Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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30 août 2008

Décalages horaires classiques

Classé dans : Actualité, Musique — Miklos @ 16:27

Paris, le 30 août à 15h09 (Soleil en Vierge, nouvelle Lune en Vierge à 19h59 GMT. Entrée de Vénus dans le signe de la Balance à 14h42 GMT). Radio Classique zappe sur des œuvres en en diffusant un mouvement ici, un autre là. On aimerait savoir ce qui venait de passer à l’antenne, on avait l’oreille ailleurs lors de l’annonce qui avait précédé…

On se rend vaillamment sur le site de la station à la page consacrée à l’émission en cours, Votre été en musique. On est surpris d’y voir affiché « tous les jours de 14h à 16h, deux heures de musique sans parole ». On avait pourtant ouï des paroles ; on n’avait pas écouté, c’est tout… mais ce n’est qu’un détail. Un autre : la description de cette émission quotidienne indique « prochaine émission : 04 septembre 2008, » mais on en est à cinq jours (est-ce dû au fait que le 03, veille de la prochaine émission, soit l’inverse du quantième de ce jourd’hui ?).

Qu’importe. On voit défiler à droite l’intitulé du débris morceau actuellement diffusé, et l’on demande à voir la playlist. Là, l’émission est nommée Plage de la musique, prétend être diffusée « tous les jours de 16h à 18h » (il n’était alors que 15h15), et sa programmation musicale indique qu’elle commence à 15h00 et se termine à 17h00… On est interloqué.

Rien n’est perdu, il existe une rubrique Rechercher un morceau. Mais voilà que celle-ci affirme que Votre été en musique (l’émission quotidienne de 14h à 16h dont la prochaine est dans cinq jours) est passée de 13h à 15h, ce que confirme la grille des programmes. Vous suivez ?

Si vous êtes totalement perdu dans ce savant jeu de pistes, vous pourrez donner votre langue au chat en appelant le numéro diffusé régulièrement pour demander vraiment ce qui (se) passe, à 34 centimes d’euros la minute.

On aurait dû se méfier, l’horoscope du jour annonçait « Vous ne vous y attendrez probablement pas, mais l’influence de vos lointains ancêtres remontant au Moyen Âge pèsera sur vous aujourd’hui. Vous aurez la nette impression d’être en train de dérailler [c’est le cas, mais est-ce nous ou eux ?]. Vous trouverez le monde actuel intolérable. Vous pencherez de plus en plus vers la contestation ; vous vous complairiez bien dans la marginalité ; vous ne trouverez dans les valeurs établies que mesquinerie, petitesse et hypocrisie. Bref, le spectacle de la vie pourrait vous donner la nausée. Mais rassurez-vous ! Ce ne sera qu’un mauvais moment à passer. » Ouf !

29 août 2008

Mégapoles

Classé dans : Architecture, Littérature, Peinture, dessin — Miklos @ 1:17

« Et de partout on vient vers elle,
Les uns des bourgs et les autres des champs,
Depuis toujours, du fond des loins ;
Et les routes éternelles sont les témoins
De ces marches, à travers temps,
Qui se rythment comme le sang
Et s’avivent, continuelles. »

— Emile Verharen, « L’âme de la ville », in
Les villes tentaculaires.

« . . .et c’est ainsi que se sont écroulés les derniers monuments de l’obscure cité. »
— Francis Wey, « La Chaconne d’Amadis », in Musée des familles : lectures du soir, 1858-1859.

Les grandes villes contemporaines sont fort différentes du modèle de la cité idéale de la Renaissance, celui d’un corps harmonieux : elles s’étendent à perte de vue à la surface de la terre et vers les cieux et s’y développent sans contrôle, métastases de la civilisation. Il y a eu, dans l’Antiquité et le Moyen-Âge, des mégapoles (toutes proportions gardées) : méditerranéennes, mais aussi mésopotamiennes ou chinoises1. Pierre Gros écrit :

