Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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20 septembre 2010

Le Regard de la Lanterne

Classé dans : Architecture, Histoire, Lieux, Photographie — Miklos @ 1:25

À l’occasion des journées du patrimoine des 18 et 19 septembre 2010, l’ASNEP (association des Sources du Nord, études et préservation) a fait visiter les regards de Paris qui existent encore. Il s’agit d’espèces de chambres où aboutissaient et d’où partaient les conduites d’eau, de débit assez limité, qui alimentaient les fontaines de Paris. Ce système devint inutile dans la seconde moitié du XIXe siècle, après que le baron Haussmann eut chargé Eugène Belgrand de mettre en œuvre un réseau chargé d’alimenter en eau chaque immeuble de Paris et non pas uniquement des fontaines publiques et quelques maisons de privilégiés.

Le regard de la Lanterne (près de la place des Fêtes) a été déclaré monument historique dès la fin du XIXe siècle ; il était placé sur un aqueduc important, celui de Belleville (dont il ne reste que quelques dizaines de mètres) :

Pour ce qui est des fontaines qui furent construites dans la rue St Martin et dans les cantons qui sont à l’orient de cette rue, elles tirèrent leurs eaux de l’aqueduc de Belleville, dont le temps de la construction ne nous est pas plus connu que celui de l’aqueduc du Pré-Saint-Gervais ; ils paraissent cependant être tous deux du même temps, à en juger par les fontaines qui en dérivaient; car dès l’an 1244, l’on voit que les religieux de St Martin avaient une fontaine derrière leur monastère, où les eaux venaient du bas de la montagne de Belleville. Ce n’était peut-être que pour l’usage particulier de ce Prieuré que cette fontaine avait été construite, de même que celle du Temple, qui est du même temps; mais il paraît que dès-lors, c’est-à-dire sous le règne de St Louis, la ville de Paris tirait de l’aqueduc de Belleville des eaux pour l’usage des habitants qui étaient renfermés dans l’enceinte de Philippe Auguste, puisque dans une visite des maisons de la censive de St Martin, faite en 1320, il y est fait mention de la fontaine Maubué, comme étant déjà ancienne. Je ne doute pas que la fontaine de Ste Avoie, qui était fur le chemin du tuyau qui portait l’eau à la fontaine Maubué, ne soit de la même antiquité que cette dernière; aussi est-elle marquée parmi les plus anciennes fontaines de Paris.

Quoi qu’il en soit du temps précis de la construction de l’aqueduc de Belleville, il a demandé de plus grandes dépenses que celui du Pré-Saint-Gervais : c’est un souterrain de cinq cents cinquante-trois toises de long, qui commence à un regard appelé le regard de la lanterne, situé dans le lieu le plus élevé du village de Belleville, et qui vient se terminer au bas de la montagne du Ménil-montant, au regard de la prise des eaux; cet aqueduc est construit de moellons bien choisis, avec des chaînes de pierre de distance en distance, et couvert de grandes dalles, et non en voûte ; il est plus élevé que l’aqueduc moderne d’Arcueil, ayant six pieds de hauteur sur quatre de large, et l’on y marche d’autant plus aisément que l’évier au milieu duquel l’eau coule, n’est point accompagné de banquettes des deux côtés, comme à l’aqueduc d’Arcueil : c’est dans cette longue voûte souterraine que viennent se rendre les eaux de différents regards qui sont construits dans toute la longueur de l’aqueduc. Il y a dans le premier regard de la lanterne, où il commence, une inscription faite sous le règne de Charles VII, qui nous apprend qu’en 1457 on fit des réparations à cet aqueduc qui tombait en ruine. Depuis 1457 on n’a point fait de réparation à l’aqueduc de Belleville qui me parut en bon état, lorsqu’en 1738 je le parcourus dans toute sa longueur ; ces eaux au reste étaient les moins bonnes de celles qu’on buvait à Paris, étant dures et plâtreuses ; aussi les a-t-on retranchées pour les faire aboutir au réservoir construit à la tête du grand égout, où elles coulent lorsqu’on veut le nettoyer.

