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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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29 novembre 2013

« Redonner un visage à l’homme. Repenser la centralité anthropomorphe. »

Classé dans : Histoire, Judaïsme, Langue, Littérature, Livre, Progrès, Shoah, Société, Éducation — Miklos @ 23:24

Lors du colloque « Permanence du yiddish » qui s’était tenu à l’Unesco il y a un an, l’allocution d’ouverture de Rachel Ertel, grande dame de la langue et de la culture yiddish s’il en est, a placé le propos spécifique de la confé­rence dans celui, bien plus général, de la place de l’homme – et donc de la langue, de l’histoire, de la culture, de l’iden­tité, de la transmission – dans, ou face à, la moder­nité. On trouvera ci-dessous le début de son inter­vention qui donnera, on l’espère, l’envie d’écouter (ici, où l’on peut aller directement à son intervention par le menu de droite) ou de lire () l’intégralité de sa communication.

Rachel Ertel est pessimiste : le yiddish est une « langue assassinée », elle ne redeviendra plus une langue populaire. Mais, dit-elle, « elle peut conserver et transmettre son infinie richesse en son propre idiome ou, comme dans la métaphore de Peretz par “la métamorphose de sa mélodie”, en d’autres langues », ce que sa propre activité de traductrice (vers le français) n’a eu de cesse de démontrer. Mais la tâche du traducteur est aussi celle de « témoin du témoin absent ».

Rachel Ertel a aussi œuvré à enseigner et faire enseigner le yiddish – j’en sais quelque chose personnellement – et pas uniquement à l’intention de ceux dont les parents maintenant disparus et leurs propres parents souvent assassinés parlaient cette langue, mais de jeunes générations parfois étrangères à cette filiation mais qui n’en montrent pas moins d’intérêt à l’étudier, à se l’approprier.

Et donc, en dépit de son pessimisme affiché, elle conclut ainsi : « En faisant jouer ensemble toutes ces strates on peut espérer qu’une sédimentation fertile verra le jour, dont il est impossible de prévoir les avatars et les configurations, mais qui peut, peut-être, redonner une fluidité, une capacité de métamorphose, bref une vitalité au yiddish qui lui donnera une forme de permanence. »

Nota bene : le terme yiddish de « Khurbn » qui revient à plusieurs reprises dans la seconde partie de son allocution provient de l’hébreu où il signifie « destruction », voire « destruction totale, catastrophique ». En hébreu, il est surtout appliqué aux deux destructions du Temple de Jérusalem. En yiddish, il dénote l’extermination des Juifs durant la Seconde guerre mondiale (en français, on tend à utiliser de nos jours dans ce contexte le mot hébreu de « Shoah », qui signifie « catastrophe »).

«La notion de permanence et sa définition, celle du dictionnaire, est la suivante : « Caractère de ce qui est durable, de ce qui dure, demeure, sans discontinuer, ni changer ». J’insiste sur le terme de « changer ».

La question qui se pose alors est d’ordre tout à fait général : est-ce le cas des langues, est-ce le cas des cultures ? Les langues et les cultures qui durent, qui demeurent sans discontinuer ni changer deviennent vite des langues et des cultures mortes. Il faut donc, pour être permanent, ne cesser de changer, de se transformer, et de se muer constamment. La réalité de la permanence est un flux constant, la seule permanence est la fluidité, la transformation, la métamorphose, l’ubiquitaire, le polysémique, la mutation, le polymorphe.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, et pour certains même pendant une partie du XXe, nous vivions dans l’illusion du progrès illimité de l’humanité. La technique avance plus vite que jamais, mais le progrès n’est plus crédible. L’humanité toute entière a perdu la face, et l’histoire continue à nous montrer que, loin de la retrouver, elle ne fait que la bafouer et l’abolir de jour en jour.

Nous vivions dans des dimensions à échelle humaine – des familles, des régions, à la rigueur des États-nations –, nous vivons maintenant à l’échelle planétaire, autant dire nulle part.

