Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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23 décembre 2008

Évolution

Classé dans : Progrès, Publicité, Sciences, techniques, Société — Miklos @ 13:02

« La publicité, c’est la gloire du riche ; la gloire, c’est la publicité du pauvre. » — Auguste Detœuf

“My opinions may have changed, but not the fact that I am right.” — Ashleigh Brilliant

« Évoluer, c’est céder à la fatalité. » — Thomas Mann

“Someday, there will be advertising on Wikipedia. Either that, or we will have to find some other way to raise money, but I can’t think of any. (…) I imagine that there will be some resistance to advertising from adamant anti-capitalists, and from those who think that any association with money is necessarily corrupting. I can’t really help that, and I can only state for the record that I think such people are seriously mistaken in many aspects of their world view.”

Personal Appeal From Wikipedia Founder Jimmy Wales, 9 novembre 2001.

“Like a national park or a school, we don’t believe advertising should have a place in Wikipedia.”

An appeal from Wikipedia founder, Jimmy Wales, 23 décembre 2008.

“Currently, the predominant business model for commercial search engines is advertising. The goals of the advertising business model do not always correspond to providing quality search to users. (…) For this type of reason and historical experience with other media, we expect that advertising funded search engines will be inherently biased towards the advertisers and away from the needs of the consumers. (…) we believe the issue of advertising causes enough mixed incentives that it is crucial to have a competitive search engine that is transparent and in the academic realm.”

Sergey Brin and Lawrence Page [les deux co-fondateurs de Google], “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, 1998.

“Advertise your business on Google. No matter what your budget, you can display your ads on Google and our advertising network. Pay only if people click your ads.”

Google AdWords, 2008.

“Fascinating, those huge batteries of machines pouring out their messages to the American people. It seemed to him almost miraculous, the way the commercials were broadcast into thin air and picked up by the tiny discs embedded in the bottle or can or box or whatever wrapping contained the product, but he knew it involved some sort of electronic process that he couldn’t understand. Such an incredibly complex process, yet unfailingly accurate!”

Ann Warren Griffith, “Captive Audience”, 1953.

21 décembre 2008

À propos des finances de l’État

Classé dans : Politique — Miklos @ 3:59

L’épidémiologiste William Farr (1807-1883) était un statisticien renommé qui a exercé sa science au bureau de l’État civil britannique (General Register Office) de 1838 à 1879. Sa communication (en français) lors d’une conférence internationale de statistique qui s’est tenue à Vienne en 1857 est toujours – voire plus que jamais – d’actualité :

« Il faut constamment se rappeler qu’en ce qui concerne les finances de l’État il ne saurait y avoir de terme moyen entre le silence absolu et la publication franche et loyale de la vérité. Les capitalistes peuvent toujours faire payer cher le silence, et encore plus cher l’imperfection des comptes publics ; ils nous pardon­neront, si, dans l’intérêt de la science, nous leur enlevons à jamais cet avantage ; qui, en paroles Anglaises—un peu changées—if it enriches them, makes us poor indeed. » — « Report of Dr. Farr on the Progress of Government Statistics in Great Britain », in Report on the International Statistical Congress, held at Vienna, September 1857.

20 décembre 2008

Life in Hell: Akbar n’est pas si zen que ça

Classé dans : Cuisine — Miklos @ 17:19

« Manger bio, boire beaucoup d’eau et prendre quelques cours de yoga… pour rester zen, il n’y a pas que ça ! » — Anon.

Akbar aime les tomates qui ont le goût de tomates, même si elles ne sont pas parfaitement rondes et uniformément rouges tel un visage surexposé au soleil après un séjour au Club Med. Il savoure les pommes sans qu’elles soient forcément brillantes comme un sol en PVC passé au Ripolin, et les bananes, il les préfère piquées, parfumées et sucrées et non pas pâles comme la lune en fin de décroissance. Il se fournit donc bio (chez « la première enseigne spécialisée de produits biologiques et naturels en région parisienne »), ce qui lui permet aussi de déguster crues ou cuites les peaux de fruits et de légumes sans craindre de voir son taux de dioxine augmenter sensiblement.

Un petit supermarché bio au nom très bio (et qui annonce être « leader de la distribution alimentaire biologique spécialisée en France ») s’est récemment ouvert dans le coin. Malgré sa façade trop dans le vent, Akbar décide finalement d’y rentrer. Au premier coup d’œil, il constate que le choix, pour un même produit, y est plus limité que dans ceux qu’il fréquente et est plutôt orienté vers la grande production industrielle bio que vers les petits producteurs. Des rayons proposent aux adeptes de ceux-qui-mangent-sur le-pouce des repas tout prêts en boîte de plastique (qu’il espère recyclable). Les quelques fruits et légumes ont un petit air fatigué qui ne le séduit pas. Quant aux prix, ils sont à la hauteur du décor.

