Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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25 janvier 2010

Le réseau ferré français est dangereux

Classé dans : Histoire, Musique — Miklos @ 0:43


PARIS, 17 septembre. — Le public en France est très perturbé par la fréquence des accidents semble-t-il inexcusables sur la ligne de l’Ouest, qui est exploitée par le Gouvernement. L’accident, qui a eu lieu près de Cherbourg cette semaine et qui a coûté la vie à huit personnes, semble avoir été entièrement dû, d’abord, à des défauts de construction de la voie, et ensuite au mauvais état des voitures. — New York Times, 18 septembre 1910.

La Compagnie des chemins de fer de l’Ouest a été constituée le 13 juin 1855 (à la suite d’un décret du 27 janvier 1852) par la fusion de sociétés concessionnaires des lignes de Paris à Saint-Germain, Argenteuil et Auteuil (qui était en dehors de Paris jusqu’en 1860), Paris à Rouen, Rouen au Havre, Dieppe et Fécamp, l’Ouest, Paris à Caen et à Cherbourg, et auxquelles se rajoutent diverses lignes et embran­che­ments, notamment de Rennes à Brest, de Rennes à Saint-Malo et du Mans à Angers. On lira avec profit la notice historique qui en détaille les fusions successives.

Son premier conseil d’administration comprenait quelques noms célèbres à un titre ou un autre : le comte Prosper de Chasseloup-Laubat (ministre nous Napoléon III), le duc de Noailles, le baron Casimir de l’Espée (neveu du maréchal Ney ; inconnu de Wikipedia qui propose comme recherche alternative « Casimir de l’obèse »), Charles Laffitte (promoteur de la construction de la voie Paris-Rouen et neveu du banquier Jacques Laffitte), Émile Pereire (banquier comme son frère, et tous deux fondateurs de la compagnie Paris-Saint-Germain ; saint-simoniste)…

Les amateurs d’Offenbach en ont entendu parler, ou plutôt chanter, dans La Vie parisienne, qui s’ouvre ainsi :

Nous sommes employés de la ligne de l’Ouest,
Qui dessert Saint-Malo, Batignolles et Brest,
                   Conflans, Triel, Poissy,
                   Barentin, Pavilly,
                   Vernon, Bolbec, Nointot,
                   Motteville, Yvetot,
                   Saint-Aubin, Viroflay,
                   Landernau, Malaunay,
                   Laval, Condé, Guingamp,
                   Saint-Brieuc et Fécamp.
Nous sommes employés de la ligne de l’Ouest,
Qui dessert Saint-Malo, Batignolles et Brest.

Il ne faut pas en conclure que c’était le parcours réel de la ligne. Voici ce qu’en dit Le Paysage normand (publié en 1980 par le centre d’art, esthétique et littérature de l’université de Rouen) :

Voilà bien un itinéraire de fantaisie où Normands et bretons s’égareront aisément ! Pourtant les gares de la ligne du Havre (de Paris à Bréauté Beuzeville très exactement) figurent dans un désordre savant pour des raison de rythme (cette énumération est un chœur d’ouverture). La géographie normande de Meilhac et Halévy est une géographie hâtive et emportée par le mouvement de la locomotive, une sorte de Lison bon enfant qui laisse pour le moins des souvenirs mêlés dans l’esprit du voyageur distrait.

Finissons donc en musique : le train – au rythme si caractéristique – n’a pas manqué d’influencer de nombreux compositeurs : on pense au Pacific 231 de Honneger ou à l’impressionnant (et glaçant) Different Trains de Steve Reich, mais savez-vous qu’il y a des dizaines, voire des centaines d’œuvres qui citent les trains, d’une façon ou d’une autre, de 1828 à 2009 (au moins) ? Phil Pacey les a recensées pour vous.

24 janvier 2010

Au temps où i fallait savoi bien parler, ou, François ou François ?

Classé dans : Langue — Miklos @ 9:33

Bien que les méthodes d’enregistrement sonore n’étaient pas développées à l’époque de Louis le bien-aimé, XVe du nom, il existe diverses indications sur la façon dont le français devait se prononcer alors. La Nouvelle méthode pour apprendre facilement les langues françoise et angloise d’Alexandre de Rogissard, publiée en 1724, fournit de précieuses précisions à ce sujet. Nous avons eu l’occasion de la citer pour l’étonnante ressemblance des dialogues qu’il propose pour apprendre le français avec ceux que Ionesco a inclus dans ses Exercices de conversation et de diction françaises pour étudiants américains, quelque 250 ans plus tard.

