Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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3 novembre 2018

De l’origine du potimarron, ou, De l’art de la confusion chez vous-savez-qui

Classé dans : Cuisine, Histoire, Nature, Sciences, techniques — Miklos @ 18:45

Le potimarron selon Wikipedia. Cliquer pour voir les détails.

J’aime le potimarron. Il me semblait l’avoir découvert il y a quelques années, en allant chercher une courge pour faire, pour la première fois, un potage Aurore, potage qui s’est avéré si délicieux que j’en fais depuis à chaque hiver. En outre, il a un sérieux avantage sur le potiron (cucurbitacé que je connaissais depuis longtemps) : nul besoin de l’éplucher avant de le consommer cru ou cuit. Quand j’en utilise, il m’arrive de jeter les graines dans mes jardinières au lieu de la poubelle, avec de très beaux résultats (je devrais faire un jour des beignets avec ses fleurs). Ces graines sont aussi délicieuses à croquer grillées et salées, ça je le sais depuis mon enfance. Comme quoi, tout se mange, dans le poti­marron.

Or je viens de constater que je devais l’avoir découvert encore plus tôt : mes archives démontrent que j’en avais fait en tarte il y a bientôt dix ans, tarte qui semble avoir rencontré un certain succès… et donc que je vais refaire instamment.

Curieux d’en connaître l’histoire, je tombe sur la page qui lui est consacrée dans un site notoire à propos duquel mon opinion n’a pas beaucoup varié depuis fort longtemps, et que cette page confirme : c’est un patchwork d’informations répétitives et contradictoires, ou pour le moins confuses, du fait de l’écriture à plusieurs mains sans tête éditoriale : origine américaine ou japonaise ? arrivé en Europe « après la découverte de l’Amérique par Colomb » (pas Gérard, l’autre!) ou bien plus récemment ?

En tout cas, moi je l’ai certainement découvert dans l’Ancien monde un certain nombre d’années après la découverte du Nouveau. Et je confirme ce que cette page affirme (et ce que ne fait pas sa version anglaise) : « Comme les potirons, les potimarrons peuvent être consommés en potage, au four avec de l’ail, frits, en tourte ou en purée. À la différence du potiron, il n’est pas nécessaire de retirer la peau du potimarron avant la cuisson. Il est aussi succulent cru. »

Comme quoi, ils ont parfois aussi raison.

27 octobre 2018

À nos amis royalistes et/ou mélomanes

Classé dans : Histoire, Musique, Politique, Santé — Miklos @ 11:56


Peter Maxwell Davies (1934-2016) : Eight Songs for a Mad King (Huit Chants pour un roi fou), sur des textes de Randolph Stow et le roi George III. 1969. Avec Julius Eastman (baryton) et The Fires of London sous la direction de Sir Peter Maxwell Davies.

LES SOUVERAINS NÉVROPATHES

«La folie de l’empereur d’Annam, qui se manifestait par des accès de fureur et de cruauté dignes d’un. Néron, donne un intérêt d’actualité à l’article, consacré aux « Souverains névropathes », que publie le docteur Cabanès dans la « Chronique médicale ». En voici un extrait.

La maison royale d’Espagne, de 1449 à 1700, offre le frappant exemple d’une névropathie héréditaire qu’on peut suivre pendant un quart de siècle, sautant quelquefois une génération, se manifestant avec une intensité variable sous diverses formes, et finissant par amener l’extinction complète de la race. Cette tendance héréditaire fut encore renforcée par les mariages consanguins.

La maison d’Autriche, si souvent alliée à la maison d’Espagne, a présenté peu de membres aliénés, et se débarrassa finalement de l’hérédité nerveuse. Jean II de Castille, prince faible et imbécile, épousa Isabelle de Portugal, folle les dernières années de sa vie. Ferdinand, mari d’Isabelle la Catholique, mourut mélancolique en 1516. L’époux de Marie de Bourgogne, Maximilien d’Autriche, était un excentrique. La mère de Charles-Quint, Jeanne la Folle, considérée comme aliénée par le gouvernement espagnol, fut enfermée pendant cinquante ans dans le château de Tordecilles.

