Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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21 juin 2011

Fête de la musique

Classé dans : Littérature, Musique, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 0:01

« La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence. » (Miles Davis)

« Du silence naît tout ce qui vit et dure ; car c’est le silence qui nous relie à l’univers, à l’infini, il est la racine de l’existence et par là l’équilibre de la vie. » (Yehudi Menuhin)

« L’art véritable n’a que faire de proclamations et s’accomplit dans le silence. » (Marcel Proust)

« Ô privilège du génie ! Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. » (Sacha Guitry)

« Quelle musique, le silence ! » (Jean Anouilh)

16 juin 2011

L’homme à l’oreille cassée

Classé dans : Littérature, Peinture, dessin — Miklos @ 11:42

Après l’homme au nez cassé, il n’est que justice d’évoquer son pendant. Il ne s’agit pas d’une oreille coupée (à l’instar de celle d’un serviteur du Grand Prêtre tranchée par Saint Pierre ou du lobe que Van Gogh s’était coupé après avoir empêché Gauguin de le lui faire) ni d’ailleurs de fricassée d’oreilles (à l’instar de celle que fit en 1562 un soldat du maréchal de Saint-André à la suite des combats entre protestants et catholiques à Poitiers). On pense tout de suite à ce célèbre fétiche arumbaya volé au musée ethno­graphique. Pour ceux qui ignorent encore qui sont les Arumbayas, la notice du musée précise : « La tribu des Arumbayas habite le long du fleuve Badurayal, sur le territoire de la république de San Theodoros (Amérique du sud) ». Tintin s’évertuera à retrouver l’objet au cours de rocambolesques aventures qui le mèneront en paquebot (on prenait son temps, en 1937) à Las Dopicos (capitale de San Theodoros, faut-il le préciser ?), où il est immédiatement emprisonné puis mené devant un peloton d’exécution auquel il échappe de justesse pour devenir colonel aide-de-camp du général Alcazar, puis réintègre derechef une prison d’où il s’enfuit aussi sec pour passer à la nage à Sanfacion (le pays voisin), est accueilli par le bonasse Don José Trujillo, s’enfonce dans la jungle où il rencontre au détour d’un sentier le ventriloque explorateur Ridgewell, est attaqué et fait prisonnier par les Bibaros (ennemis jurés des Arumbayas)… Palpitant.

L’homme à l’oreille cassée est le titre d’un roman d’Edmont About publié en 1862. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu, on lira ci-dessous ce qu’en dit le Musée des familles : lectures du soir de 1864-1865. Cet article – dont le sommaire en exergue est déjà tout un programme et la conclusion pleine de bon sens – dissèque (c’est le cas de le dire) l’utopie de l’immortalité, via la prolongation de la vie par l’endormissement (hypnose, léthargie, momification, cryogénie…), dont About est loin d’avoir été le premier ni le dernier à avoir exploité le filon (on pense par exemple à Rip Van Winkle dans la nouvelle éponyme de Washington Irving publiée en 1819, à La Nuit des temps de René Barjavel en 1968, au film Dans les griffes de la momie de John Gilling et à tous les morts-vivants qui peuplent la littérature). Les usages en sont infinis : échapper aux créanciers ou à sa femme acariâtre, suivre les progrès de l’humanité de siècle en siècle… Et pour ceux qui liront attentivement l’article, ils y découvriront l’utilité des fausses dents.

La vie intermittente

L’Homme à l’oreille cassée. — Les conserves humaines. — La mort pour rire ou la vie intermittente — Une quasi-immortalité. — Conséquences hypothétiques. — Le revers de la médaille. — Une compagnie d’endormeurs et de réveilleurs-jurés. — Point de vue sérieux. — Le sommeil léthargique à longue période. — Observations de M. le docteur Blandet.— Le magnétisme et l’hypnotisme. — Une mystification scientifique. — Le serpent du docteur Grusselback. — Si le froid conserve ? — Délicatesse de l’organisme humain. — Conclusion.

