Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

This blog is © Miklos. Do not copy, download or mirror the site or portions thereof, or else your ISP will be blocked. 

18 février 2023

Un excellent dîner libanais

Classé dans : Actualité, Cuisine, Loisirs — Miklos @ 18:11

Jeff et Akbar sur le point d’entrer au restaurant. Cliquer pour agrandir.

Après avoir essayé récemment deux autres tables du même chef libanais (Al Geaam, qui possède cinq autres commerces de bouche à deux pas d’ici, et quelques autres ailleurs à Paris et à Marseille) – Qasti grill et Faurn –, Jeff et Akbar ont dîné hier au Qasti (tout court). Ils ont tous deux choisi le Menu Qasti – soit un mezzé, un plat, un assortiment de desserts.

Le lieu d’abord : agréablement décoré, tables un peu (trop – au goût d’Akbar) rappro­chées les unes des autres (vu la sur­face du lieu), table mise élé­gamment (même si Akbar aurait préféré plus simple – par exem­ple, le cube ou la boîte de bois pour placer du pain ou des desserts). Sa seule vraie réserve sur le lieu : le niveau sonore de la musique, trop élevé (qui force donc à parler plus fort, et rajoute du bruit de fond, difficilement supportable pour ceux qui ont une bonne ouïe, se dit Akbar in petto).

Akbar avait pris en mezzé les falafels (à gauche dans la photo ci-jointe) : délicieux ! légè­rement crous­tillants en surface, moelleux en inté­rieur. Jeff, lui, avait pris une arousse (pita roulée et farcie de garnitures variées – ici, du mouton) kefta, tomate, persil, pickles, qu’il a beaucoup apprécié (ne mangeant pas de viande, Akbar n’a pu goûter).

En plat, Akbar a pris une sayadieh traditionnelle – cabillaud à la sauce tagine et aux oignons frits, riz pilaf (photo de gauche). Tout d’abord, il n’a pas vu le riz, puis l’a découvert en commençant à manger le cabillaud (délicieusement cuit) : il était en-dessous, très habilement dissimulé mais tout aussi bon, ainsi que ce qui les accompagnait. Jeff a pris un plat au mouton (photo du milieu) avec une très copieuse salade l’accompagnant (photo de droite), qu’il a très appréciés.

On leur a présenté les quatre desserts assortis en recommandant un ordre de dégustation (celui dans les photos : glace, pâtisserie au chocolat, autre pâtisserie, crème) qui est la seconde réserve d’Akbar : la crème (qui clô­turait la série) avait un goût telle­ment plus délicat que ce qui la précédait qu’il (le goût) ne lui était pas vraiment perceptible ! elle aurait peut-être gagné à être dégustée en premier, suivie de la (très bonne) glace, ensuite de l’autre pâtisserie (aux pistaches ?) et enfin de celle au chocolat : tout à fait délicieuse (sa préférence, pour ces quatre desserts), avec un goût qui persiste bien après l’avoir dégustée.

En résumé : un très beau (et bon) concert de saveurs, de textures et de formes. Et quant au service&nsbp;: rapide, attentionné, aimable.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

16 février 2023

Des spams très créatifs

Classé dans : Actualité, Humour, Musique, Progrès, Religion — Miklos @ 12:22

Auditorium de la Maison de la Radio. Cliquer pour agrandir.

C’est grâce à une invitation de l’Ensemble C Barré que j’ai pu assister, dimanche dernier, à Cosmigimmicks (titre de l’œuvre d’Unsuk Chin qui a inspiré ce programme on ne peut plus d’actualité), concert surprenant à plusieurs égards qui s’est donné à la Maison de la Radio dans le cadre de Présences, festival annuel de Radio France.