On connaît la singulière fantaisie de Charles-Quint assistant a ses propres funérailles dans le monastère de Saint-Just ; il en éprouva un si grand chagrin que son esprit « avait été touché », suivant l’aimable euphémisme de Balzac. La deuxième femme de Philippe II, Marie Tudor, fille de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, était une folle hystérique : elle était, suivant l’expression de Hume, « entêtée, superstitieuse, violente et cruelle. ».

Rudolphe II était un excentrique ; Philippe III, un aliéné ; Philippe IV, un faible d’esprit. Un des fils de ce dernier, Charles II, était à la fois imbécile et fou.

Frédéric-Guillaume, père de Frédéric le Grand, avait de véritables accès d’aliénation mentale. Il menaça plusieurs fois de mort ses propres enfants, dans des moments de brutalité sauvage que rien ne justifiait.

Dans la galerie des hommes célèbres morts de peur, figure le superstitieux Frédéric Ier. Le roi sommeillait un jour dans son fauteuil. Un bruit de pas le réveille brusquement, et il aperçoit devant lui sa femme, Louise de Mecklembourg, demi-nue, les bras et les mains ensanglantées. Frappé de terreur, il s’alita aussitôt, en déclarant à qui voulait l’entendre qu’il avait vu la Dame blanche, chargée d’annoncer leur dernière heure aux princes de sa famille. Il expirait six semaines après.

Cet article, est d’autant plus curieux qu’il est le premier qu’ait écrit le docteur Cabanès : il parut, voilà vingt, ans, dans une feuille médicale. Il prouve que, dès ses débuts, le distingué historien, »auquel notre collaborateur Paul Mathiex consacrait récemment un article, était passionné pour un genre d’études qui devaient avoir le plus grand succès et établir sa réputation.

— Rubrique « Lectures », La Presse, n° 5331, 10 janvier 1907.

12 octobre 2018

Une machine à lire innovante, simple et efficace en espace et en énergie

Classé dans : Arts et beaux-arts, Histoire, Livre, Peinture, dessin, Progrès — Miklos @ 22:44

Le Diverse et Artificiose Machine del Capitano Agostino Ramelli dal Ponte della Tresia. Ingeniero des Christianissimo Re di Francia et di pollonia. Nellequali si contengono uarij et industriosi Mouimenti, degni digrandissima Speculatione, per cauarne beneficio infinito in ogni sorte d’operatione ; Composte in lingua Italiana et Francese. A parigi in case del’autore, cõ priuilegio del Re. 1588. (source) Cliquer pour agrandir.

« Ceste cy est une belle & artificieuse machine, laquelle est fort vtile & commode à toute personne qui se delecte à l’estude, principalement à ceux qui sont mal dispos & subiects aux gouttes ; car auec ceste sorte de machine vn homme peut voir & lire une grãde quãtité de liures, sans se mouuoir d’vn lieu : outre, elle porte auec soy vne belle commodité, qui est de tenir & occuper peu de place, au lieu où on la met, comme tout homme d’entendement peut bien comprendre par son dessein. Ceste rouë est faicte auec l’artifice que on voit, à sçauoir, elle est construicte de telle maniere, qu’en mettãt les liures sur les tablettes, combien qu’on tourne la dicte rouë tout autour, iamais lesdits liures ne tomberont, ni se remueront du lieu où ils sont posés, ains demeurereont tousiours en vn mesme estat, & se representeront deuant le lecteur en la mesme maniere qu’ils ont esté mis sur les tablettes. Ceste rouë se peut faire grande & petite, selon la volonté de celuy qui la faict faire, obseruant toutesfois les proportions de chascune partie des artifices de ladicte rouë, comme il pourra fort bien faire, considerant diligemment toutes les parties de ceste petite rouë, & les autres artificies qui se voyent en icelle machine : lesquelles parties sont faictes par mesures & proportions. Et pour donner plus grande intelligence & cognoissance à vn chascun qui desirera faire mettre en œuure ladicte machine, i’ay mis icy à part & descouuert tous les artifices qui sont requis en telle machine, afin qu’vn chascun les puisse mieux comprendre, & s’en seruir à son besoin. »

6 août 2018

Quelle connerie la guerre

Classé dans : Histoire, Littérature — Miklos @ 0:26


Jacques Prévert, Barbara.
En arrière-plan, rue de Siam (Brest) – Destruction : vue d’ensemble. 1944 (source).
Cliquer pour agrandir.