Nous vivions dans l’illusion d’un axe du temps unilatéral qui nous menait vers des lendemains qui chantent. Pour certains, la rédemption était accomplie ; mais les faits l’ont démenti. D’autres attendent encore une rédemption qui semble de plus en plus hypothétique si nous nous en tenons aux faits historiques aux guerres, aux massacres, de plus en plu industriels, de plus en plus scientifiques. La science que l’on croyait la panacée universelle a dévoilé sa face d’ombre.

Nous avons perdu notre innocence. Pour ma génération l’univers entier est à repenser. Les mots ont perdu ou changé de sens. Nous vivons dans « le désenchantement du monde. » Et tout est à repenser. À commencer : redonner un visage à l’homme. À repenser la centralité anthropomorphe. À retrouver le sens des mots, les dimensions dans lesquelles l’être humain évolue, les espaces de vie.

Pour pouvoir vivre, le repenser non pas en termes de mondialisation, de globalisation, mais d’une proximité qu’aucun internet, le plus sophistiqué ne peut supplanter. Repenser le temps. Le temps, non plus comme un axe unilatéral, ni comme un cycle toujours recommencé. Le temps avance et recule par bonds, il oscille, il va et vient, il tangue, il bafouille, il bégaie.

Il faut peut-être repenser notre monde non plus par sa centralité, mais comme disait Richard Marienstras, par les marges.

Repenser de fond en comble la notion, nous dire que la permanence est mortifère, que la véritable dimension de la permanence c’est le mouvement, c’est le changement, c’est la transformation.

»Alors nous pourrons repenser la permanence dans ses multiples dimensions : linguistique, historique, culturelle, iden­titaire, transmissible, c’est-à-dire dans la vie avec tous ses aléas.

25 novembre 2013

« Chasse aux ténors », ou De quelques étoiles filantes

Classé dans : Littérature, Musique, Médias, Société — Miklos @ 20:52

C’est en lisant un article très enlevé de l’écrivain et journaliste Paul Acker (1874-1915) publié en 1908 dans le quotidien Gil Blas que m’est revenue à l’esprit la récente vidéo qu’on peut voir ici : elle montre la surprenante performance vocale d’un jeune coréen dans un de ces concours truffés de paillettes, de visages savamment ahuris et de bons sentiments qui ont fait la célébrité parfois aussi éphé­mère qu’instantanée de parfaits inconnus a priori peu prédisposés par la nature – on pense à Susan Boyle – ou par les circonstances – ce jeune homme de 22 ans aurait vécu seul, dans les rues, de 5 à 15 ans – à ce genre de succès et dans ce type de répertoire. L’article, émaillé de citations tirées du Madame Bovary de Flaubert, m’a aussi remis en mémoire la performance para­musicale d’un certain ténor – « cette admirable nature de charlatan où il y avait du coiffeur et du toréador » – dont j’avais parlé ailleurs.

«— Oui, mon cher, c’était un soir, je me rappelle. J’errais dans les vieilles petites rues de la ville, habitées par de petites gens, de très petites gens misérables, brocanteurs sans clients, marchands de fruits pourris, matelassiers, chiffonniers. J’étais mélan­colique, presque triste — ainsi j’allais au hasard. Les étoiles parsemaient le ciel. Et, tout à coup, j’entends une voix. Elle chantait, cette voix… Quelle voix et quel chant ! Je n’avais jamais rien entendu de pareil : une pureté, une limpidité, une netteté, un éclat, et avec cela une souplesse, une émotion. Je m’étais arrêté, stupéfait, ravi, bouleversé, et j’écoutais. La voix chantait toujours, oh ! la plus banale des chansons, je ne sais quelle romance pour peintre en bâtiment ; mais qu’importaient les paroles, je ne les entendais pas, je n’entendais que la voix. Enfin, je voulus savoir qui était ce chanteur, je m’approchai. Devant une pauvre boutique de menuisier, un homme chantait. Il pouvait avoir vingt-cinq ans, et avait pour métier de raboter des planches. Je lui parlais, je le félicitai. Je lui dis qu’il avait cent mille francs dans la gorge, que Paris l’attendait. Je revins le lendemain, puis le surlendemain ; enfin je le décidais à m’accompagner. Et voilà comment j’ai découvert ce fameux ténor…

