Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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6 mars 2007

Douze étagères de livres…

Classé dans : Environnement, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 19:19
10 deca
102 hecto
103 kilo
106 mega (million)
109 giga (milliard)
1012 téra (billion)
1015 petta
1018 exa (trillion)
1021 zetta
1024 yotta (quatrillion)

NB : en anglais, billion, trillion,
quadrillion…
dénotent
109, 1012, 1015

…s’étendant de la Terre au Soleil : tel est l’équivalent du volume des contenus numériques produits en 2006, selon une étude effectuée par l’institut de recherche IDC à la demande d’EMC Corporation, une société se spécialisant dans le stockage et la gestion d’information. Ou, plus prosaïquement, 161 exaoctets ou trillions d’octets. Environ 2,5 gigaoctets par être humain – y compris bébés et sdf – ce qui ne semble pas énorme, vu la taille des clés USB actuelles. Mais ces données se rajoutent à celles créées précédemment et menacent de saturer nos moyens de stockage, estimés à 185 exaoctets en 2006 : en 2010, on en produira près d’un zettaoctet, tandis qu’on n’aura à notre disposition que 601 exaoctets d’espace en ligne. À cette époque, la dépense mondiale en technologie de l’information s’élèvera, toujours selon IDC, à 1,16 billions de dollars.

Si l’on commence à réfléchir – réchauffement climatique oblige – au recyclage de nos déchets, il serait grand temps de penser aussi au nettoyage des poubelles que deviennent nos disques durs, dont la capacité toujours croissante n’incite pas à une gestion économique personnelle, tout en encourageant les industries du stockage et de l’organisation de l’information.

Mais à qui servira toute cette information ? Il faudra des moyens d’une telle puissance (volume, rapidité, complexité) pour stocker, organiser, rechercher, analyser et utiliser ces données qu’il est probable qu’elles soient exploitées surtout par des puissances – étatiques ou privées – ayant une infrastructure informatique adéquate, comme celles qui se mettent déjà en place et collectent « toute l’information du monde ». Quelle sera la part des informations personnelles qui s’y retrouveront – familiale, santé, commerciale, bancaire, pénale… – et qui comprendra sans doute aussi les enregistrements des communications (électroniques, téléphoniques…), des caméras de vidéosurveillance…? Une toile (web, en anglais) d’araignée dans laquelle on se trouvera bien ligoté.

La question qu’on devrait se poser n’est pas tellement comment stocker, mais que stocker et pourquoi le faire.

11 mai 2006

Paris coquin

Classé dans : Lieux, Livre — Miklos @ 22:09

L’Institut national de l’histoire de l’art (INHA), dont la création s’apparente plus à une saga qu’à une simple histoire (et dont certaines parties du site, tel son organigramme, sont ancrées dans le passé plutôt que dans le présent), fédère divers sociétés et organismes de recherche spécialisés (associatifs, universitaires, rattachés au CNRS, à l’École pratique des hautes études ou à l’École des hautes études en sciences sociales). Sa bibliothèque, située dans la magnifique salle ovale de l’ancienne Bibliothèque nationale (rue Richelieu) doit réunir à terme un fonds fabuleux de près de 1,3 million de documents.

Pour le bonheur des curieux (et des chercheurs aussi, on l’espère), l’INHA constitue une bibliothèque numérique qu’il met progressivement en ligne : classiques de l’histoire de l’art (du 16e au 19e s.), catalogues du Musée du Louvre (antérieurs à 1920), des documents iconographiques, des manuscrits… La qualité de la numérisation et la facilité de la consultation des documents sont excellents.

