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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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8 février 2011

Mais où vont nos impôts ?

Classé dans : Histoire, Littérature, Musique, Société — Miklos @ 1:37

L’air préféré d’Albertine – avant sa disparition, dont nous avons eu une magnifique interprétation par Jean-Laurent Cochet – était Le Biniou, « chanson bretonne (immense succès) », composée en 1856 par Émile Durand (1830-1903) sur des paroles d’Hippolyte Guérin. Ce qui, écrit Émile Bedriomo, signale son manque de profondeur ; il poursuit en citant Proust qui tient à se dissocier de goûts aussi déplorables : « Entendre du Wagner quinze jours avec elle qui s’en soucie comme un poisson d’une pomme, ce serait gai ! ».

Cette chanson avait effectivement eu un grand succès, au vu de la renommée de ses interprètes successifs sur une longue période – Jules Lefort (« le baryton favori des concerts et des salons » dans les années 1860 qui l’avait lancée), Adolphe Maréchal (ténor lyrique belge) en 1898, [Albert-Désiré] Vaguet (« ténor de l’opéra ») après 1916… Les Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne (vol. 82) indiquent que « la lithographie suggestive [de la couverture], réalisée par L. Denis d’après Bertrand, qui montre un jeune berger jouant du biniou avec à ses côtés une chèvre, a sa part de responsabilité dans le succès foudroyant et durable que rencontra cette œuvre. »

C’est en 1900 qu’est inaugurée la première ligne de métro parisien, Porte de Vincennes à Porte Maillot. Dans les années qui précéderont la Première guerre, s’ouvriront plus de 92 km de voies dont les travaux à ciel ouvert ne devaient manquer de causer de sérieux problèmes pour les parisiens. Le rapport avec le tube de Durand ? C’est à cette époque (on en trouve mention dans l’Apiculteur de 1913), que le chansonnier Paul Weil (1865-?, connu aussi sous le nom de Paul Briand) écrit Le Paveur du Métro sur l’air du Biniou, lui donnant ainsi une nouvelle jeunesse. Elle sera diffusée le 30 août 1929 à 20h45 (autant être précis) à la T.S.F. (comme on disait alors), sur Paris-P.T.T. (458 m., 0 kw 500), interprétée par La Houppa (dont le chapeau n’est pas sans rappeler celui de la mère légitime des Miss France), qui en profitera pour chanter aussi Elle bavardait chez la concierge et Le mariage démocratique, lors du Septième Gala rétrospectif des vieux succès français, organisé par la Chambre syndicale des Éditeurs de chansons.

Les paroles de cette nouvelle version méritent d’être citées, tant l’on y voit que les heures de travail et son efficacité, les grèves, les syndicats, les syndicats… étaient autant d’actualité il y a un siècle qu’ils le sont aujourd’hui.

On construit sous ma fenêtre
Une gare du métro
La lign’ neuf ou dix peut-être
Je n’sais plus quel numéro !
Je regard’ pour me distraire
Les travaux qui ne vont guère ;
Mais ce qui fait mon bonheur,
C’est d’contempler le paveur.

Ce paveur qui rigole
Creuse un petit trou
Pour mettr’ de la boue :
Les passants y dégringolent,
Mais qu’ils s’cass’ le cou,
L’ paveur s’en fout.

Le matin quand il arrive
L’ paveur crache dans ses mains,
Il n’a pas beaucoup d’salive,
Il r’tir’ trois pavés et geint ;
Mais neuf heur’ sonn’nt à l’horloge,
Alors le paveur déloge,
Et plantant un drapeau vert
Chez l’troquet va tuer l’ver,

Pendant qu’il boit sa fiole,
Sur ses trois pavés un cam’lot debout
Chant’ les chansons de Mayol.. e
Mais buvant son coup
L’ paveur s’en fout.

Quant il a liché sa goutte
L’ paveur sort de chez l’ chand d’ vins
Il voit l’ camelot, il l’écoute,
Il chante même au refrain
Puis quand l’ camelot se r’tire
Le paveur baille et s’étire,
Comme c’est l’heur’ de déjeûner
Il replac’ les trois pavés.

Et pendant qu’il digère
Passe un inspecteur galonné partout,
Il inspecte les trois pierres,
Puis son camp il fout
Je ne sais où.

Ainsi trois fois la journée,
Je vois depuis dix-huit mois
Ma rue pavée, dépavée,
J’ voudrais bien que ça change
Ça peut vous paraître étrange,
Le pavé de grès parfois
Fait place au pavé de bois.

Quand c’est l’ bois qu’on hasarde,
Il y a trois paveurs pour ce travail fou,
L’un prend les bouts d’ bois, les r’garde
Le deuxième itou
L’ troisième s’en fout.

Mais l’ paveur s’est mis en grève
Veut la r’traite à vingt-cinq ans ;
Il dit ce métier me crève
L’ Syndicat prend tout mon temps.
Je lui dis : bon fonctionnaire
Bouchez l’ trou qu’ vous v’nez d’ refaire,
Il me répond : Et ta sœur
Est-c’ qu’elle soign’ra mes douleurs ?

Les douleurs sont des folles
Mais vous contribuable êt’s encore plus fou,
Vous voudriez ma parole
Qu’on travaill’ pour vous,
Ah ! c’qu’on s’en fout.

Paul Weil

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