Voici quelques règles de prononciation qui prévalaient alors (entre crochets, nos commentaires).

Les François ont vingt-cinq Lettres dans leur Alphabet. A, B, C, D, E, F, G, H, I, (J,) K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, (V), X, Y, Z.

Il faut les prononcer ainsi. Aw, Bé, Cé, Dé, Eé, Ef, Gé, Awsh, Ee, (Ee,) Kaw, Ell, Eam, Ean, O, Pé, Kuu, Err, Ess, Té, Uû, (V,), Eexe, Ee Grec, Zed.

Au lieu du double U [W] ils se servent de la diphtongue ou.

On les distingue en Voyelles, Consones, & Liquides.

La Voyelle est une Lettre qui rend un son par elle-même. Il y en a Six, A, E, I, O, U, Y.

La Consone ne peut rendre un son qu’avec une autre Lettre ; par Exemple, B, comme s’il étoit écrit .

La Liquide est une Lettre qui a le son fort doux. Nous en avons quatre, L, M, N, R.

Une Consone à la fin d’un mot se perd, si une autre Consone ou Liquide commence le mot suivant, par Exemple, vous parlez bien [ce qui indiquerait que le z final se prononçait dans les autres cas]. Il faut prononcer, vous parlé bien.

Une Liquide ne se perd pas genéralement à la fin des mots, quoiqu’une Consone commence ceux qui suivent ; par Exemple, c’est un bon Prince. La Liquide N se perd pourtant quand elle se rencontre en la troisiéme personne du Pluriel des Verbes, si la voyelle e la précede dans la même Sillabe ; par Exemple, ils parlent, il faut prononcer I parle, en prose ; & en vers, I parlet, quand une voyelle suit. On l’écrit seulement pour distinguer le Pluriel d’avec le Singulier.

La Liquide R se perd aussi à l’infinitif des Verbes de la seconde Conjugaison ; par Exemple, On fait bâtir tous les jours, il faut prononcer, on fait bâti tous les jours. Elle se perd même quoiqu’une voyelle suive ; par Exemple, il fait bâtir une maison. On peut ne pas prononcer l’R.

La Liquide L se perd dans le mot, ils, quand la première lettre du Verbe qui suit est une Consone. Par exemple, ils parlent, lisez, I parle ; ils chantent, dites, I chante. Cette liquide se prononce devant une voyelle, par Exemple, il est.

L’l du mot ils devant les Verbes qui commencent par une voyelle se perd, on prononce seulement l’s ; comme ils ont, lisez, is ont.

À cette époque, les lettres i et j n’avaient pas encore pris leur autonomie. Dans le chapitre Du son de l’I, Rogissard écrit :

Notre j est aussi Consonne, quand il commence la Sillabe joint à une voyelle ; comme par exemple, jamais, jaloux, jetter, jour, juge, &c.

Il est voyelle quand une Consonne se rencontre devant dans la même Sillabe, comme au mot de particulier.

Il en va de même pour les lettres U et V. Dans le chapitre intitulé Du son de l’U, on lit ainsi :

L’V consonne se distingue que l’u voyelle, premierement par la difference que vous voyez dans leur caractere.

Secondement l’v consonne est toujours suivi d’une voyelle dans la même Sillable, par Exemple dans le mot, vous.

Mais l’u voyelle est presque toujours précedé d’une consonne ou liquide, dans la même Sillabe ; par Exemple en ces mots, Nature, Lueur.

Enfin, la proximité sonore des lettres i et y occasionnait parfois un rapprochement graphique ; dans certains usages, il a été remplacé plus tard par le i. On appréciera l’incise sur la solitude de l’Y.

Nous prononçons notre y comme notre i, & on se sert souvent à sa place de l’i marqué de deux points ï.

Nous le mettons ordinairement entre deux voyelles, comme dans les mots ayant, Monnoye.

Quand y fait une Sillabe par lui-même, il se peut mettre devant u consone ; comme dans le mot yvre.

