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23 février 2006

Harvard perd la tête

Classé dans : Politique, Société — Miklos @ 9:31

Lawrence Summers, ex ministre des finances américain et président de Harvard, vient de démissionner, après cinq houleuses années à la tête de cette prestigieuse université, l’une des plus riches organisations du monde. Son départ ne manque de rappeler celui de Jeffrey S. Lehman, il y a moins d’un an, de la présidence de Cornell, une des sept autres grandes universités américaines connues sous le nom de Ivy League (et parmi lesquelles se trouve Princeton, aussi célèbre pour y avoir accueilli Albert Einstein que les deux étudiants fictifs du non moins fictif Da Vinci Code).

Connu pour son franc parler et sa détermination, Summers était arrivé à Harvard pour en secouer la vénérable poussière ; mais les valeurs plutôt conservatrices auxquels il tenait dur comme fer ne correspondaient pas à celles du corps professoral, plutôt majoritairement libéral (au sens américain du terme : ancré à gauche). Ses prises de position vigoureuses sur des sujets trop délicats (surtout dans une Amérique assez bien pensante à droite comme à gauche) ont souvent dépassé le débat légitime pour ne créer finalement que des conflits stériles : ses accusations de populisme à l’encontre de Cornel West, professeur au programme d’études afro-américaines à Harvard, ses déclarations sur la supériorité des sciences « dures » sur les « molles » (il aurait affirmé que les économistes sont plus intelligents que les sociologues), sur les différences innées entre hommes et femmes comme raison de la moindre réussite de ces dernières dans les sciences (qui fait elle-même écho à des débats houleux sur les racines génétiques ou non de l’homosexualité)…

Il y aurait probablement survécu, si une sordide affaire n’était pas venu donner des armes aux mains de ses adversaires au sein du corps professoral : le soutien indéfectible de Summers à son collègue et ami l’économiste Andrei Shleifer, condamné avec Harvard en 2004 pour fraudes fiscales au cours de la privatisation de l’économie russe dans les années 90. Un tout récent article de fond de la revue en ligne Institutional Investor jette la lumière sur ces événements et sur les liens de famille et d’amitié qui ont amené Summers à protéger Shleifer des conséquences de cette affaire, au-delà de sa nomination au poste de président de Harvard en 2001.

Quant au départ de Lehman de Cornell après à peine deux ans à la tête de cette belle institution, il s’est effectué bien plus discrètement et pour des raisons apparemment à l’opposé de celles qui ont secoué Harvard. Aimé de tous, Lehman souhaitait ouvrir Cornell sur le monde et sa diversité culturelle – est-ce ce qui a fait peur au conseil d’administration de l’université1 ? Difficile de savoir : les protagonistes sont restés discrets sur le différend qui les a opposés et causé ce départ.

Le temps des leaders est-il en train de passer, et se dirigerait-on vers une gouvernance de groupes, de corporations – comme l’indiqueraient par exemple les « rébellions » de parlements à l’encontre de gouvernements issus de leur propre majorité ?

À lire :
Stephen Metcalf: Harvard Inc. A new book on Lawrence Summers and the crisis of meritocracy.


1 Il est tout de même curieux que, quelques instants après avoir écrit ce texte, je trouve dans ma boîte à lettres (papier) le bulletin de vote pour le renouvellement de ce conseil d’administration, qui m’a été envoyé en ma qualité d’ancien élève. Coïncidence, quand tu nous tiens…

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