Les deux aqueducs du Pré-Saint-Gervais et de Belleville, ont été, jusqu’à la reconstruction de l’aqueduc d’Arcueil, en 1624, la seule ressource des habitants de Paris dans la partie nommée la Ville ; on y comptait onze fontaines sous le règne de Charles VI, et l’on en ajouta six ou sept autres jusqu’au règne de François Ier ; c’est de ces fontaines que l’on avait, par des tuyaux, conduit de l’eau au Louvre, aux hôtels des Princes, et aux maisons des principaux seigneurs de la Cour. Il est étonnant que ces sources, qui n’ont jamais été fort abondantes, aient pu suffire aux besoins du grand nombre d’habitants qui demeuraient dans cette partie de la ville ; car, en 1741, ces deux aqueducs ne fournissaient que vingt-huit pouces d’eau, et l’année suivante ils n’en donnèrent que seize : ainsi, quand on supposerait que dans les siècles précédents ces sources auraient produit trente ou quarante pouces d’eau, il faut avouer que c’est une quantité d’eau bien médiocre pour servir aux besoins d’un peuple si nombreux (…).

Pierre-Nicolas Bonamy (1694-1770), “Mé­moi­re sur les aqueducs de Paris, comparés à ceux de l’ancienne Rome”, in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres depuis l’année MDCCLVIII jusques et compris l’année MDCCLX. Tome trentième. Paris, 1764.

19 septembre 2010

« Et sangloter d’extase les jets d’eau » (Verlaine, « Clair de lune », in Fêtes galantes)

Classé dans : Architecture, Littérature, Photographie — Miklos @ 22:35

D’un chat qui pêche, d’un puits qui parle, d’un Victor Hugo qui n’invective pas et d’autres curiosités parisiennes et australiennes

Classé dans : Histoire, Lieux, Littérature, Photographie — Miklos @ 20:22

Il y a encore à Paris quelques rues aux noms pittoresques. Mais elles ont tendance à disparaître, depuis que la nomenclature des voies est réglementée et donc contrôlée ; plus de place à la fantaisie, à l’imagination ou au hasard, maintenant c’est du sérieux : saints (du calendrier), illustres morts (de chez nous, principalement), victoires militaires (on n’a pas ici de Waterloo), quelques villes européennes dans le quartier du même nom, et s’il reste une rue des mauvais garçons, la rue pute-y-musse est passée par le politiquement correct de l’époque pour s’appeler rue du petit musc ; plus de rue de poil de con (devenue rue du pélican) ni celle des mauvaises paroles. Ainsi va le monde. Franklin (Alfred, par Roosevelt ni d’ailleurs Benjamin) l’avait constaté il y a plus d’un siècle :

L’originalité est devenue rare. Plus de ces enseignes qui renversaient, « par une barbare, pernicieuse et détestable orthographe, toute sorte de sens et de raison » ; plus de truie qui vole ou qui file, plus de chat qui pêche, plus de puits qui parle, plus d’âne qui joue de la vielle…

Alfred Franklin, La vie privée d’autrefois. Arts et métiers, modes, mœurs, usages des Parisiens du XVIIe au XVIIIe siècle, d’après des documents originaux ou inédits, Volume 25. Plon, 1901.

D’où provient le nom de cette petite rue, dont un tag en illustre le sens à l’intention des touristes non francophones ?

Quant à l’appellation de « Chat-qui-pêche », que cette petite voie a conservée jusqu’à nos jours, elle serait due à une légende selon laquelle il aurait existé, en ladite ruelle, un puits communiquant avec le petit bras de la Seine. Les chats du voisinage se donnaient, dit-on, rendez-vous dans ce puits, où le fleuve amenait quantité de petits poissons, et s’y livraient au plaisir de la pêche.

