Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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26 février 2009

Le temps, vite ; ou de forums, de listes de diffusion et de blogs

Classé dans : Livre, Peinture, dessin, Sciences, techniques — Miklos @ 19:21

Voir aussi l’article qui a fait suite à l’annonce de la fermeture de la liste le 3 juin 2009.

Pour ceux qui sont nés informatiquement avant le Déluge – l’émergence du Web qui a tout balayé –, il existait un mode de communication public en réseau appelé Usenet. Prédatant l’internet grand public (conçu en 1979, il s’était développé sur le réseau UUCP), il permettait d’envoyer un message (ou « article ») classifié par son auteur dans une ou plusieurs catégories hiérarchiques (professionnelles ou non) ; cet article se diffusait d’ordinateur en ordinateur qui le « rangeait » dans les catégories adéquates (pour autant que l’administrateur avait abonné l’ordinateur à ces catégories) et le passait aux relais suivants. Les identifiants des catégories rappellent un peu des systèmes de classification connus en bibliothèque… Ainsi, fr.emploi.demandes désignait la catégorie de demandes d’emploi en France (ou en français), sous-catégorie de fr.emploi, elle-même faisant partie de la catégorie-mère fr.

Dans les premiers temps de Usenet, il n’y avait que trois, puis huit, catégories mères (comp pour l’informatique, humanities pour les arts et les lettres, soc pour la sociologie, talk pour le clavardage, etc.), mais bientôt il s’en créera une galaxie représentant d’autres critères de rangement (par exemple le pays, d’où les catégories fr, uk… ; le réseau d’origine, tels bitnet, fidonet…). Certaines classes de catégories mères (notamment celle appelée alt) permettaient à n’importe qui d’y créer des sous-catégories (ce qui a donné lieu à de nombreux abus qui participèrent au déclin de Usenet), d’autres nécessitaient une procédure formelle qui comprenait rédaction de charte, vote, etc. Certaines catégories étaient administrées (« modérées », en franglais) – ce qui causait évidemment des délais supplémentaires dans la diffusion des articles – d’autres non. Un administrateur pouvait en général effacer, après coup, un article qui y avait été diffusé (en envoyant un message spécial qui tentait de « rattraper » l’article en question, et demander aux relais de l’effacer).

Il n’était pas nécessaire de s’abonner pour consulter les messages de telle ou telle catégorie : il suffisait de s’y connecter avec un logiciel adéquat (appelé newsreader en anglais). Toute personne connectée à l’un des réseaux de l’époque pouvait consulter les articles diffusés dans ces catégories, y répondre publiquement ou en privé ; les réponses préservaient l’objet de l’article original, et il était possible de les lire contextuellement. À cet époque lointaine, les articles (et les courriers électroniques aussi, d’ailleurs) se diffusaient lentement : il leur fallait parfois plusieurs jours pour arriver à destination. Au bout d’un certain temps (de l’ordre de quelques jours à quelques semaines, selon ce qu’avait programmé l’administrateur du relais), ils s’effaçaient de la catégorie où ils avaient été publiés (ce qui n’a pas empêché notre AMI – l’Aspirateur Mondial de l’Information – de trouver le moyen de récupérer des archives de ces forums remontant au début des années 80… la vertu de l’oubli s’oublie). Appelés de nos jours « forums » (terme qui recouvre aussi d’autres systèmes de communication), ils sont surtout utilisés en interne, par exemple par des fournisseurs d’accès (ainsi, certains en utilisent pour le « support » de leurs usagers ; ils sont alors thématisés par le genre de problèmes rencontrés – messagerie, téléphonie, connectivité, etc.).

