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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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22 mars 2008

En parcourant la Wikipedia (3)

Classé dans : Sciences, techniques — Miklos @ 13:06

« Escape Artist Escape Artist Records est un label indépendant fondé en 1997 et basé en Philadelphie, aux Etats-Unis »

Outre les fautes de grammaire et de ponctuation, la liste des artistes du label est incorrecte (Ganglahia n’en fait pas, ou plus, partie – il semble avoir disparu totalement –, « Ken Mode » s’écrit « KEN mode ») et le lien sur 27 (le nom de l’un des groupes) mène vers la page consacrée à l’année 27 du calendrier julien… Ce n’est pas le cas de la page correspondante en anglais (qui n’est d’ailleurs pas liée à celle-ci).

« En avoir ou pas En avoir ou pas (en anglais, To Have and Have Not) est un roman fréquemment oublié d’Ernest Hemingway, paru en 1937. »

Cette entrée laisserait entendre que ce roman a été publié en français en 1937. Or il l’a été en 1945 dans la traduction de Marcel Duhamel (que l’on trouve curieusement mentionné souvent sous le nom de « Maurice Duhamel »), qui aurait mérité d’être mentionné dans ce contexte (dans la fiche que la WP française lui consacre, ce roman l’est). Ce livre est à l’origine du fameux film Port de l’angoisse de Howard Hawks (qui rapporte qu’Hemingway lui avait confié que c’était son plus mauvais livre) avec le couple extraordinaire Bogart et Bacall, dont la complicité ne se résumait pas qu’à celle qui perçait l’écran. William Faulkner – excusez du peu – a participé à la rédaction du scénario, et les répliques savoureuses, ironiques, sensuelles, en portent la griffe. Comment ne pas goûter la façon suggestive dont Slim (Bacall) dit langoureusement à Sam (Bogart) qu’il suffit qu’il la siffle pour qu’elle vienne : « You know how to whistle, don’t you, Steve? You just put your lips together and… blow. » (la pause d’un instant avant le dernier mot lui accorde une charge érotique assez puissante). Ou alors, lorsque, nonchalante, elle demande à Sam, le voyant porter dans ses bras Hélène de Bursac (Dolores Moran) évanouie : « What are you trying to do, guess her weight? ». Un film qu’on ne se lasse pas de revoir. Quant à la WP anglaise, la page consacrée à ce roman mentionne toutes ses adaptations cinématographiques (qui ont aussi une entrée à part), ce qui n’est pas le cas de la page correspondante en français.

« Godfrey Harold Hardy Godfrey Harold Hardy (7 février 1877 – 1er décembre 1947) est un mathématicien britannique de premier plan, lauréat de la Médaille Sylvester en 1940 et de la médaille Copley en 1947, connu pour ses œuvres en théorie des nombres et en analyse. Les non-mathématiciens le connaissent surtout pour deux choses (…) Des années plus tard, Hardy a cherché à supprimer le système Tripos comme il a estimé que cela devenait une fin en soi qu’être des moyens à une fin. Hardy est aussi crédité de sa réforme dans les mathématiques britanniques en leur ayant apporté la rigueur, qui avait précédemment une caractéristique de mathématiques françaises, suisses et allemandes. (…) »

Le triste charabia qui émaille la notice à propos de l’un des plus grands spécialistes de la théorie des nombres résulte d’une traduction littérale et de mauvaise qualité de l’article correspondant en anglais. On ne peut dire que cela apporte de la rigueur à la WP… L’article contient une anecdote sans intérêt si ce n’est qu’elle mentionne la célèbre hypothèse de Riemann, conjecture mathématique soulevée il y a bientôt 150 ans par Riemann et restée sans démonstration (ou réfutation) à ce jour : un prix de 1 millions de $ sera attribué à la personne qui y arrivera finalement. Ce que la page de la WP consacrée à ce problème (prise de la page anglaise) ne mentionne pas c’est qu’un étudiant britannique, Ce Bian, a franchi une étape probablement cruciale dans cette recherche, à l’aide d’un ordinateur (10 000 heures de calcul…) et de son directeur de thèse (qui, on le suppose, lui aura consacré moins d’heures).

