Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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18 octobre 2007

Exercices de style (III)

Classé dans : Langue, Sciences, techniques — Miklos @ 21:44

La curiosité humaine n’a pas de limite : comme ne pas être curieux de ce qui intrigue les internautes et les mène aux modestes propositions de ce blog, ici ou  ? Aujourd’hui, un quidam était à la recherche d’« images d’instruments de perfusion de musique » : serait-ce l’ultime remède à ce qui préoccupait un comparse, une « indicible douleur » ? Plus pragmatiques ceux qui veulent savoir quel était « le costume de Evo Morales le 18 nov 2005 » (un mois jour pour jour avant son élection à la présidence de la Bolivie), ce que « mangent les Bandar Log » (bien qu’ils aient enlevé Mowgli, ils ne comptaient pas le dévorer) ou, plus simplement, « pourquoi lire ? » (pensaient-ils lire la réponse ici ?).

Mais c’est anecdotique. Plus curieuses sont les statistiques qu’a relevées Reuters dans l’historique des recherches effectuées dans notre AMI (Aspirateur mondial de l’information) à tous depuis 2004 à ce jour. Le mot « Hitler » est recherché en premier lieu à partir de l’Allemagne, du Mexique et de l’Autriche, tandis que « nazi » l’est du Chili et de l’Australie (pour qui connaît l’histoire et les lieux de refuge des tenants de ces idéologies, ce n’est pas si curieux que cela). « Sex » intéresse l’Égypte, l’Inde et la Turquie (on ne doit pas le trouver facilement dans le kiosque du coin), « Viagra » l’Italie, le Royaume Uni et l’Allemagne (le French lover n’en a pas besoin, tout le monde connaît sa réputation infaillible), « terrorism » le Pakistan et les Philippines (on se demanderait pourquoi), « Jihad » le Maroc, l’Indonésie et le Pakistan…

Comme quoi, chacun cherche son chat. Et l’« amour » (en français) dans tout ça ? Ce sont le Maroc, l’Algérie et la Tunisie qui le recherchent désespérément, et c’est d’Algérie qu’on est venu chercher ici aujourd’hui « comment faire la moure ». S’il est une réponse à donner, c’est bien celle-ci : avec du cœur, évidemment.

¿Vida privada, vida pública?

Classé dans : Actualité, Politique — Miklos @ 18:26

Auprès d’un humble feu et d’une lumière vacillante, certain de n’être point entendu, on s’attendrit sur les maux imaginaires des Clarisse, des Clémentine, des Héloïse, des Cécilia.
— Chateaubriand, « Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, avec les notes inédites d’un exemplaire confidentiel »

Après plusieurs années de mariage (ce n’était pas son premier), le Président a annoncé sa « séparation » de sa femme, la belle Cecilia : des photos l’avaient montrée prenant un bain de soleil seins nus en compagnie d’un ami italien. Ils restent bons amis, et gardent en commun leur fils.

Votre histoire se passait où?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
À Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou  ou chez les Mandchous ?
 
Hou ! Hou !
Pas du tout, c’était chez les fous.

 
— Robert Desnos, « Les Hiboux »

17 octobre 2007

Les plus mal chaussés

Classé dans : Actualité, Arts et beaux-arts, Société — Miklos @ 18:35

Petit cordonnier t’es bête, bête
Qu’est-ce que t’as donc dans la tête, tête ?

— Francis Lemarque (paroles), Rudy Revil (musique)

On vient d’apprendre que Milipol, le salon mondial de la sécurité intérieure des états, vient de faire l’objet d’un cambriolage il y a près d’une semaine (c’était trop la honte pour l’annoncer tout de suite, sans doute) : pistolets, fusil, lunette de visée et matériel informatique appartenant à une société de sécurité. Dans quel état est leur sécurité intérieure, on se le demande. Ce ne sont tout de même pas eux qui assuraient celle du joaillier Harry Winston ou du musée d’Orsay quelques jours auparavant ?

À propos de l’effraction qui vient d’y avoir lieu, un article de Michael Kimmelman dans le Herald Tribune d’hier estime que c’est le prix à payer pour la démocratisation de l’art dans une société ouverte : le public peut se rapprocher de ses chefs-d’œuvre (sauf de la Joconde, à se demander si ce n’est pas une sortie laser couleur qui se trouve derrière la vitrine épaisse qui est censée la protéger).