Au temps que Ericonius regnoit sur les Troyens, dominoit es Gaules Paris, fils de Romus xviii° Roy des Gaulois, des­cendu successivement de Samothes, surnommé Dis fils de Japhet fils du vieil pere Noé. Celuy Paris donna le nom à la ville de Paris apres l’avoir fondée, environ soixante dix ans apres la premiere fondation de Troye, par Dardanus neuf cens ans apres le deluge, quatre cens quatre vingts dixhuict ans devant que Romulus donnât commencement à Rome, & quatorze cens dix sept ans avant l’incarnation de nostre seigneur Jesuschrist, selon Jean le Maire de Belges en ses illustrations de Gaule, fuyant Manethon d’Ægypte, & son commentateur Jean Annius de Viterbe. (Cette généalogie mythologique recoupe celle qu’on trouve dans les Chroniques d’Holinshed, publiées à Londres en 1577, et qui ont servi à Shakespeare de source pour son Macbeth).C’est en y flânant que je suis tombé sur Les Antiquitez, Chroniques, et Singularitez de Paris par Gilles Corrozet, publié en 1561. Ce livre fascinant de plus de 400 pages est une mine de renseignements sur Paris : son histoire (« les opinions diverses de la fondation de Paris selon plusieurs historiographies », qu’il présente objectivement tout en sachant qu’il y en a de fausses, comme il se trouvera autant de lecteurs qui en accepteront les thèses que d’autres qui s’y opposeront), les étapes de son développement urbain, sa géographie (la liste des rues et des principaux édifices, les faubourgs, les fontaines, les ponts et les portes de Paris) et son organisation (évêques, magistrats, juridictions, prisons…). La liste des rues est édifiante. On y trouve évidemment des noms en usage encore aujourd’hui avec des églises qui existaient alors et qui ont disparu, pour la plupart. Ainsi, rue S. Denys (St. Denis), se trouvait La chapelle des filles Dieu, ou il y a des religieuses qui donnent aux malfaicteurs la croix à baiser, & de l’eau beniste, pain & vin, dont ils mangent trois morceaux quand on les meine pendre à la justice.

Ce sont les nomenclatures qui ont changé ou disparu qui sont particulièrement intéressantes. Dans la première catégorie, on trouve par exemple la rue du renard qui prêche (l’actuelle rue du renard au nom plus prosaïque), la rue aux oues ( « oies », en vieux français, mais curieusement devenue rue aux ours), la rue brise miche, taille pain, & baillehou (dont il ne reste que la rue brisemiche, elle-même amputée d’un côté – mais heureusement qu’il y a Dame Tartine sur l’autre). Parmi les noms disparus, on trouve en vrac des noms pittoresques, populaires ou coquins ; des noms de personnes, d’événements, de lieux, de bâtiments ou de métiers d’antan :

La rue aux menestriers
La rue Bertault qui dort
La rue de cul de sac
La rue de l’autruche
La rue de la vieille tannerie des­cen­dante à l’es­cor­cherie
La rue des recommanderesses
(« Pendant me vient à souvenir / Que chez les recom­man­deresses / Est le lieu ou [sont] les addresses, / Pour trouver ser­vantes à louër. », in Chambrière a louer a tout faire de Christophe de Bordeaux)
La rue perdue
La rue saillie en bien
La vallée de misere
Rue de la court au vilain
Rue de la petite pusse
(fréquentée jadis par des femmes galantes, elle s’appelait alors Rue Pute y Mussemusser signifiant se cacher, se glisser, voir ci-dessous – et actuellement Rue du Petit Musc, ce qui fait dire à Victor Hugo dans Les Misérables : « qui a fait ce qu’elle a pu pour changer en bonne odeur sa mauvaise renommée »)
Rue de mauvaise parolles
Rue de merderet
(prob. désigne un chemin sale, boueux)
Rue de petit pet
Rue de poil de con
(devenue par transformation Rue du Pélican)
Rue de tireboudin (anciennement Rue tirevit du fait des activités libidineuses qui s’y tenaient, et qui devint plus tard la Rue Marie-Stuart par erreur)
Rue des estuves aux femmes
Rue du coup de baston
Rue Jean de l’espine
(poète du 15e s.)
Rue Jean pain mollet (« Je vous dis, reprenait son compagnon avec une langue épaisse, que je ne demeure pas rue des Mauvaises-Paroles, indignus qui inter mala verba habitat. J’ai logis rue Jean-Pain-Mollet, in vico Johannis-Pain-Mollet », Notre-Dame de Paris, Victor Hugo. « [J]’ai rencontré à Constantinople un de mes amis de Paris, garçon boulanger de la rue Jean Pain molet, de la Paroisse de…. de….. Je ne me rappelle plus le nom de la Paroisse, c’est bien dommage. », Le Balai, de Henri-Joseph Dulaurens, 1761)
Rue pavée d’andouilles (« Mais au changement de l’air, aussi par faulte de moustarde Baulme naturel & restaurant d’Andouilles moururent presque toutes. Par l’oltroy & vouloir du grand Roy feurent par monceaulx en un endroict de Paris enterrées, qui iusques à praesent est appellé, la rue pavée d’Andouilles », Le Quart Livre des faicts et dicts Heroïques du bon Pantagruel, Rabelais, 1552. Actuellement Rue Séguier. Les « andouilles » seraient des pavés non-conformes).
Rue putigneuse (contraction de « pute » et « teigneuse »)
Rue suceraisin
Rue trousse vache
(du nom d’Eudes Troussevache, qui devait avoir une sacrée réputation)
Une ruelle qui n’a que un bout

