Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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27 septembre 2009

Les yeux d’Athènes

Classé dans : Athènes, Lieux, Peinture, dessin, Photographie, Sculpture — Miklos @ 12:37

« Hargneux et peu attaché à son maître » (Encycl. du dix-neuvième siècle).

Classé dans : Littérature, Nature, Photographie — Miklos @ 10:41

«Shaking her bobbed hair a girl entered the shelter with a small,» wheezing, toadlike bulldog. (Secouant ses cheveux courts, une jeune fille se glissa sous le kiosque avec un petit bouledogue qui respirait péniblement et qui avait l’air d’un crapeau.)

Vladimir Nabokov, The Gift.

«(…) M. Baretty venait de s’étendre sans cérémonie dans un immense fauteuil à la Voltaire, où, malgré sa rotondité, il paraissait engourdi. Sa pose avait quelque chose de si farouche, et s’accordait tellement avec l’expression rébarbative de son visage, que je ne pus m’empêcher de le comparer à un bouledogue couché dans sa niche, le museau sur les pattes, l’œil assoupi, mais la dent éveillée.» Je remarquai bientôt qu’à travers ses paupières mi-closes, il glissait un regard scrutateur qui, après avoir examiné quelque temps Maléchard, se porta sur moi-même et me força de détourner les yeux.

Charles de Bernard, « Le Paratonnerre ». Revue des deux mondes, 1841.

«Notre chat, comme s’il eût compris ce qui se passait, sauta sans hésiter sur les épaules du mitron, et de là sur la voie publique. Un nouveau danger l’attendait. Surpris de son apparition inattendue, un énorme bouledogue se mit en arrêt devant lui. Moumouth eût vivement désiré esquiver une lutte désavantageuse ; mais le chien le couvait des yeux, ne perdait pas un de ses mouvements, allait à droite quand Moumouth allait à droite, à gauche quand Moumouth allait à gauche, et grognant toujours d’une voix menaçante ; tous deux se tinrent un instant en observation : le bouledogue, les pattes tendues, les dents serrées, le corps en arrière ; le chat, la gueule ouverte, le dos hérissé, la tête basse et penchée en avant. Aucun d’eux ne semblait disposé à entamer les hostilités. Enfin le chien se rue sur son adversaire ; mais celui-ci l’évite adroitement, passe par-dessus, et se sauve dans la direction du quai ; le bouledogue lui donne la chasse : ils partent, ils percent la foule des passants, ils se faufilent entre les voitures; par un esprit naturel d’imitation, les chiens errants qu’ils rencontrent les suivent à la file, si bien qu’au bout d’une minute l’infortuné Moumouth en a plus de trente-sept à ses trousses.

« Je suis perdu, se dit-il, mais du moins je vendrai chèrement ma vie ! »

Il s’accule contre un mur, se dresse fièrement sur ses pieds ; grinçant des dents, le poil hérissé, il contemple ses nombreux ennemis d’un œil si terrible» que tous reculent comme un seul homme. Profitant de leur incertitude, Moumouth se retourne tout à coup et monte le long de la muraille ; il est promptement hors de la portée des chiens. . . .

Émile Gigault de la Bédollierre (1812-1883), Histoire de la Mère Michel et de son chat. Leypoldt & Holt, 1866.

8 septembre 2009

Ce n’est toujours pas Dell-icieux, ou pourquoi je ne rachèterai plus du Dell

Classé dans : Actualité, Sciences, techniques — Miklos @ 14:30

Moins de trois ans après la mort subite de son prédécesseur et moins de deux ans après sa précédente syncope, mon ordinateur portable, un Inspiron 9400 fourni en remplacement par Dell qui n’était pas arrivé à réparer le précédent, exhibe des signes inquiétants : l’écran est couvert de zébrures multicolores et parfois de petits points rouges ou oranges (je suspecte d’abord la rubéole), et refuse de finir de se lancer. Je respire profondément et appelle Dell.

Le technicien me redemande toutes mes informations (adresse, email, téléphone…) qu’il avait de toute façon (ça permet de meubler les vides) et que le premier opérateur avait vérifiées, puis il m’enjoint de lancer tous les tests possibles et imaginables : tout se passe bien. Sauf le lancement final.

Il me dit alors de brancher un autre écran sur l’ordinateur. Je lui réponds que je n’en ai pas : je n’ai acheté qu’un seul ordinateur avec un seul écran chez Dell. Il me redemande de brancher un autre écran. Je lève la voix pour qu’il entende ma réponse. Après avoir précisé qu’il n’était pas sourd (son manque de compréhension a donc une autre cause que je préfère ne pas expliciter ici et son manque de politesse n’a pas de justification, si ce n’est qu’il est dans son tort), il décrète qu’il faut « renvoyer l’ordinateur en atelier ».

Or ce n’est pas ce que la garantie précise, puisqu’elle comprend une intervention sur site. Poussé dans ses retranchements, le technicien dit alors que la pièce suspecte – la carte graphique – est en rupture de stock, qu’il n’y a pas de date prévue pour sa disponibilité, et qu’en conséquence il n’est pas à même de me fournir une date d’intervention. Le retour en atelier est donc une solution de facilité pour Dell, qui n’aurait pas eu à s’expliquer sur les retards de réparation.

