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1 juillet 2012

La ville entre deux et quatre dimensions

Classé dans : Littérature, Peinture, dessin, Photographie — Miklos @ 15:33


Homme et son ombre.

I call our world Flatland, not because we call it so, but to make its nature clearer to you, my happy readers, who are privileged to live in Space. Imagine a vast sheet of paper on which straight Lines, Triangles, Squares, Pentagons, Hexagons, and other figures, instead of remaining fixed in their places, move freely about, on or in the surface, but without the power of rising above or sinking below it, very much like shadows —only hard and with luminous edges — and you will then have a pretty correct notion of my country and countrymen.” — Edwin Abbott, Flatland, A Romance of Many Dimensions, By A. Square. Boston, 1885.


Trois hommes.

« Né en 1880, Andréi Biély fut, avec Alexandre Blok, l’un des chefs de file de la seconde génération sym­bo­liste en Russie. Son art de la méta­phore, son écriture novatrice font surtout de lui un des maîtres du futu­risme russe et de la « prose orne­mentale » des années vingt. Son œuvre roma­nesque atteint son sommet avec le roman Petersbourg. (…) Il meurt en 1934. (Source : quatrième de couverture de l’ouvrage).Likhov, ville des ombres ! Pierre se remit à errer dans le vide ; bientôt il s’égara sur la place du marché, et bientôt il se heurta à un mur blanchâtre : et de nouveau, comme là-bas, il y avait une petite silhouette dessinée sur le mur ; il faut croire qu’un plaisantin s’était amusé à griffonner des ombres noires sur tous les murs blanc : une ombre humaine avait dessiné son ombre. Et quand Pierre s’éloigna de la petite silhouette, elle se remit à suivre Pierre. » — Andréi Biély, La Colombe d’argent. Roman traduit du russe par A.-M. Tatsis-Botton. Postface de Georges Nivat. L’Âge d’homme, 1990. Lausanne, Suisse.


Deux femmes.

« Le chemin qui s’engloutit dans ces antres ténébreux, le jour qui y meurt et renaît, les passants qui glissent comme des ombres dans le clair-obscur, les silhouettes se découpant d’une façon bizarre sur le fond lumineux qu’encadrent les derniers arceaux ; tous ces accidents jettent un peut de poésie au milieu d’un ensemble misérable et dépourvu de caractère. » — Un officier de l’armée d’Afrique, « Expédition de Constantine », in Revue des Deux mondes, t. 1, 1938. Bruxelles.


Va et vient.

« Moi qui suis parvenu depuis quelque temps déjà au pays de la quatrième dimension, j’éprouve, au moment d’écrire mes souvenirs anticipés, une peine étrange à les traduire en langue vulgaire.

Le vocabulaire est en effet conçu d’après les données de l’espace à trois dimensions. Il n’existe pas de mots capables de définir exactement les impressions bizarres que l’on ressent lorsque l’on s’élève pour toujours au-dessus du monde des sensations habituelles. La vision de la quatrième dimension nous découvre des horizons absolument nouveaux. Elle complète notre compréhension du monde ; elle permet de réaliser la synthèse définitive de nos connaissances ; elle les justifie toutes, même lorsqu’elles paraissent contradictoires, et l’on comprend que ce soit là une idée totale que des expressions partielles ne sauraient contenir. Du fait que l’on énonce une idée au moyen des mots en usage, on la limite par là même au préjugé de l’espace à trois dimensions. Or, si nous savons que les trois dimensions géométriques : largeur, hauteur et profondeur peuvent toujours être contenues dans une idée, ces trois dimensions, par contre, ne peuvent jamais suffire à construire intégralement une qualité, que ce soit une courbe dans l’espace ou un raisonnement de l’esprit. Et de cette différence non mesurable par des quantités, que faute de mieux nous appelons quatrième dimension, de cette différence entre le contenant et le contenu, entre l’idée et la matière, entre l’art et la science, ni les chiffres, ni les mots construits à trois dimensions ne peuvent rendre compte.

Au surplus, on ne s’étonnera point que, prenant la partie pour le tout, je désigne au cours de ce récit par les mots : quatrième dimension l’ensemble continu des phénomènes, incorporant dans cet ensemble ce qu’on est convenu d’appeler les trois dimensions de la géométrie euclidienne. Malgré son nom imparfait on ne saurait considérer en effet la quatrième dimension comme une quatrième mesure ajoutée aux trois autres, mais plutôt comme une façon platonicienne d’entendre l’univers, sans qu’il soit besoin pour cela de se brouiller avec Aristote, comme une méthode d’évasion permettant de comprendre les choses sous leur aspect éternel et immuable et de se libérer du mouvement en quantité pour ne plus atteindre que la seule qualité des faits.

J’aurais pu, je le sais, en écrivant ces notes, recourir comme certains philosophes à un vocabulaire de convention, forger des mots obscurs pour masquer l’insuffisance du langage courant, mais ceci ne ferait que reculer la difficulté sans la résoudre. Je préfère donc raconter ces souvenirs de mes voyages au pays de la quatrième dimension tels qu’ils se présentent à mon esprit, sans prétention littéraire, naïvement et en désordre, attendant tout de l’indulgence du lecteur, heureux seulement si je puis toucher en son esprit quelques idées endormies que personne, dans notre monde, n’avait pris soin jusqu’ici d’éveiller. » — Gaston de Pawlowski, Voyage au pays de la quatrième dimension. Paris, 1912.

Un commentaire »

  1. [...] Et j’avoue, pour ma part, que j’éprouvai un réel soulagement le jour où je compris que si de pareils escaliers pouvaient exister, leur possibilité ne se concevait que dans un espace à quatre dimensions et que cela seul suffisait à donner une explication définitive du problème. Et bientôt, ce fut même avec un plaisir étrange que je parcourus quelques-unes de ces demeures invisibles, conçues par la géométrie transcendantale, où les étages se confondent, où le premier n’est pas nécessairement au-dessous du quatrième, ni le troisième au-dessus du rez-de-chaussée. » — Gaston de Pawlowski, Voyage au pays de la quatrième dimension. Paris, 1912. [On peut (doit !) lire ce texte en fin de ce billet.] [...]

    Ping par Miklos » Un demi-siècle avant Escher… — 1 juillet 2012 @ 16:54

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