envie d’être amou­reux. La chanson ne dit pas ce que devint Cruella et son lion de Léon. Cette histoire se passait où ? Chez les Zoulous ? Les Andalous ? Ou dans la cabane bambou ?1 Pas du tout, c’était sans doute à Bruxelles, Léon oblige.

Quelques années ont passé. L’adolescent boutonneux est devenu un jeune bourgeois libéré : il traite sa mère de névropathe, s’est débarrassé de son accent bruxellois, réside au Georges Vé en écoutant pousser ses cheveux et défile en criant « Paix au Vietnam ! » Germaine ne supporte pas sa coiffure : c’est la rupture, il vient rechercher ses bonbons… et les offre, minaudant, au jeune frère de Germaine. Peace and love. Surtout love.

Les choses se passent ainsi en Wallonie. Mais la Belgique est divisée, comme on vient de nous le rappeler. En Flandre, les amoureux se sont promenés dans une allée bordée de tilleuls, et c’est Walter qui enlève la donzelle volage, tandis que l’amoureux transi se console avec Nadine la rouquine. Ils vécurent longtemps et eurent beaucoup d’enfants sages et industrieux.

La ballade traverse l’Europe, sera chipée à son passage en Italie par Roberto Ferri, et se retrouve interprétée en Israël par le talentueux acteur et chanteur Israel Gurion lors d’un festival consacré à Jacques Brel. L’israélien est plus frustre que le Wallon ou le Flamand : il offre à sa dulcinée des cacahuètes – on aime bien grignoter, au bord de la Méditerranée – au lieu, dit-il, de roses. Mais comme il n’y a qu’une ligne de train en Israël, il lui propose d’aller au zoo voir plein de singes, et ça tombe bien « parce que je t’ai apporté des cacahuètes » (il doit se dire qu’elle les donnera aux simiens au lieu de s’en empiffrer, et conservera ainsi sa taille de guêpe qui le branche un max). En plus, le vouvoiement n’existe pas en hébreu, ce qui permet de sauter quelques étapes, l’israélien ne s’encombrant ni de cravates ni de préliminaires. L’« autre », c’est Rina, une vraie sorcière et en plus elle a plein de taches de rousseur. Nos tourtereaux arrivent finalement dans le jardin public – là-bas, pas de Mozart, c’était avant la vague d’immigration des Russes venus avec leurs violons sous le bras. Et qui voient-ils au loin ? Hanan ! Et puisqu’il veut que je me casse… Bonjour, Rina, t’es trop mignonne ! Et hop ! pas si naïf que ça, finalement.

C’est Voltaire qui aura le mot de la fin (en français) : « Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énervent le sens ! C’est bien là qu’on peut dire que la lettre tue, et que l’esprit vivifie. »


1 Robert Desnos, Les Hiboux.

Solitude

Classé dans : Photographie, Récits — Miklos @ 0:13

L’homme sort presque furtivement d’un immeuble. Il porte de nombreux sacs de supermarché remplis d’on ne sait quoi. Il est mince, un peu courbé. Mal rasé, il a le teint cireux, les traits tirés, le nez légèrement busqué, de fines lèvres entr’ouvertes, le regard ailleurs. Des touffes de cheveux grisonnants débordent du bonnet de laine bleue qui lui colle à la tête. Il est vêtu d’une doudoune vert caca d’oie et d’un blue jeans, quelle que soit la saison. Il a des baskets aux pieds. Il se hâte, comme à un rendez-vous amoureux.

Tel une ombre fugace, il traverse rapidement la rue sans voir ni les gens ni les véhicules. Il se dirige vers une placette que borde le mur de parpaing d’un bâtiment bas. De son faîte à la crête du toit triangulaire qui le recouvre s’étend un dense tapis de pigeons qui semblent attendre, immobiles. Soudain ils aperçoivent l’homme.

Ils s’élancent alors tous ensemble dans les airs comme si un chasseur les avait tirés, dans un fracas d’ailes étourdissant. Un nuage se forme et se dirige vers l’homme, un tourbillon l’enveloppe, le caresse, se pose à ses pieds. Ils tendent tous le bec vers lui, ils se trémoussent et roucoulent de plaisir. Un sourire semble se dessiner sur les lèvres de l’homme.