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent commes des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

– Jacques Prévert

4 août 2018

Il y a de quoi hocher la tête…

Classé dans : Histoire — Miklos @ 12:31


François Gérard, Général Louis-Lazare Hoche, 1836.

Ce chapitre du Journal d’un bourgeois de Paris pendant la Terreur, d’Edmond Biré (né en 1829 à Luçon – en Vendée –, et donc bien après la révolution), éclaire curieusement le caractère d’un héros de la république, le général Hoche. On trouvera ensuite le texte intégral de la lettre dont il cite un passage, qu’on a trouvé dans l’Histoire parlementaire de la révolution française, ou, Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815.

Lazare Hoche

Mardi 14 mai.

Je vois encore de loin en loin Marie-Joseph Chénier. Il y a peu de jours, je l’ai rencontré aux Tuileries : il était avec un jeune homme d’environ vingt-cinq ans, dont la physionomie et la tournure m’ont frappé. C’est un ancien grenadier des gardes françaises, aujourd’hui aide de camp capitaine du général Leveneur, qui vient de prendre le commandement du camp de Maulde. Il porte encore la coiffure qu’il avait aux gardes françaises : des faces simples et presque plates, un petit toupet tombant, une queue nouée près de la tète1. Un coup de sabre reçu dans un duel, et dont la cicatrice s’étend du milieu du nez à l’extrémité du front, du côté droit, donne à ses traits un air martial qui s’harmonise d’ailleurs parfaitement avec sa haute taille et sa robuste constitution2. — « Nous ferons un général de ce jeune homme », m’a dit Chénier, et la prédiction pourrait bien se réaliser. Ou je me trompe fort, ou le jeune Hoche, — c’est son nom, — unit l’intelligence au courage. Sa parole brève, accentuée, son langage net et ferme, révèlent un homme supérieur. Lorsque le citoyen Hoche nous a eu quittés, Chénier m’en a longuement parlé : il ne tarissait pas d’éloges sur son ardeur au travail, sur sa passion pour l’état militaire, et sur les talents dont il a déjà fait preuve. Il paraît qu’il a été envoyé à Paris par son général pour éclairer le Conseil exécutif sur la véritable situation de l’armée. Avant de se présenter devant le Conseil, il a cru devoir se mettre en rapports avec quelques-uns des députés du département de Seine-et-Oise : de là entre Chénier et lui des relations journalières3.

Jeudi 16 mai.

Vivement impressionné par ma rencontre de mardi, j’aimais à parler à mes amis de l’aide de camp du général Leveneur. Je me plaisais à leur dire : « Retenez bien ce nom de Hoche, vous verrez que les journaux en retentiront quelque jour. » Pour un peu, je me serais fâché contre Beaulieu, qui se permettait de sourire de mon enthousiasme. Ce diable d’homme m’est venu voir ce malin, et, prenant son air le plus grave : « Je viens vous faire mes excuses, a-t-il dit; vous êtes meilleur prophète que vous ne le supposiez. Huit jours ne se sont pas écoulés, et voici que déjà le nom de votre héros est dans les journaux. Tenez », a-t-il ajouté, et il a jeté sur une table le Publiciste de la République française. — « Ah ! Ah ! cette feuille immonde a dénoncé mon héros, comme vous l’appelez. J’en suis fort aise pour lui. — Ce n’est pas tout à fait cela, reprit Beaulieu, lisez donc. » Je pris le journal de Marat, le numéro d’aujourd’hui; il contient une longue lettre adressée à l’Ami du peuple. Le signataire appelle Marat mon cher Ami du peupleIncorruptible défenseur des droits sacrés du peuple ! Il se vante d’avoir servi deux ans dans la garde nationale parisienne et d’avoir commandé l’avant-garde lorsqu’on fut chercher Capet à Versailles ; Hoche a en fait été nommé adjudant-général chef de bataillon employé à l’armée du Nord le 15 mai 1793, donc la veille du jour où aurait été écrit ce paragraphe du journal (fictif) de Biré…il réclame une place d’adjudant général, énumère avec complaisance ses droits à l’avancement, et, pour ajouter de nouveaux titres à ceux qu’il a déjà, il dénonce, dénonce, dénonce. Il dénonce Marolle et Brancas, qui viennent d’être nommés adjudants généraux ; il dénonce le colonel Virion, Noirod et Marnan, généraux de brigade ; il dénonce le général Ferrand…