Le déclin de Usenet a commencé dans les années 90 avec l’émergence du Web, et, plus tard, de sites de réseaux sociaux. Si ces derniers sont, pour certains aspects, plus rapides, efficaces ou conviviaux (surtout pour la diffusion de contenus binaires – musique, images fixes ou animées, etc.), aucun d’eux ne possède cette particularité réellement unique qu’avait Usenet (et, à certains égards, irc et icq) : la qualité d’être un système complètement réparti et décentralisé. Les divers Facebook, Youtube, Deezer, Second Life et autres appartiennent en général à une société privée et dépendent d’une infrastructure particulière (qui peut être répartie, comme celle de Google, mais alors répartie en interne et visible de l’extérieur comme un seul service ; d’ailleurs, s’il tombe en panne, comme ça l’est encore arrivé récemment pour l’accès aux sites, puis à ses courriers, cela affecte tout le service et donc l’humanité googleuse). La « propriété » des contenus – créés par les contributeurs – est aussi problématique. Il suffit de rappeler la très récente controverse qu’a occasionnée Facebook en imposant dans ses conditions d’utilisation la clause selon laquelle l’usager lui cède ad vitam aeternam ses droits sur de la totalité des contenus – textes, images… – qu’il y a mis en ligne, pour toute utilisation, y compris celle de son propre nom et de ses photos personnelles, non seulement pendant qu’il y est inscrit, mais aussi après sa désinscription ; le scandale leur a fait annuler cette toute dernière clause, mais pas le reste…

Les listes de diffusion sont venues répondre en général à un besoin plus spécifique, à une thématique particulière. En ce sens, ils correspondent, peu ou prou, à une catégorie (ou forum) de Usenet et fonctionnent quasiment de la même façon : l’envoi d’un message par courrier électronique à des inscrits à la liste (appelés « abonnés ») ; mais au lieu d’avoir à choisir une catégorie parmi d’autres, le message est expédié par son auteur à une adresse (le serveur, qui la diffusera aux abonnés). L’accès en lecture à ces messages nécessite donc d’y être inscrit (plus tard, l’accès web, puis RSS, à leurs archives permettra aussi d’offrir la lecture sans authentification en option), et donc de créer des forums privés, à la différence de Usenet. L’écriture dans une liste peut y être libre ou administrée (même pour ses abonnés). Ces listes ne sont évidemment pas réparties comme l’était Usenet : elles nécessitent, chacune, un « serveur de liste », qui reçoit les demandes de publication, autorise la gestion de filtrages, et gère la diffusion aux abonnés.

La liste de diffusion francophone consacrée aux bibliothèques, Biblio-FR, est née en septembre 1993. Gérée la plupart du temps par une personne (bénévole, dans son temps libre), elle est devenue victime de son succès : un nombre d’abonnés de plus de 17.000, un nombre de contributeurs variés croissant, des sujets et des thématiques (débats, annonces d’événements, demandes et offres d’emploi, questions/réponses) plus riches, voire hétéroclites. En conséquence, au lieu de fournir un mode de communication plus rapide et plus structuré que ne l’aurait fait Usenet – ce qui était le cas dans les premières années d’existence de la liste –, celle-ci est saturée de messages présentés tous au même niveau et envahissant ainsi les boîtes à lettre des abonnés, et s’engorge souvent : interruptions et délais (parfois allant jusqu’à deux semaines) entre l’envoi et la publication (certains événements sont ainsi annoncés après leur tenue…) du fait de sa gestion essentiellement unipersonnelle, regroupement de messages distincts à l’origine dans un même message à sa diffusion (ce qui ne permet pas de les sélectionner indépendamment et nécessite de parcourir tout le message regroupé – tel ce message du 20 février 2009 qui comprenait 43 offres d’emploi à la queue-leu-leu), ce qui est contraire au principe même de la diffusion des messages individuels (les listes de diffusion permettent de créer, indépendamment, des regroupements, appelés digest, mais ils ne sont pas obligatoires)…

Si Biblio-FR vise à être un mode utile de communication autour de sa thématique globale, il me semble qu’il faut prendre acte de cette mutation – non seulement du volume et de la variété de son lectorat, de ses thématiques et de ses auteurs, mais aussi des techniques de communication qui existent présentement – pour continuer à les fédérer, mais d’une façon plus efficace, plus utile, à ses usagers. En bref : de l’organisation de l’information et de la gestion de sa circulation (« workflow »).