L’Ensemble y interprétait, en compagnie des Neue Vocalsolisten, des œuvres inspirés, pour la plupart, par notre quotidien d’hyperconnectés – spams de plus en plus perfectionnés reçus par courrier électronique (Songs of Spam, de Mikel Urquiza), robots téléphoniques de centres d’appels (My Voice is my Password, de Mikel Urquiza), moyens de protection de plus en plus nombreux dans lesquels on se perd (Passwords, de Georges Aperghis) –, mais aussi par la Bible (Jonah, Seven Chants, de Martin Smolka).

Ma préférence est allée carrément aux deux œuvres de Mikel Urquiza (né en 1988) critiques intelligentes et décalées de ces phénomènes sociaux. Dans My Voice is my Password, un robot répondeur essaie de déterminer si son interlocuteur est bien un humain, et c’est finalement ce dernier qui se demande s’il n’est pas un robot. Ses Songs of Spam sont basés sur des spams bien réels mais subtilement détournés (Urquiza ne serait-il pas maître des transformations, textuelles comme musicales ?), de façon souvent très amusante, ironique, voire sarcastique (comme l’écrit Dan Albertson, cf. ci-dessous) ; ainsi, La taille compte, mème masculin s’il en est (même – si je puis dire – que Radio France y avait consacré une émission), détourne un spam destiné à promouvoir un produit pour ce faire : « Voici X-tender, la plus merveilleuse méthode pour agrandir votre nez »…

Quant à la musique, riche et claire (« rythmes francs, textures transparentes, courtes séquences motiviques », selon Albertson), faisant appel à des styles allant du passé (madrigal de la Renaissance…) au contemporain, elle reflète un don réel « pour faire une musique mémorable à partir des combinaisons les plus improbables » (Albertson). C’est ce qui m’a incité à acheter, en sortant du concert, Espiègle (adjectif qui convient fort bien à ce compositeur !), CD consacré à Mikel Urquiza par l’Ensemble C Barré et les Neue Vocalsolisten ; il comprend ces deux œuvres et quelques autres en plus, et une présentation fort enrichissante du tout par Dan Albertson dans le livret accompagnant ces enregistrements.

D’un genre très différent, Jonah, création mondiale de Martin Smolka (né en 1959), reprend des textes de la Bible décrivant le périple de Jonas en mer, puis au sein d’une baleine, pour échapper à l’ordre divin d’aller à Ninive pour inviter ses habitants à se repentir. Smolka y rajoute ses propres paroles, originales (« Tramway / Le poisson / Comme un train / L’a emmené à la plage / […] / Jonas, Jonas / Il s’est détaché / Propre / Classe / Barbe sèche / Gentleman / Passionnément priant / Gentleman »). Quant à sa musique, on citera ce qu’en écrit Pierre Rigaudière dans Diapason : « voix et instruments se nourrissent de la répétition et de la combinaison de formules simples qui confèrent au texte biblique légèrement revisité une immédiateté émouvante […] ; cette musique qui allie volontiers hétérophonie et micro­tonalité se dispense du superflu et de l’effet pour nous parler sans fard ».

12 février 2023

Aaron Zeitlin, Jacob Jacobson : une pièce fantastique et prémonitoire.

Classé dans : Littérature, Shoah, Société, Théâtre — Miklos @ 2:13

Cliquer pour agrandir.

Aaron Zeitlin était un poète et dramaturge yiddish et hébraïque vision­naire. Né en 1898 à Uvarovichi alors en Russie (et main­tenant en Biélo­russie), il commence à écrire encore enfant et sa première œuvre, une fiction, est publiée alors qu’il a 16 ans. Il continuera à écrire et publier des poèmes, des nouvelles, des articles de philo­sophie, des critiques litté­raires… Il s’installe en 1921 à Varsovie et y publie, en 1931, Jacob Jacobson. En 1939, il est invité par le directeur du Yiddish Art Theatre de New York pour collaborer à leur production de sa pièce de théâtre Esterke, ce qui l’empêche de retourner à Varsovie alors qu’éclate la Deuxième guerre mondiale. Il s’installe définitivement à New York et y décédera en 1973.