« Prix Gémeaux Les Prix Gémeaux, créés en 1986, sont des prix qui récompensent chaque année les professionnels de la production télévisuelle francophone au Canada. Les Gemini Awards récompensent les productions anglophones. »

Cette définition est suivie d’une liste de 190 catégories (actuelles ou passées) de ce prix, chacune d’elle donnant lieu à une page souvent presque vide. On a vu ailleurs d’autres exemples de ce genre de prolifération (communes, villages, hameaux, sportifs, acteurs, films, groupes, disques…) produisant des entrées indigentes qui, si elles se trouvaient dans l’une des encyclopédies avec lesquelles la WP prétend se comparer, n’auraient pu assurer leur réputation. En ce qui concerne les films, rien n’égale – en exhaustivité, en détail des contenus ni en fonctionnalités – la célèbre base de données IMDb, qui comprend plus d’un million d’entrées (qui, à la différence de la WP, ont toutes du contenu) dont quelque 380 000 films et 480 000 épisodes de séries télévisées. À ceux qui recherchent des informations en français sur le cinéma, on conseillera Allociné, qui fournit, en plus des synopsis et de la distribution, les lieux et les horaires des séances. La WP ne peut s’y mesurer – comme elle ne le peut avec les bases de données spécialisées – elle devrait donc effectuer des choix bien plus clairs : moins d’articles, plus de qualité (= articles de fond, et pas uniquement une définition, ou, pire, une mention). Mais lorsque le critère de comparaison n’est que quantitatif (nombre de pages), il n’est pas étonnant que l’on veuille faire du chiffre. Ah, les trompettes de la renommée…

« Scientific Data Systems Scientific Data Systems, or SDS, was an American computer company founded in September 1961 by Max Palevsky, a veteran of Packard Bell and Bendix, along with eleven other computer scientists. (…) In December 1966 SDS shipped the entirely new Sigma series, starting with the 16-bit SDS Sigma 2 and the 32-bit SDS Sigma 7, both using common hardware internally. The rise of the 8-bit ASCII character standard was pushing all vendors to the 8-bit standard from their earlier 6-bit ones, and SDS was one of the first to enter this market.  »

La WP de langue anglaise donne – heureusement – un historique bien plus complet de ce constructeur informatique américain de premier ordre que ne le fait la WP française, dont la définition se résume à « SDS (Scientific Data System) est le nom d’une ancienne compagnie informatique américaine. » Cette dernière n’est d’ailleurs pas beaucoup plus prolixe au sujet d’Honeywell, dont l’activité informatique, non négligeable en son temps, fut vendue au groupe français Bull. Pour en revenir à l’ordinateur Sigma 2 de SDS, il est intéressant de noter (ce que ne fait pas la WP anglaise) qu’il comportait une mémoire vive de 32 Ko (aujourd’hui, il est courant d’avoir 1 Go dans son ordinateur, soit 32 000 fois plus), n’avait pas de mémoire externe (disques durs) et pouvait effectuer des tâches graphiques multi écrans et en temps réel grâce, d’une part, à son architecture novatrice et, d’autre part, à l’économie de moyens utilisés en programmation (en langages assembleur ou, plus rarement, Fortran). Là où la WP anglaise se plante, c’est en parlant d’« ASCII 8 bit » à son propos : double erreur, le codage ASCII nécessite 7 bits, et le Sigma 2 utilisait un codage différent, l’EBCDIC (sur 8 bits), qui avait été introduit auparavant par IBM.

Quelques textes précédents et suivants à ce propos :

• Wikipedia (28/9/2004)
• Le web comme hégémonie de l’amateurisme, ou Wikipedia sous les feux croisés (20/10/2005)
• Wikipedia redux, ou l’amateurisme a un coût (26/10/2005)
• La Wikipedia au Kärcher (12/12/2005)
• De musique, de numérique, de blogs, de Wikipedia et d’Amazon, de célébrité et d’authenticité (26/2/2007)
• Du rififi chez les Wikipediens (4/3/2007)
• Le parcours d’une star : d’étoile à supernova ? (12/10/2007)
• L’amateur, le savant, le contributeur anonyme et l’auteur (28/1/2008)
• Les faits et les méfaits du mail (23/3/2008).

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