Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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25 janvier 2009

La princesse et le chasseur

Classé dans : Lieux, Littérature, Photographie — Miklos @ 1:04


Défilé de l’Épiphanie, Rome

«Cependant, lorsque la princesse fut arrivé au haut de la montagne, elle trouva non pas le dragon, mais le jeune chasseur qui lui adressa des paroles de consolation, lui promit de la sauver, et la conduisit dans l’église où il l’enferma. À peine cela était-il fait que le dragon aux sept têtes arriva en poussant d’affreux hurlements. Lorsqu’il aperçut le chasseur, il parut étonné et dit :

— Que viens-tu faire sur cette montagne ? Le chasseur répondit :

— Je viens combattre contre toi.

Le dragon répondit :

— De même que maint chevalier a déjà perdu la vie en ces lieux, ainsi serai-je bientôt débarrassé de toi.

Et en disant ces mots, ses sept gueules lancèrent des flammes. Ces flammes devaient allumer l’herbe sèche et le chasseur aurait été suffoqué par le feu et la fumée, mais ses animaux accoururent et éteignirent le feu sous leurs pattes. Alors le dragon s’élança contre le chasseur, qui brandissant son épée, fit siffler l’air et abattit trois têtes du monstre. Cette blessure rendit le dragon furieux il se dressa de toute sa hauteur, vomit des flots de flammes contre le chasseur et voulut se précipiter sur lui mais celui-ci fit de nouveau jouer son épée et lui coupa encore trois têtes. Le monstre était à bout de ses forces ; il tomba en faisant mine encore de vouloir s’élancer sur le chasseur mais le jeune homme, concentrant tout ce qui lui restait de force dans un dernier coup, lui coupa la queue, et comme il était désormais trop fatigué pour continuer le combat, il appela à lui ses bêtes, qui achevèrent de mettre le dragon en pièces.

La lutte terminée, le chasseur ouvrit la porte de l’église, et il trouva la princesse étendue par terre, car elle s’était évanouie d’inquiétude et d’effroi pendant le combat. Le jeune homme la porta au grand air, et quand elle eut repris ses esprits et rouvert les yeux, il lui montra le dragon en lambeaux, il lui annonça que désormais elle était libre ; elle s’abandonna à sa joie et lui dit :

— Maintenant, tu vas devenir mon époux, car mon père m’a promise à celui qui tuerait le dragon.

Cela dit, elle détacha de son cou son collier de corail et le partagea entre les animaux, et le lion reçut pour sa part le fermoir d’or. Quant à son mouchoir, où son nom était brodé, elle en fit cadeau au chasseur, qui s’éloigna un moment, coupa les langues des sept têtes du dragon, les roula dans le mouchoir et les mit soigneusement dans sa poche.

Cela fait, comme les flammes et le combat l’avaient excessivement fatigué, » il dit à la jeune fille :

— Nous sommes tous deux si las que nous ferons bien de prendre un peu de repos.

La princesse y consentit.

Frères Grimm, Les Deux frères.

La décence nous commande de tirer un voile pudique sur la suite des événements. Dont acte.

24 janvier 2009

Les juifs à Rome

Classé dans : Architecture, Histoire, Judaïsme, Lieux, Photographie — Miklos @ 0:02


Pierre tombale juive, Rome

«Oui il y a eu des juifs à Rome avant l’etablissement de la religion chrétienne, et même long-temps avant la naissance de Jésus-Christ. C’est un fait attesté par une foule d’écrivains (1). Le grand Pompée ayant conquis la Palestine et pris Jérusalem, fît transporter à Rome Aristobule et une multitude de juifs captifs qu’il réserva pour son triomphe. Ces juifs obtinrent sous César et sous Auguste la permission de vivre selon leurs rits et de pratiquer leurs cérémonies. Ils recouvrèrent aussi peu à peu leur liberté, et nous voyons, dans le discours de Philon à Caïus, que la plupart étoient fils d’affranchis (2). Un quartier leur fut assigné au delà du Tibre et ils l’ont toujours gardé. Ils y eurent leurs proseuques et leurs synagogues, et ils s’y réunissoient librement (3). Pour leur nombre, ou peut en juger par un fait que rapporte l’historien Josèphe. Les juifs de Jérusalem ayant envoyé à l’empereur Auguste une ambassade composée de cinquante notables, plus de huit mille juifs de ceux qui habitoient Rome, vinrent audevant des députés et leur firent cortége- (4).