Vous avez lu peut-être le roman de M. Edmond About, — une de ses erreurs, à mon sens, — l’Homme à l’oreille cassée. Cet homme, officier de cavalerie, fait prisonnier par les Russes sons le premier empire, est tombé entre les mains d’un savant docteur qui s’est avisé de le prendre pour sujet d’une grande expérience : Experimentum faciamus in anima vili. — Il l’a endormi, engourdi, desséché et mis en boîte comme une conserve de Morel Fatio et Cie. Cinquante ans après, je ne sais plus comment, cet homme-momie est expédié à un sien neveu, dont la femme s’éprend pour lui d’une tendresse enthousiaste, bien qu’il soit passablement rabougri, et de plus endommagé, car, dans le transport, une de ses oreilles a été écornée. Le neveu, qui est chimiste, entreprend de ressusciter l’ancien dragon. Il le place dans une étuve, où il fait arriver quantité de vapeur d’eau. La chaleur et l’humidité, pénétrant, les tissus, rendent aux membres et aux organes du faux trépassé leur vigueur et leur ressort. Bref, au bout de quelques heures, le défunt ressuscite avec l’âge, les idées, les notions qu’il avait un demi-siècle plus tôt, et se remet à vivre comme une personne naturelle. Je vous fais grâce de ses aventures.

Assurément, il n’est pas un lecteur de bon sens qui ait pu voir dans celle histoire autre chose qu’un conte fantastique, et qui ait cru un seul instant à la réalité de cette sorte de conserve humaine que M. About a prise pour son héros !

Voici pourtant que des écrivains sérieux, ou se croyant tels, annoncent la découverte d’un procédé qui permettrait d’endormir les gens, de les tuer — pour rire, — de les conserver, dans cet état de léthargie, à l’abri de la mort et de la vieillesse, puis de les réveiller un beau jour et de les laisser vivre encore un certain nombre d’années, sauf à les tuer de nouveau, — toujours pour rire,— et à les ressusciter derechef, et ainsi de suite, indéfiniment ! Ainsi Perrault, qui croyait faire un conte en écrivant la Belle au bois dormant, et M. About, qui se proposait simplement d’amuser son monde en publiant l’Homme à l’oreille cassée, auraient été les précurseurs, les prophètes sans le savoir de la plus étonnante de toutes les conquêtes de la science ! Pauvres mortels que nous sommes, il ne tiendrait qu’à nous désormais de devenir quasi immortels, de dépenser ou d’épargner à notre gré ce mince capital qu’on nomme la vie, et dont nous nous sommes montrés jusqu’à présent si sottement prodigues ! M. Flourens, qui promet cent ou cent cinquante ans d’existence à ceux qui voudront suivre ses préceptes et l’exemple fameux du sobre Cornaro, — M. Flourens est dépassé de loin. Ce n’est plus une seule vie d’un siècle qu’on nous offre, c’est une suite de vies distribuées dans un intervalle quelconque : vingt ans, par exemple, à notre époque, puis dix ou quinze ans au milieu du vingtième siècle, autant au vingt et unième, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’enfin, dans une demi-douzaine de siècles, on meure pour tout de bon.

Il faut avouer que la perspective est séduisante. Non seulement celle faculté de passer ad libitum de vie à trépas, et réciproquement, nous permettrait de suivre de siècle en siècle les vicissitudes des empires et les progrès de l’humanité ; mais quelle admirable ressource pour échapper aux ennuis de toute espèce qui gâtent le peu de bonheur dont nous pouvons jouir ! Vos créanciers vous tourmentent : vous vous faites léthargiser (il faudra adopter ce mot, ou tout autre équivalent, pour désigner le nouveau procédé), et quand les créanciers reviennent, votre bonne leur répond : « Monsieur est mort — pour le moment — ; repassez en 1965. » Vous êtes négociant ou banquier ; vos affaires vont mal. En suspendant vos payements vous suspendez votre vie : c’est plus court que d’aller en Belgique. Vous faites mauvais ménage avec madame votre épouse : un bon somme de quarante ou cinquante ans ; quand vous vous réveillerez, votre femme sera morte, ou l’âge aura calmé l’acrimonie de son caractère, ou le divorce sera rétabli : vous retrouverez la paix là où vous aurez laissé la guerre. La médaille, à vrai dire, aurait bien son revers, et ces alternatives de vie et de mort ne seraient pas sans danger ; car il serait facile sans doute de se faire endormir ou même de s’endormir soi-même ; mais on ne se réveillerait pas tout seul, et des ennemis ou des héritiers pourraient vous jouer le mauvais tour de vous laisser endormi à perpétuité. Il faudrait donc établir une compagnie d’endormeurs et de réveilleurs assermentés, qui seraient responsables des retards et des accidents…

