Entrez dans la danse…
Afrique du sud, Belarus, Belgique, Espagne, France, Hongrie, Japon, Pays-Bas, Pologne, Russie et Suisse sont les pays d’origine ou de nationalité des danseurs de la compagnie Rosas de la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker, qui présentait ce soir au Théâtre de la Ville deux œuvres étonnantes : Raga for the Rainy Season, sur une mélopée indienne d’une heure environ, et A Love Supreme sur la musique de John Coltrane.
De Keersmaeker ce n’est pas de Soto, bien heureusement, et pour cause : elle a fait ses classes d’abord chez Béjart, puis à New York au début des années 80, ce qui lui a fait connaître la danse post-moderne américaine qui me touche tellement. Ses créations, utilisant souvent la musique du XXe s. (Schoenberg, Berg, Cage, Xenakis, Steve Reich…), sont ancrées dans la modernité avec fantaisie, joie et intensité sans pour autant rejeter le socle structurant du classique sans lequel bien de réalisations contemporaines ne touchent que l’éphémère de la mode du jour. Ce soir, on a pu admirer un spectacle vital et impétueux, mais aussi poétique et harmonieux, qui n’est pas sans rappeler le travail de Lucinda Childs.
La première œuvre était interprétée par huit femmes et un homme, dont les envolées des larges jupes blanches (le danseur en portait une aussi) étaient d’une rare élégance, geste que l’on pouvait trouver déjà chez la grande Martha Graham ; œuvre de l’attente, celle de la chanteuse indienne qui se demande si son mari va revenir — mais loin d’être immobile et figée (comme l’était le spectacle de la veille) ; tension parfois presque violente alternant avec le calme et la langueur, des entrelacs des danseurs au fil de ceux de la musique sans pour autant la copier ; quelques allusions discrètes à la danse indienne — une main retournée ici, un bras redressé là — et les symboles essentiels, ceux de la vie, de la naissance, de la mort ; des corps qui tombent et qui se relèvent, portés par les uns et soutenus par les autres ; des lignes subtiles que tracent les parcours des danseurs sur scène et dans le temps. Il faut être patient, attentif, passif, pour se laisser imprégner de cette atmosphère hors du temps. Coltrane c’est tout autre chose : le jazz vigoureux, le saxo si sensuel et chaud — et la chorégraphie reflétait cette différence, avec quatre danseurs — deux hommes (et notamment l’étonnant Igor Shyshko, grand et filiforme, sinueux et énergique, rapide et félin) et deux femmes, seuls ou accompagnés.
La scène était nue, uniquement bordée d’un mur blanc sur ses trois côtés, et l’éclairage souvent zénithal et fort efficace a contribué à l’atmosphère poétique de la soirée.
J’ai hâte, j’y vais Vendredi prochain…
Cloture de ma saison au Théâtre de la Ville.
Commentaire par thehush — 10 juin 2005 @ 11:19