C’est ainsi qu’on raconte l’histoire de tout ténor réputé : on les a toujours découverts par aventure, exerçant d’humbles métiers, ne se doutant nullement du talent qu’ils possédaient. Du moins, c’est ce qu’on dit, et je ne sais pas de ténor dont les débuts n’aient pas une origine merveilleuse. Il en va de même de beaucoup de chanteuses. Delna n’était-elle pas fille d’auberge, et n’est-ce pas le peintre Baudoin qui, se promenant dans la forêt de Meudon, la surprit, jeunesse de quatorze ans, qui roucoulait divinement en plein air ? Heureux artistes ! il y a encore pour eux des fées, et des bons génies. Ils n’ont qu’à chanter, où qu’ils soient, dans une ruelle de province, dans un bois, au creux d’une montagne : la Providence les entend toujours et la Fortune leur vient en chantant.

Du moins, je le croyais ; mais il parait que cela n’est plus. Le ténor se fait rare, presque introuvable. Toulouse même, leur patrie, n’en produit plus. Sans doute, a-t-on fouillé tous les villages, toutes les villes, toutes les campagnes, l’oreille tendue, le souffle retenu, pour saisir soudain une enchanteresse modulation : les villages, les villes, les campagnes ne recèlent plus de ténors. Et on en cherche. Or, pour en chercher, deux journaux, Musica et Comœdia, ont organisé un concours. Des candidats se sont fait inscrire de toutes parts. De premières épreuves en ont éliminé beaucoup : il en restait cependant encore cent vingt-cinq. Ces cent vingt-cinq, un jury vient de les entendre. Quel supplice pour ces honnêtes personnes qui composaient le jury ! ils ont entendu jusqu’à vingt-huit fois la cavatine de Faust, quinze fois l’aubade du Roi d’Ys, douze fois la berceuse de Jocelyn. Comment n’en sont-ils pas morts ! Et le pianiste, qui accompagnait, comment va-t-il, après la torture qu’il a endurée ? a-t-on de ses nouvelles ? son état est-il grave ? Et tout cela inutilement, tant de mesures pour rien. Parmi ces ouvriers, ces employés, ces voyageurs de commerce, ces graveurs, ces ciseleurs, ces photographes, ces électriciens, ces militaires, ces que sais-je encore ? il n’y en avait pas un qui chantât seulement juste, à ce point que le public se tordait de rire, sans pitié.

Ainsi le ténor se meurt. Pour moi, je le regretterai vivement : il m’amusait prodigieusement. Quand, au bord de la scène, devant le trou du souffleur, une main sur le cœur, l’autre vers les frises, il s’emportait en trilles échevelés, sans qu’on comprît un mot de ce qu’il disait, et sans se soucier une seconde de l’acteur ou de l’actrice auquel il était censé s’adresser, je vivais d’exquises minutes. Il n’y avait pas au monde d’être plus conventionnel, plus faux, plus ridicule que le ténor, et pourtant il n’y avait pas au monde d’être plus prétentieux, plus plat, plus pénétré de son importance. Un ténor ! comme le mot seul est vieux, et comme il évoque des opéras et des opéras-comiques surannés, presque grotesques, toute une musique qui enchanta nos pères, et que nous ne pouvons plus justement souffrir. Le ténor, le beau ténor, le fort ténor, qui était la gloire du grand théâtre de Carpentras, la coqueluche de ces dames, et la colère de ces messieurs ! Que de ravages ils auront commis dans les cœurs féminins, non pas même en les conquérant, mais en éveillant en eux, qui jusqu’alors étaient si tranquilles, des rêves d’amour, de poésie, de passion ! Un gros bonhomme qui roucoule, au feu de la rampe, et cela suffit pour qu’une femme s’emballe.

