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11 avril 2013

Mon père, lui, ne m’a jamais fait la morale

Classé dans : Actualité, Religion, Société — Miklos @ 15:14

C’était un homme de peu de paroles. Il ne parlait pas par métaphores, n’utilisait pas des figures de style, n’invoquait pas de hauts principes. Ni fioritures, ni expressions convenues non plus. Ce n’était certainement pas un intellectuel, ce qu’il n’avait jamais aspiré à être (savait-il même ce qu’il en était ?). Ce qu’il lisait, ce qu’il étudiait, c’était par curiosité et par goût, par devoir – celui de tout homme de connaître –, par pour en imposer à qui que ce soit. Son éthique, sa morale, ses amitiés et son amour s’exprimaient avec générosité, constance et discrétion par sa présence indéfectible et dans ses actes pour les autres. Ce n’était pas un homme remarquable au sens littéral du mot : on s’apercevait plus de son absence que de sa présence comme pour les fondations d’une maison, des traces de ses actes que de ses gestes. C’était un homme simple, « juste et entier, cheminant selon Dieu », comme l’écrit la Bible à propos de Noé. C’était un homme exemplaire.

J’avais une certaine admiration pour le grand rabbin Bernheim : j’avais lu ses entretiens avec le cardinal Barbarin – a posteriori, j’aurais dû me méfier, qui se ressemble s’assemble –, j’avais écouté attentivement certains de ses sermons au pupitre de la grande synagogue de la Victoire qui s’adressaient tant au cœur qu’à la raison de ses auditeurs, et j’avais été frappé, voire fasciné par son esprit analytique et cultivé, par son éloquence directe et compré­hensible pour tous, par sa passion et sa volonté de nous convaincre à « améliorer nos voies ». J’avais entendu parler de sa visite courageuse au groupe homosexuel juif de France – courageuse parce qu’elle serait, et a été, critiquée par sa communauté – et de l’apposition de sa signature à une déclaration contre toute violence homophobe, mais là aussi, j’aurais dû me méfier au vu des raisons sous-jacentes à son argumentaire à l’encontre du mariage pour tous.

Ce n’étaient que belles paroles. Maintenant, on apprend que cette personne publique choisie pour diriger moralement une certaine communauté et qui invoquait son devoir « d’engagement intellectuel dans les grands choix de son pays » n’a pas su s’appliquer les valeurs éthiques qu’elle prêchait aux autres. Où sont passés les intellectuels, demande Enzo Traverso dans un fort intéressant entretien éponyme publié en janvier…

Humain, trop humain.

C’est le souvenir de mon père qui me console quelque peu de ces turpitudes qui font surface partout là où l’exemplarité aurait été de mise.

2 commentaires »

  1. Tu as eu beaucoup de chance avec ce père-là, tu as aussi beaucoup de chance de pouvoir en parler ainsi aujourd’hui et moi ton amie je suis contente pour toi de cette chance-là !!!

    Commentaire par betsabee — 11 avril 2013 @ 16:05

  2. Merci, bien chère amie.

    Ce que je regrette, c’est que je n’ai fait ce constat que bien tard après sa disparition. C’est aujourd’hui que j’en suis conscient que j’aurais aimé et « mieux » su bénéficier de sa réelle présence.

    La chance que j’ai dans le monde réel, c’est d’avoir ton amitié.

    Commentaire par Miklos — 12 avril 2013 @ 8:06

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