Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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22 octobre 2011

Le Monde est malade…

Classé dans : Actualité, Médias, Sciences, techniques, Théâtre — Miklos @ 12:18

Le site du Monde – comme celui de tout quotidien qui se respecte, et Le Monde se respecte beaucoup – permet d’effectuer une recherche dans l’ensemble de ses articles publiés depuis… depuis un certain temps. C’est très commode pour y retrouver un article qu’on avait lu, même (ou surtout) récent, sans savoir précisément le titre ou la date.

Sauf que cela marche curieusement.

Voulant retrouver un article concernant la récente libération de Gilad Shalit, qui, comme on a pu le constater, a copieusement alimenté les rotatives de tous les journaux (et pas que de Libération), voici ce que renvoie cette recherche :


En clair, Le Monde aurait retenu les doigts agiles de ses clavistes et n’aurait publié qu’un seul article à son sujet depuis 30 jours, article remontant à exactement 29 jours, période où l’intéressé croupissait dans une geôle du Hamas.

Surpris, on se demande quelle a été la politique éditoriale du journal concernant une autre personne récemment dans les gros titres :

Comme c’est curieux, mon Dieu, comme c’est bizarre ! et quelle coïncidence ! Le Monde affirme n’avoir rien publié à propos de Kadhafi (on a fait bien attention à orthographier ce nom correctement) ces sept derniers jours, et pourtant son nom faisait encore la une du site hier et plus qu’une fois, comme il l’avait fait quasiment tous ces derniers jours :

Menteurs, va. Ou alors, c’est que Sinequa, le moteur de recherche du Monde, qui signe sa performance discrètement mais lisiblement dans le coin en bas, à droite, est grippé. Manque de pétrole ? Qu’on se rassure, avec le printemps libyen les vannes se rouvriront. Entre temps, c’est plutôt sine tout court que sine qua non.

Il ne faut pas s’étonner de cette grippe, c’est de saison (d’ailleurs, ma brave dame – ou mon brave monsieur –, il n’y a plus de saisons).

Mais Le Monde n’a pas dû se faire vacciner, son site était tombé malade mais autrement, il y a deux jours : l’ascenseur qui sert à faire défiler à la verticale le contenu d’une page à l’écran quand celui-ci est plus long que la hauteur de la fenêtre avait tout simplement disparu (et ce n’était pas comme ces ascenseurs démantelés pour le cuivre qu’ils contiennent, celui-ci n’en avait apparemment pas). En compensation, un grand rectangle noir s’affichait au-dessus de l’article ; il ne comprenait pas un faire-part de décès de l’appareil, mais la mention sibylline Bannière 800×66. Allusion à la célèbre et saisissante image du monolithe noir dans 2001 Odysée de l’espace ?

Comme d’une part les pigistes sont rémunérés à la longueur de leur texte et que d’autre part la hauteur disponible pour l’article était partiellement occupée par ce pavé mystérieux, il n’était tout simplement pas possible de lire la totalité de leurs longs articles mais uniquement les deux ou trois premiers paragraphes. On le leur a signalé, mais – comme à leur habitude – ils n’ont pas répondu ni communiqué sur ce disfonctionnement qui s’est poursuivi pourtant jusqu’au lendemain.

Quelle importance, finalement, dans ce raz de marée informationnel : une vague vient et s’en va, et une autre la remplace pour être tout aussitôt oubliée. Et un beau jour, un jour sans fin, celui-là, on se retrouvera sur le dernier rivage.

On laissera l’auteur d’une Sottie à 9 personnages, jouée le Dimanche après les Bordes, en 1524, en la Justice, pour ce que le Dimanche des Bordes faisait gros temps (vous voyez, même alors il n’y avait plus de saisons) faire le diagnostic de la maladie du Monde et conclure avec le remède :


Duc de la Vallière, Bibliothèque du théâtre françois, depuis son origine ; contenant un Extrait de tous les Ouvrages composés pour ce Théâtre, depuis les Mystères jusqu’aux Pièces de Pierre Corneille ; une Liste Chronologique de celles composées depuis cette dernière époque jusqu’à présent ; avec deux Tables alphabétiques, l’une des Auteurs & l’autre des Pièces.
À Dresde, 1768.

21 octobre 2011

Analysis of a Craigslist rental scam

Classé dans : Actualité — Miklos @ 1:56

1. Martin recently put up an ad in the Craigslist “Paris rooms and shares” section for a room he will be renting later in Paris. He provided much detailed information about the room, the apartment it’s in, the building and the area: size, amenities, location, cost, date at which it will be available and for how long.