Y, quoique seul, exprime un de nos adverbes de lieu ; par Exemple, nous disons, il y a, il y avoit, il y aura.

Pour finir, on citera la règle – fort complexe – qui résout un mystère pour nous : prononçait-on Le François alors comme se prononce aujourd’hui le prénom ? Et voici la réponse :

La Diphtongue oi, ou eoi, se prononce comme woy en Anglois, dans ces mots,

Accrois, boiteux, courtois, effrois, joie, loisir, Roi, François (nom propre) mémoire, noir, poisson, pourquoi, quoique, voilà, bourgeois &c.

& dans les Presens et Infinitifs des Verbes de la troisieme Conjugaison,

Recevoir, je reçois, voir, je vois, apercevoir &c.

Dans tous les Imparfaits ces deux Voyelles se prononcent comme ay en Anglois ; par exemple :

J’aimois, tu avois, il buvoit, il parloit, il dinoit, le diroit, &c.

Ainsi se prononcent aussi les voyelles oie, dans la derniere syllabe de la troisieme Personne du Pluriel de tous les Imparfaits :

Begayoient, debauchoient, buvoient, aimoient, diroient, demandoient, &c.

Plus de doute : François le nom propre, et François le qualificatif de l’habitant de la France (nous n’entrerons pas ici dans le débat sur son identité) se prononçaient alors François et Français, respectivement.

23 janvier 2010

La promenade

Classé dans : Récits — Miklos @ 16:48

Le trottoir est noir de piétons, touristes déambulant sans but ou employés pressés de rentrer chez eux. L’homme n’aime pas la cohue. Quand l’un des passants le bous­cule, il se retourne vif comme l’argent, lui plante discrètement un poignard dans le dos et reprend tranquillement sa promenade.

Arrivé au coin de la rue, il attend patiemment que le feu passe au rouge. Un motard a la velléité de griller le feu devant lui tandis qu’il est déjà dans les clous. Il tire une seule fois avec son silencieux.

Il finit de traverser, mais les voitures, garées pare-choc contre pare-choc, ne lui permettent pas de quitter la chaussée. Il les longe pour trouver un passage, et profite pour donner un coup de pied vigoureux dans leurs pneus. Les bouts pointus de ses chaussures sont munis d’un clou qu’il change régulièrement.

Il arrive à son restaurant favori et s’installe au fond, toujours à la même table. Il n’a pas besoin de passer commande, la serveuse lui apporte le ragoût qu’il mastique quoti­dien­nement avec le plaisir de l’habitude.

Mais sa quiétude est bientôt dérangée par un groupe de jeunes qui envahissent la salle et s’installent aux tables qui l’entourent. Leurs voix qu’il trouve tonitruantes, leurs rires éclatant comme des tirs de canon, leurs histoires salaces lui sont insup­portables. Il sort une petite bombe de sa poche et diffuse aux alentours un nuage de chloroforme.

Il mange sa crème brûlée, sirote une tisane insipide et s’en retourne chez lui. Dans l’ascenseur, sa voisine de palier l’importune obséquieusement. Il lui suffit d’un instant pour l’étrangler. Il ouvre sa porte et rentre dans l’appartement plongé dans l’obscurité.

C’est alors que le réveil sonne. Il ouvre lentement les yeux et quitte à regret le monde dans lequel personne n’ose plus lui marcher sur les pieds.

22 janvier 2010

« Dieu, jeune encore au moment de sa mort », ou, La vie de Dieu

Classé dans : Histoire, Lieux — Miklos @ 9:06


Le général Dieu. L’Illustration, journal universel du 14 avril 1860.

La rue Dieu, à Paris, tire son nom non pas du ciel mais de la Terre : il s’agit du général Dieu, « vigoureux et brillant officier », grièvement blessé le 24 juin 1859 à la bataille de Solférino au pied du mamelon des Cyprès et mort neuf mois plus tard de la terrible blessure qu’il avait reçue. Un buste en marbre du personnage se trouve dans les galeries historiques du château de Versailles.

