Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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19 avril 2005

Après Les Survivants, ou pourquoi je voterai “oui”

Classé dans : Littérature, Politique, Société — Miklos @ 0:25

C’est précisément parce qu’il pouvait dire “Wo ich bin, ist die deutsche Kultur” que Thomas Mann devait écrire Le Docteur Faustus, le roman dans lequel il tentait de montrer les liens existant entre le fascisme et sa chère culture allemande. Pour George Steiner, la même chose est vraie. Parce que, plus que quiconque, il est chez lui dans la culture européenne, une grande part de son œuvre, à commencer par Langage et silence, se caractérise par des questions comme : Pourquoi la trahison des clercs ? Pourquoi le lien indéniable entre esthétisme et barbarie ? Pourquoi l’éducation libérale n’a-t-elle pu empêcher la torture, les camps de la mort, l’Holocauste ?

Nous n’avons pas besoin d’évoquer, une fois encore, Heidegger et ses tendances fascistes, ni l’officer ss rentrant chez lui jouer du Schubert après sa journée de boucherie1. Nous refaisons sans cesse cette constatation, que ni la connaissance intellectuelle ni l’éducation libérale n’offrent la moindre garantie d’un bon jugement moral, sans parler d’une meilleure moralité. Des esprits érudits peuvent cultiver le nihilisme et nombreux sont les intellectuels qui, obsédés par des concepts abstraits comme “mondialisme” ou “capitalisme”, n’hésitent pas à légitimer la violence terroriste. Là encore, rien de nouveau. Dostoïevski a décrit cela dans Les Possédés : l’hypocrisie, la corruption intellectuelle, la fascination de la violence, la soif de pouvoir et un conformisme sans borne caractérisent un trop grand nombre d’intellectuels.

Tout cela est vrai. Mais ce qui est vrai aussi, c’est la longue liste des poètes et des penseurs qui n’ont pas été la proie de cette corruption intellectuelle, qui sont restés fidèles à leurs obligations morales envers le monde de l’esprit. Pour n’en nommer que quelques-uns : Thomas Mann, Ossip et Nadejda Mandelstam, Arnold Schönberg, Dietrich Bonhoeffer, Joseph Brodsky, Hermann Broch, Albert Camus, Paul Celan, René Char, Andreï Tarlovski, Václav Havel et George Steiner lui-même. Steiner, à contre-courant, est resté fidèle à son code moral et intellectuel personnel, à sa vocation d’“inviter autrui au sens” sans céder au nihilisme, au populisme ni à la politisation.

Qui plus est, les chefs-d’œuvre de l’héritage culturel européen portent eux-mêmes témoignage de ce qu’ils signifient pour la vie humaine. Qui n’a encore jamais fait l’expérience du pouvoir de l’art peut lire, dans le livre de Primo Levi, comment celui-ci a trouvé le courage de vouloir survivre à Auschwitz en se rappelant le Canto d’Ulysse dans La Divine Comédie de Dante. Alexander Watt écrit dans Mon siècle2 qu’il eut soudain la certitude de pouvoir supporter la Loubianka, la prison de Staline à Moscou, lorsque, par un petit matin de printemps, il entendit au loin un fragment de la Passion selon saint Matthieu, de Bach. Ces deux exemples célèbres montrent bien que si quelque chose — en dehors de l’amour et de l’amitié — est capable de donner un sens à la vie, c’est la beauté de l’art.

La culture n’est qu’une invitation, une invitation à cultiver la noblesse de l’esprit. La culture parle à voix douce : “Du sollst dein Leben ändern.” La sagesse qu’elle propose n’est pas révélée par les mots, mais par les actes. Être “cultivé” demande bien plus que de l’érudition et de l’éloquence. Avant tout, cela signifie courtoisie et respect. La culture, pas plus que l’amour, n’a la capacité de contraindre. Elle n’offre aucune garantie. Et pourtant, la seule chance d’atteindre et de protéger notre dignité humaine nous est offerte par la culture, par l’éducation libérale.

Il ne faut pas que les artistes et les intellectuels soient rois. Il ne faut pas même qu’ils s’efforcent de devenir rois ou de faire partie d’une élite au pouvoir. Mais une société qui ignore l’ennoblissement de l’esprit, une société qui ne cultive pas les grandes idées humaines finira, une fois de plus, dans la violence et l’autodestruction.

Bob Riemen,
Fondateur et directeur
de l’institut Nexus
3


1 Gitta Sereny, Au fond des ténèbres: de l’euthanasie à l’assassinat de masse, un examen de conscience. Denoël, 1973. (note de Miklos)
2 Alexander Wat, Mon siècle. Confession d’un intellectuel européen. Préface de Czesław Miłosz, trad. G. Conio et J. Lajarrige, Paris-Lausanne, De Fallois/L’Âge d’homme, 1989.
3 Extrait de l’introduction à George Steiner, Une certaine idée de l’Europe. Essai traduit de l’anglais par Christine Le Bœuf. Actes Sud, 2005.
L’institut Nexus est un groupe de réflexion qui se donne pour tâche de stimuler le débat culturel et philosophique européen.