Et au bas de toutes ces dénonciations, on lit : « Adieu, je vous embrasse fraternellement. HOCHE, rue du Cherche-Midi, n° 2944. »

Saisi de dégoût, je jetai loin de moi l’infâme journal. « Allons, me dit Beaulieu, ne passez pas d’un extrême à l’autre. Depuis son retour à Paris, le citoyen Hoche, je le sais de bonne source, est en relations suivies avec Marat5. Mais qu’y a-t-il d’étonnant à cela ? Puisque cet excellent jeune homme a des dénonciations à faire, n’est-il pas tout simple qu’il s’adresse à celui que Camille Desmoulins appelait déjà, en 1791, le Dénonciateur par excellence6 ? Puisqu’il veut obtenir de l’avancement, n’est-ce pas sage à lui de faire sa cour à lAmi du peuple ? Est-ce que ce dernier ne tient pas dans ses mains les destinées de la Convention, et n’est-ce pas lui qui demain fera et défera nos généraux ? Je conclus donc que le citoyen Hoche n’est point un maladroit et qu’il arrivera. — Libre à vous de plaisanter en un pareil sujet, ai-je répondu à Beaulieu. Pour moi, une telle conduite, de tels actes me révoltent et m’indignent. Il se peut que le citoyen Hoche arrive, en effet, qu’il commande nos armées et qu’il se couvre de gloire. Mais tout cela n’empêchera pas qu’un jour, — et à quel moment, grand Dieu ! — sa main a touché la main de Marat : vingt victoires n’effaceraient pas cette tache ! »

Lettre de Hoche à Marat

« Ami du peuple. — Est-il vrai ou faux que nous soyons régénérés ? Est-il vrai ou faux que les leçons que nous venons de recevoir puissent tourner à notre avantage, et que désormais nous réglerons notre conduite en songeant au passé ? S’il est vrai, nous ne verrons plus les traîtres, les fripons et les intrigans en place ; nos armées ne seront plus commandées par des hommes lâches, ignorans, cupides, ivrognes , et sans aucune aptitude à leur état ; nos chefs connaîtront leur devoir, se donneront la peine de voir leurs soldats, et s’entoureront de gens de l’art. Alors, ces hommes pouvant être respectés, la patrie va jouir d’une liberté indéfinie et d’un bonheur inappréciable.

Mais le bonheur et la liberté même nous fuiront sans cesse, si le conseil exécutif nomme toujours aux emplois vacans au hasard, et si l’intrigue obtient continuellement la préférence. Incorruptible défenseur des droits sacrés du peuple ! par qui venons-nous d’être trompés ? par des intrigans couverts d’un voile patriotique. Dumourier dut-il être jamais aristocrate ? Quel intérêt pouvait avoir Thouvenot en trahissant son pays ? Cet homme, naguère toiseur de cailloux, est parvenu au grade de général de brigade en six mois. Qu’était, au commencement de la guerre, Beurnonville, élevé au ministère, non par un roi, mais par la Convention nationale de France. Que les préventions cessent, et qu’une juste défiance les remplace ; aujourd’hui une foule d’intrigans et de suppôts de l’ancien régime déguisés, assiège le cabinet ministériel, et, parleur importunité, ces êtres bas et rampans obtiennent des places.

Voulez-vous que moi, soldat depuis mon enfance, je puisse croire que notre régénération ne soit pas un mot ? Verrais-je ce même homme, ce Virion chargé par Dumourier d’arrêter son général, recevoir, pour prix de son obéissance aux ordres d’un traître, le grade de colonel de gendarmerie ? Verrais-je accorder à Marolle, parent et ami de Valence, celui d’adjudant-général ? A peine ferait-il un caporal passable. Sommes-nous donc revenus au temps où la noblesse, où la parenté d’un général dispensaient de mérite ? Mais poursuivez, vous verrez si les patriotes qui ont, les premiers, abandonné Dumourier, et qui, par leur exemple, ont rallié l’armée aux drapeaux de la République, ont été oubliés ou récompensés. Le citoyen Noirod , adjudant-général, fut chargé, dans ces derniers temps, de la police de Saint-Amand par Dumourier; il y souffrit l’arrestation de plusieurs patriotes qu’il eût pu empêcher : d’ailleurs, il eût eu Dumourier entre les mains après l’arrestation des commissaires de la Convention ; il est maintenant général de brigade.