Mais parlons sérieusement : il en est temps. Il n’y a dans le monde que trop de gens enclins à accueillir sans examen les utopies qui flattent leur goût pour le merveilleux. Nous ne voudrions pas avoir à nous reprocher de nous être associé, même en- apparence, aux tentatives faites pour leur tourner la tête. Hâtons-nous donc de dire que la prétendue découverte dont nous venons de parler n’est à nos yeux qu’une plaisanterie, une mystification.

Celle mystification parait avoir été inspirée par un mémoire très-savant et très-consciencieux, présenté au mois d’octobre dernier à l’Académie des sciences, par M. le docteur Blandet, et inséré dans les Compte-rendus. Ce mémoire traite : « Du sommeil léthargique à longue période, et de nouvelles applications zoologiques de la théorie du sommeil. »

M. Blandet cite plusieurs cas de sommeil à longue période. Le plus remarquable a été observé par lui sur une jeune femme de vingt-quatre ans qui, après avoir dormi, à dix-huit ans, étant demoiselle, quarante jours de suite, fut reprise, après son mariage, en 1858, d’un nouvel accès, lequel a duré cinquante jours. Pendant ce deuxième accès, elle demeura complètement immobile, insensible, et dans un état de contracture tétanique tel, qu’il fallut lui dévisser une incisive à pivot (ce que c’est que d’avoir de fausses dents !) pour introduire dans sa bouche un peu de lait et de bouillon, ses seuls aliments. Quatre ans plus tard, le jour de Pâques 1862, elle retomba tout-à-coup dans sa torpeur rigide, pour se réveiller huit jours après, mais se rendormir presque aussitôt, et ne plus reprendre ses sens qu’au printemps suivant. Son troisième accès a donc duré une année : il n’y a pas de raison pour que le quatrième ne dure pas le double ou le triple. Deux autres jeunes femmes, que M. Blandet nomme dans son mémoire, ont présenté des accidents semblables. Notons qu’on ne cite aucun homme qui en ait été atteint. Le sommeil à longue période présente, d’après M Blandet, les caractères suivants : vie animale nulle, vie organique bonne, mais réduite à son minimum ; pouls lent, respiration presque insensible, évacuations nulles, chairs belles et fraîches, embonpoint même, mais insensibilité absolue et contracture générale. C’est, comme on le voit, une sorte de catalepsie, un sommeil comparable à celui des animaux hibernants, et qui semble peu différer de celui des sujets magnétisés ou hypnotisés. Cependant, tandis que ce dernier se dissipe aisément lorsqu’on insuffle de l’air froid au visage du patient, M. Blandet a essayé vainement de tous les moyens imaginables pour réveiller ses malades. « Mieux instruit aujourd’hui sur ce sommeil, dit-il, je me garderais bien de le troubler, de combattre son influence salutaire ; car dans le premier cas il avait été la terminaison heureuse d’un délire général antérieur, et dans le dernier, celle d’une gastrite des plus intenses, qui l’avait précédé un mois durant. Qu’est-ce donc que le sommeil pour avoir de telles immunités, pour maintenir la fraîcheur, l’embonpoint pendant un jeûne d’un an, pour juger et guérir de graves maladies ? Le sommeil est donc le principe conservateur de la vie ?… »

Il est certain que le sommeil normal est un des plus précieux bienfaits de la nature ; que dans beaucoup de maladies il peut agir comme le plus puissant de tous les sédatifs. Mais le sommeil léthargique, anomal, étudié par M. Blandet est-il aussi salutaire que le médecin le croit ? n’est-il pas, au contraire, une maladie aussi dangereuse que celles qu’il termine ? Je ne crois pas que cette question puisse encore être résolue.

