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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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23 novembre 2020

Apéro virtuel II.22 – lundi 23 novembre 2020

Classé dans : Arts et beaux-arts, Littérature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 23:59

Gregory Crewdson, Alone Street, 2018-2019.

Françoise (C.) identifie bien les US dans l’arrière-plan de Michel, mais elle n’y a visité que Washington et New York (à plusieurs reprises). Michel, lui, y a vécu pendant cinq ans, et a pu y voir une (petite) partie de la variété des villes et des paysages, pour certains splendides. Françoise a aussi visité le Canada, où elle a remonté les rives du Saint-Laurent depuis Ottawa jusqu’à Québec, Bona­venture… mais, à la question de Michel, elle n’est pas passée par Saint-Louis-du-Ha ! Ha !, qu’il avait traversé dans son parcours en voiture au Québec rien qu’à cause de son nom.

Sylvie arrivée, elle relate son rôle d’animatrice dans le passé – profes­sion­nellement, d’abord, dans le domaine du marketing (des « focal groups », en bon français de marketing), mais aussi dans des réunions publiques de démocratie participative, dans le cadre du projet Clichy-Batignoles.


Jean-Philippe, puis Françoise (P.) s’étant joints à l’apéro, chacun indique ce qu’il a dans son verre. Non, répond Jean-Philippe à une question, ce n’est pas du champagne, mais du coca. Quant à Sylvie, elle entonne Quand je bois du vin clairet – tout en précisant que dans le sien (saumur blanc) il y a du miel, du gingembre, de la cannelle et « d’autres épices » – puis commence son exposé : « C’est dans la nuit du 21 novembre (on remarquera la proximité de l’anniversaire de cet événement) ou 18 juillet de la même année que les frères Fauderche ont jeté les bases de cet extraordinaire appareil dont la conception révolutionnaire risque de bouleverser toutes les lois communément admises tant dans le domaine de la physique nucléaire que celui de la gynécologie dans l’espace… » On aura reconnu (enfin, pas tout le monde) Le Schmilblick des frères Fauderche de Pierre Dac, que l’on peut entendre dans son intégralité ci-dessus, l’appellation « schmilblick » provenant vraisemblablement des deux mots yiddish « schmil » (de « schlemiel », imbécile, idiot) et « blick » (regard).

Michel dit préférer de loin l’humour d’un Pierre Dac (sous-entendu : à celui d’un Devos). Françoise (P.) aime beaucoup l’incon­gruité des quatre… frères Marx (il ne s’agit pas de Karl et de ses sept frères et sœurs), à quoi Michel rajoute que, pour un humour en langue étrangère qu’on maîtrise moins bien que sa langue maternelle, c’est souvent cette manifestation – le comique de situation – qu’on est à même d’apprécier plutôt que celui basé sur la richesse de cette langue et de la variété des jeux de mots qu’elle peut offrir.

Françoise (P.) se tourne vers Francis Blanche, grand comparse de Pierre Dac, très cultivé (il a été le plus jeune bachelier de France, à l’âge de 14 ans) et en lit une vingtaine de citations bien tournées et que l’on retrouvera, avec d’autres, ici. Parmi ses autres œuvres : les Signé Furax avec Pierre Dac. Sylvie se souvient les avoir entendus régulièrement les dimanches sur Paris Inter ; et, dans le même esprit, elle cite un de ses oncles, qui avait un sens de l’humour quelque peu pince-sans-rire : « Il vaut mieux se laver les dents dans un verre à pied que se laver les pieds dans un verre à dent. »

Rebondissant sur un épisode de l’apéro d’avant-hier, Jean-Philippe nous lit un texte qui commence ainsi : « Je suis allé pour la première fois à Paestum dans les années cinquante. Avec Simone de Beauvoir et Sartre, nous passâmes là presque un jour entier, du dur soleil de midi à la nuit tombante, en laissant aux colonnes doriques le temps de blanchir jusqu’à l’os. Je suis revenu à Paestum à tous les âges de ma vie. » Puis plus loin, « C’est bien plus tard, puisqu’elle n’a été découverte qu’en 1968, que j’ai vu pour la première fois, sans pouvoir m’en arracher, la tombe du divin plongeur. Souvent j’étais resté trop longtemps dans l’enceinte des temples, arrivant au musée après la fermeture, ou, d’autres fois, le trouvant en travaux, qui pouvaient durer des semaines ou des mois. Jamais je n’aurais imaginé être touché en plein cœur, tremblant et bouleversé au tréfonds de moi-même, comme je le fus le jour où il m’apparut, arc parfait, semblant plonger sans fi n dans l’espace entre la vie et la mort. Plongée poignante, car il est véritablement dans le vide, sa chute ne s’arrêtera peut-être jamais, on ne comprend ni d’où il s’est élancé, ni où il s’abîmera. Ce n’est peut-être pas une chute, il paraît planer. Si je cherche une permanence, une cohérence, une unité à ma vie, ou aux cent vies dont on dit qu’elles furent miennes, le divin plongeur — c’est le nom, au musée de Paestum, de la fresque qui ornait le plafond de sa tombe — occupe une place centrale, qui n’est pas seulement d’ordre esthétique, contemplation de l’art et de la beauté, mais pour moi opératoire aussi, indissolublement esthétique et opératoire. »