« Qu’est-ce qu’une très grande ville pour les Anciens ? Si nous nous en tenons aux aspects extérieurs du phénomène, c’est d’abord un espace urbanisé qui apparaît aux yeux de l’observateur comme exceptionnellement vaste par rapport à la norme. L’étonnement d’Engels, dans les années 1842-1844, lorsque, débarquant de son Allemagne natale, il découvre Londres, est de ce point de vue exemplaire des réactions du visiteur de la mégapole, qu’il soit moderne ou ancien :

“Les rues de Londres, dit-il, sont telles qu’on peut y marcher pendant des heures sans entrevoir seulement le début de leur fin…”

Cette constatation mêlée d’admiration est le reflet exact de celle qu’Achille Tatius prête aux héros de son roman Leucippé et Clitophon lorsqu’ils arrivent à Alexandrie :

“Entre les deux colonnades s’étend la plaine où est construite la ville, et la traversée de cette plaine est longue, c’est tout un voyage sans sortir d’un même lieu.”

Une mégapole, c’est ensuite une population considérée comme énorme. Là encore, Achille Tatius définit remarquablement le phénomène, toujours à propos d’Alexandrie :

“Car la ville était plus grande que tout un continent et le nombre des habitants plus grand que tout un peuple. Et si je considérais la ville – dit Clitophone – je pensais que jamais il n’y aurait assez d’habitants pour la remplir tout entière, mais lorsque je regardais les habitants, je me demandais avec stupeur s’il y aurait une ville capable de les contenir.”

Une mégapole, c’est enfin une série de structures mo­nu­mentales qui dépas­sent la norme : il suffit de rappeler les 86 km de tour qu’Hérodote prête, du reste abu­si­vement, à la Babylone du Ve siècle av. J.-C., ou la description que Strabon présente du Champ de Mars, considéré dans la Rome d’Auguste comme l’espace le plus majes­tueux par le nombre, l’ampleur et l’harmonieuse disposition de ses monuments. » (« La construction d’un espace médi­ter­ranéen et les premières mégapoles (VIIIe siècle av. J-C. – VI2 siècle ap. J.-C.), in Mégapoles méditerranéennes : géographie urbaine rétrospective, Claude Nicolet, ed., Maisonneuve & Larose, 2000)

C’est aussi la « ville concentrationnaire » que décrit J.G. Ballard dans sa nouvelle éponyme, une ville sans fin, des dizaines de millions de rues, des milliers de niveaux, une ville dont la fondation est un mythe car elle a toujours existé, un univers dans l’univers que l’on parcourt sans jamais arriver ailleurs qu’au point de départ de son périple, au moment du départ :

« Noon talk on Millionth Street:

“Sorry, these are the West millions. You want 9775335th East. . . .”

“Take a westbound express to 495th Avenue, cross over to a Redline elevator and go up a thousand levels to Plaza Terminal. Carry on south from there and you’ll find it between 568th Avenue and 422nd Street. . . .” »

“Have you seen these new intercity sleepers? Takes only ten minutes to go up three thousand levels!”

Ce sont ces « villes tentaculaires2 » qu’illustre magnifiquement Les Cités obscures, série de bandes dessinées de François Schuiten et Benoît Peeters. Les perspectives vertigineuses sur les paysages des villes qu’ils ont créées – bâtiments immenses à l’architecture fantasmagorique surplombants de petites maisons désuètes, routes lancées comme des rubans dans les airs — on pense évidemment à Metropolis de Fritz Lang —, labyrinthes stupéfiants d’où on ne peut finalement s’échapper (ce monde-là, comme le nôtre, ne serait-il pas aussi celui d’Escher ?) – sont à couper le souffle et fascinent par leur beauté inhumaine : qui aimerait y vivre ? L’homme y est si petit… C’est cette aliénation qu’exprime Scott Bukatman dans son analyse de l’œuvre de Ballard3 : “The cities, jungles, highways, and suburbs of Ballard’s fiction are relentlessly claustrophobic, yet empty; spectacular, but not seductive; relentlessly meaningful yet resistant to logic. The repetition and obsessiveness of these works suspends temporality while it shrinks space. His characters are without ego, and they become only a part of the landscape, and the landscape becomes a schizophrenic projection of a de-psychologized, but fully colonized, consciouness. As in melodrama or surrealism, everything becomes at once objective and subjective.” Et pourtant, la ville a toujours attiré et continue inexorablement à le faire : en 2008, plus de la moitié de la population du globe vivrait en milieu urbain (Journée mondiale de la population 2007).

