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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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30 juillet 2009

Tous pourris

Classé dans : Cinéma, vidéo — Miklos @ 0:48

Tous amis : un médecin, un avocat, un architecte, un employé de banque, un tailleur pour dames, un chausseur de luxe… Ces d’apparence respectables signori vénitiens et leurs respectives signore, sont l’objet d’une comédie de mœurs bien enlevée de Pietro Germi (en français : Ces Messieurs Dames) tournée en 1966.

La farandole qu’ils offrent à nos yeux n’est pas sans rappeler de subtiles pièces de théâtre baroques : les couples se croisent et se décroisent, s’affrontent parfois à mains nues, se font et se défont, se lancent des coups d’œil suggestifs et des moqueries légères et piquantes, s’envoient des lettres anonymes fielleuses et bien tournées, colportent des ragots avec indignation et délectation, abondent en tromperies, adultère et retournement de détournement de mineur…

Si c’est une comédie, elle est douce-amère et parfois grinçante, mais surtout une satire mordante de la société, du haut en bas : l’Église, la justice, la police et la presse – ses quatre piliers – se prêtent à ces dérangements avec complaisance : il suffit d’un coup de fil ou d’une liasse de billets pour que la loi des hommes et de Dieu plie devant ce grand désordre amoureux où les sentiments réels importent peu. Le pouvoir réel n’est pas tant celui du juge, du monsignior ou du carabinier : c’est celui du système qui cherche à préserver les apparences vertueuses – et à continuer à jouer sur scène un faux-semblant d’ordre social quoi qu’il se passe dans ses coulisses. L’individu, à l’exception de la pute au grand cœur et de son amoureux naïf harcelé par sa femme, est veule et concupiscent si c’est un homme, et une belle chose bébête ou un manipulateur chevronné si c’est une femme.

Ce film, palme d’or à Cannes à sa sortie, vient de réapparaître sur quelques écrans. Allez le voir : bien joué et bien filmé par des acteurs et par un réalisateur quasi inconnus, cette nef des fous pince-sans-rire et ironique vous fera rire et réfléchir.


Sébastien Brant : Das Narren Schiff (La Grant nef des folz), 1494.
Illustrations de Dürer et d’autres artistes.

2 commentaires »

  1. Ad Narragonia… Beau livre. Que j’apprécie toujours de re-parcourir.
    J’y pensais d’ailleurs ce w-e en voyant cette toile
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Combat_de_Carnaval_et_Car%C3%AAme

    Bien à vous

    Commentaire par szekely — 30 juillet 2009 @ 10:56

  2. « Ad Narragoniam » (le tilde sur le « a » dénote le « m » manquant) est d’évidence un jeu de mots latin-allemand, la proximité avec le « Narren » du titre n’étant pas fortuite : vers le pays des fous. Voir sur cet ouvrage Sébastien Brant et l’image du fou de Frédéric Barbier.

    Le mot est repris en 1649 par Gabriel Naudé : Que l’office de premier ministre, en France… est comme une nasse où tous les esprits fous, mélancoliques, hypocondriaques, extravagans, se viennent prendre ; comme un écueil om le vaisseaux des fous, navis illa narragonia sive stultifera Brentii, se vient briser ; et comme l’aimant, pour attirer à soi tous les esprits creux qui sont dans le royaume.

    Voir aussi cette chanson satirique datant de 1840, et qui attribue à Cicéron la citation en exergue qui parle de la Narragonie…

    Commentaire par Miklos — 30 juillet 2009 @ 16:19

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