Cette légende enfantine peut être comparée à celle du « Puits qui parle ».

Si peu vraisemblable que soit le fait, il est resté dans la nomenclature de la voie parisienne, et sert encore aujourd’hui à dénommer la petite voie dont nous parlons.

Lazare-Maurice Tisserand, Topo­gra­phie historique du vieux Paris, 1897.

Quant à la rue du Puits-qui-Parle que mentionne Tisserand, parlons-en : elle s’appelle de nos jours Amyot, du nom de l’écrivain et évêque d’Auxerre Jacques Amyot.

La dénomination de celle-ci date de l’époque où la poule au pot du paysan préoccupait un roi de France, mais elle fut dite aussi du Châtaigner pendant les troubles de la Ligue et du Mûrier pendant ceux de la Fronde. Les basses-cours et les jardins n’y manquaient pas : aujourd’hui encore il en reste. Celle-là dut son nom, sous Henri III, à un puits et à son écho. On passe toujours devant le puits à l’angle des deux rues ; seulement il ne parle plus, il est bouché.

Charles Lefeuve, Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome IV. De la rue des Postes à l’Impasse des peintres. Paris, 1865

Né le 30 avril 1825 à Nantes, Lefeuve, l’auteur de cet ouvrage – monumental, on le verra plus loin – est désormais tombé dans l’oubli. Sortons-l’en quelque peu en reconnaissance pour nous avoir fourni ce pittoresque renseignement.

Voici d’abord ce qu’il dit de lui-même avec lucidité et humour, et qui donne déjà une petite idée du personnage :

On m’a demandé l’autre jour
Dix lignes de biographie
Au bas de ma photographie ;
Le vilain mot ! le vilain tour !
 
Les voici. La ville de Nantes,
À qui je n’en saurais vouloir,
M’a vu naître, sans s’émouvoir
De mes facultés étonnantes.
 
Et puis je suis devenu grand.
J’ai, sans paraître téméraire,
Juste la taille militaire ;
Mais en largeur c’est différent.
 
Mon histoire est assez banale,
Car c’est l’histoire de tous ceux
Qui prennent pour la capitale
Un passeport de paresseux.
 
J’aurais pu souffrir davantage.
Mais, de bonne heure, plein d’orgueil,
J’eus toujours le rare courage
De cacher les pleurs de mon œil.
 
Le principal étant de vivre,
Fidèle au : « Tel père, tel fils, »
Ma ressource devint le livre ;
Mon père en vendait, — moi j’en fis.
 
Ma verve fut vite étouffée
Sous le journal, rude fardeau ;
La servante chassa la fée,
L’article tua le rondeau.
 
Quinze ans d’un pareil exercice
Ne m’ont laissé que — la malice.
Je suis par la prose envahi ;
D’autres disent : Et par l’aï.
 
Entre les noms dont se contente
Avec grand’peine maint rimeur,
Il n’en est qu’un seul qui me tente :
Poëte de la bonne humeur.
 
Cela me suffit. Desbarolle
A lu dans ma main, cet été,
Quatre-vingt-dix ans de gaîté ;
Je veux l’en croire sur parole.

Cité par Eugène de Mirecourt, in Charles Monselet. Paris, 1867.

Quand il parle de sa largeur qui n’a rien de militaire, il n’exagère pas ; le célèbre Jules Clarétie le décrit ainsi : « On me montre un petit homme court, dodu, bedonnant, l’air gai, gras et fin, dont l’œil pétille derrière des lunettes. C’est Charles Monselet. ». C’est ainsi qu’il en parle dans la préface à Charles Monselet, sa vie, son œuvre par son fils, André Monselet, qui cite l’ami intime de son père, dont l’estime ne manquait pas de panache : « Quand je vous envoie un mot, à votre adresse du quai Voltaire, mon cher ami, lui disait devant nous Victor Hugo, j’ai toujours envie d’écrire : “A Monsieur Charles de Voltaire, quai Monselet.” »

Et voici ce que dit de lui de Mirecourt :

C’est un des plus joyeux et des plus charmants écrivains de ce siècle.

