Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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23 juin 2012

Manifestement…

Manifesta : importante biennale itinérante euro­péenne d’art contemporain créée à Rotterdam (Pays-Bas) en 1996. Manifesta 9 se tient actuellement à Genk (Belgique).

On serait curieux de savoir si son nom ne se serait pas, consciemment ou non, inspiré de documenta, « musée des cent jours », célèbre exposition quinquennale d’art moderne et contemporain créée en 1955 à Kassel (Allemagne) d’une durée de cent jours. dOCUMENTA (13) s’est ouverte il y a deux semaines.

Manifest : galerie américaine d’arts visuels qui s’est ouverte en 2004 dans un quartier de Cincinnati dans le but de le revitaliser. Son appel à œuvres pour sa quatrième exposition du nu dans l’art est actuellement en cours.

Manifest : Manifest : BA + BFA et Manifest : MFA sont des expositions organisées depuis (au moins) 2008 par le département de photographie du Columbia College de Chicago (US) pour y montrer les réalisations de ses élèves.

Manifestum : chœur d’hommes fondé en 2010 en Finlande ; il vient de sortir son premier CD.

Manifest : festival de musique qui se tient depuis au moins 2010 près de Brisbane (Australie) ; la prochaine édition, Manifest-2012, annonce une brochette d’artistes intéressants.

Oregon Manifest : organisé en 2011, il s’agissait d’un concours de design et de construction de bicyclettes.

ManiFeste : après Agora, l’Ircam inaugure cette année ManiFeste-2012, festival académie durant tout le mois de juin.

17 juin 2012

De Sainte-Colombe à Cat Stevens avec un détour par Sainte-Beuve

Classé dans : Littérature, Musique — Miklos @ 14:22

Les nostalgiques des sixties auront plaisir à réécouter cette chanson mélancolique de Cat Stevens dont la mélodie, l’orchestration et le titre My Lady D’Arbanville font plus penser à la musique élisabéthaine qu’à la pop – même soft – américaine. En fait, le titre était très contemporain à sa composition (1970) et n’avait rien de poétique ni de métaphorique, puisqu’il s’agissait de Patti D’Arbanville – modèle et starlette découverte par Andy Warhol – que Cat Stevens fréquentait alors depuis plus d’un an. Il la décrit couchée dans sa tombe, froide et silencieuse, tandis que lui l’aimait et ne pouvait l’oublier. Non pas qu’elle était morte, mais elle était partie pour un mois à New York, seule. Il s’était senti abandonné, et avait compris que leur relation s’achevait.

Quant aux amateurs de musique baroque, cet air de Cat Stevens leur rappellera sans aucun doute la Fantaisie en rondeau de Mr de Sainte-Colombe le Fils – que l’on peut entendre ci-dessous dans la très belle interprétation qu’en donne Jordi Savall dans le disque Les Voix humaines qu’il faut écouter et réécouter –, fils bien moins connu que son père et non pas uniquement pour le roman de Pascal Quignard et le film qu’en a fait Alain Corneau, Tous les matins du monde. Selon certains chercheurs, le premier des deux ne serait pas le père du second (on trouvera ici quelques informations au sujet des Sainte-Colombe). Quoi qu’il en soit, ce fils putatif se serait installé en Angleterre, pays d’origine de Cat Stevens quelque 250 ans plus tard.

Peu d’informations existent sur l’origine du nom de famille de Patti. Son père se serait appelé George D’Arbanville né « vers 1916 » et aurait été barman. Un George D’Arbanville, vétéran de l’armée américaine et né en 1912, est enterré dans un cimetière national américain. Ce nom semble particulièrement rare, on n’a trouvé qu’une brève mentionIn Itinéraire complet de la France, ou, Tableau général
de toutes les routes et chemins de traverse de ce royaume.

Paris, 1788.
d’un « ham. et chât. d’Arbanville » dans la région parisienne, à proximité de Guetreville, d’Intréville et de Rouvray – il doit s’agir de l’actuelle Rouvray-Saint-Denis.

Le nom d’Arbouville est par contre plus répandu : il semblerait que les deux seules passions de la vie de Sainte-Beuve aient été Mme Victor Hugo et Sophie de Bezancourt Loyré, comtesse d’Arbouville, femme de lettres (on peut lire ici quelques-uns de ses poèmes). Voici ce qu’en dit Léon Séché, dans son introduction à Madame d’Arbouville d’après ses lettres à Sainte-Beuve, 1846-1850 (Mercure de France, 1909) :

Mais la seconde [passion] dura plus longtemps que la première, précisément parce qu’elle ne fut pas entièrement satisfaite, et ce ne fut pas de sa faute si elle ne dura pas davantage encore. Si Mme d’Arbouville avait pris Sainte-Beuve au mot et lui avait cédé, lorsqu’il lui disait que, « pour que l’amitié entre homme et femme soit durable, il faut qu’à un moment aussi court, aussi fugitif que l’on voudra, il y ait eu abandon et faiblesse », elle n’aurait probablement pas été aimée et désirée durant dix ans durant, comme elle le fut ! C’est toujours l’histoire d’Elvire : l’amour pur, qu’on le veuille ou non, est le seul qui ait chance de laisser à l’homme – pourvu qu’il ait le cœur haut placé – un souvenir, des regrets éternels.

On serait curieux de savoir si Sainte-Beuve a écrit après 1850, année du décès de son grand amour, un Ma Dame d’Arbouville la décrivant couchée dans sa tombe, froide et silencieuse.

16 juin 2012

Life In Hell : double assassinat dans la rue Morgue

Classé dans : Actualité — Miklos @ 14:20

Toutes les circonstances de ce double assas­sinat étaient horribles  et sans entrer ici dans les justifications prises de la politique et du malheur des temps, la sûreté du genre humain semblait demander un frein à de pareilles violences. — Voltaire, « De Sixte-Quint », in Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, 1756.