Il me semble qu’une évolution possible – ce n’est certainement pas la seule, c’est celle qui me vient à l’esprit, et je la suggère pour réouvrir le débat (j’avais tenté de le faire par le passé, mais la modération n’avait pas laissé passer mon message) – serait de passer à une plate-forme de blog, dans laquelle les billets seraient l’équivalent des messages de la liste. Que permet-elle ?

— la création de catégories hiérarchiques (par l’administrateur) et/ou l’étiquetage (« tags ») des billets (le choix des catégories et/ou des étiquettes peut être fait par l’auteur du billet et/ou l’administrateur), et donc la classification des messages, ce qui permet aux lecteurs de ne consulter que la/les catégorie(s) qui les intéressent (l’ébauche existe dans biblio-fr, « JOBILISE », « QU », « Infosite », etc., mots-clé rajoutés aux objets des messages, mais elle est trop limitée) – en outre, le blog affiche en général aussi la liste des derniers billets toutes catégories confondues – ce qui n’empêche pas de consulter directement à la catégorie souhaitée. En particulier, l’événementiel peut être aussi catégorisé par régions, ce qui permet aussi un meilleur ciblage. Pour ceux qui ne sont intéressé que par un certain nombre limité de catégories, des fils RSS leurs permettent d’être informé de ce qui s’y publie, sans avoir à aller sur le site pour vérifier ; dans certains cas, les fils peuvent être programmés pour répondre à des requêtes (et ressemblent ainsi à de la DSI).

— la gestion des réponses (suivi) à un billet, en tant que commentaires au billet et pas en tant que billets indépendants, évitant ainsi la saturation, et hiérarchisant message d’origine et ses suites, ce qui n’est pas le cas dans la liste de diffusion ;

— le filtrage (« modération ») des billets et de leurs commentaires si souhaité (mais on peut aussi faire en sorte que les messages des inscrits ne nécessitent pas de modération), et l’effaçage a posteriori (ce que ne permet évidemment pas Biblio-FR : une fois qu’un message est parti, il est parti…) ;

— l’affichage des noms des auteurs dans la liste des billets (dans la liste actuelle, l’auteur affiché dans la liste est « Moderateur Biblio-FR », pour connaître l’auteur réel il faut ouvrir le message) ;

— la possibilité d’insérer des images (par exemple des copies d’écran, pour illustrer une discussion sur un logiciel bibliothéconomique), des liens hypertextuels, etc. (ce qui peut être contrôlé, pour éviter des problèmes de droit) ;

— la gestion intégrée d’archives (qui peut réintégrer les archives existantes de la liste, où les messages seraient transformés en billets, préservant leur date originale de publication… on peut d’ailleurs aussi y récupérer la liste des abonnés) et de recherche.

Etc. Un blog (ou tout système technique, d’ailleurs) n’est jamais une panacée : mal organisé, il ne fournit pas un accès structuré ; géré irrégulièrement, il n’accélèrera pas la diffusion des contenus. En revanche, il peut aussi faciliter toutes ces tâches, et fournir une meilleure plate-forme d’échange. C’est ce qu’on souhaite pour Biblio-FR.

Version légèrement modifiée d’un message envoyé à la liste Biblio-FR le 26 février 2009. Voir aussi à ce sujet un article de 2008.

25 février 2009

Life in Hell: the ultimate torture

Classé dans : Cuisine — Miklos @ 7:50

« Peut-être le fumet délicat du chocolat ramène-t-il à la surface de vieux souvenirs d’enfance… ? » — Bernard Dubrulle et Dominique Auzias, Guide du chocolat et des confiseries. Petit futé, 2006.

Akbar et Jeff sont invités à dîner chez la Comtesse de Dieppe. En se rendant vers le métro, Akbar passe devant Lord Sand­wich. La Mama, sur le pas de la porte, s’écrie : « ne bougez pas ! », suivi d’un « Entrez, entrez ! ». Akbar est bien en mal d’obtem­pérer, vu les injonctions contra­dictoires, mais la curio­sité attisée il ignore la première qui l’avait saisi dans son vol comme la femme de Loth trans­formée en statue de sel, et obéit à la seconde. Il franchit le seuil. La patronne lui tend alors un plateau couvert d’une montagne de brownies tous plus appétissants les uns que les autres et dont le bouquet manque de le faire tomber en pâmoison. « La cuisinière m’a dit “C’est pour Monsieur Akbar” », précise-t-elle.