Le Troïm Teater, troupe d’amateurs jouant en yiddish, interprète ces jours-ci sa pièce Jacob Jacobson (avec surtitrage en français). En bref : Jacob Jacobson, marié à une Marie-couche-toi-là (ce n’est pas le seul personnage olé olé de la pièce, on y voit aussi une prostituée), homme d’affaires « qui a réussi », pragmatique, ne croît qu’à la négociation, pas au pouvoir, humain ou divin. À voir les humains se comporter, il est convaincu qu’une seconde guerre mondiale aura lieu (on est en 1930 !), qu’elle ne durera que trois jours et que les humains disparaîtront de la surface de la terre. Ce qui arrive : lui et sa femme sont les seuls survivants. Dieu se refusant absolument à recréer les humains au vu de ce qui s’est passé, ce sont les anges qui se mobilisent pour tenter de convaincre Jacob et sa femme de devenir les nouveaux Adam et Ève, qu’ils emmèneront au Paradis. Jacob résiste : il sait que Caïn et Abel se recréeront, que l’un va tuer l’autre, que l’humanité qui s’en suivra se détruira comme elle vient de le faire, mais finalement s’y résigne. Le fameux Serpent s’y trouve aussi – c’était auparavant un humain – mais il est incapable de séduire la nouvelle Ève pour la convaincre de manger une pomme, car c’est elle qui essaie de le séduire, ce qui lui enlève ses moyens. Quant à Jacob, il finira par se tuer (au Paradis !) pour éviter de contribuer à ce retour éternel, mais le Serpent utilisera alors une des côtes de sa veuve pour lui créer un Adam de substitution et permettre ainsi de donner naissance à la génération suivante…

Pièce alliant analyse sociologique profondément vraie de l’homme, surnaturel – vie au fond des mers peuplées d’Esprits des eaux et dans les cieux avec ses anges et archanges –, sensualité débridée, apparente légèreté de comédie mais exprimant un profond constat tragique – celui de l’homme artisan de son auto­des­truc­tion –, elle est d’une modernité d’autant plus étonnante que son fondement est mystico-religieux. L’adaptation et la mise en scène qu’en a faites Tal Hever-Chybowski et la représentation enlevée qu’en a donnée la troupe du Troïm Teater ont fort bien transmis son esprit.

Les troïkas du jour

Classé dans : Musique — Miklos @ 0:16

Mon abonnement au Théâtre de la Ville comprenait le concert de ce jour, intitulé « Trios russes » et sous-titré « Autour de La Mouette de Tché­khov », ce qui aurait pu me faire crain­dre le pire, vu les circonstances.

Au programme :

  • Dmitri Chostakovitch (1906-1975), 1er Trio pour violon, violoncelle et piano, en ut mineur, op. 8.

  • Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Trio pour violon, violoncelle et piano, « à la mé­moire d’un grand artiste », en la mineur, op. 50.

tous deux joués par le Trio Zadig, qui a donné en rappel :

  • Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), « Octobre – Chant d’automne », 10e mouvement des Saisons, op. 34a, origina­lement composée pour piano seuL.

Pour finir, on a entendu :

  • Maurice Ravel (1875-1937), Gaspard de la nuit, pour piano seul.

interprété par le jeune (22 ans !) pianiste Darren Sheng.

J’ai beaucoup apprécié l’ensemble des œuvres ainsi que leur exécution – précise, claire et ciselée, délicate ou virtuose selon ce que demandaient les partitions, bien équilibrée entre les instruments –, avec toutefois une petite réserve : le début du Trio de Tchaïkovski aurait mérité (à mon goût) d’être un peu plus romantique ou expressif, ce qui a d’ailleurs été le cas pour le reste de l’œuvre. Ma préférence est allé au violoncelliste et au pianiste (qui jouait sur un excellent Steinway, au son clair et bien équilibré), plus « chaleureux » que le violoniste. Enfin, mon placement était excellent, autant pour voir que pour entendre (ce qui n’avait pas été le cas pour La Mouette). Bref, un grand plaisir.

