Devinette socio-musicale
De qui est le texte suivant (extrait d’un article) ?
« D’abord – pourquoi parler de la musique française ? La musique, à elle seule, forme un pays qui a sa langue propre – ou du moins qui l’avait. Allemande, française, italienne, russe, elle était toujours la musique, avec, seulement, certaines particularités pour chacun de ces cantons européens.
« Elle s’est développée suivant un ordre régulier depuis le seizième siècle jusqu’à Claude Debussy. Puis, brusquement, une coupure s’est produite. Nous traversons une période de crise, due à ce que les questions techniques ont prédominé dans l’esprit des producteurs et des critiques. Les problèmes de la grammaire et de la syntaxe ont pris à leurs yeux une importance capitale et le public, stimulé par eux, a cru nécessaire de se passionner pour ces arcanes, sans y rien comprendre.
« Autrefois, les tendances étaient différentes mais la langue restait la même. Notre époque, au contraire, est celle du babélisme musical ; on a créé des langues particulières alors que seul, l’esprit devrait prédominer ; ceux-ci veulent une langue traditionnelle ; ceux-là une langue affranchie de toutes les règles du passé et la principale contestation est là. Il s’est ainsi formé dans l’Etat musical de véritables petits groupements politiques qui agissent à la manière des groupes politiques ordinaires et cela n’est pas’ pour plaire aux vrais musiciens. (…)
« Aujourd’hui, chacun veut conserver sa personnalité et s’imposer à la généralité ; chacun veut être un « as » ; autrefois, ni Schumann, ni Wagner, ni Beethoven ne cherchaient à être des « as » ; ils cherchaient à écrire de la belle musique et rien de plus.
« Puis, nous vivons dans une cité qui est devenue un confluent ; tout s’y déverse: éléments étrangers, influences parties de tous les coins du monde, sensibilités ethniques, tout se confond, tout se mêle ; nous sommes au paroxysme de l’hétérogénéité ; aucune unité n’apparaît ; aucun mouvement ne se dessine dans ce tourbillon informe. L’arrivisme contemporain, la trépidation de la vie moderne agissent sur les fibres des artistes. A ce propos, il est curieux de constater que plus la vie est devenue confortable, plus l’art est devenu primitif, implacable, féroce ; plus le monde s’est civilisé, plus l’art est retourné vers la barbarie.
« Ce qui caractérise notre époque – et là encore, je ne parle pas seulement de la musique – c’est le déséquilibre qui existe entre les moyens d’expression et l’expression cherchée ; les premiers sont énormes, la seconde est nulle ; la montagne accouche chaque fois d’une souris. Ce manque d’appropriation des moyens au but s’observe dans presque toute la production nouvelle ; c’est la perte de ce sens si classique et si français de l’équilibre, de la mesure. Cet art-là se perd ; souhaitons que le secret ne s’en oublie pas tout à fait et à jamais.
« Désireux de se faire connaître à tout prix et vite, les artistes ne savent plus que dire ni que faire ; l’étrange et l’absurde leur paraissent les meilleurs moyens d’attirer sur eux l’attention de la foule ; de nos jours – pour reproduire le mot de Degas – « l’admiration prend la forme de la panique. »
Emile Vuillermoz ?
Commentaire par Giusepe — 29 mai 2009 @ 11:01
Un peu plus ancien encore…
Commentaire par Miklos — 29 mai 2009 @ 15:22
Je me doutais bien que ce n’était pas contemporain. Le pire, c’est que j’ai l’obscur sentiment d’avoir déjà lu ce texte…
« Notre époque, celle du Babélisme musical… », ça me dit quelque chose…
Je médite là dessus, et je referai une autre proposition.
Commentaire par Giusepe — 29 mai 2009 @ 15:32
L’expression « babélisme musical » se retrouve aussi chez Paul Bourget, dans « Deux ménages » (Les Voyageuses, 1897). Je ne sais si l’auteur mystère l’a trouvé là, en tout cas le texte en question est plus récent…
La première occurrence que je trouve de « babélisme » (en français, sans le qualiticatif « musical ») remonte à 1836 (in Études grammaticales sur la langue euskarienne, par A.T. d’Abbadie et J.A. Chaho).
En anglais, il semble plus ancien : James Atkins, « Rector of Long Stanton », est l’auteur de Poems on Babelism; Or, On the Every-way Doings of Atheistical and Bad Men, Etc. Etc., publié en 1805.
En allemand, on trouve la phrase « Sie nannten sie Babelismus, weil sie, gleichwie an Thurmbau zu Babel, die Sprachen verwirret » dans Das System des Katholicismus in seiner symbolischen Entwickelung de Philipp Marheineke, publié par Mohr und Zimmer en 1810.
Commentaire par Miklos — 29 mai 2009 @ 16:39
Albert Lavignac ?
Commentaire par Giusepe — 12 janvier 2010 @ 20:17
Paul Dukas !
Commentaire par Miklos — 12 janvier 2010 @ 20:31
Damned !
Commentaire par giusepe — 12 janvier 2010 @ 22:44