Il plonge la main dans l’un des sacs, en retire des morceaux de pain rassis qu’il lance autour de lui d’un geste large, tel le semeur son grain. Les pigeons se précipitent, se piétinent pour arriver plus vite encore vers cette manne. Les plus hésitants sont repoussés vers le bord de cette foule frémissante et errent, perdus. Les plus hardis virevoltent, se rapprochent de ses mains nourricières. Il les cherche du regard, il les voit. Il est heureux : ils le reconnaissent, eux.

17 février 2008

Ils sont partout et ils raflent tout

Classé dans : Actualité, Politique — Miklos @ 21:59

« [La mandature de Bertrand Delanoë] est nettement meilleure que celles de Jacques Chirac ou Jean Tiberi. Bertrand Delanoë a nettement réduit les gaspillages. Il y en a encore, mais par rapport à ce que c’était avant, c’est le jour et la nuit. Salaires fictifs, chauffeurs à tout va, piston pour les logements, tout ça, c’est fini ou presque. Il y a eu un effort considérable aussi au niveau des crèches. (…) Delanoë a des qualités et il a de grandes chances d’être élu… Et je suis loin de faire l’éloge de Mme de Panafieu. Il faudrait quand même qu’elle travaille de temps en temps. On peut reprocher beaucoup de chose à Delanoë mais personne ne pourra dire que ce n’est pas un grand bosseur. » — Yvan Stefanovitch, entretien dans Métro, 2 février 2008.

Une phrase que le journaliste Yvan Stefanovitch a énoncée publiquement au cours d’un échange avec le public en présence d’un Jean-Marie Cavada silen­cieux cause problème. Mais quel est le problème ? Il est clair – une écoute super­fi­cielle de la vidéo d’une partie de son inter­ven­tion (j’en ai effectué la trans­crip­tion intégrale) permet de le supposer – qu’il voulait dire « les subventions [pour le vote juif] à Paris c’est pire que [l’affaire des sub­ven­tions inégales aux asso­cia­tions de déportés de Buchenwald, d’une part, et de] Dachau [d’autre part] », dont il venait de parler avec beaucoup d’indignation. À première vue, on peut appeler cela un malheureux raccourci. Ce qui est aussi clair, c’est que son père faisait partie de celle de ces deux associations qui recevait le moins de subventions, et qu’il a dû en véhiculer un certain ressentiment à l’égard du soutien différencié apporté par la Ville aux associations de rescapés des différents camps de concentration.

YS refuse de répondre à la question (répétée) de Jeremy Sahel, qui lui demandait s’il avait étudié les demandes de subvention et donc les activités respectives de ces associations. Il ne répond que : « Ils font tous la même chose » (ce qui est faux, de façon patente), et ils « reçoivent tous les mêmes locaux » (à ma connaissance, ils ne les « reçoivent » pas, et ils sont différents les uns des autres). Il rajoute que, de toute façon, « les rescapés il y en a de moins en moins »… argument qui ne prend pas en compte le fait qu’il n’y pas que des rescapés parmi les adhérents et les activistes de ces association, d’une part, et que l’ampleur et le coût des activités ne dépend pas directement du nombre de membres. En bref, aucune argumentation, aucune preuve de ces affirmations. À l’aune de cette approche superficielle, ne faudrait-il pas « égaliser » les subventions de la Ville au Théâtre musical de Paris, au Théâtre de la Ville, au Théâtre du Rond-point ou au Théâtre Silvia Monfort (sans parler de tous les autres théâtres : ils font tous la même chose), ou à chacune des caisse des écoles d’arrondissement (pour la même raison) ?

YS annonce des chiffres quand ça l’arrange, quitte à les modifier en cours d’intervention : ainsi, il affirme d’abord que les anciens de Buchen­wald ont reçu 6000 € tandis que ceux du camp de son père 2000 à 3000 € ; quelques instants plus tard, il indique que la première de ces deux subventions s’élève à 3500 € et l’autre à 2500 €. Quand il affirme que ceux d’Auschwitz « sont les plus mauvais, ils n’ont reçu que 500 Euros », et en même temps que ces chiffres sont inchangés depuis 20, 30 ou 40 ans (en rajoutant que « ça ne repose sur rien »), il est patent qu’il se trompe sur ces deux affirmations. Il suffit de consulter le détail des subventions en 2004 pour constater que l’amicale des déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute Silésie avait reçu 4000 €, et l’association fonds mémoire d’Auschwitz 381 €. Soit les chiffres ont bien changé contrairement à son affirmation, soit il confond ces deux associations en les amalgamant.

