« L’individualisme de masse, narcissisme pathétique de cette fin de siècle » (Dominique Lecourt)
«L’individualisme de masse nourrit par réaction les formes les plus aliénantes du communautarisme qui, sur divers autres modes, anéantissent les capacités de l’être humain comme être individuel. (…) L’individualisme de masse qui verrouille les individus sur un « eux-mêmes » de confection est en lui-même violence. Il est grand temps que nous en finissions avec le narcissisme pathétique qui s’est imposé dans le monde occidental depuis quelques décennies pour s’accommoder de la tyrannie du marché. Il faudra bien un jour rouvrir la voie d’une pensée politique inventive qui se donnera pour tâche de prendre la solidarité pour base afin de maîtriser toujours davantage par un effort commun les nécessités naturelles, ainsi que les impératifs de la vie sociale, lesquels ne se résument pas à la bonne gestion. La communication universelle électronique de Londres à Tokyo, de Paris à Honolulu, et le cosmopolitisme d’aéroport des cadres branchés ne constituent nullement une telle ouverture : l’illusion de la toute-puissance et de l’omniscience n’a jamais rompu aucun isolement, il porte plutôt à la folie. » Et il y a une certaine manière transcontinentale de rester chez soi et entre soi qui est un déni de la passion pour l’humanité que désignait le beau nom de cosmopolitisme.
Dominique Lecourt, « Après le sursaut, le réveil », Marianne, 20 mai 2002.