Ah ! Madame Bovary, c’est parce qu’un soir, à Rouen, au grand-théâtre de Rouen, vous avez entendu, dans Lucie de Lammermoor, Edgard Lagardy, ténor. Il portait un pourpoint de couleur brune, et « un petit poignard ciselé lui battait sur la cuisse gauche ». On racontait sur lui de tragiques et belles histoires. Vous vous penchiez pour le voir, égratignant avec un ongle le velours de votre loge ». Vous vous emplissiez le cœur de « ces lamentations mélodieuses qui se. traînaient à l’accompagnement des contrebasses ». Entraînée vers l’homme par l’illusion du personnage, vous tâchiez de vous figurer sa vie, cette vie retentissante, extraordinaire, splendide, et que vous auriez pu mener cependant, si le hasard l’avait voulu. Vous vous seriez connus, vous vous seriez aimés. Avec lui, par tous les royaumes de l’Europe, vous auriez voyagé de capitale en capitale, partageant ses fatigues et son orgueil, ramassant les fleurs qu’on lui jetait ; brodant vous-même ses costumes ; puis, chaque soir, au fond d’une loge, derrière la grille à treillis d’or, vous eussiez recueilli, béante, « les expansions de cette âme qui n’aurait chanté que pour vous seule… » Et c’est parce qu’un soir, vous avez entendu Edgard Lagardy, ténor — « cette admirable nature de charlatan où il y avait du coiffeur et du toréador » — que vous avez aimé M. Léon, étudiant en droit et que vous vous êtes livrée. C’est du ténor qu’est venu tout le mal. Et combien de vos sœurs, dans les préfectures et dans les sous-préfectures, ont ainsi, pour la voix d’un ténor, pris rang dans la longue théorie des femmes adultères. Pauvre cœur de femme, si pauvrement fragile. Comment se fait-il que Jean-Jacques, dans sa fameuse lettre à d’Alembert, n’ait pas songé au ténor ?

Il n’y a plus de ténor, mais il y a toujours des hommes qui voudraient être ténors. Les fabuleuses sommes dont on paie une voix d’or, n’ont sans doute pas médiocrement contribué à produire, à ce concours, tant de candidats. Mais je suis bien sûr que le désir des applaudissements et le rêve de séduire les femmes — des femmes du monde surtout — n’a pas moins entraîné vers le jury tous ces braves gens. Jusqu’alors, ils menaient une vie tranquille et obscure, se contentant d’en « chanter une » à la fin des repas de noces ou d’un banquet politique, ou à la fête des pompiers. Les bravos de leurs concitoyens leur suffisaient : ils étaient une gloire locale : c’est beaucoup. Maintenant ils ont voulu, ils ont espéré être une gloire parisienne, bien plus, une gloire européenne. Après avoir chanté, ils déchantent. Quelle déception, quelle amertume, quelle rancune ! on ne leur a pas rendu justice, »ils ont été la victime d’intrigues, de basses intrigues ; Paris, d’ailleurs, méprise la province. Et tout en ravalant leurs notes fausses, ils prennent place, bien entendu, parmi les incompris, les aigris, les ratés.

Paul Acker, « Chasse aux ténors », Gil Blas, 27 février 1908.


Panthéon Charivarique : Gilbert-Louis Duprez.
Source : Catherine Authier, La naissance du mythe du ténor.

24 novembre 2013

Un matin d’octobre les arbres sanguinolaient, ou, Quelques bonnes feuilles

Classé dans : Arts et beaux-arts, Langue, Littérature, Photographie — Miklos @ 15:59

C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
À travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.
 
Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.
[…]
 
—  François Coppée, Matin d’octobre.

C’est en voyant la photo d’une forêt dont les arbres et le sol étaient couverts de feuilles écarlates que la phrase « Un matin d’octobre les arbres sangui­nolaient » m’est venue à l’esprit. Cette photo circule depuis au moins octobre 2012 sur l’internet sans qu’il soit possible d’en connaître l’auteur. Ici où là, il est mentionné qu’il s’agit d’une forêt en Pologne, et parfois il est même indiqué qu’il s’agit de « la forêt écarlate de Gryfino ». Or il semblerait que dans cette petite ville du nord de la Pologne il y ait déjà une forêt remarquable, qui se distingue par ses arbres curieusement tordus, principalement des bouleaux, ce qui n’est pas le cas de ceux de cette forêt écarlate qui ressemblent à des érables rouges, ces arbres « à la feuille de sang » qui sont endémiques à l’est de l’Amérique du nord.