10 février 2023

La tolérance, oui, mais laquelle ?

Classé dans : Actualité, Littérature, Société, antisémitisme, racisme — Miklos @ 18:45

Henri de Toulouse-Lautrec, Au salon de la rue des Moulins, v. 1894.

Cette formule court les trottoirs rues – ou plutôt les écrans (mais aussi, on le verra, livres et journaux) –, souvent sans attribution, ou alors attribué à diverses personnes plus ou moins célèbres. Dénotant l’esprit intolérant de son auteur, on peut être étonné de la voir rattachée à certains dont l’ouverture d’esprit n’aurait pas… toléré de s’exprimer ainsi. On peut aussi s’étonner que des écrivains, des professeurs et d’autres sommités se soient retrouvées ainsi à côte de la plaque d’égout.

On trouvera ci-dessous un recensement des principales attributions.

Léon Bloy

Il y a des problèmes essentiels que les Français « nés malins », disait Voltaire (« nés malins et morts idiots », dit Claude Dauphin), des problèmes que les Français résolvent avec des boutades. Par exemple : « La tolérance, il y a des maisons pour ça » (Léon Bloy).

– Gilbert Cesbron, Ce qu’on appelle vivre, 1977.

Paul Claudel

C’est quand il fut directeur de l’Aurore, en pleine affaire Dreyfus, que Zola lui apporta un article qui allait avoir un prodigieux reten­tis­sement, non point parce que le romancier naturaliste l’avait intitulé, platement, « LETTRE À M. FÉLIX FAURE, PRÉSIDENT DE LA RÉPU­BLIQUE », mais parce que Clemenceau y avait lui-même substitué ce titre à l’emporte-pièce et à gros caractères : « J’ACCUSE… » devenu ainsi un réquisitoire im­pla­cable, paru en tête de son, journal, le 13 janvier 1898.

Zola ayant été traduit en Cour d’Assises, Clemenceau, cité à la barre des témoins de la défense, allait trouver des accents d’une admirable élo­quence. Montrant d’un doigt vengeur le Christ (peint par Bonnat) qui surplombait les fauteuils des magistrats en robe rouge, il avait clamé d’une voix tonnante : « La voilà la chose jugée ! On l’a mise au-dessus du juge pour qu’il ne fut pas troublé par cette vue. C’est à l’autre bout de la salle qu’il faudrait placer l’image afin qu’avant de rendre sa sentence, le juge eut devant les yeux l’exemple de l’erreur judiciaire que notre civilisation tient pour la honte de l’humanité ! »

Que l’on compare cette apostrophe à celle qu’osa proférer l’anti-dreyfusard, « grand chrétien », Paul Claudel (auquel Jules Renard rappelait la charité chrétienne, le respect et la tolérance dus à toutes les opinions, même si on ne les partage pas) et qui cria en grimaçant : « La tolérance, il y a des maisons pour cela… Oui, que l’on compare ces deux attitudes pour juger les deux hommes !

– André de Wissant (1895-1982),
Théâtre d’ombres, « Clemenceau », 1970.

Le Paul Claudel antidreyfusard et arrogant qui répondit à Jules Renard : La tolérance, il y a des maisons pour ça ! « mot » qui le peint tout entier. Ô charité chrétienne. (Henri Janson, soixante ans d’adolescence, 1971).

– François Dournon, Dictionnaire des mots
et formules célèbres
,
1994.

La tolérance ? Il y a des maisons pour ça !

Attribué à Paul Claudel.

– Alain Dag Naud, Dictionnaire (inattendu) des citations, 1983.