Schuiten et Peeters ne sont pas partis de rien. À propos de Xhystos, l’une de leurs villes imaginaires, ils écrivent :

Pour Xhystos, l’art nouveau s’imposa presque instantanément. Pas l’art nouveau réel, celui que Victor Horta et quelques autres inventèrent à la fin du siècle dernier : ce style n’eut pas le temps de se développer. . . . L’art nouveau dont serait fait Xhystos aurait eu, lui, la chance de s’imposer, d’étendre à une ville entière ses arabesques et ses rondeurs.

Partant de quelques bâtiments que nous connaissions, mais aussi des plans de villes futures dessinées par les architectes 1900, nous avons essayé de concevoir Xhystos jusque dans ses moindres détails, imaginant ce qu’aurait pu devenir un Bruxelles entièrement réinventé par quelqu’un comme Horta. . . .

Un style comme celui là, dont on imagine sans peine à quel point il serait invivable dans la réalité (…), s’avérait constituer, pour une histoire, un cadre particulièrement excitant. Tout de suite, nous pouvions imaginer le système politique de la ville, son climat, le mode de vie de ses habitants. » (Les Murailles de Samaris, Casterman)

Il est sans doute plus simple de créer une ville entière sur le papier que sur le terrain – on pense évidemment à Brasília (qui est, soit dit en passant, bien plus impressionnante sur le papier que dans la réalité, où l’on ne la perçoit pas dans sa totalité) – mais Schuiten et Peeters sont aussi des scénaristes de réalisations « concrètes » : qui ne connaît la station de métro Arts et Métiers, « Nautilus souterrain ou gigantesque Fardier de Cugnot [où] les rames de métro deviennent des pistons, animant le mécanisme à intervalles réguliers » ?

Le très beau livre Voyages en Utopie (Casterman, 2000) décrit leurs captivants projets : plans, esquisses, illustrations, et, dans le cas où ils ont été réalisés, quelques photos. Cette présentation est particulièrement intéressante : le dessin permet d’offrir des perspectives et des angles de vue stupéfiants qui dramatisent le décor (« ce type de dessin génère une forme d’émotion difficilement reproductible », écrivent-ils) ; là, il s’agissait de planifier une réalisation concrète, qui serait vue par des visiteurs les pieds sur terre… On ne peut qu’admirer les plans (non réalisés) pour la chapelle des Arts et Métiers, qui comprenait une passerelle entièrement autoportante, ceux de l’exposition-spectacle Musée des ombres (projet partiellement réalisé, et dont le Livre géant n’est pas sans rappeler Le Grand livre de la véritable histoire de France de la compagnie Royal de Luxe) ou du Mundaneum, extraordinaire invention de deux juristes belges à la fin du XIXe siècle, Paul Otlet et Henri La Fontaine (lauréat du prix Nobel de la paix en 1913), visant « à rassembler l’ensemble des connaissances du monde et à les classer selon le système de Classification décimale universelle » encore en usage aujourd’hui en bibliothèque.

Schuiten et Peeters ont la chance de pouvoir créer tout le paysage urbain – et au-delà – dans lequel s’inscrit chacun des bâtiments qu’ils imaginent. Ce n’est en général pas le cas pour les architectes de métier chargés d’inventer un bâtiment, ou parfois un quartier, destiné à s’inscrire dans un tissu urbain donné (à l’exception d’un Niemeyer auquel il a été donné de créer une ville).

L’exposition, fort intéressante, consacrée actuellement à l’architecte Dominique Perrault au Centre Pompidou montre, à l’instar de l’ouvrage dont nous parlons plus haut, ses plans – mais aussi ses maquettes et des vidéos – pour des projets, pour certains réalisés, pour d’autres non. Les bâtiments bas semblent mieux s’inscrire dans le paysage : le complexe sportif polyfonctionnel à Madrid, la restructuration de la station de train Garibaldi et de la place attenante à Naples (même si elle rappelle trop d’autres gares qu’on connaît), un hôtel à Tenerife (même si on se demande comment les pompiers accéderaient aux fenêtres en cas de besoin) ou la fondation Pinault à Paris. Quant à ses tours, elles sont soit (trop) minimalistes, à l’instar de celles de la Bibliothèque nationale de France, soit originales (hôtels Esperia et Habitat en Espagne ou les tours penchés de l’hôtel Fiera, non pas à Pise mais à Milan), mais paraissent souvent étrangères à l’endroit où elles sont plantées.