Je fais la remarque. « Vous refusez les deux solutions que je vous propose ? » demande-t-il d’un air péremptoire. « Non, je vous demande de vous en tenir à votre engagement contractuel », puis je demande à parler à sa responsable. De mauvais gré, il accepte finalement. La dame me dit poliment que cette pièce est en rupture de stock mondialement et qu’il n’y en a que de temps en temps. Je lui demande alors quelle solution de rechange propose le constructeur lorsqu’il n’est pas en mesure de tenir ses engagements en maintenant un stock adéquat pour les appareils sous garantie. « Rien », répond-elle. Elle rajoute que le technicien demandera une intervention sur site pour demain, et qu’on m’appellera pour me dire quand (et si) ils viendront.

Après avoir repris la communication, le technicien me redemande encore une fois (c’est une manie, ils n’ont pas d’ordinateurs, chez Dell, pour noter ça une fois pour toutes ?) mes coordonnées, veut s’assurer que je sois bien disponible toute la journée parce qu’on vous préviendra 15 minutes avant – à quoi je lui réponds que, comme lui, je travaille… Il ne trouve aucune réponse à ça, dans ses manuels.

Après une heure au téléphone pour ce piètre résultat, je constate que le nouveau matériel de Dell n’aura pas tenu deux ans, et que son service de hot line est encore pire qu’avant. Conclusion ? voir le titre.

Mercredi 9 septembre. Appel de la société chargée d’effectuer la maintenance pour le compte de Dell (+331753764840) : « Le technicien qui devait passer réparer votre ordinateur ne viendra pas, nous n’avons pas reçu la pièce de Dell et ne savons pas quand on la recevra. »

Vendredi 11 septembre. Mail de Dell :

Nous vous contactons au sujet de l’intervention dont vous avez récemment fait la demande pour le remplacement d’une carte électronique pour votre ordinateur portable.

Malheureusement, nous n’avons pas cette pièce en stock pour le moment et nous travaillons activement avec nos fournisseurs pour vous l’envoyer dès que possible. Nous travaillons activement afin que les pièces actuellement en panne soient retournées réparées promptement. Ceci permettrait une disponibilité de ces pièces détachées dans les deux semaines afin de réparer votre système.

Malheureusement, en raison de la rupture de stock et du fait que nous envoyons les pièces disponibles dans l’ordre dans lequel nous recevons les demandes, nous sommes dans l’incapacité de vous offrir un service plus rapide pour le moment. Un représentant Dell vous contactera dès que la pièce est disponible pour réparer votre système.

Nous vous remercions pour votre compréhension et de votre fidélité envers Dell.

Je n’ai aucune compréhension envers Dell, dont la lettre dit en fait qu’il n’y a aucun délai (la « réparation » dont ils parlent n’est pas faisable, la composante doit être remplacée, et ils n’en ont pas en stock) ; et surtout, ma « fidélité » à Dell est totalement rompue.

Lundi 14 septembre. Message téléphonique de Dell voulant savoir si le technicien était passé (ils ne peuvent le savoir ? ils n’ont pas d’ordinateurs ?) ou m’avait téléphoné (non), et me demandent de les rappeler. Ce numéro est injoignable de l’étranger, où je me trouve. La personne qui rappelle le lendemain en mon nom me fait part de l’accueil téléphonique déplaisant (en guise de bonjour : « numéro de série ? ») et des attentes interminables, pour s’entendre finalement dire que la pièce manque. . .

Jeudi 24 septembre. La pièce est remplacée. C’est ce qu’on appelle sans doute « gestion de stocks en flux tendus », mais moi je ne tendrai pas à reprendre du Dell, j’ai été assez tendu comme cela pendant ces deux semaines.

Dis-moi, Google, Érasme était-il gay ?

Classé dans : Histoire, Humanités, Langue, Religion, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 9:00

La biographie que Stefan Zweig consacre en 1935 au grand humaniste est prémonitoire à plus d’un égard : sa description des déchirements politiques de l’Europe de la fin du XVe siècle – époque d’autre part de grandes découvertes géographiques comparables à nos expéditions vers la Lune puis vers l’espace –, une Europe plongée dans des conflits sanglants comme elle commençait à l’être du temps de Zweig : « les villes détruites, les fermes pillées de la guerre de Trente, que dis-je, de Cent Ans, ces paysages dignes de l’Apocalypse prennent le ciel à témoin du stupide acharnement que mettent les hommes à ne pas vouloir se faire de concessions ».