La somme totale des subventions annuelles aux associations était, en 2006, de l’ordre de 165 millions d’euros, dont 2% – 3,3 millions – sont allés à des subventions inférieures à 5000 € – donc qui recouvrent toutes les associations qu’il a mentionnées – infime goutte d’eau dans cette enveloppe annuelle. On se demande alors ce qui justifie l’ampleur démesurée de son attaque à l’encontre de celles-ci en particulier : bien d’autres organisations d’anciens déportés, internés et résistants de cette époque ont reçu des subventions1 pour certaines pour des sommes parfois plus importantes – l’association des déportés et internés résistants et patriotes de Paris a reçu, en 2004, 14.141 €, l’association nationale des anciennes déportées et internées de la résistance 4.269 €, etc. – mais il n’en parle pas : est-ce parce qu’il n’y paraît pas la mention de « camp de concentration » dans leur nom ?

Ce qui me frappe finalement à la relecture de son intervention, c’est ce qui y est sous-jacent : la « question juive » (il parle d’« associations à coloration juive »), au travers de l’argument du vote juif – je serais curieux de savoir les chiffres (même s’il n’y a plus de fichier des juifs à la mairie) et s’ils sont aussi importants qu’il veut le faire craindre. Du coup, il passe des camps (pour juifs) aux écoles (juives), véhicule les stéréotypes des juifs pollueurs qui font des « embouteillages fantastiques » (ça ne rappelle-t-il pas, autres temps mêmes mœurs, le bruit et l’odeur des immigrés évoqués par notre précédent président lors d’un discours à Orléans ?), et tout tourne autour de questions d’argent, d’argent et encore d’argent (pas uniquement les subventions, mais la façon dont il parle de leurs 4×4 !).

Mais s’il s’en prend à une école juive sous le prétexte qu’elle n’a pas le droit de recevoir des subventions si elle n’admet que des élèves juifs (je ne sais comment il a vérifié : j’ai une amie catholique qui enseigne dans une école juive religieuse), pourquoi ne critique-t-il pas, par exemple, la subvention (80.700 € en 2004) à l’« association des évêques fondateurs de l’institut catholique de Paris », dont je doute qu’elle ait parmi ses membres fondateurs des évêques musulmans ou juifs, Dieu préserve ? Pourtant, il affirme dans cet entretien « Si c’était une école islamique ou protestante je serais contre aussi. C’est valable pour toutes les confessions ».

Plus sérieusement : une association (légale) qui choisit ses membres devrait être en mesure de recevoir des subventions publiques. C’est le cas pour la Maison des femmes de Paris (l’une des structures subventionnées) qui affirme être « un espace d’initiatives et de solidarité féministe, un lieu non mixte ouvert à toutes les femmes ». Où est le mal ? Il n’y a pas non plus de mal à ce que la Ville et l’État soutiennent des écoles privées de telle ou telle confession de façon à assurer que toutes les conditions (sanitaires, pédagogiques…) soient assurées, et pour cadrer l’enseignement et éviter les dérives. La seule alternative serait d’interdire purement et simplement de genre d’écoles.

Enfin, il affirme que ce type d’association « ne mérite pas » de subvention. Je me demande quels sont, selon lui, les critères de mérite ? Une école privée mérite-t-elle moins d’être soutenue que les survivants de camps faisant œuvre de pédagogie ? Quant à son incise sur l’aide énorme aux associations homosexuelles (qui n’est pas sans rappeler l’attaque de Françoise de Panafieu en 2006 sur ce thème), s’ils reçoivent (je n’ai pu vérifier) 600.000 Euros comme il l’affirme sur les 137 millions, c’est de l’ordre de 0,44%, bien moins que le pourcentage supposé des personnes qu’ils représentent dans la population générale.

C’est l’air du temps, et le fond de l’air effraie (titre d’une affiche du Caveau de la république en 1990).

Post scriptum

Dans un entretien téléphonique le 18 février avec MuniParis, Y.S. confirme sa thèse et s’enfonce. En clair : quelle que soit l’opinion politique des Juifs, de gauche comme de droite, ils votent tous identiquement et là où est l’argent. Quant à la vidéo témoignant de sa phrase à propos du vote juif et de Dachau, elle a « peut-être été truquée » et la personne qui l’a interrogé – Jeremy Sahel – a-t-il même une carte de journaliste ?