Tirant derrière lui son sac de voyage à roulettes, Akbar se dirige vers son immeuble. Il aperçoit de loin la porte cochère, récemment repeinte d’une couleur rouge sang, largement ouverte, un pompier posté sur le seuil, tandis qu’un camion aussi rouge que la porte est garée à quelques pas.

Inquiet – Paris brûle-t-il ? – il demande en entrant au sapeur si rutilement sapé ce qui se passe.

- Pas d’inquiétude, rien de grave, répond le pompier.

Ce n’est que quelques instants plus tard qu’Akbar réalise que c’était une réponse pince-sans-rire : tandis qu’il se tient devant les boîtes à lettres dans le hall d’entrée, entre Marie-Chantal toute guillerette. Il lui lance un regard étonné, auquel elle rétorque vivement et d’un ton pointu et revendicatif :

- Tout de même, Monsieur Akbar ! vous n’avez rien remarqué ? (genre, vous n’allez pas me le faire accroire). Ça fait plusieurs jours qu’une odeur fort désagréable a envahi la cage d’escalier, je pensais que c’était dû aux travaux de remise de l’ascenseur aux normes, mais c’est devenu si déplaisant qu’on a appelé la police.

- Comme vous le voyez, Madame Marie-Chantal, je reviens de ce pas d’un voyage à l’étranger. Akbar ne rajoute pas que de toute façon il n’aurait rien senti, ayant perdu l’odorat dans un précédent voyage.

- Oh excusez-moi, je suis assez perturbée – so what else is new ? se dit Akbar in peto –, il y a un cadavre dans le petit studio du premier, celui de la… heu… prostituée.

Akbar avait aperçu deux ou trois fois la grande femme élancée aux cheveux plus noirs et plus longs que nature, vêtue d’habits plus moulants tu meurs (zut, ça m’a échappé !) qui répondait à peine à ses salutations polies et que la rumeur de l’immeuble – chaque immeuble a ses rumeurs – disait être en fait un homme du métier.

Sur ces entrefaites, la police investit l’immeuble, et le palier du premier est bondé d’hommes et de femmes en uniforme bleu que seul le casque brillant distingue. Akbar se fraye un passage pour rentrer chez lui.

Plus tard, il entend des bruits sourds de plus en plus sonores : c’est l’ouverture à la hache de la porte du local en question. Les coups retentissent comme un glas, longtemps. Les portes dans l’immeuble sont en chêne et fort épaisses.

Le silence revient, mais pas pour longtemps : la voix de la concierge retentit dans la cage d’escalier. L’immeuble n’a pas de concierge, mais ce titre lui a été accordé en vertu de son sens de l’observation aigu – rien ne lui échappe –, de sa tendance à dire haut et fort ce qu’elle pense – elle n’en pense pas moins, n’a pas sa langue dans sa poche et s’exprime avec cette gouaille de l’entre-deux-guerres quasiment disparue – à tel point que tout le monde, autant dans l’immeuble que ceux du voisinage, est immédiatement au fait. Elle fait entendre qu’on a trouvé deux corps dans ce local, ce devaient être ceux de la… du… personnage en question et d’une amie, collègues de métier, qui y habitaient toutes deux.

Depuis, des scellés ont été apposés sur la porte défoncée.

C’est Jeff, avide lecteur de la rubrique des chiens écrasés parisiens, qui signale à Akbar un article qui jette une curieuse lumière sur les prota­gonistes de ce tragique fait divers et sur leur triste fin.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

15 juin 2012

Émile Durckheim et l’actualité

Classé dans : Actualité, Politique — Miklos @ 23:40

«Le vote est non seulement un droit pour tout citoyen, mais un devoir. On doit remplir toutes les fonctions qui incombent aux membres de la société ; on doit s’occuper des intérêts communs : or c’est par le vote que s’expriment ces intérêts. Le plus souvent on s’abstient de voter pour échapper à des rancunes particulières, ou parce qu’on trouve cela plus commode : l’intérêt général ne doit pas être sacrifié à l’intérêt particulier. » — Émile Durkheim, Cours de philosophie fait au lycée de Sens, 1884. Bibliothèque de la Sorbonne, manuscrit 2351. Notes de cours prises par André Lalande.

Juste Lipse à Louvain

Classé dans : Humanités, Littérature, Philosophie, Photographie, Politique, Sculpture, Société — Miklos @ 23:17

…Justus Lipsius, le plus sçavant homme qui nous reste, d’un esprit tres-poly et judicieux… — Michel de Montaigne, Essais, II 12.

La ville de Louvain a érigé en 1909 une statue de l’humaniste Juste Lipse qui y enseigna à l’université et y décéda en 1606 (à gauche, photo 2012). À droite : page de garde de l’ouvrage de Lipse destiné – à l’instar du Prince de Machiavel – au prince et composé uniquement de citations choisies ; il fut publié en 1589 en latin à Louvain (et réédité ailleurs) puis traduit en français sous le titre Les politiques, ou doctrine civile de Juste Lipse, où est principalement discouru de ce qui appartient à la principauté. Il faisait suite à un autre ouvrage, De constantia in publicis malis (« de la constance dans les temps de calamités publiques », 1583-4), destiné, lui, au citoyen. On lira avec intérêt l’article que l’encyclopédie de philosophie de Stanford lui consacre et qui rend leur juste valeur à ces deux ouvrages de morale civique et politique : Papy, Jan, « Justus Lipsius », The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2011 Edition), Edward N. Zalta (ed.).

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