Par contre, une autre photo d’arbres curieusement similaires par leurs couleurs et leurs formes à ceux de la photo mystérieuse, est datée 2001 et marquée d’un copyright, celui d’un photographe tchèque réputé, né en 1970, Frantisek Staud (qui se décrit « Traveler, photographer and publicist, scientist and university lecturer »). Cette photo – qu’elle soit de lui ou non, on ne le sait encore – est reprise pour illustrer des textes concernant l’automne au Japon

Revenons à « sanguinoler » : ce verbe n’existe dans aucun des dictionnaires qu’on ait consultés, et le Trésor de la langue française indique que l’adjectif sanguinolent provient directement du latin sanguinolentus. N’empêche : son utilisation, qu’on qualifierait techni­quement de barbarisme, est tout à fait compréhensible, et pourrait s’apparenter donc au néologisme, si l’on n’en avait trouvé aussi d’autres rares occurrences au XIXe et XXe siècles, tels ce « Quelques toits rouges sangui­nolaient parmi des verdures rares et se perdaient dans la tache uniformément jaunâtre du sol pelé ».

Cette citation est tirée d’un livre, Les casques blancs, d’un certain J.C. Holl, publié chez Ambert en 19??, selon les informations lacunaires de Google Books (où l’on ne peut évidemment pas en consulter le contenu). Cet ouvrage est absent du catalogue de la BnF, tandis qu’on y trouve plus d’une dizaine d’autres ouvrages de « Holl, J.-C. » (avec ou sans précision des dates de naissance et de mort, 1874-19..), dont certains publiés en 1903 chez le même éditeur – ce qui me laisse penser qu’il s’agit de la même personne –, et parvenus à la BnF par le dépôt légal – l’absence des Casques blancs en étant d’autant plus étonnante. Les voici :

— Les Deux idoles, [roman]. Ambert, 1903.

— Camille Pissaro et son œuvre. 1904 [sans mention d’éditeur].

— Chaos et lumières. Le Baiser d’Eve. 4e éd. Ambert, 1905.

— Les Salons du Printemps. Cahiers d’Art et de Littérature, 1905. [Disponible en ligne dans Gallica ; cette revue indique que ces cahiers sont publiés par J.-C. Holl]

— Le salon d’automne. Cahiers d’Art et de Littérature, 1905. [Disponible en ligne dans Gallica]

— L’œuvre de Raphaël Lewishon. Cahiers d’Art et de Littérature, 1906.

— Les Salons de 1906 illustrés. Cahiers d’Art et de Littérature, 1906.

— Le Salon d’automne 1906. Cahiers d’Art et de Littérature, 1906.

— Après l’impressionnisme, Librairie du XXe siècle, 1910.

— La jeune peinture contemporaine. Éds. de la Renaissance contemporaine, 1912.

— [Catalogue de l’]Exposition de peintures de A. F. Cals (rétrospective) et de sculptures de Paul Paulin Galerie Louis-le-Grand, (Pavillon de Hanovre). Du 2 juin au 2 juillet 1914.

— La Ville-chimère. Librairie des lettres, 1919.

En 1986, le catalogue raisonné de l’œuvre de Maximilien Luce cite un extrait de La Jeune Peinture Contemporaine en mentionnant son auteur comme « Le critique Jean-Claude Holl », seule occurrence qu’on ait trouvée de ces prénoms et nom (précisions qu’il y a un autre Jean-Claude Holl au catalogue de la BnF, mais d’évidence ce n’est pas le même…).

Quant à l’éditeur Ambert, il semble avoir été actif entre 1900 et 1914 (et principalement en 1903 et 1904).