Akbar se dirige vers la sortie quand il aperçoit du coin de l’œil un pain au müsli emballé sous cellophane. L’étiquette qui recouvre tout une face (en annonçant « pains », bien qu’il n’y en ait qu’un) en décline la composition : raisins, abricots, noisettes, amandes en poudre, figues, noix, noix de cajou, dates… et en plus, bio (à part 50% de la farine de blé complet, mais il faut lire les notes de bas de page pour le constater). La salive monte à la bouche d’Akbar. Il ne résiste pas à la tentation, il s’en saisit et passe à la caisse.

Arrivé chez lui, Akbar sort le paquet, va en découper l’emballage. Mais ce qu’il aperçoit alors le glace d’horreur : le pain est couvert de taches de moisissure excepté sur la face où se trouve l’étiquette, ce qui explique qu’il ne l’ait pas remarqué en l’achetant. Et pourtant, il y a encore deux mois jusqu’à sa péremption annoncée.

Outré, Akbar retourne dare-dare au magasin pour y rendre l’objet du délit (qu’il aurait tant voulu être celui du délice). Le vendeur s’en saisit d’un air dégagé :

— « Ça arrive ».

Akbar demande :

— « Vous ne vérifiez pas vos produits ?

— Et vous, vous n’avez pas vérifié ?

— Ce n’est pas mon métier ! » dit Akbar indigné. Naïf, il ne suppose pas a priori que les produits qu’il achète sont avariés, surtout dans un magasin qui se dit bio (même si ce n’est qu’à 50%).

Akbar espère que le magasin vérifiera tout le lot, mais à vrai dire il en doute. Fidèle, il revient à son magasin habituel, finalement content de ne pas l’avoir trompé avec ce petit jeune.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

Life In Hell: La Poste a un fichu caractère

Classé dans : Société — Miklos @ 15:09

Akbar a une relation mitigée – une love-hate relationship, comme on dit dans les milieux branchés – avec la Poste. C’est une veille dame qu’il respecte pour sa longue et glorieuse histoire. mais qu’il trouve bien fatiguée et qui a grand mal à remplir sa noble mission de transport du courrier. Et ce n’est pas l’électronique qui arrange les choses.

Akbar lui confie un joli cadeau. Deux jours plus tard, il se rend sur le site de la Poste pour s’informer de ses tribulations. Voici ce qu’il y lit :

Les « ????? » qui fleurissent, tels des lys noirs épuisés, dans tous les champs du tableau ne manquent pas de l’interloquer. La commande n’aurait-elle pas été prise en compte ? Le colis serait-il parti dans les choux ? Ni une ni deux, il appelle le fournisseur, qui l’assure de son bon acheminement et de sa livraison prochaine, pour preuve le site en question. « Pourquoi moi ? » se demande Akbar. La Poste prendrait-elle sa revanche de lui pour avoir parlé de sa décrépitude ?

Le mystère est vite résolu, il ne s’agit que d’un crêpage de chignons entre vieilles dames : c’est Microsoft que la Poste déteste ; elle ne veut révéler à son septième explorateur les détails du parcours du colis en question, tandis qu’elle les livre sans rechigner à son concurrent, le jeune Renard de feu. Akbar prend sa plus belle plume et remplit avec application le formulaire électronique de contact. Mais la vieille dame n’a pas dit son dernier mot, voici ce qu’elle répond du tac au tac, sitôt le courrier envoyé :

Si Akbar a un mauvais caractère, celui de la Poste est bien pire. Elle devrait se ressaisir avant d’être totalement priv(atis)ée de sa clientèle.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

15 décembre 2008

Strong but silent

Classé dans : Cinéma, vidéo, Histoire, Société, Théâtre — Miklos @ 1:25

« Les silencieux ne sont pas forcément des penseurs. Il y a des armoires fermées à clef et qui sont vides. » — Madeleine Brohan

« …but she herself was merely a Sphinx without a secret. » — Oscar Wilde

Madeleine Brohan, « fille de cette Suzanne Brohan tant aimée, tant applaudie, et la sœur d’Augustine, la comédienne par excellence, un écrivain sans le vouloir, une grande dame dans son salon, une femme unique »1 est une actrice précoce : « Dans un feuilleton dramatique de cette époque, nous lisons qu’elle avait alors dix-sept ans [à ses débuts remarqués dans Les Contes de la Reine de Navarre, pièce écrite pour elle par Eugène Scribe]… Est-ce possible ? puisqu’elle n’en a que vingt-cinq aujourd’hui, seize ans plus tard. »1

Elle était belle, de cette beauté de l’« opulente et élégante bourgeoisie parisienne »2. Plus vache, Théodore de Banville s’étend : « Les yeux larges et brillants sous de riches sourcils, la bouche sensuelle et chaste, la lourde chevelure, le profil serein et superbe, tout est d’une beauté rare. Le nez seul est peut-être un peu, — mais ceci est une nuance, — un tout petit peu, un très-petit peu fort ; mais l’éclat des trente-deux dents blanches est irrésistible. Des mains royales. La stature et la poitrine beaucoup trop accomplies pour une comédienne, car la vraie actrice doit être maigre comme un manche à balai, pour représenter un bon mannequin à costumes ! Mais on fait ce qu’on peut. » À se demander si la gravure que l’on voit ici représente la même personne… Ou alors, c’est que sa stature et sa poitrine s’étaient fort accomplies au cours des quelque dix années qui séparent l’estampe (1855) de la description qu’en fait Banville (1866).