2. He then received an email from one interested party. The subject line said in all caps: “I’M INTERESTED IN RENTING YOUR ROOM”, the “To:” field indicates “undisclosed-recipients” and the sender was one Joel Blum, whose email address was blumjoel@honeywellgroup.co.uk. The content of that mail was:

Hi, I saw your apartment advert and am interested in renting it. I will like to know the modalities for renting it like the duration, total cost, and any other condition. I’m a senior consultant at Honey well international, Aberdeen united kingdom. I will be in France in a couple of weeks time(not confirmed my dates yet) and during my stay i will be working with Honeywell International, Paris. I will appreciate it if i hear from you in time as i will want to conclude the rental process asap. you can reach me on (44) 7762645784
 
Thanks and sincere regards
Blum Joel

3. Several details arise the curiosity of Martin: the hidden addressee list, the question about the “duration, cost and any other condition” – all of which were mentioned at length in the ad; the fact that a “senior consultant” would not know how to spell correctly Honeywell (the first occurrence), and that the period (“in a couple of weeks time”) didn’t match at all the availability dates he had mentioned in his ad.

4. Martin writes back to Joel Blum asking him for the dates he would like to rent the place. Joel replies:

Baically looking from the 1st of November to 5th November is it available from this period?

5. No, it is not (the ad said so), and definitely not just for five days (the ad said so too). At this point, Martin starts crosschecking.

6. He first notices that the emails which Joel sends him come from a computer located in Oxford, which is quite far away from Aberdeen.

7. He then finds out that the Honeywell International domain name is honeywell.com, but definitely not honeywellgroup.co.uk as in Joel’s address (this is known as cybersquatting); there is, however, a honeywellgroup.com which is located in… Nigeria (no comment), as well as a honeywell.co.uk, which is why Joel couldn’t have used that last domain name. The one he provided is a private domain registered to… well, see for yourself (the street address in Oxford is that of a restaurant and of an accountancy and bookkeeping services).

8. Now Joel had provided a cell phone number in his first email. Martin looks it up the web, and lo and behold, he finds it in a report about a “con artist” said to be calling himself George Moretti, MrBal and Kelly Andrea. The website he is quoted as providing as that of his (fake) company in that scam has been suspended, and the domain name is registered to one Carlo Archille with a UK email address… which, in turn, is identified in the Fake Bank Database as that of one Pama Kostkowski, holder of another fake web site.

Now, you may ask, what is Joel Blum’s master plan? Martin guesses the scam works as follows:

1. Joel shows his interest for Martin’s room. He asks for details, says he is definitely interested and is about to pay in advance, and so he asks for the street address and other particulars. If Martin calls the number Joel gave him, Joel will have in turn Martin’s number.

2. Now Joel has enough information to take Martin’s ad, and republish it as his on another real-estate web site (there are plenty of them) but with such low prices that he is sure to get many interested parties to write to him, some of whom are unfortunately quite naïve about the field.

3. One of them will be willing to commit to take the room from Joel. Joel will provide him with the address of the room, and ask him to wire the funds to the country where he currently lives, usually via Western Union or some other wire service.

4. When the renter, as happy as a clam for having found such a great deal, arrives a few days later at said address, he is up for a house-sized surprise: Martin had never clinched a deal with him and will definitely not refund him the funds he had wired to someone else who, in the interim, had collected them without having had to identify himself…

13 octobre 2011

Un autre inventeur de l’Internet (et d’IMDb, pour les cinéphiles)

Classé dans : Cinéma, vidéo, Médias, Sciences, techniques — Miklos @ 18:01

Libération rencontre Col Needham, à qui l’on doit l’invention et le déve­lop­pement d’IMDb (Internet Movie Database), phénoménale base de données concernant le film – cinéma, télévision ; fiction, documentaires, séries… – librement accessible sur l’Internet. Vous voulez savoir quels sont les films de votre réalisateur favori (où l’on voit qu’il n’est pas que réalisateur), retrouver le titre d’un film tchèque sorti à la fin des années 1960 (zut, on ne l’a pas trouvé, mais attendez voir), quel est le compo­siteur de la musique d’un certain film (ah bon, il a aussi écrit celle de ce film-là ?)… Que du plaisir.