Viveur sans être grossier, doucement épicurien sans être ni matérialiste ni impie, — un extrait de Silène, de Falstaff et de Rabelais, avec des ailes de sylphe.

Assurément, ce n’est pas un littérateur irréprochable ; mais il voltige gaîment autour de la critique, la désarme par un trait d’esprit, par une de ces brusques et fines boutades dont il a le secret ; puis, une fois la verge à terre, il la ramasse, et en cingle l’échine du prochain.

C’est une originalité de plus.

Eugène de Mirecourt, op. cit.

Son œuvre fut très varié comme le suggère de Mirecourt, mais sont opus magnum est probablement le travail qu’il a effectué à propos des rues de Paris :

Un homme vient de mourir à Nice, un homme de lettes, Charles Lefeuve, qui s’était attelé seul à un labeur surhumain. Il avait entrepris d’écrire une à une, non seulement l’histoire de toutes les rues de Paris, , mais encore l’histoire de toutes les maisons. Vous figurez-vous une tâche semblable ? Piganiol de la Force, Sauval, Saint Foix, Dulaure, Mercier n’auraient pas osé la rêver. Et lui, l’humble Charles Lefeuve, isolé, sans prestige, sans antécédents littéraires, sans subvention de l’État, sans libraire autorisé, réduit à ses modiques ressources, l’a conçue, l’a commencée, l’a continuée, l’a menée à bonne fin. Cela lui a pris dix-sept années de sa vie.

Il a d’abord lancé sa publication par fascicules, sans ordre d’arrondissement ni de quartier, allant d’une rue à l’autre, au hasard de la plume, — quitte son œuvre terminée, à régulariser le tout par une table des matières.

Charles Monselet, De A à Z : portraits contemporains, 1888.

Au cas où vous douteriez de la capacité du chat de pêcher (après tout, ils aiment tellement le poisson – nous aussi d’ailleurs), voici une photo du Fishing cat (chat pêcheur ou chat viverrin) du zoo de Sydney. Quant à la truie qui vole ou qui file et à l’âne qui joue de la vielle, on y reviendra.

8 septembre 2010

Même avec les meilleurs intentions du monde…

Classé dans : Littérature, Éducation — Miklos @ 8:29

Le site Bac de français propose « tout gratuit pour réviser l’oral et l’écrit du bac de français 2011 ! », une pléthore de fiches sur des œuvres courtes ou longues, de prose ou en vers, des extraits avec présentation (La Peste en une ligne – on se croirait sur Tweeter –, ça donne « La Peste, de Albert Camus, est un roman écrit en 1947 dont le personnage principal est le docteur Rieux qui combat sans relâche l’épidémie qui ravage la ville d’Oran. »). Tout pour l’élève pressé comme un citron, et dans une optique généreuse de don, pas comme certains services payants, même si le résultat est le même : c’est quelqu’un d’autre qui fait le travail pour vous (c’est ce qui a dû arriver au chameau devenu ainsi dromadaire, en bossant moins).

Les fiches ne sont pas signés (comme dans Wikipedia, tiens ! à ce propos, lisez ceci), on ne peut savoir qui les a rédigées ni surtout son niveau de connaissance ou de compétence. Il semblerait que certaines aient été pondues par des élèves pour des élèves, ce qui suppose qu’ils en savent déjà autant que leurs supposés maîtres… cela en dit beaucoup sur l’éducation telle qu’elle se pratique, mais passons pour nous rendre sur la fiche consacrée au Curé et le mort de Jean de la Fontaine.