Les critiques de l’époque sont partagés, ils aiment ou ils n’aiment pas et n’y vont pas par quatre chemins pour le dire. On retiendra ce qu’en écrit Nestor Considérant en 1856 : « Elle possède toutes les qualités de la grande comédienne : un organe admirable, harmonieux et plein ; une diction élégante et sobre, peut-être parfois un peu trop rapide; une grande sobriété dans le geste, qu’elle trouve toujours juste et de bon goût; une noblesse, une sévérité irréprochables dans les attitudes, et pardessus tout la vérité, la simplicité, la chaleur, qui part de l’âme et qui fait tout l’artiste. » Jules Claretie résume : « c’était Madeleine, la spirituelle, vaillante, aimable, applaudie, et toujours belle Madeleine Brohan ».

Madeleine Brohan est nommée sociétaire de la Comédie-Française en 1852 et crée plus tard le rôle titre des Caprices de Marianne de Marivaux. En fin de carrière, elle connaîtra dans Le Monde où l’on s’ennuie d’Édouard Pailleron un grand succès.3 Cette pièce a d’ailleurs connu une seconde vie en 1934 grâce au film éponyme de Jean de Marguenat (avec André Luguet, Pierre Dux, etc.).

À lire les critiques de l’époque, elle était aussi connue pour son esprit, non seulement sur scène mais à la ville. La citation en exergue est intemporelle et résonne avec le propos d’une belle nouvelle d’Oscar Wilde. Elle s’applique de façon lapidaire – et quasi littérale – aux habitués de la salle de sport du quartier. Ces armoires à glace, qu’elles soient trapues ou hautes, sont pour la plupart d’un mutisme (de glace, même dans le sauna) à l’égard de tout inconnu qui les saluerait (ce qu’elles ne font jamais d’elles-mêmes) lorsqu’il les croise à l’entrée ou les côtoie dans le petit espace vital du vestiaire. Rarement, un grognement en guise de réponse, sans même se retourner vers l’interlocuteur. Mais entre elles, ces armoires se mettent à babiller d’une voix de tête toute aussi surprenante que leur silence. Rien à voir avec la diction élégante et la sobriété du geste de Madeleine Brohan…

Madeleine Brohan est curieusement liée à une affaire dont l’écho a perduré. La petite villa qu’elle habitait à Chatou fut la scène d’un meurtre dont le souvenir éclipse celui de l’artiste. En 1882, la maison fut louée par un certain Marin Fenayrou, à propos duquel Octave Mirbeau écrivait : « il est laid, il est abject, il est pharmacien, il est tout ce que vous voudrez, soit. Mais il est marié, et… trompé et, à ces deux titres, il est sacré. » Couple mal assorti : Gabrielle est mariée à l’âge de dix-sept ans par sa mère à Marin qui en a trente. Le mari s’empresse de virer sa belle-mère de la maison de famille et de l’affaire qu’elle lui a transmises. Il est brutal, rusé, joueur et paresseux, la jeune femme est sentimentale. Cinq ans après leur mariage, elle devient la maîtresse de Louis Aubert, un apprenti de vingt-et-un ans qui venait d’arriver dans l’affaire. Il y prend un tel ascendant qu’il rompt avec son patron et s’en va en 1880. Fenayrou l’assassinera en 1882, après avoir appris l’infidélité de sa femme.4

Albert Bataille relate l’affaire dans ses Causes criminelles et mondaines de 1882. Le président de la cour d’Assises devant lequel ils ont comparu, Anatole Bérard des Glajeux, en parle dans ses souvenirs. Elle est reprise après guerre dans la série de bandes dessinées à épisodes Le Crime ne paie pas publiées dans France-Soir dans les années cinquante, et c’est un des quatre épisodes du film éponyme de Gérard Oury, sorti en 1962 avec Pierre Brasseur (Marin), Annie Girardot (Gabrielle) et Christian Marquand (Louis).


1 Félix Savard.
2 Charles Monselet.
3 Que la Wikipedia confond avec son autre pièce, Le Monde où l’on s’amuse.
4 D’après A Book of Remarkable Criminals, par H.B. Irving.

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