IMDb n’est pas la seule grande base de données consacrée au film ; en français, il y a évidemment Allo Ciné, qui fournit, en sus des programmes de toutes des informations plus éditoriales : synopsis et biographies, par exemple, y sont plus visibles et mieux organisées, mais on n’y trouve pas la multiplicité des critères parfois très fins des recherches avancées proposées par IMDb, autant pour retrouver un titre qu’une personne (acteur, réalisateur…). Et surtout on y trouve bien moins de films (est-ce dû au fait qu’elle répertorie surtout les sorties françaises ou francophones ?). Ainsi, la « filmographie détaillée » de Ján Kadár ne comprend que quatre films dans la base française contre dix-neuf dans la base américaine. IMDb est exhaustive, facile à utiliser et gratuite bien qu’appartenant désormais à Amazon (mais elle propose un service « pro » payant). Que demande le peuple ?

C’est dans cette dernière que se trouve le film qu’on recherchait, intitulé en anglais Adrift (litté­ralement : « à la dérive »), un magnifique film onirique de Ján Kadár (que l’on peut le voir inté­gra­lement sur YouTube). Sa réalisation, commencé en 1968 en Tché­co­slovaquie, s’était interrompue avec l’in­va­sion soviétique et s’est achevée en Suède, où le film est sorti en 1971… Comment l’a-t-on retrouvé, demandez-vous ? On l’avait vu à l’époque en Israël et on s’est finalement souvenu du titre en hébreu (המערבולת, qui signifie « le tourbillon », et n’a pas plus à voir qu’Adrift avec le titre original, en tchèque Touha zvaná Adana, « un désir nommé Anada »). On avait toujours présent à l’esprit l’affiche en noir et blanc – qui montre cette très belle femme émergeant de l’eau qui, telle une sirène, charmera un pauvre pêcheur dont la vie conjugale périclite – et la musique lancinante du film (composée, on le voit maintenant, par le fort prolifique Zdenek Liska), mais difficile de retrouver un film rien qu’avec ce type d’information ! Allo Ciné n’en parle pas, tandis qu’une autre base de données française, Encyclociné, le référence avec une affiche en couleur et en français sauf pour le titre (qui, dans la fiche, est indiqué comme La Dérive), ce qui laisserait penser qu’il est tout de même passé dans des salles françaises ou francophones.

Lancée sur l’Internet en 1990 peu après l’invention du Web, IMDb s’est développé d’une façon vertigineuse. J’avais découvert – je ne sais comment – ce trésor à l’époque, je l’avais signalé à plusieurs reprises dans les années 1990, et m’en sers depuis périodiquement.

Ce qui me chiffonne, tout de même, dans cet article de Libé c’est de lire :

« Je travaillais pour Hewlett-Packard à cette époque et j’ai regroupé cette base de données sur un fichier que j’échangeais avec des contacts. Cela se faisait par mail. J’en profite pour dire que j’ai été un des premiers à posséder une adresse électronique », ajoute-t-il, un sourire jusqu’aux prémolaires. Nous sommes en 1993 (…)

Faisons un calcul rapide : les adresses électroniques (de mail, c’est ce qui est précisé) existent depuis les années 1960, et se sont normalisées surtout en 1978 avec l’arrivée du réseau uucp (intégré plus tard dans l’Internet). Pour ma part, j’ai eu ma première adresse de mail en 1979 (aux États Unis) et on retrouve d’ailleurs encore certains de mes messages dans les archives des forums Usenet (récupérées, je ne sais comment, par Google et disponible dans ses « groups »). Je précise que je ne revendique pas d’avoir été l’un des premiers à en posséder.

Col Needham précise qu’il utilisait le mail lorsqu’il travaillait chez Hewlett-Packard ; né en 1967, il ne doit tout de même pas avoir commencé à y travailler avant – disons – 1985 (on ne peut que deviner : il ne mentionne pas son passage chez HP dans son profil professionnel), date à laquelle il devait déjà y avoir des centaines de milliers – voire beaucoup plus – d’utilisateurs de mail. Et qui plus est en 1993. De toute façon, il n’aurait pu être l’« un des premiers à posséder une adresse électronique », donc dans les années 1960 ou 1970 : il ne devait avoir que des dents de lait (et encore !) et pas les pré­molaires qu’il a arborées en faisant cette déclaration (qu’on lui souhaite malgré tout d’être vraies, au regard de l’expression américaine as false as his teeth).