Au mot de « tolérance », je pense à la pensée tant de fois répétée que l’on attribuait à Paul Claudel à une époque où il n’avait pas découvert la Bible. La France était divisée par l’affaire Dreyfus, et il se trouvait alors du côté qui n’était pas favorable aux Juifs. Je ne sais lequel de ses amis lui ayant dit : « Mais Paul, que faites-vous de la tolérance ? — La tolérance ? Il y a des maisons pour cela », rétorqua-t-il.

– André Chouraqui (avocat, écrivain, 1917-2007),
L’amour fort comme la mort : une autobiographie, 1990.

Claudel : « La tolérance, il y a des maisons pour ça. »

– Alain Rey, Dictionnaire des expressions et locutions, 1997.

Claudel est un aérolithe. C’est un être venu d’ailleurs pour se camper sur cette planète, les pieds enfoncés dans la terre. C’est une cathédrale anachronique dans le siècle de Gide, de Valéry et de Malraux. Il refuse avec violence les homosexuels et les athées, rejetés sans ménagement dans les ténèbres extérieures. Il assimile, avec hardiesse – et avec ignorance -, le surréalisme à la pédérastie. Il foudroie non seulement Gide, mais Racine et Stendhal, coupables de ne pas répondre à l’idée qu’il se fait de Dieu et des hommes. Jules Renard rapporte son mot tonitruant : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça. » Le goût, la mesure, la médiocrité, les joliesses du style ou de la pensée, il les ignore avec superbe. Il est insupportable, magnifique et violent. C’est, selon Thibaudet, « le plus gros paquet de mer poétique que nous ayons reçu depuis Hugo ».

– Jean d’Ormesson (écrivain, journaliste, 1925-2017),
Une autre histoire de la littérature française, I, 1997.

Paul Claudel disait déjà à l’époque bénie des bordels : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça. »

– Jean-Pierre Friedman, Bréviaire du vieillard indigne, 2008.

Georges Clemenceau

Malgré le mot célèbre de Clemenceau – qui, à sa manière, était un puritain à l’américaine : « La tolérance, il y a des maisons pour cela. »

– Michel Crozier (sociologue, 1922-2013),
<Le Mal américain, 1984.

It may have been naive to expect a climate of tolerance in a place where ideas matter so much and carry stakes that we rarely observe elsewhere. As Clemenceau remarked: “La tolérance! La tolérance! Il y a des maisons pour cela.” (Maisons de tolérance are brothels that once enjoyed legitimate business status in France.) Fortunately, there are many mansions in the House of France.

– Laura Lee Downs and Stéphane Gerson (eds.),
Why France? American Historians Reflect
on an Enduring Fascination
, 2007.

« La tolérance ! La tolérance ! Il y a des maisons pour cela. » (Georges Clemenceau)

Dicocitations

Edgar Faure

Si l’on bafoue aveuglément autrui dans ce qu’il a de plus sacré, je dis comme Edgar Faure : la tolérance, il y a des maisons pour ça.

– Ali Smaoui, réponse à un article de Jeune Afrique, 2006.

François Mauriac

Certes, il faut s’époumoner… et parfois on pourrait croire que ceux qui le font hurle en mineur comme Mauriac à la fin de la guerre qui riait d’une voix à peine audible « la tolérance, la tolérance, il y a des maisons pour cela ! »

– Aleksandr Winogradsky Frenkel (archiprêtre orthodoxe
des traditions byzantines et sémitiques. Jérusalem, 1949-),
commentaire à un article de La règle du jeu, 3 septembre 2015.

Charles Maurras

Non. Je ne suis pas tolérant. Comme disait Jean-François Devay, la tolérance, il y a des « maisons » pour ça ! (En fait l’auteur de cette formule est Charles Maurras).

– André Harris (journaliste, 1933-1997),
Qui n’est pas de droite ?, 1978.

Marcel Pagnol

« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » comme disant Saint-Just. Et « la tolérance il y a des maisons pour ça » comme faisait dire Pagnol à César.