Le texte en question s’évertue à mettre en évidence « le comique du récit », mais il est involontairement très drôle, du fait que l’ironie du poète, qui se manifeste par une allusion littéraire, échappe totalement à l’auteur de l’article. Cette fable met en scène un curé qui « s’en allait gaiement enterrer » un mort, en se disant que ce serait une très bonne affaire, « tant en argent, et tant en cire, et tant en autres menus coûts ». Mais le corbillard verse, le curé est tué, et les deux morts « s’en vont de compagnie ».

Au cours du récit, La Fontaine décrit le regard avide du pasteur (au sens générique du terme) ainsi :

Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort,
Comme si l’on eût dû ravir ce trésor (…).

Le critique anonyme nous explique alors que :

La Fontaine se moque du curé en l’appelant Messire Jean Chouart au vers 18, ce qui relève du style héroïcomique : il donne une fausse importance au prêtre, ce qui va lui permettre de mieux le rabaisser.

Il (le critique) n’a pas dû lire Pantagruel de Rabelais (que La Fontaine ne devait pas ignorer)… Panurge y essaie par tous moyens de conquérir une des grandes dames de la ville. Il n’y va pas par quatre chemins pour lui indiquer ses intentions :

— Madame, ce serait bien fort utile à toute la république, délectable à vous, honnête à votre lignée, et à moi nécessaire que fussiez couverte de ma race ; et le croyez, car l’expérience vous le démontrera.

La dulcinée n’est pas convaincue, et le repousse à plus de cent lieues. Mais il revient à la charge, encore plus explicitement :

— Tenez (montrant sa longue braguette), voici maître Jean Chouart qui demande logis.

Vous voyez maintenant qui est réellement Jean Chouart, nom dont La Fontaine affuble son curé (dont le sort est de se casser la tête…) et Rabelais un certain attribut de Panurge (ailleurs il l’appelle Jean Jeudy) ? La « moquerie » de La Fontaine n’est pas tant dans l’emploi de « messire » – interprétation superficielle – mais du nom lui-même  pour le percevoir, il faut donc connaître ses classiques (ou, à défaut, tourner ses doigts sept fois sur les moteurs de recherche avant d’ecrire)…

Comme quoi, même si le don est une vertu en soi, il ne garantit en rien l’utilité du cadeau.

On a trouvé une autre explication dans un ouvrage publié près d’un siècle après le décès de La Fontaine (en 1695), et invoquant le témoignage d’une personne qui, vu son jeune âge à l’époque, n’aurait pu assister à la scène qu’il rapporte. Citons cette « historiette savoureuse », titre du passage dans l’almanach en question, tout en nous tenant à notre explication, encore plus savoureuse :

On tient cette historiette du célèbre abbé d’Olivet (1682-1768). (…) Le nom de ce curé Chouart n’est point inventé à plaisir. Il a réellement existé. Il était d’une famille très distinguée dans la Touraine, conseiller du Roi, docteur en théologie de la Faculté de Paris, curé de St. Germain le Vieux, doyen de MM. les curés de cette ville, ami de Boileau, de Racine, de Molière, de Chapelle, de La Fontaine, Un jour que ces hommes illustres s’égayaient à table avec quelques flacons de vin de Champagne, le sévère Despréaux prenant tout à coup un air grave, se mit à prêcher La Fontaine sur le scandale de sa séparation avec sa femme. Racine seconda Boileau avec cette éloquence douce et insinuante qui lui était si naturelle. « Eh bien ! Messieurs, dit l’admirable bonhomme, eh bien ! puisque vous le voulez, j’irai voir cette femme [pour me réconcilier avec elle, ce qu’il tenta de faire] ; elle dit pourtant que je fuis un malpropre. » M. le curé Chouart, qui était du nombre des convives, vint à la charge, et voulut à son tour sermonner La Fontaine ; mais celui-ci l’arrêtant tout court par un Tu quoque, mi Brute, le pria d’entonner un beau Gloria in excelsis. Pour l’intelligence de ce Gloria, il faut savoir que M. Chouart, à la messe de paroisse , après l’intonation du Gloria et du Credo , quittait l’autel et montait à son appartement pour attiser son feu et faire bouillir sa marmite. « Voilà de la besogne taillée pour vous, disait-il à ses chantres, n’allez pas si vite ». La Fontaine à son retour de Château-Thierry, fit pour se venger du curé la fable en question. Mail il faut rendre justice à la vérité :

