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13 décembre 2013

Immigrés, suite et (une) fin

Classé dans : Judaïsme, Langue, Littérature, Récits, Religion, Société — Miklos @ 0:40

Pour ceux qui n’ont pas eu le loisir de lire le roman Uncle Moses de l’écrivain Sholem Asch dont on avait récemment résumé le début, en voici une suite.

Oncle Moses finit par obtenir ce qu’il convoitait : la jeune et belle Masha se résigne à l’épouser malgré le dégoût et le mépris qu’il lui inspire. Il n’y a pas d’autre issue pour elle : le jeune Charlie qui l’attire ne s’intéresse pas à elle et n’est passionné que par la lutte sociale ; quant à sa propre famille, elle attend avec un immense espoir ce mariage qui la tirerait de la misère.

Une très curieuse métamorphose du caractère de Moses commence alors : il s’adoucit à l’égard des autres, s’humanise et se rapproche de la religion tout en prenant un certain recul des affaires. Sam, son âme damnée et maître des hautes et basses œuvres, en profite pour prendre de l’ascendant dans l’atelier en en écartant graduellement son patron.

Deux ans plus tard, un enfant naît. Masha, elle, alterne entre dégoût et indifférence pour les attentions de son mari, passe ses journées à rêver et sombre dans l’ennui. Poussée par le désespoir, elle abandonne Moses en emmenant leur enfant avec elle. Travaillant jour et nuit dans des conditions bien pires que celles de l’atelier de Moses, elle assure à son fils la meilleure éducation possible ; il finit par entrer à Harvard, puis par devenir un avocat très en vue, ce qui lui permettra de se lancer en politique et d’aspirer aux plus hautes responsabilités. Il avait de qui tenir.

Moses a tout perdu : son fils, sa femme, son atelier. Désespéré, il ne peut rester dans cette ville, dans ce pays, qui de paradis s’était trans­formé en enfer. Il finit par se décider à tout quitter pour partir à Paris : ne disait-on pas dans le vieux pays גליקלעך ווי גאָט אין פֿראַנקרייַך Heureux comme Dieu en France. ?

Après un long voyage qui n’est pas sans lui rappeler celui qu’il avait accompli dans sa jeunesse et qui l’avait emmené de son shtetl de Kuzmin à New York, il arrive à destination. Ruiné, vivant d’expé­dients, couchant sous les ponts, il est finalement recueilli par les Frères missionnaires de la charité. Ils l’aident à se reconstruire psycho­lo­gi­quement, il finit par se convertir. Par reconnaissance ? Par besoin ? Par conviction ? L’auteur laisse le lecteur libre d’analyser ses motivations.

L’esprit d’entreprise de Moses et l’énergie inépuisable qui lui avaient permis, jeune, de sortir de la misère pour arriver à la tête d’une affaire, n’ont pas disparu : il gravit l’échelle de la hiérarchie de l’Église, est nommé cardinal, puis – faut-il s’en étonner – élu pape. Par un curieux clin d’œil à son histoire personnelle, c’est son ancien atelier de couture où règne Sam avec autant de brutalité que Moses l’avait fait en son temps avant d’en être évincé qui fournit dorénavant les habits d’apparat de la maison papale. Sam est vert de jalousie de la réussite de son ancien patron, mais ביזנעס איז ביזנעסBusiness is business, comme on dit à New York.

Et c’est la fin de l’histoire, voire même celle de l’Histoire : une légende juive affirme que l’élection d’un pape né juif annonce l’arrivée des temps messianiques.


Le pape Moses

4 commentaires »

  1. quelle imagination ! effectivement ça valait le coup d’être lu ! mais tu as oublié de dire qu’après 1 an de papauté, il croise dans un couvent une nonne dont il tombe éperdument amoureux, son amour est partagé, il démissionne de sa fonction papale, il demande à Marisha (c’est le nom de la jolie nonne) de renoncer à ses voeux, il souhaite l’épouser, elle lui avoue alors qu’elle s’appelle en réalité Rukhale, Rachelle quoi ! elle s’est convertie (Dieu seul sait pourquoi) et leur mariage a été célébré dans la synagogue de la Place des Vosges dans lequel se rendait régulièrement Michel Reicher, mon père. Ce couple d’amants passionnés donna naissance à six enfants qui furent élevés en partie par le fils de Moses et Masha.

    Commentaire par betsabee — 16 décembre 2013 @ 12:35

  2. Non, impossible, voyons ! c’est la fin des temps, on ne peut pas revenir en arrière !

    Mais par curiosité, un de ces enfants n’aurait-il pas pris plus tard la tête d’une certaine institution patrimoniale juive ?

    Commentaire par Miklos — 16 décembre 2013 @ 12:37

  3. et non, ce n’était ni la fin de l’histoire, ni la fin des temps, mais un simple test envoyé par quelqu’un de haut placé et la preuve c’est qu’en effet le plus jeune des enfants pris la t^te de cette fameuse institution juive …

    Commentaire par betsabee — 16 décembre 2013 @ 12:52

  4. מזל טוב

    Commentaire par Miklos — 16 décembre 2013 @ 12:53

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