On en ressort avec la vague impression que l’architecture contemporaine ne reflète plus tant un lieu, un pays ou une culture qu’une signature, et que, maintenant comme avant, il y des modes ou des « gestes » que l’on retrouve partout : bâtiments voilés, emballés ou sous résille et d’apparence déstructurée, grandes murailles vitrées (et les économies d’énergies dans tout ça ?) et infrastructures métalliques légères… On aime ou on n’aime pas, c’est une affaire de goût. Et on serait curieux de savoir laquelle de ces réalisations passera l’épreuve du temps et acquerra le statut de chef d’œuvre de l’architecture. Entre temps, on se délectera des Voyages en Utopie.


1 L’ancienne ville de Chang’an (actuellement Xi’an) devait déjà compter plus d’un million d’habitants durant la dynastie Tang (VIIe – X1 s.) dont elle était la capitale : « During the Tang dynasty, the city’s population may have reached one million people, with some five hundred thousand inside the city walls and as many outside . . . Changan was a large city, with the outer walls stretching 9.5 km (5.92mi) long along the east-west axis and 8.4km (5.2mi). Five meters (5 yards) high, these walls were made of pounded earth covered with bricks; they formed a perfect rectangle. » (Valerie Hansen, The Open Empire: A History of China to 1600, p. 203. Selon The Encyclopedia of World History (Peter N. Stearns, ed., 6e ed.), c’était la plus grande ville du monde à l’époque.
2 Titre d’un recueil de poèmes (1895) du belge Émile Verharen (1855-1916), à propos duquel Stefan Zweig a dit : « . . . un novateur, un de ces hommes dont la destinée est de donner une poétique réponse à ces questions nouvelles que pose notre temps », dans lequel il décrit, à l’instar de Jules Verne dans Les Cinq cents millions de la Bégum (1879), ce nouveau monde enfanté par la révolution industrielle.
3 Scott Bukatman: “J. G. Ballard and the Mediascape”, in Terminal Identity: The Virtual Subject in Post-modern Science Fiction, Duke University Press, 1993.

27 août 2008

Les références du Monde

Classé dans : Actualité, Musique — Miklos @ 22:39

« Bon navet se sème en juillet. » — Dicton populaire.

Florence Foster Jenkins doit sa notoriété à avoir été le parangon de la cantatrice désaccordée et désinhibée : aux antipodes de la planète de ceux qui prétendent à l’oreille absolue, elle chantait absolument faux, et – ce qui la distingue de tous les autres amateurs du même acabit – avait les moyens de le faire en public, et pas n’importe où : elle arriva même à donner un récital à Carnegie Hall. Le disque The Glory (???) of the Human Voice, disponible depuis de longues années, a préservé la trace de son interprétation si particulière d’une dizaine d’arias. Peut-on vraiment l’écouter entièrement, et plus encore le réécouter ? pour une oreille musicale, c’est atroce, et pour tous, c’est le comble de la dérision. Autrement dit, l’antithèse de l’humour. « Avant l’apparition de l’humour, on riait sans vergogne des handicaps », dit Alain Finkielkraut lors d’un entretien publié dans le Magazine Littéraire de cet été consacré à « L’humour, cette insoutenable légèreté des lettres ». Il ajoute : « La France d’aujourd’hui (…) ne veut plus Perceval, mais Jacquouille. . . . Le rire qui revient actuellement, c’est précisément tout ce que l’humour a su congédier et qui fait retour aujourd’hui par une forme de spirale, pour le liquider sous ses sarcasmes satisfaits. . . . Ce rire-là n’est pas solitaire : il est malgré tout une variante du lynchage. Il est le rire de tous ceux qui se regroupent pour se moquer de ce qui ne leur ressemble pas »

Il n’est donc pas très surprenant qu’un récent DVD soit consacré à Jenkins. Il se vendra bien : il est dans l’air du temps, et surtout, Le Monde lui consacre un article (25.8.2008), bien qu’il soit, selon le critique, « un peu ennuyeux dans sa forme et son récit ». Pourquoi alors en parler, est-ce du fait que l’on soit encore en été, saison des navets ?