Il en va de même des stars et des personnalités politiques, autres icônes de notre société médiatique et marchande. La valeur des objets d’art et la notoriété des personnalités – critères culturels qui n’ont rien d’absolu – attire de l’allumé (ou imbibé) en mal de célébrité au cambrioleur ou au terroriste en quête d’une monnaie d’échange ou d’un butin de guerre. « Il en coûte trop cher pour briller dans le monde. (…) Pour vivre heureux, vivons caché », à l’instar du Grillon de Florian.

13 octobre 2007

« Pollution, pollution… »

Classé dans : Actualité, Environnement, Nature, Politique, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 22:51

See the halibuts and the sturgeons
Being wiped out by detergents.
Fish gotta swim and birds gotta fly,
But they don’t last long if they try. (…)
Pollution, pollution,
Wear a gas mask and a veil.
Then you can breathe, long as you don’t inhale.

— Tom Lehrer, Pollution (ca.1965)

’Cause when love is gone,
there is always justice,
And when justice is gone,
there is always force
When force is gone,
there is always Mom.
So hold me Mom
in your long arms
Your petrochemical arms
Your military arms
In your electronic arms…

— Laurie Anderson, O Superman (1981)

Si la terre perdait son repos, elle s’écroulerait.
— Lao Tseu, Tao Te King, ch. 39.

L’américain qui aurait dû recevoir le prix Nobel pour avoir mis le doigt sur les maux de la planète bien avant Al Gore est Tom Lehrer malgré son opinion sur cette distinction.1 Ce génie – qui a décroché son diplôme en mathématiques de Harvard avec grande distinction à l’âge de 18 ans – est surtout connu comme chansonnier, ce qui est encore plus méritoire aux US, pays qui en a eu bien moins que de vice-présidents : satire politique et sociale subtile et grinçante, fine, décapante et pince-sans-rire sur une musique pastorale ou joyeuse contrastant violemment avec la gravité de la cible : pollution, racisme, course à l’armement…

Quelque peu prémonitoire aussi est O Superman de Laurie Anderson. Écrite en 1981, cette chanson post-moderne à la mélodie minimaliste et cool et au rythme lancinant atteint le statut de tube malgré ses paroles à références2. Elle – et, plus généralement Big Science, l’album dont elle fait partie, ainsi que d’autres œuvres d’Anderson – évoque hypertechnologie et course à l’armement culminant en l’arrivée d’avions d’attaque made in America. Smoking or non-smoking ? poursuit-elle ironiquement.

L’accumulation de la pollution résulte de la saturation de la capacité de la nature et de l’homme à éliminer ou à recycler les déchets dus à une surproduction industrielle destinée à satisfaire une consommation toujours en croissance ; elle menace de nous étouffer. La pollution existe aussi dans le virtuel : les pourriels (ou spams) engorgent les réseaux et les boîtes à lettres électroniques, occasionnent une perte croissant du temps requis pour trier la multiplicité des messages, rendent de plus en plus difficile l’identification et la consultation des messages pertinents et transforment ce qui était au départ un outil de communication efficace en un immense dépotoir.

L’une comme l’autre de ces pollutions provient principalement des pays industrialisés ou en voie d’industrialisation. Les statistiques mondiales varient selon la période et le secteur analysé. Sophos plaçait, pour le second trimestre 2006, les Etats-Unis en tête de la source des spams, suivi par la Chine (presque à égalité) et la Corée, puis par la France, la Pologne et l’Espagne, le Brésil, le Japon, le Royaume Uni et Taiwan. À l’échelle continentale, ce serait l’Asie le principal pollueur électronique, suivi par l’Europe et par l’Amérique du Nord. Ce palmarès est globalement confirmé par Spamhaus. Lorsque l’on consulte les chiffres récents de Spamcop, on constate toutefois que les premières sources de pourriel sont asiatiques : les deux Chines, la Corée, la Thaïlande, le Japon et l’Inde ; puis (curieu­sement) les Pays-Bas, (moins curieu­sement) la Russie et l’Ukraine, les États-Unis et le Mexique.

Or selon le Blacksmith Institute, les sites les plus pollués au monde se trouvent en ex-URSS (Russie, Azerbaïdjan, Ukraine), en Chine, en Inde, au Pérou et en Zambie. Quant aux responsables des émissions de gaz à effet de serre, ce sont, au premier chef, le Canada, les États-Unis, la Russie et l’Australie, selon la base de données d’indicateurs climatiques de l’institut des ressources de la planète. On retrouve ici les principaux pollueurs électroniques.