Sur les rues de Paris, on consultera aussi :
- Les rues et places de Paris, sur le site Paris pittoresque, d’après des ouvrages de la fin du 19e s.
- La nomenclature officielle actuelle des voies de Paris sur le site de la Mairie de Paris, et qui donne des renseignements physiques, géométriques et historiques.
- les listes de rues vers 1450 et vers 1760 sur le site de Frédéric Béziaud.
- Histoire des rues galantes, sur le très sérieux site de Batiweb (certifié OJD, hein !) destiné au monde du BTP.
- À l’Enseigne de la Pomme de pin de l’association Terre d’écrivains, qui mentionne quelques noms de rues pittoresques.

Et de Gilles Corrozet :
- Hecatongraphie. : C’est à dire les descriptions de cent figures & hystoires … de Gilles Corrozet dans la bibliothèque numérique de l’université de Virginie
- 17 œuvres de Gilles Corrozet sur le site Gallica.

MUSSER, verbe trans.
Vx ou région. (Centre et Ouest). Cacher, dissimuler. Tasie, sans répondre, bâillait, mussait sa tête au creux de son bras replié (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.8).
Le plus souvent en emploi pronom. réfl. Se cacher, se glisser. Un entour de vieux arbres, sous lesquels, dans l’ombre, se mussaient quelques logis de ferme (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.5). [Les cochons] avaient déjà appris à se musser sous les buissons quand passait au-dessus d’eux le froissement des grands vols de corbeaux (GIONO, Hussard, 1951, p.175):

… l’être qui reçoit le sentiment du refuge se resserre sur soi-même, se retire, se blottit, se cache, se musse, en cherchant dans les richesses du vocabulaire tous les verbes qui diraient toutes les dynamiques de la retraite, on trouverait des images du mouvement animal, des mouvements de repli qui sont inscrits dans les muscles.
BACHELARD, Poét. espace, 1957, p.93.

REM. 1. Mucher, verbe trans., var. région. (Normandie). Le Marquis : Il est là [le petit cheval]? Georget : Dame non! Je l’ai muché dans l’avenue (LA VARENDE, Trois. jour, 1947, p.112). 2. À musse-pot, à muche-pot, loc. adv., fam. et vx. En cachette. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.: [myse], (il) musse [mys]. Ac. dep. 1694: musser, à musse-pot ou à muche pot; LITTRÉ: musser; ROB., Lar. Lang. fr.: musser, mucher ,,forme normanno-picarde« , à musse-pot, à muche-pot. Étymol. et Hist. 1119 (soi) mucier «se cacher» (PHILIPPE DE THAON, Comput, 1613 ds T.-L.). D’un gaul. *mukyare «cacher», formé sur un rad. de base mûc- d’orig. celt. (cf. a. irl. muchaim «je cache, je voile, j’étouffe», irl. mod. much- «étouffer»). Le verbe musser, usuel jusqu’au XIIIe s., disparaît de la lang. littér. au XVe s. au profit du verbe cacher*, mais il s’est maintenu dans de nombreux dial. (v. FEW t.6, 3, p.197, REW 5723 et DOTTIN, p.73, note et glossaire). Fréq. abs. littér.: 18. (Trésor de la langue française)

2 mars 2006

La marque et la trace

Classé dans : Sciences, techniques, Société — Miklos @ 11:58

Le code français de la propriété intellectuelle reconnaît à l’auteur le droit (dit moral) « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » de contrôler la diffusion de ses œuvres. Il lui accorde le droit de divulgation, ou, à l’opposé, celui du retrait et du repentir. Ainsi, même après qu’une œuvre ait été publiée, son auteur peut la retirer de la circulation.