Quoiqu’il en soit, il est naturel qu’en présence de tels phénomènes, des esprits aventureux se soient demandé si, en produisant artificiellement un sommeil qui suspendrait, pendant un temps plus ou moins long, les fonctions animales, on ne réussirait pas à économiser, pour ainsi dire, la vie, et, par conséquent, à la prolonger. On sait déjà que le magnétisme ou l’hypnotisme, appliqué à certains sujets, détermine une insensibilité bien plus complète que celle qu’on obtient par l’éther ou le chloroforme, et n’a ni les dangers ni les inconvénients de ces deux agents ; mais il s’en faut de beaucoup que tout le monde soit apte à être endormi de la sorte, et d’ailleurs, nous l’avons dit, ce « sommeil nerveux » n’est point durable. Serait-il possible de plonger des hommes dans un engourdissement léthargique d’une durée quelconque, sans compromettre leur vie et leur santé ? Quelques journaux ont raconté, d’après un de leurs confrères d’Allemagne, qu’un certain docteur Grusselback, professeur de chimie à Upsal, avait entrepris de résoudre ce problème par des expériences faites sur divers animaux. Le premier sur lequel il aurait opéré serait un serpent qu’il engourdit et désengourdit à volonté. Son procédé consiste, dit-on, à refroidir lentement l’animal, jusqu’à ce qu’il tombe dans une torpeur complète. Il le réveille quand il veut, au moyen d’aspersions stimulantes. On ajoute que le professeur Grusselback a proposé au gouvernement suédois de tenter l’effet de son procédé sur un condamné à mort, et qu’il se flatte d’endormir le sujet humain, de le laisser dormir pendant un an ou deux, puis de le réveiller en l’aspergeant de son élixir.

Tout ceci ne peut être, je le répète, qu’une mystification ; et si le docteur Grusselback n’est pas un fou, c’est évidemment un personnage imaginaire, dont on place, pour de bonnes raisons, la résidence dans une ville où peu de gens seront tentés de l’aller chercher. Engourdir un serpent par le froid n’est pas une opération bien difficile, et il est possible que ce reptile demeure ainsi très-longtemps ; mais tenez pour certain que la chaleur lui rendra la vie sans le secours d’aucune aspersion. Les serpents sont, chacun le sait, des animaux à sang froid, à respiration et à circulation très-peu actives, et j’admettrai volontiers que la vie résiste chez eux à un jeûne et à un engourdissement très prolongés. Mais en serait-il de même d’un mammifère, et surtout d’un homme ? Rien n’est moins vraisemblable. Demandez, aux pauvres soldats qui ont été gelés en Russie ou en Crimée, si le froid conserve. L’organisme des animaux supérieurs est comparable à ces machines d’horlogerie aux rouages délicats et compliqués, chefs-d’œuvre d’art et de science qui fonctionnent avec une régularité merveilleuse, mais dont la conservation exige les soins les plus minutieux. Qu’une pièce soit brisée ou faussée, que quelques grains de poussière s’introduisent dans les rouages, ou que l’huile qui lubrifie les surfaces en contact vienne à se figer, tout s’arrête. Pour la machine humaine aussi, la moindre perturbation peut devenir fatale, et ce n’est jamais sans danger qu’on suspend ou qu’on ralentit artificiellement le jeu de ses organes. Le plus sage est donc de prendre lu vie comme elle est, de vivre en notre temps et pour notre temps, et de nous soumettre de bon gré aux lois immuables de la Providence et de la nature.

Arthur Mangin

15 juin 2011

« Ce menton fait comme un paysage, ce nez accidenté… »

Classé dans : Cinéma, vidéo, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 23:32

Il commande aux yeux, qui jettent de temps en temps, vers lui, un coup d’œil apeuré, et se hâtent de remonter. Au front, qui n’est qu’une minorité de lui-même. Il les tient bien en mains. Tout le monde joue son jeu.