Quoi qu’il en soit, Al Gore a contribué à la médiatisation et à un début de prise de conscience, à un niveau individuel et politique, de ce processus qui nous menace tous. Il n’aura pas été le premier (James Lovelock, qui a l’âge de Doris Lessing, aurait pu en être récompensé), mais il arrive peut-être au bon moment. On ne peut que le souhaiter.


1 « Political satire became obsolete when Henry Kissinger was awarded the Nobel Peace Prize. »
2 « O Superman, O Judge, O Mom and Dad » fait écho à l’aria de Chimène « Ô souverain, ô juge, ô père » dans le Cid de Massenet, et la phrase en exergue de cet article rappelle ce passage du trente-huitième chapitre du Tao Te King de Lao Tseu : « Une fois perdue la voie, reste la vertu ; perdue la vertu, reste l’humanité ; perdue l’humanité, reste la justice ; perdue la justice, reste le rite. Le rite n’est que l’écorce de la droiture et de la sincérité, c’est la source du désordre. »

12 octobre 2007

Le parcours d’une star : d’étoile à supernova ?

Classé dans : Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 14:37

« La notoriété c’est lorsqu’on remarque votre présence, la célébrité c’est lorsqu’on note votre absence. » — George Wolinski

La notoriété est le fluide vital de la majorité des médias. Avec leur démultiplication sur l’internet, ils ne peuvent survivre qu’au prix d’une croissance permanente de leur visibilité – épiphénomène de la course en avant de l’innovation technique – qui se mesure à coups de clics et, quand elle inverse son cours, de claques.

Pour la première fois dans l’histoire de la Wikipedia, certains observateurs ont noté une baisse constante sur la plupart de ses indicateurs1 depuis le début de l’année en cours. C’est en tout cas ce que rapporte Robert Rohde dans un forum de discussions consacré à la Wikipedia de langue anglaise (WikiEN-l), statistiques à l’appui. Il est lui-même surpris par ce revirement.

La discussion qui s’est ensuivie sur cette liste est assez intéressante en soi en cela qu’elle a rarement touché à la question soulevée (si ce n’est pour attaquer la validité des statistiques : mais il est curieux que Wikipedia ne publie plus les siennes depuis un an) et va jusqu’à invoquer un nombre croissant de lecteurs – ce qui n’est évidemment pas la même chose, et mériterait en soi une analyse (sont-ce des nouveaux lecteurs, ou y a-t-il une fidélisation ? quels sont les genres d’information les plus lues ? etc.).

Slashdot2, qui signale ce message, se demande si c’est un signe que contenus et couverture sont arrivés à maturité voire à saturation (hypothèse soulevée par Geoffrey Burling ou par Andrew Lih il y a déjà quelques mois), en d’autres termes la finalité est-elle atteinte : existe-t-il un « point de convergence » du savoir ou de la connaissance commun à tous, fruit d’un consensus  universel, objectif et détaché de tout intérêt particulier ? Ou alors, serait-ce le modèle du fonctionnement de la Wikipedia, utopie d’une démocratie du savoir populaire à l’échelle mondiale, qui atteint ses limites du fait même de sa croissance, alors que le système est en train d’imploser sous le poids du vandalisme externe et des conflits internes ?

Pourraient s’y rajouter d’autres facteurs, inhérents à l’essence du « système technicien » qui nécessite innovation et obsolescence permanentes comme l’analysait Schumpeter il y a déjà plus d’un demi-siècle : la nouveauté du concept est passée, et la Wikipedia n’arriverait pas à se renouveler malgré le rajout de nouveaux services (portail d’événements, portail de textes intégraux, etc.) ; le niveau de compétence (surtout technique) nécessaire pour agir sur les contenus et les barrières procédurières, créées à l’origine pour contrôler le vandalisme, sont plus élevés qu’auparavant.

Quoi qu’il en soit, Small is beautiful.


1 Nombres de modification d’articles, de nouveaux comptes, de téléchargements, de rétraction d’articles, etc.
2 Collectif de brèves concernant l’actualité des nouvelles technologies. La possibilité de signalement est ouverte à tous, les contenus sont filtrés par des éditeurs.

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