C’est aussi le temps de l’intransigeance et de la frénésie religieuses – toujours d’actualité –, autant du côté de la Réforme que de ses opposants : « Huss périt au milieu des flammes, Savonarole meurt attaché au poteau du bûcher, Servet est poussé dans le brasier par le zèle de Calvin. Tous ont leur heure tragique : on tenaille Münzer ; on rive John Knox à son banc de galérien ; Luther, qui se cramponne solidement au sol allemand, tonne contre l’Empereur et l’empire tout en clamant son : “Ich kann nicht anders…” (“Je ne puis faire autrement…”) ; Thomas More et John Fisher posent leur tête sur le billot ; Zingli, frappé à mort au point du jour, dort dans la plaine de Cappel – inoubliables figures, vaillants dans leur fureur crédule, extatiques dans leurs souffrances, grands par leur destin. C’est souvent dans la terreur sanglante que dégénèrent les grands mouvements idéalistes : les tenants de vérités absolues – qu’elles soient religieuses ou culturelles (il est parfois difficile de les départager) – n’ont pas de place pour l’autre.

Sébastien Castellion est connu entre autre pour sa remarquable traduction des ancien et nouveau testaments en français avec le « souci pédagogique d’atteindre le peuple » tout en lisant le texte sacré avec un regard critique, hors dogmes – en 1555 ! –, comme l’écrit l’introduction de Pierre Gibert à la merveilleuse réédition qu’en a fait Bayard en 2005. Il aurait pu rencontrer Érasme, mort alors qu’il avait 21 ans. Qu’il l’ait fait ou non, il a fait montre non sans courage de tolérance en cette ère d’intolérance. S’élevant contre l’exécution de Servet, il dit : « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme » (cité par Jacques Roubaud dans son introduction à cette réédition). Et il poursuit : « C’est avec des raisons et des écrits que combattait Servet : c’est avec des écrits et des raisons qu’il fallait lui répondre. » Il n’est pas étonnant que Zweig ait consacré un texte à cet humaniste, Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin (Grasset, 1946).

Pour en revenir à Érasme, « ami de la mesure et du juste milieu », Zweig écrit à son propos : « Le protestant Luther le couvre d’imprécations, l’Église catholique met ses livres à l’index. Mais ni menaces ni malédictions ne peut amener Érasme à adhérer à l’un ou l’autre parti : nulli concedo, je ne veux appartenir à personne, telle fut sa devise et jamais il ne la démentit ; il voulait être homo pro se, homme pour soi-même, quelles qu’en fussent les conséquences. » La seconde devise renvoie au questionnement – existentiel, dirait-on sans craindre l’anachronisme – que Shakespeare met dans la bouche de Hamlet vers 1600 (et, pour nos contemporains, à l’affirmation d’un personnage de la série télévisée The Prisoner : « I am not a number, I am a man » ou à l’« homme qui ressemble à un homme, un homme, en somme » de notre Barbara nationale).

C’est en en recherchant la source dans Google Books que l’on a vu s’afficher sur son écran une liste de références susceptibles de fournir la réponse. Mais l’œil est attiré par les publicités que Google a fournies en accompagnement. Elles sont supposées être contextuelles, avoir un rapport avec l’interrogation du moteur et les réponses. Et que ne voit-on pas : « Free EU Gay Chat », « Rencontres entre Hommes », « Homme Cherche Homme »…

Il est clair que Google souffre de schizophrénie : si son moteur de recherche dans les livres a bien compris qu’il s’agissait d’une expression latine, son autre moteur, avide de trouver rapidement des publicités juteuses (si l’on peut dire), a constaté que l’interrogation provenait de France où « homo » a un autre sens (quant à « pro se », le moteur a sans doute supposé qu’on avait mal orthographié « procès ») et voilà comment le mâle est fait…

Malgré ces distractions, on est arrivé à déterminer l’origine des expressions que Zweig cite à propos d’Érasme : Concedo nulli était la devise gravée sur le cachet d’Érasme, tandis qu’Erasmus est homo pro se provient des Epistolae obscurorum virorum, recueil de quarante-et-une lettres fictives publiées entre 1515 et 1517, censées écrites à Gratius par des théologiens, des collègues et beaucoup d’anciens élèves. Attribuées à Ulrich de Hutten, Johannes Crotus Rubianus, Hermann von dem Busche et Jacob Fuchs, elles prenaient le parti de l’humanisme contre la scolastique, mais la réaction mitigée d’Érasme à leur encontre montre que même le camp des humanistes n’était pas si uni que cela (comme d’ailleurs celui de la gauche de nos jours).

7 septembre 2009

Little Girl

Classé dans : Musique, Photographie — Miklos @ 19:00

Petite fille, petite fille malheureuse, on t’a laissée toute seule,

tu joues au solitaire, tu joues à être le geôlier de ton âme,

tu es enfermée dans une prison que tu t’es créée,

et tu ne peux imaginer ce que ça me fait de te voir pleurer.

Petite fille, petite fille malheureuse, déchire la toile qui te retient ;

scie tes barreaux, décide-toi aujourd’hui ;

tu es condamnée à une prison que tu t’es créée.

Petite fille, petite fille malheureuse, envole-toi vite ;

ne manque pas ta chance de nager dans le mystère.

Tu es enchaînée à une prison que tu t’es créée.

Jim Morrison, Une prière américaine, p. 31. Cité par Stéphane Labat, La poésie de l’extase et le pouvoir chamanique du langage. Maisonneuve & Larose, 1997. Version anglaise de la chanson.

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