– auteur inconnu, commentaire, Doctissimo, 23 août 2013.

Marcel Proust

Non non mon ami, tu ne peux parler ainsi, il serait bon d’arrêter de se comporter en salafiste moyen : qui n’est pas de mon avis est voué aux gémonies. Ce cannaweeder défend un point de vue en l’argumentant, il est souhaitable de pouvoir ne pas être d’accord sans pour autant l’accuser de tous les maux collaborationnistes. Mais comme le disait Marcel Proust : « la tolérance, il y a des maisons pour ça ». Oh merdre Marthe Richard a fait fermer les bordels, il n’y a même plus de maisons pour ça …

– chauvelu, commentaire à un article de blog, 27 mars 2018.

Paul Valéry

Nul doute qu’on ne puisse mieux définir une société de liberté que comme un monde de tolérance. Or, s’agissant de manifester de l’attachement à ses convictions, on ne sera pas étonné que le mot ait classiquement suscité de l’ironie, jusqu’à une connotation péjorative, fût-ce sans aller jusqu’à la conclusion classique et certes un peu facile…, généralement attribuée à Paul Valéry, que la tolérance, il y a des maisons pour cela…

– Bernard Pacteau (professeur de droit public, 1946-),
« Synthèse », Tolérance & Droit. Journée d’études
de l’Institut Maurice Hauriou, 29 mars 2012.

Ma proposition de mauvaise foi vise précisément à montrer les limites de cette pseudo-valeur qu’est la tolérance. Poussée à l’extrême, elle s’autodétruit. S’il faut tout tolérer, alors il faut aussi tolérer l’intolérance – et non se battre contre elle. Si l’intolérance vous heurte et vous donne le désir de la combattre, c’est que vous n’êtes pas tolérant. Être tolérant, c’est supporter sans broncher ce qui nous dérange ; fermer les yeux sur ce que nous n’aimons pas, mais que nous acceptons de ne pas combattre, avec lequel nous nous résignons à cohabiter. « La tolérance, il y a des maisons pour cela », résumait Paul Valéry. Des femmes réduites à vendre leurs corps pour survivre, des hommes réduits à payer pour avoir des femmes, ce n’est pas très glorieux, mais on ferme les yeux : c’est toujours mieux que de mourir de faim ou de violer, c’est un moindre mal que l’on tolère en étant au mieux lucide et résigné, au pire indifférent. Tant que ça reste discret ; qu’il n’y en a pas trop ; que le seuil de tolérance n’est pas franchi.

– Sabine Sixous, « Il y a un type raciste dans ma famille,
qui m’exaspère. Mais peut-on être intolérant
avec l’intolérance ? », philosophie magazine, 30 août 2012.

Et la réponse est…

Claudel déjeune.

Il parle du mal que l’affaire Dreyfus nous a fait à l’étranger. Cet homme intelligent, ce poëte, sent le prêtre rageur et de sang âcre.

- Mais la tolérance ? lui dis-je.

- Il y a des maisons pour ça, répond-il.

Ils éprouvent je ne sais quel joie malsaine à s’abêtir, et ils en veulent aux autres, de cet abêtissement. Ils ne connaissent pas le sourire de la bonté.

Sa sœur a dans sa chambre un portrait de Rochefort et, sur sa table, La Libre Parole. Elle a envie de le suivre dans ses consulats.

Et ce poëte affecte de ne comprendre et de n’admirer que les ingénieurs. Ils produisent de la réalité. Tout cela est banal.

Il a le poil rare et regarde en dessous. Son âme a mauvais estomac. Il revient à son horreur des juifs, qu’il ne peut voir ni sentir.

– Jules Renard, Journal 1894-1904, 13 février1900.

Et pour conclure…

On rappellera que les maisons de tolérance ne sont plus tolérées depuis la loi du 13 avril 1946, dite loi Marthe-Richard.

The Blog of Miklos • Le blog de Miklos