Faire la bringue à toute berzingue

Classé dans : Langue — Miklos @ 0:43

Le Trésor de la langue française informatisé – ressource excellente s’il en est – ne propose aucune définition de berzingue, ce qui est d’autant plus curieux qu’il le cite dans l’un des exemples illustrant celle du verbe lever  : « Il enfile les Champs-Élysées à tout berzingue. Il coupe l’avenue George V sans lever le pied », où il apparaît au masculin plutôt que sous sa forme plus répandue, au féminin.

Ce passage est tiré d’un curieux ouvrage, Voilà Taxi, paru à la NRF en 1935, et écrit « par Simonin Bazin » : il s’agit là d’abord du Simonin célèbre pour ses polards truffés d’un argot très réaliste et dont Touchez pas au grisbi !, publié en 1953, assurera sa célébrité et lui accordera, entre autres, une virginité renouvelée bien utile après sa condamnation à la Libération à cinq années de prison pour son travail au Centre d’Action et de Documentation, financé par les Allemands pour servir leur propagande antisémite et antimaçonnique.

Mais dans une vie précédente il avait été chauffeur de taxi ; il avait sympathisé avec Bazin – Jean, pas Hervé – qui avait publié à la NRF un roman, Capricorne, deux ans plus tôt. Si cet ouvrage est catalogué à la Bibliothèque nationale, cette dernière n’identifie pas ce Bazin comme le co-auteur de Voilà Taxi et ne fournit aucun renseignement biographique à son sujet. En tout état de cause, il semblerait qu’il ait été, lui aussi, chauffeur de taxi, selon les dires de Simonin :

« Nous sommes devenus amis. Il s’appelait Jean Bazin. Il avait un livre chez Gallimard et un jour Gaston Gallimard lui a dit : “Mais, Bazin, vous êtes chauffeur de taxi ? Pourquoi n’écririez-vous pas quelque chose sur ce métier ?” Bazin m’est revenu comme un boomerang et il m’a dit : “Veux-tu qu’on le fasse ensemble ?”. Voilà Taxi a paru en 1935 sous la signature Simonin-Bazin. Nous avons failli avoir le prix Populiste cette année-là. […] Dans Voilà Taxi, et c’est le premier essai à ma connaissance, nous avions fait un glossaire d’argot. Il était assez copieux. » (Entretien avec Albert Simonin, Ellery Queen Mystère magazine, 03/1971, n°277, pp. 123–124).

(source : ABC de la langue française). L’expression « toute berzingue » se retrouve peu de temps plus tard (1938) chez Céline dans un contexte si raciste et obscène qu’on ne le citera pas. Il la réutilisera, parfois au féminin, souvent au masculin, dans d’autres textes du même acabit.

Quant au mot berzingue, il semble avoir été utilisé dès la première moitié du 19e siècle dans le patois picard et dans la langue wallonne, mais dans un tout autre sens, celui de « ivre ». La troisième édition du Dictionnaire rouchi-français de G. A. J. Hécart, publiée à Valenciennes en 1834, précise :

BERZAIQUE (être), être ivre. À Maubeuge on dit berzingue.

Et c’est dans le glossaire de L’Histoire et glossaire du normand, de l’anglais et de la langue française d’après la méthode historique, naturelle et étymologique d’Édouard Le Héricher (1862) qu’on trouve une explication qui peut faire le rapport entre ces deux usages apparemment étrangers l’un à l’autre et dérivés du verbe boire :

BÈRE, boire, en vf. Bevere, du l. Bibere : « Noel fait bevere son voisin. » (Fr. Michel, Chans. bachique du 13e s.). bère, le cidre, le boire par excellence en N[ormand]. V[oir]. à l’Intr. p. 32 les divers adj. par lesquels le N[ormand]. célèbre sa boisson ; on a dit Boire : « Valleur des quatriesmes des boires vendus à détail au diocèse d’Av. » (Reg. de la Cour des comptes en 1374). On conjugue Bere, je bets, tu bets, il bet, comme dans un vieux diction des Miracles de Ste Geneviève :

A la guise de Normandie
Je bet a vous de chipe en chope.

Et au prét. je beus : « Quar tant en beut ; » (Tombel de Chartrose.) De là debet, le goût que laisse le cidre, le fr[ançais]. Déboire ; berdalle, ivrognesse, litt. dalle à bère ; bereau, la gouttière d’une bouteille, canal d’un pressoir, en v[ieux]. n[ormand]. espèce de cruche.