Marnan, colonel de dragons, ne chargea point le 22 mars, quoiqu’il en reçut l’ordre deux fois : loin de l’exécuter, il s’en fut sur la route de Bruxelles, et dépassa la colonne d’infanterie ; il fut trouvé là par Dumourier, qui lui en fit des reproches ; cette faute coûta six cents hommes à la République. Ce monsieur est général de brigade.

Une personne digne de foi m’assure avoir eu et vu entre les mains d’un défenseur officieux l’ordre écrit et signé par Ferrand, général de brigade, d’arrêter les commissaires de la Convention ; cet ordre a dû être adressé au citoyen l’Écuyer : Ferrand est à la tête des armées de la République.

Des jeunes gens de quinze mois de service, tels que Brancas et autres, ont été faits adjudants-généraux au détriment d’anciens et expérimentés militaires ; mais puissent ceux que je cite être les pis ! Il semble que la place d’adjudant-général convienne à tous ces hommes, danseurs, souteneurs de tripots, etc., etc. O France ! ô ma patrie ! quels sont tes défenseurs ?

Depuis mon enfance je sers la patrie, par goût et par devoir : depuis dix années, je n’ai négligé aucune occasion de m’instruire sur toutes les parties de mon état. Enfin, parvenu au grade de capitaine à force de travail, en vrai républicain, je demande, au terme de la loi, une place d’adjudant-général ; mes droits pour l’obtenir sont d’avoir servi deux années au régiment des gardes françaises ; deux ans dans la garde nationale parisienne (je commandais l’avant-garde lorsqu’on fut chercher Capet à Versailles) ; enfin, j’entrai dans les troupes de ligne, où je fus adjudant, et peu après lieutenant, faisant souvent le service d’adjudant-major. Depuis la guerre, j’ai fait le service d’adjudant à l’état-major, sans avoir demandé aucune restitution. J’eus le bonheur de sauver les munitions de guerre des lignes devant Vick, à Maastricht. Pendant le mois de mars, je ralliai et menai au feu plusieurs bataillons ; maintenant, et depuis long-temps, je remplis les fonctions d’aide-de-camp d’un général : mon seul titre est d’être patriote.

Dites-moi présentement, mon cher Ami du peuple, si (c’est ainsi que veut nous le persuader le conseil exécutif) on ne peut réclamer contre l’injustice, quoiqu’étant à Paris. Le général Leveneur, dont vous connaissez l’aventure, vient de recevoir l’ordre de se rendre à l’armée pour commander sous un fort brave homme, à la vérité, mais qui était colonel alors que lui était déjà général de division. Le général Leveneur, tout en obéissant, propose à ses concitoyens de vouloir bien répondre à ce dilemme : ou il jouit de la confiance, ou il ne la possède pas. Dans le premier cas, il doit prendre son rang, il lui est dû ; dans le second, il ne doit point être employé. J’ose pourtant vous répondre que, s’il existe trois généraux patriotes, il en est un. Son seul défaut est de ne point envoyer de courriers pour faire savoir que trente hommes en ont battu vingt-quatre, qu’on a tué deux chevaux ou :fait un prisonnier : il a la maladresse de dire qu’un courrier coûte 300 liv. à l’état…

Adieu, je vous embrasse fraternellement. — Hoche, rue du Cherche-Midi, n. 294.


Eugène Sue, Les Mystères du Peuple.

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1. Vie de Lazare Hoche, par Alexandre Rousselin, t. I. p. 45.

2. Op. cit., p. 41.

3. Lazare Hoche était né à Montreuil, faubourg de Versailles, le 24 juin 1768. — Marie-Joseph Chénier était député de Seine-et-Oise.

4. Le Publiciste de la République française, ou Observations aux Français, par l’Ami du peuple, auteur de plusieurs ouvrages patriotiques, n° 194. Jeudi 16 mai 1793.

5. Rousselin, op. cit., t. I., p. 54.

6. Histoire politique et littéraire de la Presse en France, par Eugène Hatin, t. VI, p. 98.

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