Que résulte-t-il de là ? La chose est simple. Puisque les juifs jouissoient de tant de liberté à Rome, qu’ils y étoient si nombreux et qu’ils vivoient selon leurs rits, qui ne leur permettoient pas de brûler leurs cadavres, il falloit nécessairement qu’ils eussent un cimetière particulier. (…)

Les juifs avoient un cimetière à Rome long-temps avant qu’il y eût des chrétiens. (…) Ce cimetière (…) a été découvert il y a près de deux siècles et demi (14 décembre 1602) par le célèbre antiquaire Antoine Bosio, sur la voie dite Portuensis, c’est-à-dire du port du Tibre, endroit situé hors de l’enceinte de cette partie de la ville, mais voisin du quartier que les juifs occupoient dans l’intérieur. » Là on ne trouva aucun des signes de la religion chrétienne, comme on en trouve dans les autres cimetières ; mais on y trouva représenté le candélabre à sept branches, des lampes de terre cuite portant le même signe, le terme grec Συναγωγ. (Synagogue) dans un fragment d’inscription, etc (5).

« Des catacombes », Journal historique et littéraire, Liège, 1843.

(1) Cicéron, Horace, Plutarque, Tacite, Josèphe, Suétone, Philon , Hégésippe, Orosius, St. Jérôme, St. Augustin, etc.
(2) Philo jud. Orat. de legatione ad Caium.
(3) Ibidem.
(4) Flav. Joseph. Lib. 17. Antiquit. C. 12.
(5) Voir les autres détails dans le Roma subt[erranea] T. I, p. 390.


Arc de Titus (détail), Rome

«Ce petit arc de triomphe si joli fut élevé en l’honneur de Titus, fils de l’empereur Vespasien ; on voulut immortaliser la conquête de Jérusalem ; il n’y a qu’une arcade. Après l’arc de triomphe de Drusus près la porte Saint-Sébastien, celui-ci est le plus ancien de ceux que l’on voit à Rome ; il fut le plus élégant jusqu’à l’époque fatale où il a été refait par M. Valadier.

Cet homme est architecte et Romain de naissance malgré son nom français. Au lien de soutenir l’arc de Titus, qui menaçait ruine, par des armatures de fer, ou par un arc-boutant en briques, tout à fait distinct du monument lui-même, ce malheureux l’a refait. Il a osé tailler des blocs de travertin d’après la forme des pierres antiques, et les substituer à celles-ci, qui ont été emportées je ne sais où. Il ne nous reste donc qu’une copie de l’arc de Titus.

Il est vrai que cette copie est placée au lieu même où était l’arc ancien, et les bas-reliefs qui ornent l’intérieur de la porte ont été conservés. Cette infamie a été commise sous le règne du bon Pie VII ; mais ce prince, déjà fort vieux, crut qu’il ne s’agissait que d’une restauration ordinaire, et le cardinal Consalvi ne put résister au parti rétrograde, qui protégeait, dit-on, M. Valadier.

Heureusement, le monument que nous pleurons était semblable en tout aux arcs de triomphe élevés en l’honneur de Trajan à Ancone et à Bénévent.

Les bas-reliefs de l’arc de Titus sont d’un travail excellent et qui ne rappelle point le fini de la miniature comme ceux de l’arc du Carrousel. L’un de ces bas-reliefs représente Titus dans son char triomphal, attelé de quatre chevaux ; il est au milieu de ses licteurs, suivi de son armée, et protégé par le génie du sénat. Derrière l’empereur on aperçoit une victoire qui de la main droite pose une couronne sur sa tête, et de la gauche tient un rameau de palmier allusif à la Judée. Le bas-relief qui est placé vis-à-vis est plus caractéristique : on y voit les dépouilles du temple de Jérusalem portées en triomphe : le candélabre d’or à sept branches, » la caisse qui contenait les livres sacrés, la table d’or, etc. Les petites figures de la frise complétaient l’explication du monument. On distingue encore la statue couchée du Jourdain, fleuve de la Judée, portée par deux hommes.

Stendhal, Promenades dans Rome.