Mais ce n’est pas si simple, surtout lorsqu’il s’agit du Web, et encore plus lorsqu’il s’agit de Google. En effet, ce moteur de recherche qui parcourt la quantité astronomique et toujours changeante de la toile en effectue une copie (dans un espace appelé mémoire tampon, ou cache, en anglais) pour rendre plus efficace l’analyse qu’il en fait, autant pour répondre aux requêtes que pour sa stratégie de publicité (ce qui peut aussi poser problème aussi au regard du droit de reproduction). Or l’immensité des contenus visités est telle qu’il n’y revient pas forcément souvent (la fréquence de visite est fonction de divers critères qu’il serait intéressant de connaître) : en conséquence, il arrive souvent que des copies de pages retirées par leurs auteurs soient toujours disponibles (il suffit de cliquer sur le lien « En cache » placé auprès de la réponse). Elles n’en disparaîtront ou ne seront réactualisées que lorsque le site aura été rebalayé dans une visite ultérieure, parfois plusieurs mois plus tard.

Google n’est pas le seul à effectuer ce type de copie : l’Internet Archive s’est donné comme objectif d’archiver tout le Web depuis quasiment ses débuts, ce qu’il fait plus ou moins bien ; à la différence de Google, toutefois, il ne fournit pas qu’une copie – la dernière – des sites qu’il a visités (ce que fait Google), mais toutes les photographies qu’il en a prises au fil des années. Certaines pages de Google y sont d’ailleurs archivées, la plus ancienne en étant la version beta qui remonte à la nuit des temps (avant que Google n’apporte la lumière au monde en 1998). Il existe une procédure « humaine » pour se faire déréférencer de la mémoire tampon de Google, mais elle n’est pas immédiate et requiert parfois de nombreux allers-retours.

Une récente décision de la justice américaine conforte Google dans ces pratiques, qui remettent régulièrement en question la notion même des droits de la propriété intellectuelle : l’auteur qui les avait attaqué pour avoir violé ses droits (de reproduction, en l’occurrence) en copiant ses œuvres en ligne dans leur mémoire tampon a été débouté.

Dans leur analyse, le tribunal indique l’utilité de cette copie pour permettre de constater comment un site a évolué dans le temps – argument fallacieux, la copie étant unique et non datée, à l’opposé de ce que fait l’Internet Archive (et d’ailleurs, la possibilité de faire un tel constat prime-t-elle sur le droit de faire respecter ses choix de publication ?) ; il précise encore la méthode que chaque auteur doit suivre pour s’opposer, a priori et a posteriori, à la réalisation de cette copie – ce qui nécessite une intervention technique au niveau de la structure même de la page Web (rajout d’une métadonnée de type « robots no-archive »), bien au-delà des connaissances techniques de la plupart des utilisateurs-auteurs du Web, et qui ne sont souvent pas conscients de la trace qu’ils laissent malgré eux.

En d’autres termes, c’est aux auteurs de porter le poids de défendre leurs droits, et non pas aux autres de les respecter. Par analogie, on pourrait dire qu’une personne qui entre chez vous sans autorisation n’est pas coupable si la fenêtre était ouverte ou la porte non verrouillée.

Le tribunal a aussi déterminé que Google n’a qu’un rôle passif dans la distribution de l’œuvre : c’est l’utilisateur qui, en cliquant, la fait se dupliquer et arriver à son écran. Curieux argument : un libraire qui vendrait des ouvrages interdits n’aurait-il donc aucune responsabilité ?

Enfin, leur analyse selon laquelle la mémoire tampon est un espace de stockage temporaire de l’ordre de 14 à 20 jours qui satisfait ainsi à la loi dite DMCA est aussi étrange, au vu de la durée (que j’ai pu constater) de la survie de contenus dans cet espace des mois après la disparition des contenus originaux.