Ce n’est que dans le Journal des instituteurs du 15 avril 1860 que l’on trouve des précisions biographiques sur ce Dieu (la Wikipedia de langue française est muette à son sujet) – tout, sauf son prénom, Charles Prosper, mentionné en passant dans Paris et Île-de-France vol. 36-38… Voici ce que l’on peut lire dans ce Journal :

«Le général Dieu, qui s’est couvert de gloire à Solferino, où il avait élu blessé, vient de mourir à Paris. Ce brave et regretté général a demandé que les honneurs militaires lui soient rendus à son convoi, par le 74e de ligne qu’il conduisait à l’ennemi au moment où il fut frappé d’un coup de feu. Le général Dieu était né en 1813 ; sorti de Saint-Cyr en 1831, il fut promu au grade de lieutenant d’état-major en 1834 ; après avoir servi en Afrique avec une grande distinction, il fut nommé aide de camp du maréchal Baraguay-d’Hilliers qu’il accompagna en Orient. Attaché en 1853 à l’armée ottomane et à son général en chef Omer-Pacha, il contribua puissamment à la belle résistance que les Turcs opposèrent à l’armée russe sur le Danube et les Balkans pendant la première période de la guerre d’Orient. Il commandait à l’armée d’Italie une une brigade du 1er corps, et fut blessé dès le commencement de la bataille de Solferino à l’attaque de la butte des Cyprès. Une auguste visite, dit la Patrie, est venue adoucir ses derniers jours, et il emporte dans la tombe, avec les regrets de toute l’armée, l’affection de ceux qui ont servi sous ses ordres.

Les obsèques du général Dieu ont eu lieu le 11 avril. Toute l’armée, représentée par les maréchaux Magnan, Baraguay-d’Hilliers et un grand nombre de militaires de tous grades, de tous rangs et de tous armes, enfin par ce brave 74e lui-même avec son drapeau, se pressait dans l’église de Saint-Louis-d’Antin et rendait les derniers devoirs à un vaillant frères [sic] d’armes qui, sur vingt-neuf années de services, dont quatre d’écoles, en passa vingt-trois à faire la guerre et fournit une de ses belles pages à l’histoire de l’activité intelligente et dévouée de l’officier d’état-major.

Les cordons du poêle étaient tenus par les généraux de Vaudrimey-Davoust, de Gouyon, de Beaufortd Hautpoul et le colonel Espivent.

Tout le quartier de la Madeleine se montrait vivement ému, car c’est au milieu de sa vive sympathie que le général Dieu passa les longs mois de son martyre. C’est rue de la Victoire, sous le toit hospitalier de la famille Labouret, qu’il fut donné à notre temps de voir la plus sainte amitié disputer à la mort une victime aussi précieuse.

Après la messe et les prières accoutumées, le corps fut transporté à Arcueil, où est le caveau de la famille du général. Le cortège, passant par les boulevards et la rue Royale, gagna la route d’Orléans, où la garde nationale et toute la population d’Arcueil attendaient les restes confiés désormais à leurs soins.

Les derniers moments de cette cérémonie ont été remplis par les paroles prononcées sur sa tombe par ses chefs, par le maréchal Baraguay-d’Hilliers, qui le connaissait depuis son enfance, et ne put, sans une vive émotion, dire un dernier adieu à son aide de camp, à celui dont il avait reçu la preuve la plus rare de dévouement, et par le général Forey, dont les paroles sympathiques trouvèrent un écho dans tous les cœurs.

Le général de Villiers, chef d’état-major du maréchal Magnan et ami du général Dieu, entra dans le récit détaillé de cette existence arrêtée au moment où elle allait réaliser les plus belles espérances.

Il rappela qu’en Afrique, simple capitaine d’état-major, Dieu se présenta seul au maréchal Baraguay-d’Hilliers qui demandait un officier résolu pour porter de nuit un contre-ordre, à travers trente lieues de pays insurgé, à une colonne qui devait coopérer à une attaque qu’une neige abondante tombée dans la soirée rendait impraticable. Enfin M. Labrousse, sous-préfet de Sceaux, vint à son tour assurer l’assistance émue des sentiments de la commune où devaient désormais reposer les restes du général. « On ne pleure pas, dit-il, sur la tombe des héros ; mais chaque année, à l’anniversaire de »la glorieuse victoire de Solferino, nous viendrons, habitants de cette contrée, déposer un laurier sur le mausolée d’une des victimes de noire gloire. » Cette cérémonie, écho éloigné d’une lutte terrible, laissera de nobles et touchants souvenirs dans tous les cœurs.