Arc de Titus (détail), Rome

«Parlons donc du sort des Juifs sous le gouvernement pontifical ! Certes la colonie juive de Rome est aussi romaine qu’aucune autre partie de la population. S’il y a encore des Juifs à Rome, c’est que le pouvoir temporel les y a trouvés et n’a pu supprimer, comme il a fait des dissidens survenus plus tard, cette communauté autochtone. Son immigration date du siège de Jérusalem, et la tradition fait remonter au temps de Titus la synagogue actuelle. Voici comment la tolérance pontificale est exercée à l’égard des Juifs romains. Il y a encore un ghetto à Rome lorsqu’il n’y en a plus dans le reste de l’Europe. Or un ghetto, ce n’est pas seulement un quartier particulier et marqué, c’est à une certaine heure de la nuit une prison où toute une population est séquestrée. Les Juifs ne peuvent demeurer hors du ghetto. Un très petit nombre d’entre eux ont eu la permission d’avoir des magasins hors de cette enceinte et seulement dans quelques rues voisines. Ils ne peuvent quitter Rome sans l’autorisation de l’inquisition, et s’ils ont obtenu d’aller dans une autre ville romaine, ils doivent, dès leur arrivée, se présenter à l’inquisiteur de la localité. Ils n’ont droit d’exercer qu’un nombre très restreint de métiers; ils n’exerceront la médecine que dans l’intérieur du ghetto ; l’accès aux professions libérales leur est interdit. Le droit de tester est pour eux soumis à un grand nombre de restrictions ; leur témoignage n’est admis dans les causes civiles que sous une foule de réserves. On sait à quelles avanies est soumise leur foi religieuse et le droit que l’autorité ecclésiastique s’arroge de leur enlever leurs enfans pour les baptiser : ils sont tenus de payer l’entretien des catéchumènes que l’on recrute parmi eux. Au moment où l’un de ces catéchumènes reçoit le baptême, son père est forcé de déposer son bilan et de remettre la part d’héritage du nouveau catholique, comme si la conversion ou l’apostasie de son enfant le frappait d’une mort anticipée. Le Juif romain qui n’est point moralement enchaîné au ghetto par les liens de famille, par l’âge, par l’amour du sol natal, le jeune homme qui aspire aux professions libérales et à la dignité d’une existence émancipée, ne peuvent échapper à cette destinée qu’en s’évadant par les montagnes comme des malfaiteurs ou des contrebandiers. Ainsi il n’y a parmi les Romains qu’un culte différent de la religion catholique, le culte israélite, et voilà le traitement que les Juifs reçoivent ! » Ils ne sont pas seulement outragés dans leur foi, blessés cruellement dans ce que le sentiment religieux a de plus cher et de plus sacré; ils sont chargés des plus pénibles et des plus humiliantes entraves dans tous les actes de la société civile.

E. Forcade, « Chronique de la quinzaine », Revue des Deux Mondes, 31 janvier 1865.

Eugène Forcade, né à Marseille, était un journaliste précoce : il avait fondé le journal Le Sémaphore à l’âge de 17 ans, et en avait été l’éditeur de 1837 à 1840, tout en étant commis dans une banque. Sa réputation le précédant, il est invité à joindre la prestigieuse Revue des Deux Mondes, à laquelle il contribue ses chroniques bimensuelles très remarquées pour leur couverture, leur style concis et brillant, modéré mais parfois d’un sarcasme féroce à l’encontre du système impérial. Il décède le 6 novembre 1869 à l’âge de 49 ans. (Source)

22 janvier 2009

Les jumelles du peuple

Classé dans : Architecture, Lieux, Photographie — Miklos @ 22:28


Les deux églises de la Piazza del Popolo

«Cette grande place présente un point de vue imposant. Le superbe Obélisque Egyptien au milieu & une belle fontaine, les deux Eglises en forme de rotondes, précédées chacune d’un beau portique en colonnade uniforme, trois rues tirées presque au cordeau & d’une longueur si considérable que l’oeil le plus perçant en apperçoit à peine les extrémités, forment un aspect magnifique, & annoncent la Ville de Rome d’une maniere frappante à tous les Etrangers aux premiers pas qu’ils font en y entrant. (…)

Sur cette grande place, on voit deux belles Eglises d’une architecture uniforme, dont les façades sont ornées de huit colonnes, d’une coupole & de huit statues. Les Religieux de ces deux Couvens ont fait dernierement construire les campaniles & rebâtir leurs maisons, qui donnent à l’entrée du Cours une belle décoration reguliere.