Quel supplice ! malgré qu’il en soit par l’odeur alléché, Akbar ne peut s’en saisir (dîner oblige) et répond, à l’instar de Jean-Jacques Rousseau à Madame la Baronne de Warens en 1732 : « pour moi, je me contente du fumet ». La Mama lui fournit alors toutes assurances que le trésor sera préservé à son intention (il compte bien y retourner incessamment sous peu) et le confie à l’Aïeul. Une consolation temporaire, tout de même : la Comtesse de Dieppe servira aux deux compères en guise de dessert un gâteau au chocolat.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

23 février 2009

La femme invisible

Classé dans : Récits — Miklos @ 2:02

Si cette image ne s'affiche pas, en voici la raison. Depuis août, la mise en ligne de nouveaux documents numérisés a créé un dysfonctionnement dans Gallica et Gallica 2, rendant difficile et aléatoire l'accès à ces documents (de l'ordre de 3 000 ouvrages concernés). Le problème a été identifié : les équipes de la BnF travaillent à sa résolution et sa mise place devrait aboutir au premier trimestre 2009.
Affiche, 1910. Source : Gallica2, Bibliothèque nationale de France.

C’est en entrant dans la cuisine à 7h, comme à son habitude, que Julien s’aperçut que Sabine avait disparu : la table de formica n’était pas mise, le petit déjeuner n’était pas prêt. Perdu, il regarda autour de lui. L’évier en inox était vide et brillait comme neuf, la gazinière était propre et reluisait de tous ses feux, les carreaux astiqués reflétaient l’image déformée du frigo qui ronronnait doucement. De nombreuses boîtes de métal étaient soi­gneu­sement alignées sur une étagère, encadrant quelques livres de cuisine qui semblaient n’avoir jamais été ouverts. Pas un grain de poussière, pas une tache ni une épluchure. Les fenêtres aux vitres d’une trans­parence cristalline dessinaient sur le mur la silhouette des pots dans lesquels Sabine avait planté des herbes de cuisine. Les portes des placards blancs se ressemblaient toutes. Julien eut le sentiment d’avoir été transporté dans une cuisine-modèle comme on en voit dans des salons d’ameublement, lieu parfait et étrangement inhabité. Il la remarquait pour la première fois, et pourtant il s’y installait chaque matin depuis son mariage trente ans plus tôt.

La veille, il avait dîné avec des collègues. Rentré tard, il s’était silen­cieusement déshabillé, s’était lavé les dents en faisant attention à refermer avec précaution la porte du cabinet de toilette – Sabine, qui se couchait plus tôt, n’en supportait ni le bruit ni la lumière – et s’était glissé dans son côté du lit. Il ne lui serait pas venu à l’idée de vérifier si elle y était : elle l’avait toujours été, elle devait donc y être. Comme il avait passé la journée au bureau, il lui fallut remonter au matin précédent pour se souvenir d’une trace tangible de sa présence : le petit déjeuner l’avait attendu à son lever.

La vie avec Sabine avait été jusqu’à ce jour une plaisante routine. Julien la retrouvait le soir en rentrant du travail comme on retrouve un fauteuil confortable dans lequel on s’assied quotidiennement sans plus le remarquer – le corps sait où il est – et dont on ne pourrait dire la couleur ni la forme à force de familiarité. Ils dînaient, regardaient la télévision sans jamais changer de chaîne, se couchaient. Parfois, ils faisaient l’amour ; quelques enfants été nés, avaient grandis, étaient partis. Le matin, après avoir mangé sa tartine qu’il avait au préalable trempé dans son bol de café, il vissait son chapeau sur la tête, prenait sa serviette de cuir, lançait un « À ce soir ! » à la cantonade et partait prendre son bus.