Mais il n’y a pas que le choix du sujet qui nous interpelle à la lecture de l’article. Il commence ainsi :

On ne peut faire mieux que Wikipedia, l’encyclopédie d’Internet, pour présenter l’une des chanteuses lyriques les plus célèbres du XXe siècle : « Florence Foster Jenkins (1868-1944) était une soprano américaine, célèbre pour son incapacité totale à chanter correctement. »

Si le terme « l’encyclopédie d’Internet » est curieux (« Internet » devenu un label de marque reconnue, à l’instar de « l’encyclopédie Britannica » ou de « l’encyclopédie Larousse »), ce qui l’est encore plus est ce en quoi cette citation varie de l’original malgré les guillemets : la WP française écrit : « Florence Foster Jenkins (26 novembre 1868 – 1944) est une soprano américaine. . . . », tandis que la WP anglaise annonce : « Florence Foster Jenkins (July 19, 1868–November 26, 1944) was an American soprano. . . . », comme le font d’ailleurs toutes les autres versions, de l’allemand au suédois : le 26 novembre est le jour de son décès, non pas celui de sa naissance. Le reste de l’article que consacre la WP française à Jenkins sonne, mutatis mutandis, aussi mal que les arias de la dame en question : il est patent que c’est une traduction littérale et laborieuse de la version anglaise qui en conserve les tournures tout en y rajoutant des faux amis (interview traduit par entrevue et non pas par entretien, etc.).

On est aussi étonné que l’encart consacré aux « chanteurs de série B ou C » dans cet article du Monde ne mentionne pas la géniale soprano Cathy Berberian, à la voix agile et polymorphe – de Monteverdi à Stravinsky et Berio (son mari, pendant un temps), aux Beatles et aux BD (Stripsody que l’on peut écouter sur le site qui lui est consacré), via les chansons populaires italiennes, Debussy ou Kurt Weill – qui a parodié Jenkins en interprétant à sa façon l’aria Nymphs and Shepherds de Purcell avec un brio extraordinaire. Berberian avait un tempérament solaire et joyeux, ainsi qu’une grande intelligence musicale : il est donc d’autant plus remarquable qu’elle ait pu chanter intentionnellement faux, et avec une telle exubérance. Du grand art. On ne pourra que conseiller à ceux en mal de musique et d’humour d’acheter le CD magnifiCathy – the many voices of Cathy Berberian.

17 août 2008

Life in Hell : Jeff et Akbar fêtent ça

Classé dans : Cuisine, Loisirs — Miklos @ 22:47

Jour de fête. Jeff et Akbar décident de fêter ça.
— « On va au resto ? », propose Akbar.
— « Lequel ?
— Celui que tu proposes.
— Comme tu veux.
— Je te laisse choisir. »

Après de nombreuses variations sur ce thème, Jeff s’aventure :
— « On ne va pas tout de même… On essaie La Mosaïque ?
— Volontiers !
— Tu les appelles ? »

Akbar obtempère. Aucun des trois numéros que l’annuaire propose ne répond. Vingt minutes plus tard, il demande à Jeff :
— « On fait quoi ?
— On essaie d’y aller une dernière fois… ?
— Pourquoi pas… au moins, s’ils nous reconnaissent et nous jettent les plats à la figure ou les font tomber dans le giron, on ne se brûlera pas…
— Tu prendras des notes ? »

Il ne leur est même pas nécessaire de préciser où. Le lieu est presque vide, comme la dernière fois. Mais la différence est cardinale, ils se croiraient ailleurs : une table confortable hors du passage, un service efficace et surtout : les tartes sont chaudes et savoureuses, comme ils l’avaient toujours rêvé, et le vin est frappé. Un vrai jour de fête !