Celle qui est à droite s’appelle l’Eglise de S. Marie des Miracles.. La Confrérie de S. Jacques des Incurables en 1525. avoit fait bâtir dans cet endroit une petite Eglise en l’honneur d’une Image de la Vierge. Ensuite l’an 1628. aux instances du Cardinal Barberini, elle fut donnée aux Religieux de la Nation Françoise du Tiers Ordre de S. François qu’à Paris on appelle Picpus, à cause, que leur premier Couvent fut bâti dans un faux-bourg qui porte ce nom.

Le Pape Alexandre VII. commença à la faire rebâtir sur les dessins du cav. Rainaldi ; & ce fut le Cardinal Gastaldi Génois, qui la fit achever avec quelques changemens par les cav. Bernin & Fontana. (…)

De l’autre côté on voit l’Eglise de S. Marie de Monte Santo. Elle fut bâtie semblable à la précédente aux dépens du même Cardinal Gastaldi, & sur les mêmes dessins. Cette Eglise fut donnée aux Carmes Siciliens, parcequ’ils avoient dans cet endroit une petite Eglise qui fut démolie pour y bâtir celle-ci. (…)

Apres avoir vu ce qu’il y a de remarquable dans la place du Peuple, il faut entrer dans une des trois rues, & comme celle qui se présente au milieu est la principale de Rome, je commençerai par celle qu’ on appelle la Rue du Cours.

Comme je l’ai dit ci-dessus, cette rue s’appeiloit Voie Flaminia jusqu’à la place de Sciarra, où commençoit l’ancienne Voie Lata ; mais depuis que Paul II. vers l’an 1465. permit qu’on y fit les courses des chevaux, on l’appella rue du Cours. Elle fut redressée & tirée au cordeau par ordre de Paul III. Farnese. C’est sur tout vers deux heures avant la nuit qu’elle brille par l’affluence du Peuple & par le concours des voitures des Princes & Seigneurs, qui en font leur promenade : » & particulierement les huit derniers jours du Carneval qui passe pour un des plus brillans de l’Italie, tous les Masques s’y rendent l’apres midi : les rues & les fénêtres sont parées & remplies d’un nombre infini de Peuple ; & chaque jour on fait la course des chevaux.

Joseph Vasi, Itinéraire instructif de Rome en faveur des étrangers qui souhaitent connoitre les Ouvrages de Peinture, de Sculpture & d’Architecture, & tous les Monumens Antiques & Modernes de cette Ville.. 1786.


Les deux églises de la Piazza del Popolo

Babararom (le cousin de Babaorum)

Classé dans : Architecture, Lieux, Photographie, Sculpture — Miklos @ 8:51


Obélisque piazza della Minerva, Rome

« Sur les débris d’un ancien temple dédié à cette déesse [Minerve], on avait bâti une église desservie par les dominicains. Alexandre VII commit au chevalier Bernin le soin d’embellir la place qui est en face de l’église. L’artiste eut l’idée d’y élever un obélisque que l’on avait négligé sous le règne de Sixte-Quint, parce que ce monument égyptien, en granit rose, n’avait que vingt-quatre palmes. Pour que cet obélisque fût encore exhaussé et devînt plus pittoresque, » Bernin le plaça sur le dos d’un éléphant en marbre blanc. (…) L’éléphant n’est pas écrasé par ce poids; seulement il tourne un peu la tête, pour voir quel est le fardeau extraordinaire que l’on a placé sur sa croupe.

Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes romains. Paris, 1851.

« Lorsque Louis XIV voulut terminer le Louvre, il fit venir de Rome Bernin dont la reputation était alors aussi colossale que fut profond le mal opéré par lui dans les arts. On le fêta d’une manière incroyable ; et afin d’exprimer la force du génie qu’on lui reconnaissait, on le surnomma l’éléphant. Très heureusement le projet français de Perrault fut préféré à celui de Bernin ; mais ce dernier reçut tant de marques d’honeur du public et du roi, » il fut si flatté du sens attaché au surnom d’éléphant decerné par la plus brillante cour de l’univers, qu’il voulut en perpétuer le souvenir à Rome. Voilà pourquoi il plaça sur le dos d’un éléphant l’obélisque de la Minerve.

Mgr J.F.O. Juquet, Souvenirs de l’expédition française à Rome. Rome, 1849.