On conçoit que l’auteur de l’article ait eu à ne jamais omettre le titre du personnage, il n’aurait pu se permettre d’écrire « Les obsèques de Dieu ont eu lieu le 11 avril » vingt-deux ans avant Nietzsche. Et pourtant, on pouvait lire dans L’Illustration, journal universel du 14 avril 1860 (numéro d’où est tiré le portrait de Dieu qui orne ce billet) : « Dieu, jeune encore au moment de sa mort… ».

Dieu a vécu son long calvaire dans un lit que lui avait offert l’impératrice Eugénie (l’« auguste visite » mentionnée ci-dessus était sans doute de son fait ou de celui de son mari). Depuis son décès, Dieu repose au cimetière de Cachan (son frère, l’acteur Ami Hippolyte Dieu, habitait alors Arcueil, dont l’adjoint au maire était un autre Dieu de la même famille), mais on rapporte que la plaque qui portait son nom et donc sans doute son prénom, a disparu de sa tombe délabrée. Quoi qu’il en soit, ayant mérité de la nation (en fait, de l’Empire), Dieu mérite bien sa rue.

Alla breve. XXVII.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 0:16

[190] Du Messie à Rocky. La bibliothèque musicale de l’université North Texas possède des fonds originaux (d’un volume non négligeable : un demi million de partitions, neuf cent mille enregistrements sonores, trois cent mille livres et pério­diques, des photographies), pour le moins : on y trouve une première édition du Messie de Händel, une page (encadrée) d’un missel vieux de 700 ans ou une carte postale d’Arnold Schoenberg et des manuscrits d’Aaron Copland aux côtés de 45T d’Elvis, d’un album dédicacé des Ramones, d’un buste de Duke Ellington (unique au monde, il a été sculpté par un musicien, on en conçoit la rareté) ou d’une paire de bottes de cow-boy qui appartenaient à l’un des directeurs de la bibliothèque. De fait, elle est surtout renommée pour ses collections concernant le jazz et la musique pour fanfares (band music). Un entretien filmé avec son directeur permet de voir certaines de ses possessions. (Source)

[191] Grave, le métier. Si, comme on l’a récemment vu, tout le monde peut se transformer en graveur (de musique) – ne sommes-nous pas dans l’ère du Yes, you can! – le métier de copiste-graveur a une longue histoire. Pierre Thuries, qui l’exerce à Radio France, en parle dans un entretien passionnant, où il ne s’agit pas que d’évolutions techniques, mais aussi d’esthétique. Et encore, il ne s’agit ici principalement que de partitions en notation traditionnelle, que dire alors de celles d’Archipel IV d’André Boucourechliev (qu’on aimerait accrocher sur le mur de son salon, à défaut d’être en mesure de la jouer), d’Aria de John Cage, d’Artikulation de György Ligeti (« double » partition dont cette vidéo ne montre que la moitié), voire de Stripsody (mot-valise composé de « bande dessinée » et de «  rhapsodie ») de la géniale et regrettée Cathy Berberian (pour lequel Luciano Berio avait écrit des œuvres remarquables), que l’on peut toutes tenir dans ses mains et écouter – voire recomposer ! – à la Médiathèque de l’Ircam. (Source)

[192] Messiaen pour les petits. Plus on commence tôt, plus on a des chances d’y prendre goût. Ictus, l’excellent ensemble belge de musique contemporaine (dont on peut écouter ici des extraits d’un concert), a donné des mini concerts à des enfants de 7 à 10 ans, dans le cadre d’une découverte simultanée et ludique de l’Opéra de Lille et de la musique contemporaine : des œuvres de Philip Glass, de Tom Johnson et d’Olivier Messiaen. Une des spectatrices : « c’était bien, c’était rigolo… », ce n’est pas le public blasé de la capitale qui s’exprimerait ainsi ! (Source)