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

Le bibliothécaire idéal

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 20:13

La branche française du service de vente en ligne Amazon utilise probablement des logiciels pour classifier automatiquement les tonnes de titres qu’elle référence, ce qui doit lui permettre de les traiter plus rapidement. Mais mieux qu’un bibliothécaire de chair, de sang et de sueur ? On en douterait parfois. Ainsi, ils ont choisi de ranger d’office les livres comprenant le mot Sabbat dans la catégorie Religions et spiritualités > Judaïsme > Fêtes et traditions. À première vue, cela semblerait logique, mais quand on constate le résultat, ça va du pitoyable au cocasse. Voici quelques-uns des titres que l’on peut y trouver en vrac :
— Le Sabbat des caresses, ou les Plaisirs de la nuit / Maurice Dekobra (plus connu pour sa Madone des Sleepings).
— Les enfants du sabbat / Anne Hébert (roman fantastique dans un couvent au Québec).
— Saut-Sabbat / Patrick Fischer-Naudin (roman d’aventure écologique qui se passe à Saut-Sabbat au Surinam).
— Les enfants du sabbat / Frédéric Bouglé (cycle d’expositions sur la jeune création, initié par le Creux de l’enfer en 2001).
— La Reine du sabbat / Gaston Leroux (l’auteur du Fantôme de l’Opéra serait surpris de voir ses romans ainsi catégorisés).
— Les Hanteurs du Sabbat / Pierre Balin (roman écrit en 1892 et qui se passe dans l’ouest lyonnais au XIIIe s.).
— Partition de la Symphonie fantastique, op. 14 – 5e mouvement : Songe d’une nuit de sabbat / Hector Berlioz.
— Miracles et sabbats. Journal du père Maunoir. Missions en Bretagne 1631-1650.
— Rites et sabbats en Normandie / Georges Bertin.
— Sabbat, juges et sorciers, quatre siècles de superstitions dans la France de l’est / Jean Vartier.
— Le sabbat des lucioles : sorcellerie, chamanisme et imaginaire cannibale en Nouvelle-Guinée / Pierre Lemonnier.
— Le sabbat des sorciers en Europe : XVe-XVIIIe siècle.

… et bien d’autres. Si le terme sabbat provient de l’hébreu (dérivé du verbe signifiant « arrêter de travailler », voire « faire grève » et y dénotant le septième jour de la semaine, jour de repos), il a acquis en français d’autres sens détachés du judaïsme, d’abord ésotériques1 puis plus communs2 du fait de « l’interprétation malveillante du sabbat juif faite par les chrétiens » (TLF). Toute personne sachant lire ne ferait pas l’erreur de classer les œuvres ci-dessus dans la catégorie Fêtes et traditions juives sans avoir même besoin d’en connaître le contenu. Le logiciel d’Amazon, lui, ferait bien piètre concurrence au bibliothécaire moyen.

C’est aussi le cas pour le service de livres en ligne de Google. Ainsi, on y voit les actes d’une conférence consacrée aux réseaux de Petri en 2000 indiqués comme ayant été publiés en 1825 – ce qui relève plus de la science fiction que de la science ; un livre sur le langage informatique Python avec, pour mots clé Enola Gay, clopes, nazisme, orgasme, boxe thaï, cyclothymie… ce qui ne manque pas de piquant et démontre bien la cyclothymie du service. Enfin, puisqu’on effleure la médecine, un livre d’introduction aux statistiques, Statistics for People Who (Think They) Hate Statistics classé dans la rubrique Alternative medicine. Il est vrai que ce dernier ouvrage vise à libérer d’une phobie, mais alors il se serait mieux retrouvé dans la rubrique Psychoanalysis. Ou plus simplement Mathematics.

Bibliothécaires, n’ayez pas peur ! Ce n’est pas demain la veille qu’on se passera de vos services.


1 « Assemblée nocturne de sorciers et de sorcières, tenue dans un lieu désert souvent élevé, dans laquelle le culte rendu au diable, les danses et les orgies rappellent ceux de l’antiquité païenne ; pratiques auxquelles on s’y livre » (TLF).
2 « Réunion bruyante, licencieuse ; orgie. . . . Agitation désordonnée et bruyante ; vacarme. » (TLF)

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