Quoi qu’il en soit, une personne avertie en vaut deux, bien mal acquis ne profite jamais (sauf aux grands), et demain sera un autre jour.

24 février 2006

C’est pour après-demain matin

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 19:32

Si l’avènement du papier électronique est, comme l’affirmait récemment Livres Hebdo, pour demain matin, amenant probablement dans sa foulée l’apparition d’un « vrai » livre électronique (cf. mon récent article), une autre invention est susceptible de s’y combiner et de produire un « vrai » livre interactif. Par « vrai » je veux dire un objet qui ressemble en tout au livre tel que nous le connaissons maintenant : un recueil relié de feuilles réfractives et souples.

Anoto, l’invention en question, consiste en un stylo-bille équipé d’un dispositif qui transmet à un ordinateur tout ce qui tracé par son intermédiaire sur le papier et son emplacement sur la page, ainsi que la pression exercée à chaque moment. Le papier n’a rien de particulier, si ce n’est qu’un réseau très dense (0,3mm d’espacement) de points presque invisibles à l’œil y est pré-imprimé, et qui sert au stylo à déterminer sa position sur la page. Mais ce qui est particulièrement intéressant dans cette invention, c’est la façon dont les points sont disposés par rapport à une grille (imaginaire) : elle permet au stylo de fournir des informations de disposition uniques non seulement sur la page en question, mais sur toutes les pages possibles et imaginables sur une surface de 60 millions de km2… En d’autres termes, c’est comme si chaque point était une sorte de code barre unique. Un imprimeur peut ainsi produire des cahiers vierges identiques d’apparence mais tous différents dans les codes affectés aux points – non seulement d’une page à l’autre, mais d’un cahier à l’autre. Ces pages peuvent contenir des zones pré-imprimées – par exemple, des cases pour y saisir des informations particulières ou pour effectuer un clic et envoyer l’information écrite dans un formulaire réalisé sur un tel papier vers un ordinateur hôte, tout en gardant le manuscrit original.

On peut ainsi imaginer un papier futur qui combinerait la technique d’affichage électronique avec celle de l’écriture électronique : le stylo n’écrirait pas avec de l’encre « physique » (comme le fait le stylo d’Anoto), mais ne ferait qu’envoyer l’information sur l’écriture à l’ordinateur hôte (qui pourrait en fait être dans le livre lui-même), qui se chargerait d’afficher sur la page le tracé effectué. Ainsi, on pourrait annoter ses propres livres électroniques. Mais il serait aussi possible d’obtenir d’autres fonctions interactives : imaginez un texte qui comprend un lien hypertextuel – il suffirait de cliquer dessus avec ce stylo pour que la page soit remplacée par celle indiquée par le lien. Ou, comme on le voit déjà dans bien de textes en ligne, on pourrait cliquer sur un mot pour voir sa définition, extraite d’un dictionnaire en ligne, s’afficher temporairement… On peut décliner à l’infini les potentialités techniques d’un tel dispositif et à peine imaginer ses implications sur l’écriture.

Tout ceci existe déjà ? Oui, mais pas sur du papier – ou du moins pas sur un matériau qui a l’aspect du papier et ses propriétés optiques, ni qui bénéficie de son regroupement sous forme de journal, de magazine, de brochure ou de livre. C’est là tout le potentiel que l’on pressent pour ce type d’invention. Il n’y a plus qu’à l’attendre…

21 février 2006

La mémoire à l’ère du numérique

Classé dans : Livre, Sciences, techniques — Miklos @ 16:32

Le magazine Livres Hebdo, consacré à l’actualité de l’édition et de tout ce qui s’y rapporte (technologie, économie, société…) publie dans son numéro 629 du 20 janvier un article de quatre pages de Daniel Garcia sous forme de scoop, intitulé « evenement La révolution du papier électronique est pour demain matin ». Il nous fait découvrir cette technologie et son potentiel, car « Et la France, dans tout ça ? Rien ». Elle est effectivement intéressante : elle permet de produire des « pages » aussi fines et souples que du paper, composées de micro-billes bitonales (blanc/noir) et bientôt multicolores. Le texte (ou le dessin) s’affiche par le positionnement électrique de ces billes : une fois en place, elles n’ont plus besoin d’être alimentées par l’électricité, à la différence d’un écran informatique traditionnel. En plus, l’image que l’on y perçoit ne génère pas sa propre lumière (comme le font les écrans), mais, à l’instar du papier, elle reflète la lumière ambiante.