10 avril 2005

Des sentiments

Classé dans : Littérature, Société — Miklos @ 15:48

Toujours séduits par la même erreur, nous ne prenons des amis que pour avoir des gens particulièrement destinés à nous plaire: notre estime finit avec leur complaisance ; le terme de l’amitié est le terme des agréments. Et quels sont ces agréments ? qu’est-ce qui nous plaît davantage dans nos amis ? Ce sont les louanges continuelles, que nous levons sur eux comme des tributs. D’où vient qu’il n’y a plus de véritable amitié parmi les hommes ? que ce nom n’est plus qu’un piège, qu’ils emploient avec bassesse pour se séduire ?
 
— Charles de Montesquieu, Éloge de la sincérité

Qu’un véritable ami est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même ;
Un songe, un rien, tout lui fait peur,
Quand il s’agit de ce qu’il aime.
 
— Jean de La Fontaine

Pourquoi, chacun de nous ne dit-il pas chaque jour : tu n’as d’autre pouvoir sur tes amis que de leur laisser leurs joies et d’accroître leur bonheur en le savourant avec eux. Es-tu en mesure, lorsqu’ ils sont tourmentés jusqu’au fond de leur âme par une angoissante passion, intérieurement bouleversés par le chagrin, de leur apporter un peu de soulagement ?
 
— JW v. Goethe

Or voici la chose la plus difficile : fermer par amour la main ouverte et garder la pudeur en donnant.
 
— Friedrich Nietzsche

La seule limite de l’amour est d’aimer sans mesure.
 
— Saint Augustin

L’amour représente toute ce qu’il est nécessaire de savoir et de retenir. Il n’y a rien d’autre à apprendre. Celui qui sait cela, sait tout.
 
— Vladimir Jankelevitch

Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
 
— Michel de Montaigne, De l’Amitié, Essais, livre Ier, ch. XXVIII.

…et l’on fait grande attention quand on achète du bétail, mais on montre de la négligence dans le choix de ses amis, on n’a pas de signes distinctifs permettant de reconnaître ceux qui sont vraiment faits pour l’amitié. Ce sont ceux dont le caractère est ferme, inébranlable, immuable, qu’il faut choisir, et d’hommes de cette trempe il y a grande pénurie. Il est très difficile de les reconnaître autrement qu’en les mettant à l’épreuve et l’épreuve en pareille matière implique déjà l’amitié, de sorte que l’amitié devance le jugement et rend l’épreuve impossible au préalable. Il est donc prudent de commencer par opposer quelque résistance à l’inclination fougueuse, comme on modère l’allure d’un char et, tout de même qu’on met à l’essai un attelage, de ne donner son amitié qu’après avoir éprouvé par quelque endroit le caractère des gens. »
 
— Cicéron, De l’Amitié, chap. 17, XVII.

… ce qui prouve qu’en fait d’amitié la ressemblance des caractères a plus de force que les liens du sang.
 
— Cornelius Nepos, Les Vies des grands capitaines.


Cicéron: De Amicitia, ms. du xvie s.

2 avril 2005

La Sixième symphonie

Classé dans : Musique — Miklos @ 2:48

Une semaine après la première de sa Sixième symphonie (1893), Tchaïkovski, déprimé, boit de l’eau de robinet en pleine épidémie de choléra sans la bouillir, contracte la maladie et meurt. Légende ou non — d’autres explications suggèrent un suicide par peur d’outing — il y a de bonnes raisons, musicales et personnelles, pour lesquelles cette symphonie a été baptisée Патетическая, oh, pardon, Pathétique. Il n’empêche, c’est une très belle œuvre (que j’évite d’écouter sous la direction de Bernstein, trop hystérique en général) qui ne peut laisser indifférent l’auditeur qui se prend à fredonner ses mélodies ou à taper du pied (uniquement chez soi, de préférence) en mesure à l’écoute des rythmes si prenants.