Si j’avais quelque doute sur le sens de ses déclarations, je n’en ai plus.


1 En 2004 :
Association des déportés et internés resistants et patriotes de Paris : 14141  €
Amicale nationale des déportés et familles de disparus de Natzweiler-Struthof et ses kommandos : 5000 €
Association nationale des anciennes déportées et internées de la résistance : 4269 €
Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie : 4000 €
Association française Buchenwald-Dora et kommandos : 3500 €
Amicale du camp de concentration de Dachau : 2500 €
Association des victimes et rescapés des camps nazis du travail forcé et des réfractaires de la (…) : 2500 €
Association des déportés internés et des familles de disparus : 2138 €
Comité de liaison des associations d’anciens combattants, déporté, résistants, veuves de guerre : 900  €
Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus : 700 €
Fédération nationale des déportés et internes de la résistance : 700 €
Union départementale des déportés internés et victimes de guerre de la Seine : 600 €
AFN et déportés de l’Île de France : 457  €
Fonds mémoire d’Auschwitz : 381 €

16 février 2008

L’air du temps

Classé dans : Actualité — Miklos @ 11:38

28 janvier
« La Shoah est la plus grande œuvre de l’hu­ma­nité. Dom­mage qu’elle fut si im­par­faite. »1 — Laurent Gloaguen (signalé par Tris­tan Mendès France)

1er février
Cinq personnes, dont trois policiers, soup­çonnées d’avoir tenu des propos anti­sé­mites dans la nuit du 1er au 2 février dans un bar d’Amiens, ont été mises en examen samedi 9 février pour provo­ca­tion à la haine raciale et pour actes d’intimidation envers une victime et laissées libres sous contrôle judiciaire. Ces hommes auraient no­tam­ment crié « Mort aux juifs », « Il faut rouvrir les fours cré­ma­toires » et effectué des saluts nazis en scandant « Heil Hitler ». (L’Humanité)

5 février
Le Vatican vient de publier une version corrigée de l’ancienne prière du vendredi saint qui fait toujours partie de la messe en latin. Elle invite toujours à prier pour la conversion des Juifs : « afin que notre Dieu et Seigneur illumine leur cœur pour qu’ils recon­naissent Jésus-Christ (…) qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la reconn­aissance de la vérité. » Dans l’original : « Oremus et pro Iudaeis Ut Deus et Dominus noster illuminet corda eorum, ut agnoscant Iesum Christum salvatorem omnium hominum (…) qui vis ut omnes homines salvi fiant et ad agnitionem veritatis veniant. » (La Croix)

9 février
Plus d’un millier de supporteurs de la station ultra­catholique polonaise Radio Maryja avaient assisté samedi à une conférence de Jerzy Robert Nowak, un commentateur de la radio connu pour ses opinions ouver­tement antisémites. Aucun commentaire n’a pu être obtenu jeudi à l’épiscopat polonais. (La Croix)

13 février
« A travers son site Internet, Le Nouvel Observateur a fait son entrée dans la presse people. Si ce genre de sites avait existé pendant la guerre, qu’en aurait-il été des dénonciations de juifs ?… » — Carla Bruni, L’Express.

14 février
Un flyer circule depuis cette semaine à Memphis, appelant les électeurs à rejeter la candidature de Steve Cohen à sa réélection, du fait que « Le membre du Congrès Steve Cohen de Memphis et les Juifs haïssent Jésus » et qu’il faut un chrétien noir pour représenter les habitants de ce district. Le tract est signé par un certain Révérend George Brooks.

15 février
« C’est le problème des subventions, c’est le problème du vote juif et ça c’est pire que Dachau, parce que c’est donner des subventions à des gens qui ne le méritent pas. »2 — Yvan Stefanovitch, lors d’une réunion publique de Jean-Marie Cavada (signalé par Quentin Girard).


1 Le compositeur Karlheinz Stockhausen avait déclaré, quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001, qu’ils étaient « la plus grande œuvre d’art jamais réalisée. » (Le Monde).
2 Voir, à ce propos, Ils sont partout et ils raflent tout.

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