L’oie et la grenouille
Oh ! que le Ciel m’a bien servie !
Se disait certaine oie, un jour.
J’ai des talents qui font le charme de ma vie.
Sans sortir de la basse-cour,
Je marche, vole ou nage, au gré de mon envie ;
J’habite l’eau, la terre et les airs tour à tour,
Sans sortir de la basse-cour !
Ainsi notre volaille, en extase ravie,
Près d’une flaque s’admirait
Et dans l’eau trouble se mirait.
Une grenouille y demeurait,
Qui répondit : Commère l’oie,
D’où naît cette superbe joie?
Vos pas, quand vous marchez, sont lents et chancelants ;
Vous volez, mais si bas ; vous nagez, oui, sur l’onde ;
Mais sous la moins profonde
Essayez de me suivre, avec tous vos talents !
Elle dit, et d’un saut rentre en son domicile.
Savoir un peu de tout est commun et facile ;
Cultivons un seul art, et possédons-le bien :
Celui qui sait tout ne sait rien.
Auguste Dusillet, in Annales franc-comptoises, 1864.