Les pipes, les bereaux pleins de liqueur vermeille,

dans Ol. Basselin, mot qui en se contr[actant]. a donné au fr[ançais]. Broc, en n[ormand]. bro ; berelle, querelle après boire ; béchon, boisson ; boissonner, beuchonner, enivrer ; beuchonnier, ivrogne ; berzingue, bezingue, s. f. et besin, s. m. ivresse ; berzole, femme étourdie, comme une personne ivre, d’où berzer, courir comme un insensé, d’où bezer en Bray, et en Av[ranches], veser, se dit des vaches qui courent follement piquées par les mouches. (…)

Berzer – courir comme un fou (donc : à toute berzingue, ou comme une vache folle) – ne semble pas très différent du verbe bèrziner qui, en dialecte du Hainaut belge, signifie se remuer (source), et ressemble à l’adjectif anglais berserk, qui signifie fou, insensé, apparu vers 1850. Son origine est curieuse : c’était la désignation des guerriers d’Odin, qui se précipitaient avec une sorte de délire frénétique dans la mêlée, sans armes défensives, voire torse nu (selon une hypothèse, le mot proviendrait de bare-sark, qui voudrait dire sans chemise).

Et le rapport avec faire la bringue ? Le voici, dans une note de bas de page de la citation suivante. À propos de brindezingues (dans la locution être dans les brindezingues, avoir une pointe de vin, être à demi-gris), Le Langage parisien au XIXe siècle de L. Sainéan (1920) signale :

C’est une contamination proviciale du vieux mot brinde*, toast, Bas-Maine, brindesis (ce dernier répondant à l’italien brindisi) par un mot apparenté qu’il reste à déterminer. Il est intéressant de relever le sens généralisé du mot dans les parlers provinciaux. Tandis qu’en Normandie, brezingue et bezingue (qui en est la forme réduite) signifie également « ivre », comme dans l’Anjou berzingue ; le Lyonnais désigne par berzingue celui qui marche de travers, répondant à la fois au mançois marcher en brindisis, marcher de travers comme un ivrogne, et au genevois de bizingue, de travers.

_________

* La forme parallèle bringue (que donne déjà Cotgrave [dans son Dictionarie of the French and English tongues publié en 1611]) est encore vivace en Bretagne, où elle désigne la débauche des matelots, d’où bringuer, boire avec excès, en parlant des matelots.

12 octobre 2011

« 10 ans de Complément d’enquête : ces enquêtes qui ont changé la France » et le français

Classé dans : Actualité, Histoire, Langue, Médias — Miklos @ 7:54


« Bongo, il avait un bureau avec une estrade absolument énorme
qui ressemblait à un hôtel d’église »

L’émission revient sur ses moments phare (et non pas far, même si en Bretagne on trouve les deux). L’un d’eux concerne les financements cachés d’une certaine campagne présidentielle. Le sous-titrage du témoignage d’« un ex-ministre d’un gouvernement socialiste » sur les largesses d’Omar Bongo ne manque pas de sel. On espère que ce ministre savait non seulement conter (ces faits) et compter (ces sous), mais aussi écrire correctement.

Pour ceux qui croiraient que c’est une manifestation de la nouvelle ortograf altêrnativ, que nenni : on la retrouve dans un texte datant du 3 juillet 1622 et republié dans un article (Constant Verger : « L’abbaye du Bois-Grolland en Poitou ») d’un numéro de la Revue historique de l’Ouest datant de 1889 :


« Vu aussi un tailleur dépecer un ciel d’hôtel d’église et en faire des caleçons et des bas de chausse. »

À la décharge de Constant Verger (l’auteur de l’article) et du comte Régis de l’Estourbeillon (secrétaire de rédaction de la susdite revue), il semblerait que cette orthographe peu constante ait été le fait de François Cremois, « prestre et curé susdit », qui avait pris par écrit la déclaration de Maris Gentis et de Marie Couchau sa fille sur les dégâts occasionnés par le passage d’une compagnie des gens de Monsieur de Soubise « en ce bourg de Poireux ». On aurait pu croire qu’un curé serait au fait de la différence d’orthographe qui concerne un objet de son culte, mais que nenni. Peut-être a-t-il été estourbillé par cette histoire au point d’en oublier son latin français.

Quant au petit écran, ce n’est pas là que nos petites têtes blondes, brunes, rousses ou punk apprendront à écrire correctement (mais on le savait déjà). Encore faudrait-il qu’elles sachent lire rapidement les sous-titres qui défilent à toute berzingue, mais de toute façon elles préfèrent passer leur temps accrochées au tél qu’à l’hôtel ou devant un autel (voire même devant la télé).

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