Il s’amuse parfois à se cacher sous une barbe. Il ne nous trompe pas. Il transperce le camouflage. Il est comme une femme nue sous son manteau. Comme un crapaud sous une feuille de salade.

Ce n’est pas un menton banal. C’est plus que tant de chair sur tant d’os. C’est une exposition, une mise à nu, une confession publique.

Un chaos intelligent, un assassin sentimental, une mère de famille sadique. Un menton. Le menton de Michel Simon. Pourri de talent.

René Barjavel, « Michel Simon », Le Merle Blanc, n° 244, 3.12.1938.

Le titre de ce billet est tiré de Claude Gauteur et André Bernard, Michel Simon. PAC Éditions, 1975.

L’homme au nez cassé

Classé dans : Peinture, dessin, Photographie, Sculpture — Miklos @ 20:57

Homme au nez cassé. Street art.

Voici maintenant Rodin logé à Montmartre. Il est entré chez Carrier-Belleuse, rue de la Tour-d’Auvergne.

Ce Carrier-Belleuse était un sculpteur qui ne faisait que du chic ; mais il avait un goût très fin, très artiste, et il était, lui aussi, d’une habileté invraisemblable. C’était un type très allural, l’air d’un d’Artagnan. Ses ouvriers, il en occupait bien une vingtaine, copiaient à l’envi ses manières et son pantalon à vis, son chapeau vaste et ses souliers à boucles. Mais l’argent l’entraînait ; aussi, il inondait le Marais de statuettes et de dessus de pendules. Je dois dire tout de suite que beaucoup de ces sujets-là sortaient des doigts de Rodin.

On a écrit que ce dernier « avait fait de la pratique » chez Carrier-Belleuse. C’est inexact. Rodin n’a jamais été, même à ses débuts, un « praticien » ! Il n’exécuta, chez Carrier, que des modèles.

Dans ce nouvel atelier, on s’émerveillait encore de voir Rodin terminer en quelques heures une statuette ou un bibelot. « Et c’était toujours une jolie œuvre d’art qu’il réalisait ! » m’a dit Desbois. « On pouvait bien lui prédire le plus grand avenir, car il y avait un sacré modelé du diable avec la plus petite de ses statuettes ! »

Comme il avait dessiné, Rodin, en effet, avait modelé avec la même fougue, à la petite école de la rue de l’École-de-Médecine : du nu — et des plantes, dites « vivantes », que l’on apportait sur la selle.

Aussi, dès l’année 1864 – date historique ! – on allait le voir débuter par ce véritable coup de tonnerre : l’Homme au nez cassé.

On allait le voir. Je m’avance ! Cet admirable buste, un des plus beaux de toute sa vie, fut refusé au Salon !

À cet aboutissant, qui tient de l’École des Beaux-Arts et des ateliers mondains, on ne pouvait, il est vrai, agir autrement. Tous les médiocres se tiennent. Accepter Rodin, c’était condamner définitivement l’École, depuis longtemps, depuis toujours moribonde !

Rodin revint à sa sculpture, avec quelle joie, avec quel amour !

Gustave Coquiot, Le Vrai Rodin, Éditions Jules Tallandier, 1918.

Gustave Rodin : Homme au nez cassé.
Illustr. de l’ouvrage de G. Coquiot, op. cit.

13 juin 2011

« Clairs visages hors du temps rassemblés, visages de femmes vivantes… » (André Breton, Point du Jour)