« Mieux vaut être fou que sage », ou, Paradoxes facétieux

Classé dans : Littérature — Miklos @ 1:37


André Morellet, « Théorie du paradoxe », in
Mélanges de littérature et de philosophie du 18e siècle, (1775, rééd. 1888).

Ortensio Lando (1512-1553) était non seulement un humaniste de la Renaissance qui avait voyagé – né à Milan, il avait aussi habité Rome, Lyon, Venise, Naples… et parcouru la Sicile,la Suisse, l’Allemagne, la France (où il a été reçu à la cour de François Ier) et, dit-il, Anvers et l’Angleterre –, mais un humoriste, voire carrément un farceur : on lui doit, par exemple, une attaque d’Érasme, qu’il fit publier à Bâle en 1540 par un imprimeur qu’il a convaincu qu’il s’agissait d’une louange chaleureuse du grand philosophe, décédé dans cette ville quelques années plus tôt.

C’est à Lyon qu’il publie en 1543 la première édition de ses Paradoxes, « collection de facéties et de bizarreries, développant des vérités contre l’opinion commune (qu’il vaut mieux être pauvre que riche, laid que beau, ignorant que savant, etc.), en mettant en évidence leur aspect ludique cachant un sens moral, dans la tradition de la facetia humaniste » (source). On pourra en lire ci-dessous les pro­po­sitions qu’il développe dans cet ouvrage.

Ce texte fut bientôt réédité, puis traduit en français par Charles Estienne en 1554, qui en sous-titra l’ouvrage « Ce sont propos contre la commune opinion : débattus en forme de déclamations forenses : pour exerciter les jeunes advocats, en causes difficiles ». Il en élimina le onzième et les quatre derniers paradoxes qu’il trouvait trop choquants. Cette traduction a été récemment rééditée dans une édition critique chez Droz (1998).

D’autres traductions/adaptations s’en sont suivies, depuis celle de Jean-Baptiste Duval (en 1603, intitulé Les Déclamations paradoxes ; où sont contenues plusieurs questions, débattues contre l’opinion du vulgaire. Traité utile & récréatif, propre à éveiller la subtilité des esprits de ce temps) jusqu’à celle de Marie-Françoise Piéjus (dans l’édition critique d’Antonio Corsaro aux Belles Lettres en 2012).

On pourra lire avec intérêt l’essai que William Axon a consacré à la vie et à l’œuvre de Lando, « Ortenso Lando, a Humorist of the Renaissance », publié en 1899 dans les Transactions of the Royal Society of Literature.

I.

Che miglior sia la povertà, che la richezza.

Que la pauvreté vaut mieux que la richesse.

II.

Che megliosia l’esser brutto, che bello.

Qu’il vaut mieux être laid que beau.

III.

Meglio è d’esser ignorante, che dotto.

Mieux vaut être ignorant que savant.

IV.

Meglio è d’esser ceco, che illuminato.

Mieux vaut être aveugle que voyant.

V.

Meglio è d’esser pazzo, che savio.

Mieux vaut être fou que sage.

VI.

Che mala cosa non sia si un Principe perda il stato.

Qu’il n’est pas mauvais qu’un prince perde son État.

VII.

Esser meglior l’imbria­chezza, che la sobrieta.

L’ivresse vaut mieux que la sobriété.

VIII.

Meglio è d’haver la moglie sterile, che feconda.

Mieux vaut avoir une femme stérile que féconde.

IX.

Meglio è vivere mandato in esiglio, che nella patria longa­mente dimorare.

Mieux vaut vivre en exil que demeurer longuement dans sa patrie.

X.

Meglio è l’esser debole & mal sano, che robusto & gagliardo.

Mieux vaut être faible et mal portant que robuste et gaillard.

XI.

Non essere cosa detestabile ne odiosa la moglie dis­ho­nesta.

Il n’est pas détestable ni odieux d’avoir une femme malhonnête.

XII.

Meglio è di piangere, che ridere.

Mieux vaut pleurer que rire.

XIII.

Esser meglio la caristia, che l’abondanza.

La disette vaut mieux que l’abondance.

XIV.

Che meglio è morire, che longamente campare.