Celle de Beethoven (que je préfère dirigée par Furtwängler — chacun ses goûts, hein), composée durant l’été 1808 dans le calme du village de Heiligenstadt, n’a rien de pathétique : le compositeur était en pleine possession de ses moyens, ne perdait pas encore l’ouie, et les splendeurs de son lieu de villégiature ont dû contribuer au caractère pastoral de cette symphonie et donc à son nom. Mais c’était aussi une musique de genre : Bach, Haendel et Haydn, pour n’en citer que les plus célèbres de ses prédécesseurs, avaient aussi introduit la nature dans leurs œuvres (sinfonies pastorales, Les Saisons…) sans pour autant en faire de la musique programmatique. Quelques années plus tard (en 1823), Schubert composera un lied splendide, Auf dem Wasser zu singen (« à chanter sur l’eau »), où le piano illustre le miroitement chatoyant du soleil sur l’eau de la rivière. Écoutez-le chanté en 1965 par le grand Dietrich Fischer-Dieskau et accompagné par Gerald Moore, plutôt qu’interprété par l’hilarante et nonobstant sirupeuse Barbra Streisand (dans l’album Barbra Streisand… And Other Musical Instruments si vous y tenez vraiment).

Bien plus tard (en 1900), le russe Alexandre Glazounov, hyperdoué comme on en voit rarement (sa première symphonie fut créée quand il avait seize ans), compose son ballet Les Saisons — chassez la nature, elle revient au galop. Vous n’avez jamais entendu parler de ce compositeur, de son œuvre ? Mais si, vous en connaissez au moins les premières mesures du quatrième mouvement, L’Automne, utilisé comme indicatif dans quelques émissions de radio puis de télévision. Le très beau disque de Decca dirigé par Ernest Ansermet comprend aussi Stenka Razine, poème symphonique célébrant le fameux personnage éponyme, exécuté à Moscou en 1671 après la répression de la révolution cosaque dont il fut l’instigateur, et qui a inspiré la littérature et la musique russes — et européenne en général. Même Aznavour le chante. Et vous en connaissez aussi le début, je vous assure. Pourquoi n’écouteriez-vous pas la suite ?

Revenons un moment à Schubert, dont le manuscrit de la Sixième symphonie, composée en 1818, portait le nom de Grande symphonie mais que tout le monde appelle La petite symphonie en ut majeur… de quoi en perdre son allemand. En tout état de cause, c’est bien une grande symphonie en comparaison à ses précédentes, dont le scherzo a une dimension beethovénienne (en d’autres termes, ce n’est pas de la piquette).

Quant à la Sixième symphonie de Bruckner et à celle de Sibelius…

Mais pourquoi vous parlé-je de tout ça, moi ? En fait, je tourne autour du pot. Depuis le début, je voulais vous parler de la Sixième symphonie de… vous l’avez deviné, Gustav Mahler, que je viens d’entendre au Théâtre des Champs-Elysées, interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la direction de Myung-Whun Chung. J’adore la salle, toute en art déco (ce qui veut dire que les sièges, hein…), fréquentée par du beau monde (enfin, ça dépend des goûts de chacun ; ce soir il y avait Alain Juppé et Pierre Bergé — comme ça l’équilibre politique est préservé — et moi, mais ça vous n’en avez rien à cirer). Et la musique alors, on accouche ? Bon, je me lance. Cette symphonie n’est pas appelée Tragique pour rien. Laissons parler Alma, sa femme (qui lui a survécu ainsi qu’à d’autres de ses maris célèbres mais moins résistants) : « Ayant esquissé le premier mouvement, Mahler était descendu : J’ai essayé de te fixer dans un thème — je ne sais si j’ai réussi. Il ne te reste qu’à l’accepter tel qu’il est ! Il s’agit du grand thème lyrique du premier mouvement de la Sixième. Dans le scherzo, il dépeint les jeux arythmiques des enfants, leur voix dont l’accent, chose horrible, se révèle toujours plus tragique… Dans le dernier mouvement, il se décrit lui-même, c’est-à-dire sa décadence ou (comme il le disait plus tard) celle de son héros. Le héros qui reçoit trois coups du destin, dont le dernier l’abat comme un arbre1 ! Ce sont les propres paroles de Mahler. Aucune œuvre ne lui est sortie du cœur aussi directement que celle-là. Nous avons beaucoup pleuré. La Sixième, son œuvre la plus personnelle, est tout aussi prophétique. Lui aussi a reçu trois coups du destin, et le troisième l’a abattu. Mais il était alors tout joyeux, sûr de son œuvre qu’il voyait comme un arbre en pleine floraison. »

Tragique, furieuse, puissante, avec des passages envoûtants, c’est une symphonie qui a aussi des moments pastoraux, tels ceux où résonnent des cloches de troupeau ou des coups de marteau, mais on n’y trouve presque aucun lied. Son dernier mouvement, monumental, « un des plus grandioses de toute la littérature symphonique » (Marc Vignal), se termine par une explosion cataclysmique. À se demander comment mon voisin faisait pour dormir.