Classé dans : Littérature, Nature, Photographie — Miklos @ 3:19

Pythie ou pythonisse. Les Grecs nommaient ainsi la prêtresse qui rendait à Delphes les oracles d’Apollon. Les prêtresses de Delphes, pour prédire l’avenir, s’inspiraient sous l’action de vapeurs sulfureuses sortant d’une espèce d’abîme ou de trou profond, nommé Pythium, dont la tradition attribuait la découverte à un berger qui faisait paître son troupeau au pied du Parnasse, et auquel les vapeurs enivrantes qui s’en exhalaient communiquèrent le don de prophétie. Plusieurs fanatiques s’étant précipités dans cet abîme, on en boucha l’entrée, au moins en partie, au moyen d’une espèce de machine supportée par trois pieds appuyant sur les bords du trou, d’où on la nomma trépied. Les prêtresses, montées sur ce trépied, pouvaient, sans le moindre risque, recevoir l’action de la vapeur prophétique. (…) Ce n’était qu’au commencement du printemps que la pythie rendait ses oracles, et elle s’y préparait par plusieurs cérémonies qui tendaient à l’exalter extraordinairement ; tel était, entre autres un jeûne de trois jours. Elle se trempait le corps et surtout les cheveux dans la fontaine de Castalie, se couronnait de laurier ; le trépied était également décoré de lauriers, et la prêtresse mâchait et avalait sans doute aussi quelques feuilles de cet arbre, consacre à Apollon. Ces préliminaires achevés, Apollon avertissait lui-même de son arrivée, lors de laquelle le temple semblait trembler jusque dans ses fondements, et l’on plaçait alors sur le trépied la prêtresse, qui avait à peine subi l’action de la vapeur divine que tout son corps s’agitait, ses cheveux se hérissaient, son regard devenait farouche…

William Duckett (éd.), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, t. 15. Paris, 1857.

Du curcuma, ou safran d’Inde. Aucuns tiennent que cette racine étrangère que les apothicaires appellent curcuma, en français terra merita, est le cyperus indicus de Dioscoride : car voici ce qu’il en dit : On dit qu’il croît une autre espèce de cyperus en Inde qui retire au gingembre*, et étant mâché rend la couleur de safran, et est amer, et qu’étant appliqué en liniment il fait quant et quant tomber le poil. Toutes lesquelles marques conviennent fort bien à la curcuma des apothicaires : car c’est une racine à mode de gingembre, jaune comme safran au-dedans, laquelle étant mâchée rend la salive jaune, et est amère ; même l’on s’en sert aux dépilatoires. (…) En outre elle a quelque ressemblance quant aux propriétés avec le gingembre, outre ce qu’elle rend la salive jaune quand on la mâche, combien qu’elle ne soit pas si forte, et qu’elle ait aussi plus mauvais goût ; elle est encore plus propre à désopiler les parties intérieures que ne l’est le gingembre : à raison de quoi, dit Pena, les charlatans et les femmes l’ordonnent avec du gingembre contre la jaunisse. (…) Aujourd’hui les peintres et les alchimistes en usent plus que les médecins, lesquels toutefois en usent en l’électuaire appelé diacurcuma, qui sert aux maladies invétérées, à l’hydropisie, et contre la mauvaise habitude du corps qu’on appelle cachexie.

Jacques Dalechamps, De l’histoire générale des plantes, trad. du latin par Jean des Moulins. Lyon, 1615.

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* Retirer à, de. Ressembler à. Trésor de la langue française informatisé, art. retirer.

M. Linnaeus la caractérise ainsi : Son calice est formé par plusieurs spates partiales, simples, et qui tombent ; la fleur est un pétale irrégulier, dont le tuyau est fort étroit. Le pavillon est découpé en trois parties, longues, aiguës, évasées et écartées. Le nectarium est d’une seule pièce, ovale, terminée en pointe, plus grande que les découpures du pétale, auquel il est uni dans l’endroit où ce pétale est le plus évasé. Les étamines sont au nombre de cinq, dont quatre sont droites, grêles, et ne portent point de sommets ; la cinquième, qui est plantée entre le nectarium, est longue, très étroite, ayant la forme d’une découpure du pétale, et partagée en deux à son extrémité, près de laquelle se trouve le sommet. Le pistil est un embryon arrondi qui supporte la fleur, et pousse un style de la longueur des étamines, surmonté d’un stygma simple et crochu. Le péricarpe ou le fruit, est cet embryon qui devient une capsule arrondie à trois loges séparées par des cloisons ; cette capsule contient plusieurs grains.

Diderot et Dalembert, Encyclopédie. Neuchâtel, 1765.

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