Écriture
La table était faiblement éclairée par une bougie à la flamme flageolante. La main racée comme celle d’un pianiste tenait un stylo avec lequel elle remplissait fiévreusement la page d’une écriture fine et régulière. Les lignes, si rapprochées les unes des autres que les lettres de l’une effleuraient celles de ses voisines, recouvraient graduellement le papier blanc cassé d’une dentelle délicate. Parfois, la main s’arrêtait brièvement, comme hésitante, pour reprendre sa course de plus belle. Il lui arrivait, rarement, de barrer nerveusement ce qu’elle venait d’écrire, rajoutant ainsi une arabesque mystérieuse à la broderie sobre du texte. À d’autres moments, elle posait le stylo ; les doigts se tendaient puis se repliaient, esquissaient le pianotement d’une mélodie silencieuse, le pouce frottait le bout de l’index d’un air pensif, puis ils s’immobilisaient, détendus. Une fois la page remplie, la main la rajoutait à une pile que l’on devinait croissante hors du pâle halo, prenait une feuille vierge qu’elle disposait rapidement à la place de la précédente ; celle-ci s’éclairait alors soudainement de la douce lueur de la bougie pour s’obscurcir au fur et à mesure que la main poursuivait son œuvre, comme une fenêtre lorsque l’on ouvre les volets à l’aube et devant laquelle on baisse un voilage diaphane. Lorsque la flamme allait s’éteindre, la main prit une autre bougie, qu’elle alluma en la rapprochant du bout de chandelle disparaissant. À la lumière qui se fit alors, je vis qu’il n’y avait personne dans la pièce : il n’y avait que la table et cette main qui écrivait, qui écrivait.
[...] – d’écriture – qui est aussi imprévisible que l’apparition de l’idée. Parfois, sa main se met à écrire toute seule, les phrases s’alignent, des images se présentent pour les illustrer. Ou parfois, c’est une [...]
Ping par Miklos » Life in Hell : coucher sur le papier — 29 mai 2012 @ 11:43