Quant à l’interprétation, elle fut vigoureuse, et, à certains moments trop rares, donnait un sens du tragique de l’œuvre (notamment dans le finale). Mais si l’élan de Chung est communicatif et a électrifié l’orchestre et le public, dont les applaudissements déchaînés ont duré un bon moment, maintenant comme avant (j’en avais parlé précédemment) je ne trouve pas chez ce chef une certaine subtilité qu’on aimerait entendre chez Mahler, sans pour autant sombrer dans un maniérisme décadent. L’orchestre faisait de son mieux pour jouer ensemble et y arrivait la plupart du temps, mais certaines imprécisions n’en ressortaient que plus. Enfin, les effets pastoraux étaient dérisoires : autant les sons des cloches que ceux du marteau (pourtant immense, avec un maître splendide qui le maniait avec dextérité) semblaient étrangement légers, vous savez, comme joués sur un synthé midi à 19 € sur votre PC équipés de mini-enceintes crachouillantes.

Que voulez-vous, Mahler supporte difficilement le moins qu’absolu…


1 Tiens tiens, c’est de là que Malraux aurait pompé le titre de son livre sur De Gaulle ?

29 mars 2005

L’homme

Classé dans : Littérature, Philosophie — Miklos @ 3:18

Mille prodiges par le monde…
Mais l’homme est le plus haut prodige :
Il passe la mer écumeuse,
Le vent du sud, en ses bourrasques,
Le porte : il passe au creux des lames qui se gonflent
Et le cernent de leurs abois.
Et la terre, divine et toute souveraine,
Impérissable, intarissable
D’année en année il l’éventre
Au va-et-vient de ses charrues où il attelle
Les bêtes dont il a peuplé ses écuries.
 
Les oiseaux à l’âme légère
Dans ses rets il les enveloppe :
Les hordes des bêtes sauvages
Et la faune océane en mer
Il les capture au fond des mailles du filet
Qu’il sait tresser, dans son astuce,
Lui, l’homme ! Et ses engins maîtrisent l’animal
Qui gîte aux champs, qui court les monts :
Sous le joug qui serre leur nuque
Le cheval offrira son col empanaché
Le taureau montagnard son inlassable effort.
 
À la parole, au souffle ailé de la pensée,
Aux sentiments sur qui se fonde
La vie civilisée
Il s’est initié lui-même.
Âpre gel qui, du haut du ciel
S’étend sur la campagne ? âpres flèches des pluies ?
Il sait leur échapper : bien armé contre tout
Et jamais désarmé devant ce qui l’attend —
Hormis la mort : c’est le seul mal qu’il ne pourra
Jamais se ménager le moyen d’éviter…
Et pourtant il a su mettre au point des remèdes
Pour bien des maladies qui semblaient sans ressource !
 
Industrieux, il a des ressources savantes
Qui dépassent tout espérance.
Mais on le voit marcher
Tantôt sur le chemin du mal
Et tantôt sur la voie du bien.
Si sa foi, engagée aux justes droits des dieux,
Broche sur le respect des lois de son pays,
À lui dans la cité le pavois ! Mais au ban
De la cité celui qui ose, par bravade,
S’abandonner à des actes infâmes !
Puissé-je ne jamais rompre avec lui le pain,
Ni partager avec cet homme ma pensée !
 
Sophocle : Antigone

Il se pourrait bien que Sophocle ait tout dit dans l’ode chorale sur l’homme dans son Antigone. La maîtrise de la pensée, de la mystérieuse vitesse de la pensée élève l’homme au-dessus de tous les autres êtres vivants. Mais elle le laisse étranger à lui-même et à l’immensité du monde.
 
George Steiner : Dix raisons possibles à la tristesse de pensée

Cette ode fait étrangement écho au Ps. 104, à tel point qu’elle semble avoir été écrite en parallèle. Et pourtant, elle en est l’antithèse : en une imagerie presqu’identique, l’une célèbre l’homme, l’autre Dieu.

24 mars 2005

Espérer (I)

Classé dans : Philosophie — Miklos @ 13:55

Si nos processus de pensée étaient moins pressants, moins crus, moins hypnotiques, nos déceptions constantes, la masse grise de la nausée nichée au cœur de l’être, nous désempareraient moins. Les effondrements mentaux, les fuites pathologiques dans l’irréalité, l’inertie du cerveau malade, peuvent, au fond, être une tactique contre la déception, contre l’acide de l’espoir frustré. Les corrélations manquées entre pensée et réalisation, entre le conçu et les réalités de l’expérience, sont telles que nous ne saurions vivre sans espoir ni surmonter le deuil, l’ironie, que comportent les espoirs ratés. « Espérer contre tout espoir » est une formulation forte, mais en définitive accablante de la brunissure que la pensée jette sur la conséquence.

George Steiner,
Dix raisons (possibles) à la tristesse de pensée
Albin Michel

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