[193] Hommage à Larry Beauregard. Ce jeune flûtiste très doué – « modèle de ce que devrait être, idéalement, tout musicien du futur », selon Pierre Boulez, qui avait composé en son hommage Mémoriale –, membre de l’Ensemble intercontemporain, est décédé en 1985 à l’âge de 28 ans. Il avait participé au développement de la « flûte MIDI », dispositif permettant à un ordinateur de « savoir » à chaque instant ce que joue la flûte et de se synchroniser ainsi en live avec elle pour la production de sons synthétiques (dans cette vidéo, c’est l’ordinateur qui joue l’accompagnement, en « suivant » le jeu de l’instrumentiste). Le compositeur (et guitariste électrique) canadien Tim Brady vient d’écrire Requiem 21.5 à la mémoire de Beauregard, basé sur sept notes du Requiem en ré mineur de Mozart et sur quatre notes de Densité 21.5 de Varèse. Cette œuvre sera créée dans quelques jours par l’orchestre symphonique de Laval. (Source)

[194] Un ado aux Victoires de la musique. Raphaël Sévère vient d’être désigné comme candidat (« nominé », en franglais) aux Victoires de la musique dans la catégorie révélation soliste 2010. Il a 15 ans, et commencé le piano à l’âge de 4 ans, le violoncelle à 5 ans et la clarinette à 8 ans ; on le voit et l’entend jouer ici à l’âge de 12 ans à un concours international à Tokyo (dont on n’a pu trouver de confirmation indépendante sur le net japonais ou ailleurs). Bien évidemment, il a un site web, deux pages Facebook (une pour lui, une pour ses fans), une sur MySpace (avec des extraits d’enregistrements), deux pages Wikipedia (une française, une anglaise, dont l’auteur est « un enseignant habitant près de Nantes » ; tiens, tiens ! le père Sévère, clarinettiste lui aussi, est professeur au conservatoire de Nantes… comme c’est bizarre, comme c’est curieux et quelle coïncidence !) et un agent. (Source)

[195] Un violon sur le toit sur le carreau. L’associé d’un luthier réputé de Lyon transportait deux violons d’un certain prix. Il n’y a pas de petites économies : il a pris le tram, et devait se tenir dans l’articulation entre les deux voitures. Un virage à angle droit, et l’un des violons est écrabouillé. Pas à mort, semble-t-il, il serait réparable. Entier, il valait 18 000 €, tout de même. Ce n’est pas le prix d’un Stradivarius, mais cela ne consolera pas l’assurance. Quel couac… Ce n’est rien à côté de ce qui était arrivé à David Garrett, violoniste (et ex modèle pour Vogue et Armani) il y a bientôt deux ans : en sortant de scène, il chute dans l’escalier, et son violon (un Guadagnini – et non pas un Stradivarius, comme l’affirmait The Inde­pendent, autre couac ; ce facteur d’instru­ments se donnait pour élève de Stradivarius bien qu’on n’en ait pas la preuve, d’où la confusion, sans doute) qu’il avait acheté en 2003 pour un million de dollars s’est fracassé. La réparation devrait coûter près de 70 000 € et durer 8 mois, estimait-il alors. Il estimait aussi avoir eu de la chance : en tombant sur son étui, il ne s’était rien cassé, lui. Et on a mis à sa disposition un Strad un vrai, d’une valeur plus élevée, pour un concert qu’il devait donner pour la Saint-Valentin. Comme quoi à quelque chose malheur est bon… Et pour finir en beauté, on se souviendra du ballet Le Diable à quatre, sur la musique d’Adolphe Adam et d’après une pièce de Sedaine tirée elle-même d’une pièce de Shakespeare, dans lequel « la comtesse, furieuse qu’on ose danser tandis qu’elle a du chagrin, s’élance vers le ménétrier, s’empare du violon du pauvre aveugle et le brise en morceaux. (…) Aussitôt le vieil aveugle se redresse, se transforme et devient un puissant magicien. » C’est commode pour réparer soi-même son violon brisé, mais ce n’est pas ce qu’il fit. (Source)

[196] Offrez-vous un Cavaillé-Coll. Le grand orgue de l’église Saint-Jacques à Bergerac, construit par Cavaillé-Coll en 1877, est mal en point : cela fait dix ans qu’il est muet, faute de financements pour le réparer, bien que classé monument historique. L’abbé, bien inspiré, a lancé un appel à mécènes : pour 150 €, on devient le patron d’un tuyau, on aura son nom gravé sur une plaque sous la tribune de l’orgue et on bénéficiera d’une déduction fiscale. Le saint homme ne précise pas si on pourra se refiler ces tuyaux. (Source)

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