Qu’était-il donc arrivé pour que cette vie qu’il trouvait parfaite se trouve ainsi bouleversée ? Il ne pouvait se l’imaginer, et ne savait que faire. Le frigo était étonnement vide : il n’y restait qu’un pot de cornichons. Il ouvrit quelques placards au hasard ; dans l’un, des piles d’assiettes de céramique blanche – plates, à soupe, à dessert –, dans un autre des plats et des saladiers du même service, puis ailleurs des tasses à thé et à café avec leurs soucoupes. Il finit par tomber sur les verres ; il y en avait plusieurs étagères, de toutes tailles, pour toutes les occasions Il en pris un et se versa un peu d’eau. Aurait-il trouvé une cafetière, il n’aurait su l’utiliser. D’ailleurs, il ne savait où se trouvait le café. Il sortit le ventre vide, lançant par habitude un « À ce soir ! ».

Sabine, elle, était toujours là. En quelque sorte. Avec le temps, l’absence du regard de Julien l’avait rendue invisible, ce qui ne l’empêchait pas de s’occuper de la maison : cuisine, ménage, lessive, repassage… Pour les courses, il y avait heureusement le téléphone, et maintenant l’Internet, qui lui servait aussi à meubler ses journées en chattant joyeusement avec d’autres femmes au foyer, à flirter avec des hommes qu’elle ne rencontrerait jamais ou à nourrir abondamment son journal de souvenirs inexistants. Ce soir-là, elle avait vu à la télévision Le Passe-muraille avec Bourvil dans le rôle de Dutilleul : elle en avait été émerveillée, et désira si fort posséder le même « don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé » – ce qui lui faciliterait d’autant plus ses taches ménagères, pensait-elle – qu’elle se dématérialisa en conséquence. Elle pouvait dorénavant passer à travers murs, portes et armoires, mais le résultat inattendu fut qu’elle ne pouvait plus rien saisir : ses mains passaient, elles aussi, à travers bols, tasses et assiettes, couverts et casseroles. Elle n’avait plus besoin d’ouvrir la porte du frigo pour y entrer les mains, mais ces dernières ne pouvaient plus prendre ce qui s’y trouvait. Plus de téléphone, plus d’ordinateur… Donc plus de provisions, plus de petit-déjeuner.

Ce soir-là, elle interpella Julien à son retour, ce qui ne manqua pas de le surprendre : c’était lui en général qui prenait la parole – pour commenter un film, annoncer qu’il ne dînerait pas le soir à la maison ou demander si le journal était arrivé – à quoi elle répondait laconiquement. Il se retourna pour lui répondre, mais ne la vit pas. Si, jusqu’ici, il ne s’en était pas aperçu, il fut surpris. Mais on s’habitue à tout. Après avoir fait le tour de la situation, ils prirent une décision pratique : il suffirait d’engager une femme de ménage pour exécuter les ordres de Sabine et agir à sa place. Ce qui fut fait le lendemain.

La vie de Sabine et de Julien reprit son cours, à la seule différence que le café, le matin, est froid : Julien le prend avant l’arrivée de la bonne.

20 février 2009

« Tout doit sur terre mourir un jour. Mais la musique vivra toujours. »

Classé dans : Musique, Photographie — Miklos @ 23:13

«« La musique est perdue ! » écrivait, en 1704, Benedetto Marcello, musicien de génie, dont les ouvrages démentaient l’opinion. Contemporain d’Alexandre Scarlatti, prédécesseur de Pergolèse, de Leo, de Jomelli, il assistait, sans le savoir, à la naissance de la musique dramatique, et se croyait appelé à prononcer son oraison funèbre.

« La musique se perd ! » disait en soupirant Rameau, qui ne se doutait guère que, malgré ses efforts, elle n’existait point encore, en 1760, dans le pays où il parlait ainsi.

« La musique se perdra ! » s’écrient de nos jours de vieux amateurs, plus sensibles aux souvenirs de leur jeunesse que satisfaits des innovations dont ils sont les témoins, et certains musiciens qui ne peuvent se dissimuler que déjà leurs ouvrages subissent le sort qu’ils prédisent à l’art. Avant d’examiner ce que ces déclamations ont de réel ou d’exagéré, remarquons qu’il y a quelque chose de consolant dans leur progression décroissante, et qu’en la continuant on arrivera sans doute à la conviction que la musique ne se perdra pas.