Certaine nièce assez proprette
Et la chambrière paquette

ne doivent leur existence qu’à l’imagination du fabuliste qui les a malicieusement placées dans le presbytère du pasteur. Il est constant que notre bon curé n’eut jamais de domestiques mâles ni femelles. Une pauvre vendeuse d’herbes ouvrait la porte aux paroissiens qui avaient à faire à M. Chouart.

M. d’Aquin de Château-Lyon, Almanach littéraire, ou étrennes d’Apollon. 1787.

Ce texte, identique au mot près à l’exception de l’attribution à d’Olivet, est paru aussi dans L’esprit des journaux en 1775, signé par « Choquet, prêtre ».

Exercices de style (IV), ou, cherche et tu trouveras

Classé dans : Langue, Sciences, techniques — Miklos @ 0:47

Voici quelques-unes des questions posées à des moteurs de recherche qui ont mené vers ce blog (on s’est permis d’en corriger l’orthographe) et les réponses que nous proposons pour leur éviter d’aller chercher plus avant (ils pourront toutefois le faire grâce aux liens fournis dans le corps des réponses) et dont la concision permet de les copier-coller sans coup férir.

1.      Art de la conversation.
Les traditions dans ce domaine se perdent, c’est un fait que nous avons constaté. À la conversation classique on préfère dorénavant le chat (sauf les souris).

2.      Pourquoi on lit un livre ; pourquoi lire ; pourquoi lire et écrire.
On peut se le demander : lire un livre demande du temps (qui en a encore ?) et de la concentration ; heureusement qu’il y avait le Reader’s Digest et maintenant la Wikipedia. Quant à l’écriture, sans correcteur automatique, il y a de ces pièges à tous les coins de ligne ! Heureusement, on trouve depuis un certain temps des services en ligne qui le font pour vous. Et puis, d’ailleurs, qui lira ce que vous auriez écrit ? Ce n’est pas parce qu’un livre se vend comme des petits pains qu’il est lu, il est en général posé en évidence sur la petite table d’un salon cossu jusqu’à ce que un autre best seller le remplace, et il part alors, encore tout neuf, sur eBay, puis sur une autre table dans une cuisine, cette fois, puis…

3.      Pourquoi écrire des lettres et à qui ?
Écrire une lettre est tout un art. En fait, même deux : la calligraphie d’une part (comment écrire une belle lettre) et l’épistolaire de l’autre (comment écrire une belle lettre) – à ne pas confondre avec les belles-lettres, un troisième art. Et, selon le principe de l’art pour l’art, on ne le fait donc pour personne. Si l’on veut envoyer un vrai message à un destinataire, on se sert du courrier électronique ou des SMS.

4.      Où sont les putes à Budapest ? Putes en exercice ?
Voyons, il n’est pas nécessaire de partir jusqu’à Budapest pour en trouver ! À Paris, par exemple, il y a même une rue qui porte leur nom. À cause de la pénibilité de leur métier, celles en exercice (puisque vous vous y intéressez) pourront prendre leur retraite bien avant 62 ans, avec1 les pilotes d’aeronefs et les poinçonneurs des Lilas (qui n’ont d’ailleurs jamais poinçonné des lilas, on se demande bien ce qui les fatigue tellement).

5.      Votre colis est arrivé sur son site de distribution.
Ne vous réjouissez pas trop vite : cela ne veut pas dire du tout qu’il arrivera jusqu’à vous, ni rapidement, ni lentement. Parfois jamais, s’il s’agit d’un Colissimo.