Il s’agit des premières pages de la préface de l’ouvrage Le Divin Plongeur de Claude Lanzmann (Gallimard NRF 2012, replublié dans la collection Folio), « recueil de textes écrits, eux aussi, à différents âges de [sa] vie, en des occurrences radicalement étrangères les unes aux autres, publiés dans des revues, des magazines, des quotidiens très divers, aujourd’hui introuvables, oubliés ou ignorés. »

Dans la conversation qui s’ensuit, on évoque les environs de Paestum, et notamment la côte amalfitaine, région splendide autant pour ses villes et villages que ses paysages. Michel se souvient encore de l’odeur enivrante d’un citron qu’il avait acheté dans un marché de Sorrente, qui lui rappelle celle de citronniers en fleurs et en fruits en Israël, ce que confirment et Sylvie et Françoise (P.).

Michel a récemment reçu un lien vers un article de Connaissance des arts, Le rêve américain : dans l’envers du décor avec Gregory Crewdson, consacré à une exposition des photos de Crowdson à la galerie Templon qui se trouve dans le même pâté de maisons que l’appartement de Michel.

Après avoir lu le tout premier paragraphe de l’article, où l’auteur décrit ainsi la photo en exergue :

« Égarée sur l’asphalte encore maculé de flaques, une vieille Buick stationne sur un carrefour désert. Depuis le porche de son immeuble, un homme tatoué contemple la scène une bière à la main, indifférent au landeau abandonné sur le trottoir. En face, clouées aux fenêtres, des planches de bois protègent une maison en brique d’un danger passé ou imminent. »

il remarque non seulement la faute d’orthographe, mais, en regardant de près la photo, que cette description ne correspond pas vraiment : la Buick ne stationne pas sur le carrefour mais s’est arrêté au feu orange, comme le requiert la loi américaine (on en aperçoit le conducteur qui regarde légèrement à sa gauche – pour voir si une autre voiture arrive ?) ; l’homme tatoué n’a rien à la main, celle-ci étant posée sur la balustrade de son porche ; la petite tache blanche devant sa main n’est pas une cannette de bière, ce pourrait être une bouteille de lait, mais est probablement une ouverture dans la balustrade opposée qui laisse entrevoir le mur de la maison mitoyenne ; la maison d’en face n’a des planches de clouées que sur une des fenêtres, et sur une des quatre petites ouvertures sous ces fenêtres, il est donc probable qu’elles s’y trouve parce que cette fenêtre était cassée. Par la fenêtre de gauche, on aperçoit comme une toile claire jetée sur des cartons ou des meubles, ce qui laisserait penser que cette maison est plutôt abandonnée, ce qui expliquerait son état dégradé.

En en discutant aujourd’hui, Jean-Philippe remarque que le feu tricolore qui se trouve au sol dans le caniveau devant la maison de l’homme tatoué était celui destiné aux piétons (celui du trottoir de gauche est encore debout), et l’on en aperçoit encore les accroches sur le poteau gris clair de droite, au bout duquel sont accrochés les feux destinés aux véhicules, habituellement suspendus au-dessus des carrefours plutôt qu’accrochés sur les côtés. Sylvie mentionne l’analyse qu’elle avait faite du comportement des conduteurs (en France) arrivant devant un feu orange. Sa conclusion ? sur 13 conducteurs, trois adoptent des comportements égocentrés, les 10 autres sont situationnels (sic).

Quoi qu’il en soit pour ces détails, Michel commente que ce type de maisons en bois, d’un étage, avec un porche, est très commun aux États-Unis, et pas nécessairement uniquement pour les plus pauvres (mais ici, comme dans d’autres photos de Crewdson, on perçoit bien que c’est un village paumé, ses habitants se trouvant dans une immensité désolée) : lorsqu’il y est arrivé pour faire ses études dans une des meilleures universités américaines, c’est dans une maison de ce style, en très bon état, qu’il avait loué une chambre.

Sur ce, on lève le coude puis la séance.

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