Ce qui ne manque pas d’un certain piment piment : ce même magazine avait publié deux textes dans lesquels je parlais de ce type d’invention : Le titre d’un livre n’est pas le livre (en août 1999), puis La numérithèque entre réalités et fantasmes (en mai 2000). Dans ce dernier, la rédaction avait même rajouté un chapeau qui faisait ressortir l’importance que j’y accordais. Ces textes sont toujours en ligne, ainsi que ma toute première annonce de cette invention, dans la lettre de veille technologique l’œil du système. Il suffit d’effectuer une recherche dans les moteurs pour les retrouver : essayez, dans Google par exemple, la recherche   »e-paper » « livres hebdo »  (avec les guillemets) et voyez les réponses… À force de compter sur le numérique comme prothèse de la mémoire, celle-ci se déliterait-elle encore plus vite ? Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir toujours recours à ces technologies, comme l’a montré la première partie d’un extraordinaire reportage d’Arte diffusé hier : il suffirait d’une balle de base-ball mal lancée…

Revenons à cette invention. Le contexte d’alors n’est plus celui d’aujourd’hui : la masse de livres numérisés soulève la question de leur lecture. Avec les écrans actuels, impossible de lire un roman (par exemple) comme on le fait avec un livre « traditionnel ». On n’en est encore qu’à une version « simple page » de ce nouveau support, et l’article en question indique justement que c’est « l’univers de la presse qui pourrait être le premier et le plus vite bouleversé par l’encre électronique ». Ce n’est pas nouveau : la feuille est plus facile à réaliser que le codex, et se prête plus à la brève qu’au roman-fleuve. Mais lorsque ces nouvelles pages pourront être assemblées en livre, on peut s’attendre à des changements, de l’ordre de ceux dont je parlais alors :

On peut alors imaginer le livre futur : un volume de quelques centaines de ces pages vierges, vides, blanches, prêt à accueillir tous les livres du monde. On y insère une carte à puce, et le contenu, texte et images, s’inscrit sur toutes ses pages, le titre sur sa couverture et le nombre de cartes vendues en 4e de couverture [...] Les éditeurs, profitant de cette manne, proposeront alors ces cartes à durée déterminée, à lire dans la semaine ou le mois suivant l’achat, leur contenu s’effaçant ce délai passé. Procédé fort utile pour la diffusion des quotidiens […]

Comme quoi, l’inquiétude des éditeurs sur la gestion des droits (que mentionne cet article de Livres Hebdo) pourrait aussi trouver des réponses dans le cadre de cette technologie, comme elle l’a déjà trouvé ailleurs : l’imagination techno­logique n’a pas de limites. Si les procédés douteux de Sony (à propos de qui l’article indique qu’« il ne cache pas son ambition de devenir leadermondial de la lecture électronique »), qui avait installé un mouchard infor­matique aux impli­cations catas­tro­phiques sur ses disques compacts, afin d’éviter leur dupli­cation (dispositif connu sous le nom de rootkit) ont fait long feu, on a déjà vu des DVD qui s’autodétruisent inten­tion­nel­lement quelques jours après les avoir déballés (et dont on avait parlé il y aura bientôt trois ans). En d’autres termes, on n’a encore rien vu…


Papier électronique
de Xerox

Enfin, sur l’invention elle-même : deux technologies concurrentes étaient apparues alors (comme c’est souvent le cas) : celles du MIT dont parle l’article et appelée E Ink et celle de Xerox qui a annoncé fin décembre la fermeture de sa filiale chargée de ce développement… On peut toutefois encore voir sur son site l’image d’un livre qui aurait pu être réalisé avec son invention (non, je ne l’avais pas vue quand j’en avais imaginé la réalisation future).

[Texte revu le 23/2/2006]

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