6.      Histoire du loup et du renard.
C’est l’histoire d’un très jeune politicien aux dents très longues qui veut devenir le chef. Il prend exemple sur l’impétrant. D’abord il s’y prit mal, puis un peu mieux, puis bien, puis enfin il ne manqua rien. Maintenant qu’il y est arrivé, un autre jeune politicien aux dents très longues… Mais c’est une histoire si commune

7.      Drôles d’animaux. Vidéo accouplement dromadaire. Vidéo bruit dromadaire. Écouter un dromadaire pas content.
Le dromadaire est effectivement un drôle d’animal, il a un caractère de chameau même s’il n’en a qu’une bosse (et pourtant, ce n’est pas faute de bosser). Il a de quoi être mécontent quand on le filme au téléphone portable en train de s’accoupler et qu’on le mette sur YouTube, vous ne le seriez pas, vous ? Entre ça et le happy slapping, il n’y a qu’un crachat de différence !

8.      Comment dit-on glace en anglais ? Mots Inuit pour la neige et la glace.
En fait, ce mot est entré tel quel de diverses façons dans la langue anglaise, selon l’endroit où on la parle. Au Japon, c’est le prénom que l’on donne à la belle princesse défunte du Rocher de Monaco et héroïne du crime qui était presque parfait. Dans la cuisine américaine, demi-glace désigne une sauce brune hautement concentrée qui sert de base à d’autres sauces. Ou alors pensiez-vous à Philip Glass (encore un problème d’orthographe, je vois) ? Mais si c’est en inuit que vous cherchez, il y a bien plus de réponses.

9.      Conte Ah si j’étais Rothschild.
Conte de Rothschild ? C’était souvent un baron, il faut tâcher d’éviter certaines confusions. Mais si j’étais lui, je te donnerai (je peux vous tutoyer ?) mon frigidaire, mon armoire à cuillers, mon évier en fer et mon poêle à mazout, mon cire-godasses, mon repasse-limaces, mon tabouret-à-glace (cf. le point précédent) et mon chasse-filous ! La tourniquette à faire la vinaigrette, le ratatine-ordures et le coupe-friture2.

10.  L’autre côté du miroir, ou les nus de Lewis Carroll.
Vous confondez tout, petit voyeur : Lewis Carroll ne se cachait pas derrière un miroir sans tain pour regarder des petites filles prépubères légèrement vêtues, il ne faisait que les photographier innocemment par des jours de forte canicule. C’est l’une d’elles devenue grande, Alice, qui est passée derrière le miroir. Dans ce monde à l’envers, plus elle y avançait, plus elle reculait, et là-bas, c’est elle qui était habillée contrairement à Lewis Carroll (un peu comme sur le négatif de ses photos).

11.  Nudité homme entre homme gréco-romaine vidéo.
Au risque de vous décevoir, l’art de la vidéo n’avait pas encore été découvert chez les Grecs ou les Romains, même s’ils étaient assez découverts dans certaines circonstances. Les représentations des hommes (puisque vous posez la question à leur propos) ne nous sont parvenues que sous forme de statues, parfois copiées d’ailleurs (il n’y avait pas de droit d’auteur à l’époque : heureusement, c’est ce qui les a sauvées) ; ceux qui n’ont pas eu la chance de s’y voir rajouter une feuille de vigne (qui tenait comme par magie, le Velcro – ouch ! – n’ayant pas été encore découvert non plus) sous le dictat tardif de l’Église ont malheureusement souvent perdu leur Messire Jean Chouart (auquel la magie devait faire défaut).

12.  xnonkcacG.
Oups ! ce n’était pas dans cette case qu’il fallait taper votre mot de passe (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom, que ce soit à Paris, à Budapest ou à Tombouctou). Mais bon, on ne le dira à personne et on s’en servira comme mot de la fin de cette mini-série.

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1 Au même moment que. On ne suppute (vous avez l’esprit mal placé, vous…) pas qu’ils y partent (à la retraite) ensemble.

2 Boris Vian, La complainte du progrès.

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