Mieux vaut mourir que vivre longuement.

XV.

Che meglio sia nascere ne luoghi piccioli che nelle populose città.

Qu’il vaut mieux naître dans de petits villages que dans des villes peuplées.

XVI.

Che meglio sia habitare nell’humili case, che ne gran palagi.

Qu’il vaut mieux habiter une humble maison qu’un grand palais.

XVII.

Che mala cosa non sia l’esser serito et battuto.

Qu’il n’est pas mauvais d’être blessé et battu.

XVIII.

Non è cosa biasmevole ne odiosa l’esser bastardo.

Il n’est ni blâmable ni haïssable d’être bâtard.

XIX.

Meglio è d’esser in prigione, che in liberta.

Mieux vaut être en prison qu’en liberté.

XX.

Esser meglior la guerra, che la pace.

La guerre vaut mieux que la paix.

XXI.

Non esser da dolersi se la moglie si muoia e troppo stoltamente far chuinque la piagne.

Il ne faut pas s’attrister à la mort d’une épouse et bien sot celui qui la pleure.

XXII.

Meglio è non haver ser­vi­dori, che haverne.

Mieux vaut ne pas avoir de serviteurs qu’en avoir.

XXIII.

Che meglio sia nascere di gente humile, che di chiara & illustre.

Qu’il vaut mieux naître de famille humble plutôt que célèbre et illustre.

XXIV.

Esser meglio la vita parca della spendida & sontuosa.

Mieux vaut une vie modeste que splendide et fastueuse.

XXV.

Che la donna è di maggior eccellentia, che l’huomo.

Que la femme est de plus grande excellence que l’homme.

XXVI.

Che meglio sia d’esser timido, che animoso & ardito.

Qu’il vaut mieux être timide que courageux et hardi.

XXVII.

Che l’opere di Boccacio non sieno degne d’esser lette, ispetialmente le dieci giornate.

Que les œuvres de Boccace ne sont pas dignes d’être lues, et en particulier Le Décaméron.

XXVIII.

Che l’opere di quali al presente habbiamo sotto nome di Aristotele non sieno di Aristotele.

Que les œuvres que nous connaissons à présent sous le nom d’Aristote ne sont pas d’Aristote.

XXIX.

Che Aristotole fusse nonsolo un’ignorante, ma anche lo piu malvagio huomo di quella età.

Qu’Aristote était non seulement un ignorant mais aussi l’homme le plus mauvais de son époque.

XXX.

Che M. Tullio sia non sol ignorante de Filosofia, ma di Retorica, di Cosmo­grafia, & dell’Istoria.

Que Cicéron ignore non seulement la philosophie, mais aussi la rhétorique, la cosmographie et l’histoire.

23 novembre 2013

La condottiere, ou, la femme à trois visages

Classé dans : Actualité, Littérature, Politique, Société — Miklos @ 12:17


En haut à gauche : à la télévision iranienne. En haut à droite : à la télévision du Vatican.
En bas : à celle des Sœurs de la perpétuelle indulgence de Russian River (Californie).
Cliquer pour agrandir.

Lectures choisies sur le phénomène :

La Femme à trois visages, ou, Les Condottiéris, mélodrame de Boirie et Frédéric, musique de Quaisain et Darondeau, ballets de Richard (1805).

« C’est bien dit. Moi, je vais dans l’un de nos villages
Planter des choux. Adieu, la femme aux trois visages. »
— Marc-Antoine Legrand, La Femme fille et veuve (1707).

Une femme à trois visages, roman de Charles-Paul de Kock (1860?).

« Dans les Déclarations Paradoxes attribuées faussement à Ortensio Lendi et que traduisit Charles Estienne, l’auteur avoue qu’“un certain Matteoti de Venise, mais qui n’en est pas originaire, (lui) a raconté l’histoire arabe d’une femme à trois visages qui ensorcelle les gens en les obligeant à changer d’identité à son gré” ». — Frédérick Tristan, La Geste serpentine, roman (1970).

…et pour conclure, cet ouvrage scientifique.

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