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15 novembre 2009

Avant le commencement d’Europeana était le verbe

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 11:46

Une bibliothèque numérique qui ne contienne pas que des livres

« Comme le montre l’emprise de Google, le patrimoine en question ne se limite pas à l’écrit – ce qui se reflète d’ailleurs dans la variété des collections de la Bibliothèque nationale de France – il sera donc inévitable à terme d’articuler un tel projet avec celui de l’accès aux autres fonds : estampes, cartes, musique, film. Là aussi s’impose une réflexion qui prendrait en compte ce futur. » (23 février 2005)

C’est le cas d’Europeana. Se distinguant de Google Books qui ne contient que des livres, c’est un portail qui fournit l’accès à des livres, des images fixes et animées et des enregistrements sonores. Mais la musique en est encore la parente pauvre à deux égards au moins : peu d’enregistrements (le problème des droits, que la Commission européenne veut enfin aborder), et pas de distinction pour la notation musicale (les partitions) : dans le modèle actuel, une partition imprimée sera indexée « texte », tandis qu’une partition manuscrite sera identifiée comme une « image fixe ».

Une bibliothèque 2.0

« Le numérique est un des avatars de l’écrit ; dans sa forme actuelle, il a tendance à supprimer la médiation. Mais les techniques offrent des moyens de la réintroduire autrement ; certaines bibliothèques fournissent des services d’accès à distance par courriel, mais rien n’empêche d’envisager d’autres modes de mise en relation de lecteurs avec des bibliothécaires et avec d’autres lecteurs (…). » (23 février 2005)

« Envisageons une bibliothèque offrant une interface de ce type : les lecteurs peuvent communiquer, le cas échéant, entre eux, pour échanger des conseils, collaborer sur un travail commun. Un documentaliste de service est aussi présent : le lecteur ayant besoin d’aide dirige ainsi son avatar vers celui du documentaliste et l’interroge (à l’aide du clavier ou via un microphone) ; le documentaliste répond de la même façon et déplace éventuellement son propre avatar pour guider le lecteur vers une section de la bibliothèque. À la différence des représentations anthropomorphiques utilisées dans certaines interfaces dont l’intelligence n’excède pas celle d’un robot mécanique, il s’agit d’une mise en rapport avec une compétence humaine bien réelle : là est peut-être une des clés d’une certaine (ré)humanisation de l’informatique. » (mai 2000)

On peut en voir ici et là les prémices : la Médiathèque de l’ESC Lille (médiation en ligne), les quelques réseaux sociaux autour du livre : Libfly (échanges autour des bibliothèques personnelles des internautes), Points communs (site de rencontre par affinités culturelles…).

La bibliothèque numérique : plus qu’un portail, un fonds en réseau

« Je verrai bien la bibliothèque européenne du futur sous forme d’un réseau dynamique permettant le raccordement de bibliothèques petites et grandes – certifiées, c’est essentiel (autant pour la « validité » des fonds que l’adéquation technique) –, avec leurs fonds numérisés (qu’ils auraient constitués selon leurs propres critères), s’intégrant facilement dans un maillage (utilisant probablement des protocoles de type OAI plutôt que Z39.50) qui offrirait, entre autres outils, recherche dans les contenus et accès réparti (DOI ?) à l’ensemble des fonds ainsi disponibles, de façon répartie. » (17 mai 2005)

« On pourrait envisager ainsi un dispositif dans lequel chaque bibliothèque nationale faisant partie de ce réseau, ayant numérisé ses fonds propres dans des formats compatibles4, en ait le contrôle5, au lieu d’avoir à les transférer à une tierce partie qui en aurait la maîtrise, comme Google le souhaiterait pour son projet. Quant à cette bibliothèque virtuelle, elle offrira des modes d’accès, de présentation de collections et de contextualisation des ouvrages6, de recherche dans les métadonnées et dans les contenus eux-mêmes7. » (24 mars 2005)

Dans sa version actuelle, Europeana utilise effectivement le protocole OAI afin de récupérer les informations (métadonnées) concernant les documents numérisés chez ses partenaires. Elle permet donc de les localiser si on en connaît un bout du titre ou de l’auteur : c’est donc bien un (vaste) portail. Mais contrairement à Google Books, Europeana n’indexe pas les contenus : il est donc impossible d’y retrouver un livre contenant un mot ou une phrase souhaitée. C’est en ce sens qu’Europeana n’est pas (encore) une bibliothèque numérique. Cela tient à deux facteurs indépendants : la version actuelle est un prototype, Europeana version 1.0 étant prévu pour 2010 ; mais surtout, c’est la problématique des droits d’auteur (que Google aborde, comme on le sait, tel un corsaire) : variable d’un pays à l’autre, elle peut ne pas autoriser la récupération par Europeana de fichiers numériques (par exemple : des livres) stockés chez ses partenaires pour les indexer en texte intégral. Il y aurait bien une alternative technique – que chaque partenaire effectue cette indexation et ne fournisse que les indexes à Europeana au lieu des fichiers – mais cela nécessiterait des développements chez chacun des partenaires, ce qui est exclu. À moins… à moins que le droit n’évolue dans le sens qui offrirait à des bibliothèques, physiques et numériques, des exceptions qui permettraient un bien meilleur partage des ressources culturelles, sans léser les ayants droits, mais sans léser non plus les lecteurs ni faire peser un poids financier insupportable sur les bibliothèques.

Europeana comme garantie de l’accès au patrimoine culturel numérisé

« Ce danger – de concentration dans les mains d’une entreprise à visées purement commerciales (voire financières) – concerne aussi les contenus numériques culturels patrimoniaux. Ainsi, le projet de numérisation des fonds universitaires par Google créera une “bibliothèque numérique universelle” dans son propre réseau, qui ne pourra être indexée par d’autres moteurs de recherche. Cette concentration est inquiétante à un autre égard, que j’avais déjà soulevé en 1999 : “imaginez un embargo d’une grande puissance sur une plus petite, qui aurait pour effet de lui couper l’accès aux réseaux…”. » (13 février 2006)

« Ce genre de problème [les erreurs de numérisation, les erreurs dans les métadonnées] démontre, s’il le fallait, que le numérique ne doit pas être considéré comme l’unique moyen de conservation à long terme : la préservation de l’original est primordiale. Il démontre aussi le danger d’une stratégie de numérisation qui voudrait éviter, pour des raisons d’économie, de numériser un document qui l’aurait déjà été ailleurs : imaginez qu’un hapax se trouve dans la page d’un livre mal numérisé, mais dont il n’existerait qu’un seul et unique exemplaire numérique : il sera impossible de trouver ce mot. Raison de plus de l’importance de l’existence de bibliothèques numériques concurrentes… » (14 novembre 2009)

Les arguments invoqués alors et hier à l’encontre du monopole et de l’exclusivité de Google sont d’autant plus valables aujourd’hui, et justifient, s’il le fallait, l’effort important que fait l’Union européenne pour fournir, non pas un service concurrent à Google, mais une ressource – probablement surtout complémentaire – reflétant le patrimoine culturel européen dans sa variété et dans sa richesse. On lui souhaite de réussir à s’imposer comme référence incontournable, aux côtés des quelques autres grandes références disponibles sur l’internet, qu’elles soient publiques ou privées.

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