Recettes d’antan : vins factices et eaux cordiales
Les quelques pittoresques recettes ci-dessous, qui demandent du temps, des ressources et de l’espace, proviennent du Cuisinier étranger, pour faire suite au Parfait cuisinier ; contenant une notice raisonnée de tous les mets étrangers qu’on peut trouver sur une table française, par Un gastronome cosmopolite, qui affirme en exergue : « J’ai visité les Cuisines de tout le globe, et j’ai écrit ces recettes » ; il rajoute, dans son introduction, que « quelques gourmands (…) prétendent, et non sans raison, qu’une table diversifiée par quelques mets étrangers, en est plus pittoresque et plus appétissante ». Cet ouvrage a été publié en 1825 chez un éditeur au nom assez curieux pour un livre de recettes : Haut-Cœur et Gayet Jeune… À ceux qui souhaiteraient consulter un livre plus récent, on conseillera le Élixirs & boissons retrouvés de Gilbert Fabiani. Ce livre est joliment illustré d’affiches anciennes et d’illustrations des 170 arbres et plantes, de l’abricotier à la violette, pour lesquelles il propose plus d’un millier de recettes variées (sirops, infusions, bières, apéritifs, vins, liqueurs, cafés…), qui se lisent avec plaisir et sans modération, et doivent se consommer avec modération mais non moins de plaisir.
Eau de Lait
On hache un peu de la rue, du chardon béni, de l’absynthe, deux grosses poignées de chaque, quatre poignées de menthe, autant de baume et d’angélique, et on les met dans un alembic au bain-marie ; on verse trois pintes de lait par-dessus : on pousse vivement le feu jusqu’au moment où la distillation commence, ensuite on le ralentit. On peut distiller deux litres d’eau de lait ; le premier litre peut se conserver toute l’année.
Shrub à l’orange
On met quatre-vingts litres d’eau, cent livres de sucre concassé, on fait bouillir cette eau jusqu’à ce que le sucre soit fondu ; on l’écume bien, et on la laisse refroidir dans une cuve. Quant elle est refroidie, on la tire dans un tonneau ; on y ajoute cent vingt litres de rhum de la Jamaïque et soixante litres de jus d’orange : on a soin de passer le jus d’orange, afin qu’il ne s’y trouve point de pépins. On mêlera le tout ensemble ; ensuite on bat six blancs d’œufs, on les mêle avec le shrub ; on le laisse s’éclaircir pendant une semaine ; ensuite on le tire en bouteilles.
Eau digestive
Cette eau, qui est de la première nécessité pour un gastronome de profession, se compose de la manière suivante :
On prend de la civette, de la sauge, du baume, de la menthe, de la rue, de l’absynthe romaine, du cochléaria, de la berle, du cresson de fontaine, une poignée de chaque, deux poignées de capillaire, un demi-quart de boisseau de pavot, s’il est frais, moitié moins s’il est sec, de la cochenille et du safran, une once, des anis, des graines de carvi, de la coriandre et des graines de cardamome, une once de chaque, deux onces de réglisse râpée, une livre de figues fendues, une livre de raisins secs débarrassés de leurs pepins, une once de graine de genièvre pilée, une once de noix-muscade concassée, une once de macis pilé, une once du graine de fenouil pulvérisée, et un peu de fleurs de romarin, de souci et de sauge. On met tout cela dans un pot de grès, et on verse par-dessus douze litres de bonne eau-de-vie. On bouche bien le pot, on le laisse près du feu pendant trois semaines ; on le remue tous les deux jours, et on le bouche bien chaque fois. Ensuite, on passe la liqueur et on la met en bouteilles. On verse encore sur ces ingrédients une bouteille de bonne eau-de-vie ; on laisse cela infuser pendant une semaine, en le remuant une fois par jour. On distille alors toute la liqueur au bain-marie, et on aura une belle eau blanche propre à prévenir et à guérir les indigestions.