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2 mars 2006

La marque et la trace

Classé dans : Sciences, techniques, Société — Miklos @ 11:58

Le code français de la propriété intellectuelle reconnaît à l’auteur le droit (dit moral) « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » de contrôler la diffusion de ses œuvres. Il lui accorde le droit de divulgation, ou, à l’opposé, celui du retrait et du repentir. Ainsi, même après qu’une œuvre ait été publiée, son auteur peut la retirer de la circulation.

Mais ce n’est pas si simple, surtout lorsqu’il s’agit du Web, et encore plus lorsqu’il s’agit de Google. En effet, ce moteur de recherche qui parcourt la quantité astronomique et toujours changeante de la toile en effectue une copie (dans un espace appelé mémoire tampon, ou cache, en anglais) pour rendre plus efficace l’analyse qu’il en fait, autant pour répondre aux requêtes que pour sa stratégie de publicité (ce qui peut aussi poser problème aussi au regard du droit de reproduction). Or l’immensité des contenus visités est telle qu’il n’y revient pas forcément souvent (la fréquence de visite est fonction de divers critères qu’il serait intéressant de connaître) : en conséquence, il arrive souvent que des copies de pages retirées par leurs auteurs soient toujours disponibles (il suffit de cliquer sur le lien « En cache » placé auprès de la réponse). Elles n’en disparaîtront ou ne seront réactualisées que lorsque le site aura été rebalayé dans une visite ultérieure, parfois plusieurs mois plus tard.

Google n’est pas le seul à effectuer ce type de copie : l’Internet Archive s’est donné comme objectif d’archiver tout le Web depuis quasiment ses débuts, ce qu’il fait plus ou moins bien ; à la différence de Google, toutefois, il ne fournit pas qu’une copie – la dernière – des sites qu’il a visités (ce que fait Google), mais toutes les photographies qu’il en a prises au fil des années. Certaines pages de Google y sont d’ailleurs archivées, la plus ancienne en étant la version beta qui remonte à la nuit des temps (avant que Google n’apporte la lumière au monde en 1998). Il existe une procédure « humaine » pour se faire déréférencer de la mémoire tampon de Google, mais elle n’est pas immédiate et requiert parfois de nombreux allers-retours.

Une récente décision de la justice américaine conforte Google dans ces pratiques, qui remettent régulièrement en question la notion même des droits de la propriété intellectuelle : l’auteur qui les avait attaqué pour avoir violé ses droits (de reproduction, en l’occurrence) en copiant ses œuvres en ligne dans leur mémoire tampon a été débouté.

Dans leur analyse, le tribunal indique l’utilité de cette copie pour permettre de constater comment un site a évolué dans le temps – argument fallacieux, la copie étant unique et non datée, à l’opposé de ce que fait l’Internet Archive (et d’ailleurs, la possibilité de faire un tel constat prime-t-elle sur le droit de faire respecter ses choix de publication ?) ; il précise encore la méthode que chaque auteur doit suivre pour s’opposer, a priori et a posteriori, à la réalisation de cette copie – ce qui nécessite une intervention technique au niveau de la structure même de la page Web (rajout d’une métadonnée de type « robots no-archive »), bien au-delà des connaissances techniques de la plupart des utilisateurs-auteurs du Web, et qui ne sont souvent pas conscients de la trace qu’ils laissent malgré eux.

En d’autres termes, c’est aux auteurs de porter le poids de défendre leurs droits, et non pas aux autres de les respecter. Par analogie, on pourrait dire qu’une personne qui entre chez vous sans autorisation n’est pas coupable si la fenêtre était ouverte ou la porte non verrouillée.

Le tribunal a aussi déterminé que Google n’a qu’un rôle passif dans la distribution de l’œuvre : c’est l’utilisateur qui, en cliquant, la fait se dupliquer et arriver à son écran. Curieux argument : un libraire qui vendrait des ouvrages interdits n’aurait-il donc aucune responsabilité ?

Enfin, leur analyse selon laquelle la mémoire tampon est un espace de stockage temporaire de l’ordre de 14 à 20 jours qui satisfait ainsi à la loi dite DMCA est aussi étrange, au vu de la durée (que j’ai pu constater) de la survie de contenus dans cet espace des mois après la disparition des contenus originaux.

Quoi qu’il en soit, une personne avertie en vaut deux, bien mal acquis ne profite jamais (sauf aux grands), et demain sera un autre jour.

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