« En 1795, Thibaudeau lance un nouveau concours de projets pour la place des Victoires [à Paris]. Jean-Nicolas Sobre en est le lauréat. Influencé par les illustrations de l’Hypnetotomachia Poliphili (1499), par l’œuvre du Bernin à l’église de la Minerve, à Rome, ainsi que par la symbolique maçonnique, il envisage de dresser place des Victoires un obélisque reposant sur des éléphants. Dans le dessin, la face antérieure est chargée » d’attributs : couronne, palmes, triangle mystique, serpents et coupe d’Esculape, aigle, casques. En haut apparaissent les tables de la Loi, le tout est surmonté de piques et du bonnet phrygien. (…) Dictés par la réalité historique, d’autres projets sont encore examinés.

Isabelle Dubois et al., Place des Victoires. Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2003.

21 janvier 2009

« Que personne ne dise : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » (Cervantes, Don Quichotte)

Classé dans : Architecture, Lieux, Photographie, Sculpture — Miklos @ 23:29


Fontaine de Trevi à Rome (gravure de l’ouvrage de Nibby, vid. inf.)

«Rome est bien belle pendant le silence de la nuit ; il semble alors qu’elle n’est habitée que par ses illustres ombres. Corinne, en revenant de chez une femme de ses amies, oppressée par la douleur, descendit de sa voiture et se reposa quelques instans près de la fontaine de Trévi, devant cette source abondante qui tombe en cascade au milieu de Rome, et semble comme la vie de ce tranquille séjour. Lorsque pendant quelques jours cette cascade s’arrête, on dirait que Rome est frappée de stupeur. C’est le bruit des voitures que l’on a besoin d’entendre dans les autres villes ; à Rome, c’est le murmure de cette fontaine immense » qui semble comme l’accompagnement nécessaire à l’existence rêveuse qu’on y mène : l’image de Corinne se peignit dans cette onde si pure, qu’elle porte depuis plusieurs siècles le nom de l’eau virginale.

Madame de Staël, Corinne, ou l’Italie. Bruxelles, 1820.

«L’eau de cette fontaine est l’eau Vergine qu’Agrippa, gendre d’Auguste, fit conduire à Rome pour l’usage de ses thermes, qui étaient derrière le Panthéon : elle se nomma eau Vergine parce que une jeune fille en montra la source à des soldats altérés. (…)

Pie IV, après avoir fait restaurer l’aqueduc de l’eau Vergine, fit construire son grand émissaire d’un côté de la façade principale du palais Poli ; et comme l’eau tombait par trois bouches dans le bassin au dessous, on l’appela in Trivio, d’où dériva ensuite le nom de Trevi, qu’elle porte aujourd’hui. Urbain VIII fit transporter le principal émissaire de l’eau Vergine dans l’endroit où on le voit aujourd’hui, et le décora d’une façade très-simple. Clément XII en changea entièrement la forme, et lui donna ce caractère de magnificence qui brille dans les autres édifices de Rome : il la fit ériger sur les dessins de Nicolas Salvi, en la faisant décorer de statues et de bas-reliefs en stuc ; mais ensuite le pontife Clément XIII les fit exécuter en marbre pour rendre ce monument plus somptueux. (…)

Au devant de la grande niche, somptueusement décorée de colonnes et d’ornemens, on voit la statue colossale de l’Océan, qui, en majestueux maintien, tenant le sceptre en main, semble sortir de son palais royal sur une très-grande coquille formée à guise d’un char tiré par des chevaux marins guidés par deux Tritons ; cet ouvrage est de Pierre Bracci. (…)

Mais ce qui rend vraiment admirable cette magnifique fontaine, d’une invention pittoresque, est la grande quantité d’eau qui jaillit et dégorge en différentes manières à travers de grandioses masses de rochers, » et surtout cette prodigieuse masse d’eau qui sort au dessous de la statue de l’Océan et qui, écumant comme un torrent impétueux, tombe par trois fois de conque en conque et se précipite enfin dans un immense bassin de marbre qui est au dessous.

Antoine Nibby, Itinéraire de Rome et de ses environs d’après celui de M[ariano] Vasi. Rome, 1857.


Fontaine de Trevi à Rome (statue de l’Océan, détail)


Fontaine de Trevi à Rome (Triton, détail)


Fontaine de Trevi à Rome (Triton, détail)


Fontaine de Trevi à Rome (Triton, détail)


Fontaine de Trevi à Rome (Triton, détail)

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