Cet art ne s’est formé que lentement. Purement mécanique d’abord, il a suivi dans ses progrès les perfectionnemens de méthode des chanteurs, des instrumentistes et des écoles. Apres chaque révolution, on croyait qu’on avait atteint le but, et qu’il n’y avait rien au delà. Mais il y avait loin des drames de Scarlatti, composés d’airs et de récitatifs, qui n’avaient pour accompagnement que deux violons et la basse, aux compositions formidables de nos jours, hérissées de chœurs et de morceaux d’ensemble, que renforce encore le luxe de nos bruyans orchestres. Il y avait peu de rapports entre les douces et simples cantilènes de Pergolèse ou de Leo et les tours de force qu’exécutent maintenant les chanteurs. Les unes se distinguaient par la suavité du chant, le naturel de l’expression et la pureté d’harmonie ; les autres se font remarquer par des combinaisons d’effets dont on ne pouvait avoir d’idée vers le milieu du dix-huitième siècle. On allait du simple au composé : cette marche est naturelle. Jusqu’à ce qu’on fût arrivé aux limites de nos facultés sensitives et intellectuelles, chaque pas qu’on faisait dans l’art était une conquête, car on ajoutait quelque chose à ce qu’on possédait déjà. C’est ainsi que tous les degrés ont été franchis en Italie, depuis Carissimi jusqu’au maître de Pesaro; en Allemagne, depuis Keiser jusqu’à Mozart; en France, depuis Cambert jusqu’à Boieldieu.

La musique vit d’émotions. Celles-ci sont d’autant plus vives qu’elles sont plus variées. Elles s’usent promptement, parce que, l’usage de cet art étant habituel, le besoin de nouveauté s’y fait sentir plus souvent que dans tout autre. De là l’intérêt qu’on prend à ces révolutions et l’enthousiasme qu’elles excitent. De là aussi les regrets de ceux qui considèrent les formes auxquelles ils sont accoutumés comme les seules admissibles, et ces exclamations : la musique se perd ! la musique est perdue ! qui signifient seulement que la musique a changé de forme.

Ce n’est pas qu’il n’y ait des choses fort regrettables dans ce qu’on abandonne quelquefois par amour pour la nouveauté. Le vrai moyen d’enrichir l’art serait de conserver tous les styles, toutes les formes, tous les procédés, pour en faire usage à propos : mais la raison est pour peu de chose dans nos sensations ; les hommes cherchent franchement le plaisir, et ce n’est pas leur faute s’ils n’en éprouvent point à ce qui ravissait leurs pères ; il faut que la mode ait son règne. Le goût dominant fait souvent, il est vrai, appliquer le style qui est en vogue à des objets qui sont peu susceptibles de le recevoir. Ainsi l’excès des fioritures, dont on accable aujourd’hui les situations les plus dramatiques, nuit à la vérité, même de convention, qu’on veut au théâtre. Les mouvemens de valse, les crescendo et tous les brillans hochets du jour, ajustés au jeu de l’orgue et à la musique sacrée, comme ils le sont maintenant en Italie, produisent des contresens monstrueux, et changent l’église en guinguette. Mais la satiété nous délivrera de ces folies dont gémissent ceux que j’appellerais volontiers les connaisseurs, si les enthousiastes ne les nommaient des pédans.» Tous les écarts auxquels la fantaisie peut entraîner ne sont que des anomalies, qui ne prouvent point la décadence générale qu’on a si souvent et si faussement annoncée à la musique. N’avons- nous pas eu l’école de David après celle de Boucher ?

François-Joseph Fétis, « État actuel de la musique en Italie », Revue musicale, tome I. Paris, 1827.

Bettele mit a nign • Betty sur les ailes de la musique

Classé dans : Judaïsme, Langue, Musique — Miklos @ 7:09

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